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CHAPITRE VII
RECOMMANDATIONS
AUX ETATS MEMBRES RELATIVES AUX DOMAINES DANS
LESQUELS DOIVENT ETRE ADOPTEES DES MESURES POUR UNE STRICTE OBSERVATION
DES DROITS DE L'HOMME, CONFORMEMENT A LA DECLARATION AMERICAINE
DES DROITS ET DEVOIRS DE L'HOMME ET LA CONVENTION AMERICAINE
RELATIVE AUX DROITS DE L'HOMME
Conformément à son analyse et a son rapport sur le développement
des droits de l'homme dans les Etats membres de l'OEA, au cours de cette période
de présentation des rapports, et en prenant en compte les points
prioritaires qui en résultent, ainsi que ceux qui ont été précisés dans
le cadre régional, la Commission formule les RECOMMANDATIONS ci-après: 1.
Que les Etats membres adoptent des mesures faire progresser et pour
consolider l'administration de la justice dans leur système juridique.
Etant donné la fonction essentielle du pouvoir judiciaire pour que
chaque Etat membre se décharge de ses responsabilités en qui concerne le
respect et la protection des droits de l'homme relatifs aux personnes qui
sont sous sa juridiction, fonction qui est d'importance capitale dans une
société démocratique, la Commission recommande à ses Etats membres:
D'adopter les mesures nécessaires pour protéger l'intégrité et
l'indépendance des membres du pouvoir judiciaire dans l'exercice de leur
fonction et, concrètement, en ce qui à trait aux procédures relatives à
la violation des droits de l'homme; plus précisément, les juges doivent être
libres de prendre des décisions sur les questions dont ils ont à connaître,
sans être soumis à aucune sorte d'influence, d'instigations, de pressions,
de menaces ou d'ingérences directes ou indirectes quel qu'en soit le motif
ou l'origine.
Les Etats membres devront s'assurer que les avocats, les procureurs
et les défenseurs des droits de l'homme peuvent se décharger de toutes
leurs fonctions professionnelles sans intimidation, obstacles, harcèlement
ou ingérence indus. Toutes les
fois que la sécurité des avocats sera menacée, du fait de l'exercice de
leur fonction, les autorités devront leur offrir une protection adéquate.
Adopter les mesures requises pour garantir que toute violation des
droits de l'homme fera l'objet d'une enquête appropriée, complète et
impartiale et que les responsables seront inculpés et punis dans les règles.
Que conformément aux dispositions de l'article 2 de la Convention américaine,
les Etats membres veillent à ce que les personnes civiles accusées d'un
quelconque délit pénal, soient jugées par des tribunaux civils
ordinaires, qui offrent les garanties essentielles d'indépendance et
d'impartialité, et que la compétence des tribunaux militaires se limite
strictement à des délits de nature militaire.
2.
Que les Etats membres adoptent des mesures pour renforcer la compétence
des organes et du personnel chargés de l'application de la loi, pour qu'ils
puissent mener à bien leur mission qui est de maintenir la paix et
d'assurer la sécurité, en respectant pleinement les droits et les libertés
reconnus des citoyens.
L'application de la loi est une fonction élémentaire de l'Etat,
fonction qui, comme l'indique le mouvement de notre continent vers la
consolidation de la démocratie, est forcément subordonnée aux
institutions compétentes du gouvernement civil.
Bien que les structures publiques chargées d'appliquer la loi aient
évoluées dans certains cas pour s'adapter à la transition vers l'exercice
du pouvoir démocratique, la Commission est préoccupée par le fait que
dans certains pays, les personnes recrutées pour ce faire n'ont pas été sélectionnées
de manière adéquate et se voient confier des tâches pour lesquelles elles
n'ont pas été suffisamment préparée; les institutions ne disposent pas
des ressources humaines et matérielles requises pour se décharger de leurs
fonctions. La Commission
recommande donc aux Etats membres que leurs forces de police mettent en
pratique les normes des Nations Unies relatives à la conduite des
fonctionnaires chargés de faire respecter la loi.
La Commission est particulièrement préoccupée par la prolifération
des gardes de sécurité dans le secteur privé, gardes qui peuvent recourir
à des mesures requérant la force, sur instructions de leur employeur, et
qui peuvent accomplir leur tâche sans être suffisamment surveillés et réglementés
pars le secteur public. Par
conséquent, la Commission recommande que les Etats membres examinent les
normes qui régissent la prestation des services de sécurité au secteur
privé, ainsi que les systèmes chargés de les surveiller afin de déceler
les lacunes juridiques qui pourraient exister et y remédier; qu'ils
prennent des mesures pour garantir que la prestation de ces services, dans
la mesure ou la loi le permet, n'entre pas en conflit avec les devoirs du
secteur public et n'empiète pas sur les libertés individuelles. 3.
Que les Etats membres élaborent de nouvelles initiatives pour protéger
les droits de l'enfant, dont la condition et la vulnérabilité justifient
une protection spéciale afin de sauvegarder son développement.
L'article 19 de la Convention américaine et l'article VII de la Déclaration
américaine expriment le consensus qui existe dans le Continent, suivant
lequel les enfants ont droit à des mesures spéciales de protection. Les enfants des Amériques représentent la possibilité qu'à
l'avenir, notre région parvienne au régime de liberté personnelle et de
justice sociale, fondés sur le respect des droits fondamentaux de l'homme,
objectif fixé dans le préambule de la Convention américaine. La survie et le développement de l'enfant dans tout le
continent sont en danger par suite de la pauvreté et de l'exploitation.
Les besoins élémentaires de beaucoup d'enfants (besoins adéquats
en nourriture, vêtements, logement et éducation) ne sont pas satisfaits,
ce qui rend ces enfants vulnérables à d'autres types d'abus.
Les valeurs de notre société et de notre région se reflètent dans
le traitement qui est réservé à notre jeunesse; il faut accorder la
priorité aux intérêts de l'enfance, affecter les ressources adéquates et
prendre l'engagement nécessaire pour ce faire.
En tenant compte de ce qui précède, la Commission a recommandé
comme mesures fondamentales:
Que chacun des Etats membres mette en oeuvre des mesures concrètes
afin d'assurer que chaque enfant de sa juridiction aura accès à l'éducation
nécessaire pour son plein développement et la participation effective à
une société démocratique pluraliste.
L'éducation primaire doit être obligatoire et doit être à la porté
de tous car qu'elle sera gratuite. L'enseignement
secondaire doit être généralisé et accessible à tous, comme l'indique
le protocole de San Salvador, grâce à la mise en oeuvre progressive de
l'enseignement gratuit là où cet enseignement n'existe pas encore.
Que chaque Etat membre adopte les mesures législatives et
administratives, y compris les systèmes d'application et de surveillance
pour que, lorsque les mineurs de moins de 16 ans doivent travailler, ils le
fassent selon des impératifs d'aide et de résultats scolaires, qui soient
conformes à ce qui est stipulé dans l'article 7.f du protocole de San
Salvador, afin que soit respectée "l'interdiction du travail nocturne
ou des conditions insalubres ou dangereuses et, de manière générale, de
tout travail qui mette en danger la santé, la sécurité ou la morale des
mineurs de 18 ans". 4.
Que les Etats membres élaborent et diffusent des mesures en vue de
contrecarrer et d'éliminer la discrimination à l'encontre des femmes.
Etant donné que les Etats membres estiment qu'il est prioritaire
d'accroître la capacité de la femme à participer à la vie nationale de
manière pleine et égalitaire, en supprimant la discrimination dont elle
fait l'objet, discrimination qui constitue un obstacle au développement
social et économique de nos pays, et considérant que malgré d'importants
progrès, une discrimination de droit et de fait demeure à l'encontre de la
femme, la Commission recommande que:
Les Etats membres qui ont ratifié la Convention de Belém de Para,
prennent des mesures concrètes pour garantir le droit de la femme a une vie
libre de toute violence dans le monde public et privé, et libre de toute
forme de discrimination. Elle
recommande en outre que les Etats membres qui ne sont pas encore parties à
cette Convention: Antigua-et-Barbuda,
le Canada, la Grenade, Haïti, la Jamaïque, le Suriname et les Etats-Unis,
adoptent des mesures pour ratifier cet instrument régional novateur ou y
adhérer.
Les Etats membres qui ne l'ont pas encore fait, intègrent des
perspectives et des analyses tenant compte de la problématique homme-femme
dès la conception et la mise en oeuvre de politiques publiques; et que
Les Etats membres augmentent le nombre d'initiatives visant à accroître
le nombre des femmes à des postes publics pourvus par élection ou
nomination, et à mettre en relief la fonction de la femme lors de
l'adoption de décisions dans le domaine public.
Que les Etats membres qui n'ont pas encore répondu aux
questionnaires envoyés par la Commission, concernant l'étude du rapporteur
spécial sur les droits de la femme, le fassent dans les meilleurs délais.
5.
Que les Etats membres adoptent les mesures nécessaires tant sur le
plan interne qu'à travers les organes juridiques et politiques de l'OEA,
pour revoir la proposition relative à la "Déclaration interaméricaine
sur les droits de population autochtones" afin de parvenir un consensus
et d'adopter un instrument approprié lors de l'Assemblée générale de
1998, en commémoration du cinquantième anniversaire de l'Organisation des
Etats Américains et de la Déclaration américaine des droits et devoirs de
l'homme.
Etant donné que la CIDH a terminé la préparation d'une proposition
devant être soumise à l'Assemblée générale, concernant un instrument
juridique interaméricain sur les droits des populations autochtones, en
application de la recommandation de la Résolution AG/RES. 1022 (XIX-O/89) réitérée
dans les années ultérieures; après avoir eu un dialogue fructueux avec
les gouvernements, les experts gouvernementaux, les organisations et
communautés autochtones, l'Institut interaméricain des affaires indigènes
et les experts juridiques en ce qui concerne le projet de consultation
original, et après avoir révisé ce projet pour qu'il reflète, dans toute
la mesure du possible, les préoccupations de ces organismes ainsi que le
travail des Nations Unies dans ce domaine, comme il est recommandé dans la
résolution AG/RES. 1404 (XXVI-O/96); et étant donné que dans tous les
continents il est reconnu que les différentes cultures des populations
autochtones des Amériques forment une partie précieuse et irremplaçable
du patrimoine de la jeunesse, la Commission recommande que:
Les Etats membres, en s'appuyant sur la proposition qui a été préparée
après une large consultation par la CIDH adoptée, par celle-ci lors de sa
quatre-vingt quinzième Session, et incluse dans le chapitre IV de ce
rapport annuel, examinent le texte proposé au cours de leur prochaine réunion
qui aura lieu à Lima (Pérou) en 1997, et décident alors des démarches nécessaires
qui, avec l'intervention d'autres organes juridiques et politiques de
l'Organisation, permettront d'adopter une déclaration interaméricaine sur
les droits des populations autochtones lors de l'Assemblée générale de
1998, en commémoration du cinquantième anniversaire de l'OEA. 6.
Que les Etats membres constatent des efforts renouvelés à l'évaluation
des effets de la discrimination raciale, obstacle permanent qui empêche
certains individus dans différents pays de ce continent de jouir de leurs
droits de l'homme, et qu'ils constatent également des efforts à la
conception de mécanismes qui résoudraient ce problème de manière plus
responsable.
La discrimination raciale qui persiste dans beaucoup de pays de notre
continent est fondamentalement injuste et contrevient aux normes de base du
régime interaméricain des droits de l'homme.
Dans beaucoup de pays cependant, cette discrimination n'est pas
suffisamment documentée ou analysée pour pouvoir en saisir tout l'impact.
Le préjudice causé pour des considérations de race doit être
proscrit, non seulement comme une question de droit, mais aussi comme une
question de fait. Ainsi, il est
important que les Etats membres reconnaissent le tort que cause une telle
discrimination et qu'ils parviennent à y trouver une réponse adéquate, y
compris l'accès à la protection judiciaire.
La
Commission recommande que:
Les Etats membres revoient leur législation interne pour s'assurer
qu'aucune des dispositions qu'elle contient n'a pour effet de permettre ou
de perpétrer la discrimination raciale, et que la loi punit cette
discrimination et fournit la réponse et le recours appropriés lorsqu'elle
se produit.
Les Etats membres examineront la nature et la portée de l'action
judiciaire requise pour répondre aux requêtes concernant la discrimination
raciale, afin de remédier aux lacunes qui peuvent exister en matière de
protection et permettre qu'à travers le système judiciaire et
administratif en place, la discrimination raciale soit stoppée en offrant
des recours accessibles, simples, rapides et effectifs. 7.
Que les Etats membres adoptent des mesures nécessaires pour corriger
les conditions inhumaines qui existent dans les prisons et réduire le
nombre de détentions provisoires.
La Commission a étudié la situation des droits de l'homme dans les
établissements pénitentiaires du Continent et elle a établi des rapports
systématiques à ce sujet; dans beaucoup de nos pays, cette situation
continue d'être caractérisée, entre autres, par des conditions inhumaines
avec de détention, avec l'entassement des prisonniers dans des établissements
qui manquent d'espace et d'infrastructures de base; par les abus du
personnel chargé de surveiller les détenus; par une affectation
insuffisante de ressources humaines et matérielles et par le manque
d'installations séparées pour les accusés et les condamnés dans de
nombreux centres de détention. Parfois,
les accusés doivent attendre des années avant que leur culpabilité ou
leur innocence ne soit prononcée, ce qui constitue une grave injustice pour
ceux qui ont été privés de liberté pendant de longues périodes pour
s'entendre dire qu'ils sont innocents.
Ainsi, la Commission recommande que:
Les Etats membres adoptent les mesures appropriées pour fournir une
infrastructure adéquate dans les établissements pénitentiaires, donner
une formation adéquate aux gardiens, sanctionner les abus commis par le
personnel pénitentiaire, affecter des ressources humaines et matérielles
suffisantes, et séparer les accusés des condamnés.
Les Etats membres adoptent dans les meilleurs délais des mesures
visant à résoudre les retards de procédure au pénal qui sont un problème
chronique dans beaucoup de systèmes, et contribuent à l'entassement des détenus
dans les établissements pénitentiaires.
Améliorent les procédures judiciaires au pénal pour que les
jugements soient prononcés dans des délais raisonnables, protègent les
droits de l'accusé et ceux de la victime, et continuent d'être une priorité
essentielle au sein du système interaméricain.
8.
Que les Etats membres développent plus amplement les programmes de
formation pour les agents du secteur public, de manière à faire connaître
les normes pertinentes, interaméricaines et internationales, relatives aux
droits de l'homme.
Vu l'importance de "l'institutionnalisation" des droits de
l'homme dans le secteur public, la Commission recommande que:
Tous les Etats membres incluent dams la formation des fonctionnaires,
des cours sur les droits de l'homme et sur l'incidence que les obligations
relatives aux droits de l'homme devraient avoir sur l'exécution quotidienne
des fonctions publiques. Cette
formation devrait notamment être dispensée au personnel militaire, au
personnel chargé de faire respecter la loi, aux procureurs du ministère
public et au personnel du pouvoir judiciaire.
La Commission participe de temps à autre à des activités visant à
informer ce personnel des normes du système interaméricain des droits de
l'homme; elle continue d'être à la disposition des Etats membres pour
fournir cette assistance technique selon les besoins. 9.
Que les Etats membres s'assurent que les institutions nationales spécialement
chargées de la promotion et de la protection des droits de l'homme
disposent des ressources et de l'appui nécessaires pour accomplir leur
mission.
Considérant que chaque Etat membre est le garant fondamental des
droits de l'homme sur son territoire,
la Commission constate avec plaisir la création d'institutions nationales
et locales, nouvelles et spécialisées, responsables de l'encouragement et
de la protection des droits de l'homme.
Chacun des systèmes internationaux, régionaux et nationaux des
droits de l'homme a un rôle à jouer dans l'encouragement et la protection
des droits de l'homme. En dernière
analyse, dans une société démocratique, l'Etat est toujours le garant des
droits de l'homme pour les personnes qui relèvent de sa juridiction, devoir
dont ils s'acquitte par le biais des garanties législatives, judiciaires et
administratives. La Commission
prie donc instamment les Etats membres de fournir à ces institutions les
ressources et l'appui dont elles ont besoin, et elle leur lance un appel spécial
pour qu'ils fassent progresser la connaissance des droits de l'homme dans
leur territoire. La Commission
est à la disposition des Etats membres pour leur fournir le matériel et
l'assistance technique dont ils pourraient avoir besoin pour ce faire. 10.
Que les Etats membres qui n'ont pas encore ratifié la Convention américaine
relative aux droits de l'homme, ou qui n'y ont pas encore adhéré, prennent
les mesures nécessaires pour ce faire. La Commission prie instamment les dix Etat membres qui ne sont pas parties à la Convention relative aux droits de l'homme: Antigua-et-Barbuda, les Bahamas, Belize, le Canada, Cuba, les Etats-Unis, le Guyana, Saint-Vincent-et-Grenadines, St Kitts et Nevis et Sainte-Lucie de prendre les mesures nécessaires pour ratifier cet instrument fondamental de notre système interaméricain des droits de l'homme, ou pour y adhérer, consolidant ainsi le système dans un cadre juridique unitaire. La Commission exhorte notamment les Etats membres qui ont démarré des processus de consultation interne nécessaires dans ce sens, à poursuivre leurs efforts pour parvenir à cet objectif essentiel. 11.
Que les Etats parties à la Convention américaine, qui n'ont pas
encore accepté la compétence obligatoire de la Cour interaméricaine des
droits de l'homme, l'acceptent.
La Commission recommande aux huit Etat parties à la Convention américaine,
qui n'ont pas encore accepté la compétence contentieuse obligatoire de la
Cour interaméricaine des droits de l'homme:
la Barbade, le Brésil, la Dominique, Grenade, Haïti, la Jamaïque,
le Mexique et la République dominicaine, d'adopter les mesures nécessaires
pour déclarer, conformément aux dispositions de l'article 62, qu'ils
acceptent cette compétence de la Cour. 12.
Que les Etats membres de l'OEA qui n'ont toujours pas ratifié les
traités du système interaméricain des droits de l'homme, ou qui n'y ont
pas adhéré, prennent les mesures pour ce faire.
La Commission prie instamment les Etats membres qui ne sont pas
encore parties aux instruments suivants adoptent les mesures nécessaires
dans ce sens:
Protocole additionnel à la Convention américaine aux droits de
l'homme, traitant des droits économiques, sociaux et culturels;
Protocole additionnel relatif à l'abolition de la peine de mort;
Convention interaméricaine pour la prévention et la répression de
la torture;
Convention interaméricaine sur la disparition forcée de personnes;
Convention interaméricaine pour la prévision, la sanction et l'élimination
de la violence contre la femme.
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