ANNUAL REPORT 2010

 

CHAPITRE V

 

RAPPORT DE SUIVI SUR LA SITUATION DES DROITS DE LA PERSONNE EN HAÏTI

 

 

I.                    INTRODUCTION

 

1.                  Le présent rapport a pour but d’assurer le suivi des recommandations émises par la Commission interaméricaine des droits de l’homme (ci-après « la Commission interaméricaine » ou « la CIDH ») dans son rapport sur « Le droit des femmes de vivre libre de violence et de discrimination en Haïti » du 10 mars 2009 (ci-après « le Rapport de 2009 »), les « Observations de la Commission interaméricaine des droits de l’homme à l’issue de sa visite en avril 2007 en Haïti », publiées le 2 mars 2008 (ci-après les « Observations de 2008 »), ainsi que dans le Chapitre IV du Rapport Annuel 2009 de la Commission interaméricaine des droits de l’homme (ci-après « le Chapitre IV »). La République d’Haïti (ci-après « l’État » ou « Haïti ») a fait l’objet d’une attention particulière de la part de la Commission interaméricaine pendant toute l’année 2010. La CIDH prend note de plusieurs signes de progrès accomplis par Haïti avant le séisme dévastateur qui a frappé le pays le 12 janvier 2010. Suite à cette catastrophe sans précédents, de nouveaux problèmes d’une nature exceptionnelle sont venus s’ajouter aux défis préexistants. C’est pourquoi, compte tenu de la situation spéciale que traverse Haïti, la CIDH a décidé d’analyser la situation des droits de la personne dans ce pays en assurant le suivi conjoint du Rapport de 2009 et des Observations de 2008.

 

2.                  Dans le rapport de 2009, la Commission a analysé la situation de discrimination et de violence que vivent les femmes en Haïti et les réponses législatives, institutionnelles et judiciaires à ces problèmes. Elle indique également dans ce rapport que, s’il est vrai que la situation en matière de sécurité publique s’était améliorée à partir de 2007 du fait de la stabilisation de la situation politique du pays, elle a continué à recevoir des informations sur la persistance d’actes de violence physique, sexuelle et psychologique ainsi que d’actes de discrimination à l’encontre des femmes haïtiennes. À cet égard, le Rapport de 2009 signale que les actes de violence perpétrés contre les femmes constituent une manifestation particulièrement grave et extrême du traitement discriminatoire dont sont victimes les femmes haïtiennes. Il établit également que le fait de tolérer cette discrimination au sein de la société perpétue un climat d’impunité et incite à ce qu’elle se répète. Enfin, la CIDH indique dans le Rapport de 2009 que ce qui la préoccupe le plus ce sont les faiblesses qui ont été identifiées dans le système judiciaire haïtien. À cet égard, le rapport fait remarquer avec préoccupation que la plupart des affaires de violence contre les femmes n’ont jamais fait l’objet d’une enquête formelle, ni d’un procès ni d’une sanction, ce qui constitue un régime d’impunité systématique. Les recommandations formulées visent l’élaboration, par l’État haïtien, d’une politique nationale qui tienne compte des modalités existantes en matière de violence et de discrimination contre les femmes ainsi que l’incorporation des besoins particuliers des femmes dans l’agenda national.

 

3.                  Les Observations de 2008 ont été publiées à l’issue d’une visite que la CIDH a réalisée du 16 au 20 avril 2007 en Haïti. Cette visite avait pour but de recueillir des informations sur la situation des droits de la personne en Haïti, en particulier sur la situation de l’administration de la justice et sur la situation des femmes, des enfants et des adolescents, entre autres. Ces Observations ont mis en lumière les principaux domaines de préoccupation de la Commission interaméricaine concernant la stabilité à long terme en Haïti, c'est-à-dire la nécessité de mettre au point une stratégie exhaustive de nature à aborder les causes profondes des crimes violents et des activités de la criminalité organisée ou des gangs, la nécessité d’allouer des ressources permettant d’exécuter sur le long terme la réforme du système judiciaire et d’adopter des mesures propres à remédier aux faiblesses de l’administration de la justice ainsi que la nécessité de mettre en place des programmes ayant pour but de dispenser des services sociaux de base afin de satisfaire les besoins fondamentaux de la population haïtienne et faire face notamment aux graves limitations en matière d’accès à un logement adéquat, à l’eau potable, à la santé, à l’éducation et à l’emploi. Les recommandations formulées à l’intention de l’État haïtien visent, entre autres, l’adoption de mesures de diverse nature dans le domaine de la sécurité publique, du système judiciaire et pénitentiaire ainsi que l’adoption de politiques publiques qui prennent en considération les besoins particuliers des femmes et reconnaissent leur droit à vivre sans violence et sans discrimination.

 

4.                  Dans le Chapitre IV la CIDH a noté que l’année 2009 a été caractérisée par une stabilité relative en Haïti et une amélioration générale dans la situation de sécurité. En dépit des avances spécifiques identifiées, la CIDH a manifesté sa préoccupation face à la suite des problèmes qu’elle a observés au cours des années précédentes, entre autres, en matière d’administration de la justice et d’impunité. En particulière, la Commission a souligné que le manque d’un système de justice effectif, la prévalence de la corruption et un manque important de ressources financières et humaines contribuent tous à la création d’un environnement d’impunité générale qui affecte la capacité de l’État de garantir et de respecter les droits fondamentaux de ses habitants. Dans ce sens la Commission a accentué l’importance d’élaborer une stratégie et une politique de réforme à long terme pour traiter les faiblesses structurelles et législatives dans ces domaines. Enfin, la Commission a recommandé que la République d’Haïti prenne les mesures pour assurer, entre autres, que les tribunaux soient en mesure d’assumer leur rôle, en particulier le devoir d’enquêter, de poursuivre et de punir les personnes responsables de violations de droits de la personne ; et que la prévention et la punition des crimes violents et renforcer les mécanismes de responsabilisation afin de tenir efficacement les contrevenants responsables de leurs crimes.

 

5.                  Le 30 novembre 2010, la CIDH a demandé des informations à l’État haïtien sur les mesures adoptées afin de mettre en application les recommandations figurant dans le Rapport de 2009 et dans les Observations de 2008.  De même, la version préliminaire du présent rapport a été acheminée à la République d’Haïti le 11 février 2011 accompagnée de la requête que cette dernière soumette les observations qu’elle estimera pertinentes avant le 1 mars 2011.  Au moment de la publication du présent Rapport Annuel, la Commission n’a pas encore reçue les réponses aux demandes adressées à l’Etat.

 

6.                  La Commission interaméricaine mentionnera brièvement les principaux événements survenus en Haïti en 2010. À cause de la situation d’urgence qu’a connue Haïti en 2010 et des défis qu’implique le processus de reconstruction, la Commission ne se livrera pas à une analyse détaillée de l’état d’avancement de la mise en application de chaque recommandation ; elle se concentrera plutôt sur quelques thèmes pertinents qui ont fait l’objet d’un suivi spécial de sa part.  Comme cela sera précisé dans les sections qui leur sont consacrées, ces thèmes sont liés à plusieurs recommandations formulées dans le Rapport de 2009, dans les Observations de 2008 et dans le Chapitre IV. Les informations utilisées dans ce chapitre ont été obtenues de différentes sources, dont, entre autres, des organismes des Nations Unies, des articles écrits par des universitaires, des rapports d’organismes internationaux et de la société civile et des articles de presse. La CIDH espère que les conclusions et les recommandations contenues dans ce rapport aideront l’État haïtien et la communauté internationale à identifier des solutions appropriées et efficaces lorsqu’ils aborderont certaines problématiques actuelles.

 

7.                  Enfin, la CIDH réitère qu’elle se tient à la disposition des autorités haïtiennes et de la communauté internationale afin de collaborer, dans le cadre de ses attributions, aux initiatives qui seront mises en œuvre pour surmonter la situation critique que vit actuellement la population de cet État membre de l’OEA[1].  La Commission interaméricaine reconnaît les efforts réalisés par le Gouvernement haïtien face à la situation d’urgence causée par le tremblement de terre sans précédents de janvier  2010. Elle est également consciente du rôle fondamental que joue la communauté internationale, par l’intermédiaire de la Commission intérimaire pour la reconstruction d’Haïti et d’autres organismes internationaux, pour que les obligations internationales en matière de droits de la personne soient respectées pendant le processus de reconstruction.  

 

II.                  PRINCIPAUX ÉVÉNEMENTS SURVENUS EN HAÏTI EN 2010

 

-           Conséquences humaines et économiques du tremblement de terre

 

8.                  Le tremblement de terre de magnitude 7 sur l’échelle de Richter qui a ravagé Haïti le 12 janvier 2010 a touché 3,5 millions de personnes, soit un tiers de la population. La ville de Léogâne, épicentre du séisme, située à 25 kilomètres de Port-au-Prince, a été détruite à 90%. Le tremblement de terre a été suivi de plus de 50 répliques, et selon des chiffres fournis par l’État haïtien, a causé la mort de 222.570 personnes, en a blessé 300.572 et a laissé sans un logement 2,3 millions d’Haïtiens[2].  On estime qu’en décembre 2010 il y avait encore en Haïti plus de mille camps de déplacés internes (ci-après « les CDI » ou « les camps »), situés pour la plupart à Port-au-Prince, qui abritent quelque 1,4 million de personnes. Les conséquences du séisme sur la situation des droits de la personne seront abordées dans les sections suivantes de ce chapitre. Par ailleurs, on estime que les pertes économiques s’élèvent à 7,8 milliards de dollars, ce qui représente plus de 120% du produit intérieur brut (PIB) de 2009 d’Haïti. Selon l’État haïtien, 60% des infrastructures gouvernementales, administratives et économiques ont été détruites, y compris le Parlement, le Palais de justice et plusieurs tribunaux[3].

 

-           Processus de reconstruction

 

9.                  Pour faire face à la grave crise humanitaire, l’État a élaboré un Plan d’action pour la reconstruction et le développement d’Haïti.  À cet égard, il a estimé que le pays aurait besoin de 3,9 milliards de dollars pour les 18 mois suivants et de 11,5 milliards de dollars pour la reconstruction à long terme. Les Nations Unies et les États-Unis d’Amérique, en coopération avec le Gouvernement haïtien et avec le soutien du Brésil, du Canada, de l’Union Européenne, de la France et de l’Espagne, ont organisé une conférence internationale de donateurs intitulée « Vers un meilleur avenir pour Haïti », qui s’est tenue le 31 mars 2010, au siège des Nations Unies, à New York. Cette conférence avait pour objectif de mobiliser la communauté internationale afin de parvenir à un engagement financier permettant de jeter  les bases d’une reconstruction à long terme. À la fin de la conférence, des promesses de dons s’élevant à US$ 5,3 milliards pour les 18 mois suivants ont été faites[4].  Pour ce qui est des sommes qui ont été effectivement décaissées pour les activités de reconstruction, selon des informations datant de novembre 2010, les 24 principaux donateurs avaient décaissé 42,3% du montant promis pour 2010[5].  D’autre part, en décembre 2010, les promesses de dons à long terme avaient dépassé US$ 10 milliards[6].

 

10.              Dans le cadre du processus de reconstruction, a été créée, par le décret présidentiel en date du 21 avril 2010, la Commission intérimaire pour la reconstruction d’Haïti (« la CIRH » ou « la Commission intérimaire »).  Composée de fonctionnaires haïtiens et de membres de la communauté internationale, coprésidée par le Premier ministre d’Haïti, Jean-Max Bellerive, et par l’ancien Président des États-Unis, William « Bill » Clinton, la Commission intérimaire a un mandat de 18 mois. Un représentant de l’Organisation des États Américains est parmi les membres qui n’ont pas le droit de vote. La mission de cette Commission est de coordonner et de superviser les initiatives de reconstruction. Ainsi, elle doit surveiller la stratégie, la coordination et la mise en œuvre des plans de développement et gérer les fonds versés par les différents donateurs[7].  D’autre part, lorsque le mandat de la Commission intérimaire prendra fin le 21 octobre 2011, ses fonctions seront transférées à l’Agence haïtienne de développement, composée uniquement de fonctionnaires haïtiens, qui continuera, sur le long terme, à élaborer la planification et à appuyer la reconstruction et le développement du pays.

 

11.              Enfin, il convient de souligner que la coopération internationale a été organisée, en Haïti, sur le modèle de l’approche de responsabilité sectorielle ou cluster approach[8].  Selon ce modèle, plusieurs clusters ou groupes spécialisés dans différents domaines ont été établis, notamment dans les domaines de la nutrition, de l’éducation, des camps, de l’eau, de l’assainissement et de l’hygiène. De même, dans certains de ces domaines des sous-groupes ou « sub clusters » ont été créés.

 

-           Les élections

 

12.              Les élections législatives qui devaient avoir lieu le 28 février et le 3 mars 2010 pour renouveler un tiers des sièges du Sénat et de la Chambre des députés, respectivement, ont été suspendues et reprogrammées au 28 novembre 2010, date à laquelle ont eu lieu l’élection présidentielle et les élections législatives. Conformément à ce qui est prévu au moment où ce rapport est rédigé, le deuxième tour des élections aura lieu le 16 janvier 2011 et le nouveau gouvernement entrera en fonction le 7 février 2011. Le Conseil électoral provisoire (« CEP »), composé de neuf membres qui représentent différents secteurs de la société haïtienne, est l’organe chargé de l’organisation des élections. De même, le Programme d’universalisation de l’établissement de l’identité civile des Amériques, projet mis en œuvre par l’OEA en Haïti, a eu pour objectif de perfectionner le système numérisé de registre de l’état civil afin de normaliser la situation provoquée par l’effondrement des bureaux publics et la perte des cartes d’identité pendant le séisme.

 

13.              De concert avec la CARICOM, l’OEA a déployé une mission d’observation des élections conjointe (« MOEC ») à partir du 3 août 2010, composée de plus de 175 observateurs, qui ont couvert les 10 départements du pays[9].  Conformément aux prévisions, la mission restera en Haïti jusqu’à l’annonce des résultats définitifs des élections. Le Secrétaire général adjoint de l’OEA, Albert R. Ramdin, dans la déclaration qu’il a faite à propos de sa visite en Haïti pendant les élections, a pris note des dénonciations de fraudes réalisées par plusieurs candidats à la Présidence et de leur demande d’annulation des élections. Il a souligné que pour demander que ces contestations et ces objections fassent l’objet d’une enquête sérieuse et urgente il fallait respecter les lois et les procédures électorales prévues dans la législation haïtienne. Le Secrétaire général adjoint a également lancé un appel aux candidats politiques pour leur demander de promouvoir la paix et la stabilité lors du deuxième tour du processus électoral haïtien[10].  D’autre part, le Secrétaire général de l’OEA, José Miguel Insulza, a appuyé la validation des élections[11].

 

14.              Le 3 décembre 2010, le CEP a tenu une réunion avec les candidats à la Présidence. Il a reconnu les irrégularités, les défaillances en matière d’organisation et les incidents de vandalisme et de violence qui se sont produits le jour des élections. Il s’est également engagé à appliquer les mesures correctives nécessaires pour le deuxième tour des élections[12].  Ultérieurement, le 6 décembre 2010, la MOEC a fait savoir qu’elle observait la réception, le traitement et la vérification des procès-verbaux des résultats de l’élection du 28 novembre. Elle a également indiqué que le traitement et la vérification des procès-verbaux permettent d’identifier et de combattre la fraude électorale afin d’obtenir des résultats qui soient l’expression de la volonté populaire. Elle a signalé par ailleurs qu’elle continuera à suivre de près les phases suivantes du processus électoral, y compris la période de contestation des résultats préliminaires. Enfin, la mission a lancé un appel aux candidats et aux partis politiques pour qu’ils exercent leur droit de contestation d’une manière pacifique, dans le cadre établi par la Loi électorale qui prévoit des recours légaux pour ceux qui ont des revendications concernant les résultats[13].

 

-           Nouvelle crise humanitaire

 

15.              En outre, après le séisme dévastateur, Haïti a été touchée par un ouragan et par une épidémie de choléra. Le 5 novembre 2010, l’ouragan Tomas a traversé l’Ouest de l’île, provoquant des pluies tropicales et des orages, avec des vents atteignant 130 km/h. Selon des chiffres fournis par le Gouvernement haïtien, il aurait causé la mort de huit personnes, plusieurs camps de déplacés internes ont été touchés par de fortes inondations et plus de 16.000 personnes ont été évacuées volontairement. Ces inondations auraient également accéléré la contagion de l’épidémie de choléra qui s’est déclarée à la fin du mois d’octobre 2010. Les chiffres des Nations Unies indiquent, qu’à la date du 24 novembre  2010, elle avait causé 2.000 décès et 70.000 cas avaient été diagnostiqués.  Selon l’Organisation panaméricaine de la santé, les cas de choléra pourraient s’élever à 200.000 en février 2011. Le fait que 58% de la population n’ait pas accès à de l’eau potable rend la situation encore plus critique.  

 

16.              À cette situation d’extrême vulnérabilité, sont venues s’ajouter les manifestations contre la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH) qui ont débuté le 15 novembre 2010 au Cap-Haïtien, l’une des villes les plus touchées par l’épidémie et qui se sont ensuite propagées à d’autres villes, dont Port-au-Prince. Deux personnes au moins auraient été tuées et 16 auraient été blessées. Par ailleurs, des manifestants auraient bloqué des routes, des ponts et des aéroports, empêchant ainsi des milliers de personnes affectées par l’épidémie d’avoir accès à des soins médicaux et de santé. En outre, après la publication des résultats préliminaires des élections présidentielles, des milliers de personnes sont descendues dans les rues pour manifester contre les résultats annoncés par le CEP et exiger l’annulation du scrutin. Selon plusieurs articles de presse, les manifestants ont dressé des barricades, brûlé des pneus et des affrontements avec les forces de paix de l’ONU se sont produits, ce qui a entraîné la fermeture de l’aéroport international d’Haïti.

 

-           Réponse du Système interaméricain des droits de la personne

 

17.              Le 14 janvier 2010, la CIDH a émis le communiqué nº 4/10 où elle exprimait sa solidarité avec Haïti face à la crise que connaissait ce pays du fait du tremblement de terre et de ses conséquences. De même, le 2 février 2010, elle a publié le communiqué nº 11/10 dans lequel elle rappelait l’importance de respecter en toutes circonstances les obligations internationales en matière de droits de la personne, en particulier les droits inaliénables et ceux des personnes les plus vulnérables. La Commission interaméricaine a également lancé un appel au Gouvernement haïtien et à la communauté internationale pour qu’ils s’efforcent de contrôler les actions des forces de sécurité privées et de veiller à ce que les droits de la personne soient respectés à tout moment. Enfin, elle a souligné l’importance de concentrer les efforts sur la réunification familiale.

 

18.              Compte tenu de la grave situation qui prévalait après le séisme, le Secrétariat exécutif de la CIDH a décidé de suspendre les délais de la démarche des pétitions et cas individuels pendant six mois. Tel qu’indiqué dans les sections correspondantes du présent Rapport Annuel, la CIDH a continué de traiter normalement les demandes de mesures conservatoires et de tenir des audiences thématiques. En juillet 2010, le Secrétariat exécutif a levé la suspension des délais susmentionnés. De même, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a décidé de suspendre pendant toute l’année 2010 l’instruction de l’affaire Lysias Fleury et sa famille dont elle avait été saisie le 5 août 2009. La Cour interaméricaine prendra une décision quant à la manière dont elle reprendra l’instruction de l’affaire à sa première session de l’année 2011[14].  Dans le même esprit, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a décidé de suspendre l’examen périodique universel de l’État haïtien qui était initialement programmé au mois de mai 2010 et a fixé comme nouvelle date le 13 octobre 2011[15].

 

19.              Enfin, comme elle l’indique dans la section suivante, la Commission interaméricaine a abordé la situation des droits de la personne en Haïti après le séisme en ayant recours à différents mécanismes et à différentes approches.

 

III.         SITUATION DANS LES CAMPS DE DÉPLACÉS INTERNES

 

            A.         Situation générale

 

20.              La CIDH a reçu des informations préoccupantes sur les graves conditions de vie et l’insécurité dans les camps de déplacés internes. Comme elle l’a indiqué dans la section précédente, le tremblement de terre a fait quelque 2,3 millions de sans-abris ; en décembre 2010, on estimait qu’il y avait plus de mille camps, la plupart à caractère spontané, qui abritaient environ 1,4 million de personnes. Selon les informations reçues, les besoins les plus élémentaires de centaines de milliers de personnes déplacées, notamment en eau, en aliments et en soins médicaux, ne sont pas satisfaits.  

 

21.              D’après une mission réalisée par des organisations non gouvernementales internationales et locales, plus d’un mois après le séisme[16], la plupart des survivants n’avaient pas reçu l’aide minimale dont ils avaient besoin pour satisfaire leurs besoins les plus élémentaires. Les organisations ont constaté, entre autres, que la distribution d’aliments était sporadique et apparemment arbitraire ; que moins d’un quart des personnes déplacées disposaient d’un type quelconque d’abri fermé et imperméable ; que les conditions sanitaires étaient déplorables ; qu’il n’y avait aucun plan pour permettre aux résidents de parvenir à l’autosuffisance. Elles ont également constaté que l’aide humanitaire était distribuée selon des mécanismes conçus en dehors des camps, sans la moindre consultation des personnes déplacées. 

 

22.              Le Représentant du Secrétaire général pour les droits de l’homme des personnes  déplacées dans leur propre pays, Walter Kaelin, à l’issue d’une visite réalisée en septembre 2010, a constaté que, neuf mois après le tremblement de terre, Haïti connaissait encore une crise humanitaire profonde qui avait une incidence négative sur les droits de la personne de la population déplacée. Monsieur Kaelin a souligné le droit de ces personnes à rentrer dans leurs foyers, comme l’établissent les Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays.  Il a indiqué toutefois que, dans les cas où cela s’avèrerait impossible, on peut envisager la réinstallation volontaire ou l’intégration sur place, à condition de leur assurer des moyens de subsistance et l’accès aux services de base. Pendant sa visite, le Représentant a également observé que la situation des personnes qui vivent en dehors des camps était moins visible mais tout aussi grave.[17]

 

23.              Pendant l’année 2010, la CIDH a assuré un suivi spécial de la grave situation dans les camps de déplacés internes en Haïti. Comme elle le mentionnera plus loin, la Commission interaméricaine a abordé la question en utilisant divers mécanismes dans le cadre de ses attributions : tenue d’audiences thématiques, octroi de mesures conservatoires, demandes d’information conformément aux facultés visées à l’article 41 de la Convention américaine et communiqués de presse. À cet égard, la CIDH, pendant sa 140ème session ordinaire, a tenu trois audiences thématiques sur la situation des droits de la personne en Haïti, pendant lesquelles il a été fait référence à la situation dans les camps[18].  Les organisations ayant participé aux missions d’observation réalisées en Haïti ont présenté leurs conclusions. Ainsi, elles ont indiqué que les personnes déplacées sont dans une situation d’extrême vulnérabilité. Parmi les carences constatées dans différents camps, les organisations ont cité les conditions insalubres, les odeurs nauséabondes et le surpeuplement, ce qui contribuerait à la transmission de maladies. Elles ont également signalé que la plupart des personnes ne disposaient que d’une bâche comme unique moyen de protection.

 

B.         Situation de violence contre les femmes et les filles

 

24.              La Commission interaméricaine, aussi bien dans ses Observations de 2008 que dans son rapport ultérieur du 10 mars 2009 sur « Le droit des femmes de vivre libres de violence et de discrimination en Haïti »[19], où elle a exprimé et réitéré sa préoccupation devant la grave situation de violence et de discrimination généralisée et systématique dont souffrent les femmes haïtiennes et le peu de réponse de l’État à ces problèmes, ce qui, à son tour, perpétue un climat d’impunité de ces actes et encourage leur répétition. Ladite situation d’impunité a également été mentionnée par la Commission dans le Chapitre IV.

 

25.              La CIDH a indiqué qu’en Haïti la discrimination à l’égard des femmes est un phénomène étendu et toléré, qui repose sur des concepts stéréotypés de l’infériorité et de la subordination des femmes, lesquels continuent à être enracinés dans la culture du pays. Cette situation, à laquelle viennent s’ajouter les conséquences civiles, politiques, économiques et sociales de ces handicaps, les exposent à des abus physiques, sexuels et psychologiques aussi bien dans les espaces publics que privés.

 

26.              En effet, la Commission interaméricaine a signalé que la situation des femmes et des filles étaient particulièrement préoccupante étant donné le nombre croissant d’actes de violence sexuelle perpétrés contre celles-ci depuis le début de l’année 2004 et qui sont commis, pour la plupart, par des groupes armés ou par des gangs. C’est pourquoi la CIDH a estimé qu’il était nécessaire d’adopter des mesures urgentes destinées à dispenser des services juridiques, médicaux et d’autres services appropriés aux femmes et aux filles qui en sont victimes afin de veiller à ce que leur droit à vivre sans violence et sans discrimination soit dûment garanti par le régime juridique. La Commission interaméricaine a également formulé une série de recommandations visant à améliorer la situation des femmes et des filles en Haïti, notamment l’adoption d’une législation qui les protège comme il se doit contre les actes de discrimination et toutes les formes de violence dans les espaces privés et publics, la mise en place de services juridiques, l’élaboration de programmes éducatifs à l’intention du public et l’adoption de politiques publiques et de programmes destinés à modifier les stéréotypes relatifs au rôle des femmes au sein de la société.

 

27.              De manière toute particulière, la CIDH a signalé, dans son Rapport de 2009, qu’en Haïti les problèmes de discrimination et de violence contre les femmes sont interconnectés et impliquent un ensemble extrêmement complexe de facteurs sociaux, culturels et économiques qui exigent des solutions exhaustives et multidisciplinaires qui ne peuvent être ajournées plus longtemps. De même, conformément aux engagements pris par l’État haïtien en matière de droits de la personne, celui-ci est tenu d’exercer une diligence raisonnable afin de prévenir, punir et éliminer la discrimination et la violence contre les femmes qui existent de manière généralisée en Haïti. À cette fin, la Commission interaméricaine a focalisé ses recommandations sur la conception et la mise en application, par l’État, d’une politique nationale, assortie d’une approche multisectorielle, qui prenne en considération les formes de discrimination et de violence exercées contre les femmes haïtiennes, aussi bien en périodes de paix qu’en périodes d’instabilité politique, afin de progresser dans le diagnostic et la prévention de ces problèmes ainsi que dans les réponses à y apporter et sur l’incorporation des besoins des femmes dans l’agenda national. En outre, elle a recommandé l’adoption de mesures urgentes destinées à éduquer la population en général afin d’éliminer les modèles socioculturels qui encouragent à considérer les femmes comme des êtres inférieurs et perpétuent le traitement inégal de celles-ci dans la société.

 

28.              Après le tremblement de terre de janvier 2010, la CIDH a suivi avec une attention particulière et une grande préoccupation, la grave situation de violence sexuelle perpétrée contre des femmes et des filles dans plusieurs camps de déplacés internes. Pendant les mois de mai et de juin 2010, un groupe d’organisations non gouvernementales a mené une mission d’observation afin d’enquêter sur les modalités de violences sexuelles et d’autres types d’actes de violence perpétrés contre les femmes dans les camps de déplacés de Port-au-Prince.  Selon le rapport publié à la fin de cette mission[20], le tremblement de terre et les déplacements de personnes à grande échelle ont créé une crise grave en matière de sécurité, en particulier dans les CDI, ce qui a exacerbé le problème de la violence sexuelle qui existait auparavant. La grande majorité des femmes interviewées qui avaient été victimes de violence sexuelle dans les camps ont indiqué qu’elles avaient été violées, pendant la nuit, par deux individus ou plus, presque toujours armés.   

 

29.              L’entassement des personnes, le manque d’intimité et d’éclairage, l’insécurité, entre autres facteurs, rendent les femmes et les filles particulièrement vulnérables à la violence sexuelle. Les femmes et les filles dorment en général à l’intempérie, sans aucun type de protection, sans l’aide de parents ou d’amis et se lavent en public sous le regard des hommes. L’information reçue par la CIDH indique que la police n’entre pas dans les CDI et qu’elle se contente de patrouiller autour des camps, et uniquement pendant la journée[21].

 

30.              De même, face à ces actes de violence, il y aurait une absence de réaction de la part de l’État due à un manque de volonté ou à une incapacité à aborder de telles situations. Plusieurs victimes ont dit que déposer une plainte auprès de la police est totalement inutile étant donné qu’elles ne peuvent pas identifier leur agresseur ou leurs agresseurs. Quelques femmes ont indiqué que lorsqu’elles étaient allées chercher de l’aide, la police leur avait dit de rentrer dans leurs camps et de revenir une fois qu’elles auraient identifié leurs agresseurs. Parmi les affaires dénoncées, figure le cas d’une femme qui a été kidnappée d’un camp et emmenée dans une maison où elle a été battue et violée par plusieurs hommes pendant trois jours jusqu’à ce qu’elle réussisse à s’échapper. Dans un autre cas, une femme a été poignardée et violée par un groupe d’hommes devant ses jeunes enfants[22].

 

31.              Effectivement, l’information reçue indique que la dénonciation de ces actes est difficile, compte tenu de l’accès limité à la justice, auquel s’ajoutent la faible possibilité que les agresseurs soient arrêtés et la peur des représailles et de la stigmatisation. Les autres obstacles sont la corruption au sein de la police nationale (il y a eu des dénonciations de cas où la police a demandé un pot-de-vin pour lancer un mandat d’arrêt ou pour se rendre au camp) et le manque d’accès à des services d’aide juridique. Il faut signaler que, même avant le tremblement de terre, la réticence des femmes à recourir au système judiciaire a été un motif de profonde préoccupation pour la CIDH. Dans son Rapport de 2009, la  Commission interaméricaine a indiqué que les raisons qui expliquent cette situation sont le manque de confiance des victimes dans la capacité du système judiciaire à leur faire justice et les mauvais traitements auxquels elles sont souvent soumises lorsqu’elles tentent d’avoir accès aux voies de recours judiciaires.

 

32.              Pour sa part, le Représentant du Secrétaire général des Nations Unies pour les droits de l’homme des personnes déplacées dans leur propre pays, après sa visite en Haïti, a exprimé sa grande préoccupation devant les violations sexuelles perpétrées aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des camps et a demandé à la Police nationale d’Haïti et à la MINUSTAH d’être plus présents dans les CDI. Il a également indiqué que l’intensification des patrouilles est une solution partielle car le Gouvernement doit faire savoir clairement à la police et au pouvoir judiciaire que l’élimination de l’impunité est une priorité[23]. Compte tenu de la crise sécuritaire et de la grave situation de violence sexuelle dans les camps, un bataillon de 130 femmes policières du Bangladesh a été incorporé à la MINUSTAH en mai 2010 avec mission de patrouiller dans les CDI. Toutefois, étant donné la barrière linguistique, on n’aurait pas obtenu les résultats escomptés[24].

 

33.              Par ailleurs, pendant les audiences thématiques tenues pendant la 140ème session, la Commission interaméricaine a reçu des informations préoccupantes concernant l’absence de soins médicaux dans les camps. Ainsi, même dans les cas où ceux-ci disposent de ces soins, l’assistance dispensée ne répondrait pas de manière satisfaisante aux besoins des victimes de violence sexuelle, en particulier à cause de l’absence de soins médicaux spécialisés. De même, le rapport en question, publié après une mission d’observation[25], indique que la grande majorité des femmes et des filles victimes de violence sexuelle qui ont été interviewées ont dit qu’elles n’avaient pas reçu de soins médicaux après l’agression. Cela serait dû, selon le rapport, à plusieurs facteurs : (i) ignorance du fait que ces services sont disponibles ; (ii) ignorance du fait que ces services sont dispensés gratuitement ; (iii) manque de ressources pour couvrir les frais de transport jusqu’à l’endroit où sont dispensés ces soins ; et (iv) peur des représailles ou de la stigmatisation. De même, un grand nombre de victimes qui ont recherché une assistance médicale ont fait appel à des services de premiers secours pour soigner les blessures causées par l’agression mais n’ont pas révélé qu’elles avaient été violées, par honte, ou parce qu’elles n’étaient pas à l’aise. Par ailleurs, les traitements prophylactiques et les contraceptifs d’urgence ne sont pas disponibles dans tous les dispensaires.  

 

34.              Selon une information émanant de l’Organisation internationale pour les migrations (« OIM »)[26], face à cette situation de violence, le Cluster de coordination et de gestion des camps  (« CCCM » selon ses sigles en anglais), par l’intermédiaire de son Unité de protection, a entrepris plusieurs activités dans les CDI, notamment l’identification des actes de violence contre les femmes, l’accompagnement des victimes jusqu’aux prestataires des services appropriés (par exemple, soins médicaux, aide juridique, dépôt d’une plainte auprès de la police, aiguillage vers des organisations non gouvernementales) et la réalisation du suivi des affaires. L’OIM indique que l’augmentation du personnel dans les camps s’est traduite par une augmentation du nombre de dénonciations des actes de violence à l’encontre des femmes et des fillettes. Elle signale à cet égard qu’entre mars et mai 2010 le personnel du CCCM  a signalé 12 cas, alors qu’entre juin et septembre 2010, ce chiffre a été multiplié par plus de trois. Elle précise également que 83% des victimes interviewées ont dit qu’elles ne savaient pas où dénoncer les délits ni où s’adresser pour recevoir des soins médicaux.  

 

35.              Le rapport présenté par Michel Forst, l’expert indépendant des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme en Haïti[27], a indiqué que l’Hôpital général de Port-au-Prince avait cessé de délivrer des certificats aux femmes victimes de violence sexuelle sous prétexte que cela ne constituait un « service essentiel ». À ce sujet, la CIDH a soutenu, à maintes occasions, que la santé des victimes de violence sexuelle doit occuper une place prioritaire dans les initiatives législatives et dans les politiques et les programmes de santé des États[28].

 

36.              Par ailleurs, le 3 mai 2010, l’expert indépendant des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme en Haïti a déclaré devant le Conseil des droits de l’homme qu’après le séisme étaient apparues d’autres formes de violence dont les femmes sont victimes du fait de leur sexe[29].  L’expert a indiqué que les femmes n’ont pas accès sur un pied d’égalité à la distribution d’aliments ni aux bons d’alimentation ; certaines seraient même obligées de marcher pendant plusieurs heures, d’autres n’auraient pas la force de porter les sacs de riz ou bien ceux-ci leur seraient volés pendant le trajet. De même, plusieurs témoignages indiquent une augmentation des cas de prostitution forcée en échange de nourriture ou de bons d’alimentation.

 

37.              Face à cette situation, la CIDH, dans le communiqué de presse publié à la fin de sa 140ème session ordinaire, a exprimé sa préoccupation devant la violence sexuelle perpétrée contre les femmes et les filles en Haïti[30].  En outre, compte tenu de la gravité des faits signalés, faisant fond sur la faculté que lui octroie l’article 41 de la Convention américaine relative aux droits de l’homme, la Commission interaméricaine a adressé une demande d’information à l’État haïtien, le 10 novembre 2010.  Dans sa communication, la CIDH a porté à la connaissance de l’État les informations qu’elle avait reçues concernant la situation des femmes et des fillettes victimes de violence sexuelle dans les camps de déplacés.

 

38.              De même, dans cette communication, la Commission interaméricaine a recommandé à l’État d’adopter les mesures suivantes : veiller à ce que les camps soient éclairés ; garantir la présence de forces de sécurité féminines autour et à l’intérieur des camps, principalement près des toilettes ; mettre en place des mesures visant à faciliter la présentation de plaintes et à améliorer l’efficacité des enquêtes judiciaires, en particulier instruire les commissariats de police de leurs obligations en cas de violence contre les femmes et offrir des soins médicaux gratuits, dispensés par des spécialistes ayant de l’expérience dans la prise en charge des victimes de violence sexuelle. Le 23 novembre 2010, le Secrétariat exécutif de la CIDH a reçu une note de Marie-Michèle Rey, Ministre des affaires étrangères d’Haïti, datée du 16 novembre 2010, accusant réception de la communication de la Commission interaméricaine.  Dans cette note, la Ministre indiquait que la communication avait été transmise aux ministères concernés. À la date à laquelle ce rapport est élaboré, la CIDH n’a toujours pas reçu de réponse de l’État haïtien sur les mesures adoptées pour mettre ces recommandations en application.

 

39.              Par ailleurs, le 18 novembre 2010, la CIDH a publié le communiqué de presse 115/10 dans lequel elle exprime sa préoccupation devant la situation dans les camps de déplacés internes en Haïti[31].  La Commission interaméricaine y faisait référence à l’information qu’elle avait reçue à propos de  la situation d’extrême vulnérabilité des femmes et des fillettes habitant dans ces camps et de la pratique des expulsions forcées. À cet égard, la CIDH a rappelé à l’État haïtien l’importance de respecter en toutes circonstances les obligations internationales en matière de droits de la personne, en particulier les droits inaliénables et ceux des personnes les plus vulnérables.

 

            C.         Expulsions forcées

 

40.              Dans ses Observations de 2008, la Commission interaméricaine a souligné que l’une de ses principales préoccupations étaient les graves limitations en matière d’accès aux services de base et a insisté sur la nécessité de mettre à exécution des programmes destinés à fournir à la population haïtienne des services sociaux de base, propres à satisfaire ses besoins fondamentaux, notamment l’accès à un logement adéquat. L’une des conséquences principales du séisme dévastateur de janvier 2010 a été la grave crise du logement, laquelle est sans précédents dans l’histoire récente du pays. Immédiatement après la catastrophe naturelle, quelque 2,3 millions de personnes sont devenues des sans-abris et dix mois plus tard, 1,4 million de personnes environ n’ont toujours pas de logement. En outre, les répercussions de cette crise ont aggravé l’inégalité sociale considérable constatée dans les Observations de 2008, creusant encore plus le fossé entre riches et pauvres.

 

41.              La CIDH a reçu des informations inquiétantes sur l’existence d’une pratique de plus en plus fréquente d’expulsions forcées dans les camps de déplacés. Selon les informations reçues,[32] bien que l’État ait désigné des terrains pour l’installation des camps, face à l’urgence de la situation, la plupart des personnes déplacées se sont établies dans des camps spontanés, sur des terrains inoccupés appartenant à l’État ou à des particuliers.  Or, plusieurs mois après le séisme, la plupart des personnes déplacées n’ont pas pu rentrer chez elles, ce qui a suscité une grande tension entre les résidents des camps non officiels et les propriétaires ou propriétaires présumés des terrains. En effet, compte tenu du fait qu’avant le tremblement de terre seulement 5% des terres étaient inscrites au cadastre[33], on ne sait pas avec certitude si les personnes qui allèguent être les propriétaires possèdent réellement un droit sur ces terrains. Par ailleurs, des chiffres de l’Organisation internationale pour les migrations[34] montrent l’ampleur du problème : 60% des CDI se trouvent sur des propriétés privées ; 70% des personnes qui vivent dans les CDI occupaient des logements loués avant le séisme et à peine 19% d’entre elles possèdent des logements qu’elles peuvent reconstruire.

 

42.              Selon de multiples sources, quelques semaines déjà après le tremblement de terre, des agents de l’État et des propriétaires présumés des terrains sur lesquels sont installés les camps auraient commencé à expulser des familles des CDI, en général en ayant recours à la force. Ces expulsions auraient lieu sans aucune notification préalable et ne suivraient pas la procédure établie par la législation haïtienne. Selon les informations disponibles, les propriétaires présumés établissent un blocus autour des CDI afin d’exercer une pression sur les résidents pour qu’ils partent des camps et ils empêchent les organismes de coopération internationale de les approvisionner en eau potable et en aliments et de leur dispenser des soins médicaux. L’État n’aurait pas proposé aux familles expulsées un autre endroit où elles pourraient vivre, et c’est pour ce motif que des milliers de personnes n’auraient nulle part où aller.

 

43.              Selon l’information publiée par une organisation non gouvernementale internationale[35], pendant plusieurs nuits, au mois de juin 2010, un groupe d’hommes armés de machettes ont menacé des familles qui habitaient dans le camp Immaculée, situé à proximité de Cité Soleil, pour qu’elles abandonnent le camp. Ils auraient coupé les tentes, volé et agressé physiquement les résidents. Les observateurs internationaux auraient prévenu la Police nationale d’Haïti et la MINUSTAH de ce qui s’était passé. Malgré cela, la nuit où les observateurs sont restés dans le camp, pas une seule patrouille n’est entrée dans le camp entre une heure et cinq heures du matin. Selon les observateurs, le 12 juillet au matin, le camp avait complètement disparu. Par ailleurs, le camp Parc sportif de Cité Soleil, situé à 15 minutes à pied du camp Immaculée, comptait 500 personnes déplacées. Après une semaine complète d’agressions avec des machettes et des tirs d’armes à feu perpétrées par des personnes étrangères au camp et de menaces d’incendie, tous les résidents ont abandonné le camp. À la fin du mois de mai, le camp avait disparu. Deux enfants seraient morts à cause des coups de feu. Plus de mille personnes déplacées de Delmas 60, zone organisée en quatorze petits camps connus sous le nom de « CR » auraient connu le même sort.

 

44.              Il est bon de souligner que, selon les informations disponibles, ces expulsions auraient lieu avec l’agrément et, dans certains cas, avec la participation directe d’autorités haïtiennes. Des fonctionnaires du Ministère de l’intérieur, de la Police nationale d’Haïti et des mairies de Port-au-Prince, Pétionville et Croix des Bouquets, notamment, auraient été impliqués directement dans des campagnes d’expulsions forcées. Selon des informations fournies à la CIDH[36], des fonctionnaires de ces institutions, agissant en leur qualité d’agents de l’État, ont détruit un CDI avec un bulldozer sans même donner à ses résidents la possibilité de rassembler leurs biens, ont effectué des arrestations arbitraires, ont blessé plusieurs personnes avec des balles en caoutchouc et, dans certains cas, les ont empêchées d’avoir accès aux services de base dispensés par des organisations non gouvernementales. De même, des agents de l’État refuseraient de protéger des communautés déplacées contre les actes de violence perpétrés par des particuliers. Cette situation est particulièrement critique étant donné que la grande majorité de la population des CDI est composée de groupes vulnérables.  

 

45.              Par ailleurs, la Commission interaméricaine a reçu des informations préoccupantes concernant la situation d’environ 30.000 familles déplacées qui vivent dans les secteurs de Canaan, Onaville et Jérusalem, à la périphérie de Croix des Bouquets, ville qui se trouve à 15 kilomètres environ de Port-au-Prince[37]. Selon les informations dont elle dispose, le 22 mars 2010, le Gouvernement haïtien a publié un arrêté d’expropriation portant sur une grande parcelle de terrains inoccupés de cette zone dans le but d’y transférer un nombre important de familles déplacées qui occupaient des espaces publics dans différents quartiers de la capitale du pays. Après la publication du décret en question, des milliers de familles ont commencé à arriver et à s’installer à cet endroit ; en juillet, on a construit les premiers logements provisoires et, en décembre 2010, selon des estimations, le nombre de familles s’élevait à 30.000.  

 

46.              Cependant, suite aux tensions qui ont surgi entre le propriétaire et les familles déplacées, l’État aurait commencé à se rétracter et à contacter les organisations travaillant avec les communautés déplacées pour qu’elles cessent leurs activités et se retirent du secteur. De même, le Ministre de l’économie et des finances aurait publié, le 2 août 2010, un avis dans lequel il signalait que toute construction ou édification qui aurait été bâtie sans l’autorisation du Ministère serait démolie sans préavis. Il résulterait de cette action de l’État que ces communautés déplacées se trouveraient actuellement dans une situation de grande vulnérabilité et d’abandon.  

 

47.              À l’audience tenue le 26 octobre 2010[38], la CIDH a reçu des informations sur cette pratique d’expulsions forcées, qui ont été recueillies lors d’une mission d’observation réalisée par les organisations participantes, de concert avec des organisations locales.  Selon les chiffres cités au cours de l’audience, depuis mai 2010, 30.000 personnes environ auraient été expulsées de plus de 200 camps et 144.000 personnes déplacées auraient fait l’objet de menaces d’expulsion. Les organisations participantes ont indiqué que les propriétaires présumés se font accompagner par des policiers lourdement armés, de fonctionnaires et de juges de paix corrompus et effectuent les expulsions sans décision de justice. Elles ont signalé que cette pratique est mise en œuvre sans la présence d’un huissier, une condition qu’exige la législation haïtienne. Elles ont également indiqué que pendant les expulsions forcées les personnes déplacées sont victimes de violences verbales, physiques et sexuelles, et que leurs biens sont détruits. De même, plusieurs personnes auraient reçu des menaces de mort de la part de propriétaires présumés.  

 

48.              Les organisations ayant participé à l’audience ont parlé également des difficultés en matière d’accès à la justice que rencontrent les victimes des expulsions, à cause de la fragilité du système judiciaire et de la corruption qui lui est imputée. À cet égard, elles ont indiqué qu’on a demandé aux juges de paix de réaliser une inspection visuelle, mais que cela ne se produit que rarement. Les participants ont conclu que le principal problème d’Haïti est l’exclusion sociale. Ils ont signalé que, bien que les terrains occupés par les personnes déplacées, dans un pourcentage élevé, soient des terrains publics, ceux-ci sont cédés à des intérêts privés, ce qui prouverait le manque de volonté politique de protéger les classes les plus défavorisées.

 

49.              Face à la crise humanitaire déclenchée par cette situation, l’Organisation des Nations Unies a négocié avec le Gouvernement haïtien un moratoire sur les expulsions, d’une durée de trois semaines, qui allait du 22 avril au 13 mai 2010. Cependant, les observateurs internationaux ont apporté des preuves selon lesquelles les expulsions avaient repris avant la fin du moratoire. Par ailleurs, le Représentant du Secrétaire général pour les droits de l’homme des personnes déplacées dans leur propre pays a exprimé sa préoccupation devant le nombre croissant d’expulsions forcées de personnes qui vivent sur des terrains privés. À cet égard, il a rappelé que le droit de propriété doit être considéré en relation avec les droits économiques et sociaux des victimes du séisme. Il a également indiqué que l’État devrait déclarer publiquement qu’il n’accepte aucune expulsion qui ne respecte pas les procédures établies[39].

 

50.              Dans le communiqué de presse publié par la CIDH à la fin de sa 140ème session ordinaire, la Commission interaméricaine a exprimé sa préoccupation au sujet de la pratique qui consiste à expulser des camps, par la force, les personnes déplacées et a recommandé à l’État haïtien d’adopter un moratoire sur les expulsions jusqu’à l’entrée en fonction d’un nouveau gouvernement[40].  De même, le 15 novembre 2010, la CIDH a accordé des mesures conservatoires (MC-367-10) pour protéger la vie et l’intégrité des personnes qui vivent dans cinq camps de déplacés internes qui auraient fait l’objet d’une expulsion forcée ou de menaces d’expulsion. Dans cette mesure conservatoire, la CIDH a demandé à l’État haïtien d’adopter un moratoire sur les expulsions jusqu’à ce que le nouveau gouvernement prenne ses fonctions; de s’assurer que les personnes qui ont été expulsées illégalement des camps sont réinstallées dans un endroit remplissant les conditions minimales de salubrité et de sécurité ; de garantir l’accès des personnes déplacées à un recours effectif devant les tribunaux et les autres autorités compétentes ; de mettre en place des mesures de sécurité effectives pour protéger l’intégrité physique des habitants des camps et de garantir une protection particulière aux femmes, aux enfants et aux adolescents ; de dispenser aux forces de l’ordre une formation sur le droits des personnes déplacées, et en particulier leur droit à ne pas être expulsées par la force ; de garantir l’accès des organismes de coopération internationale aux camps de déplacés internes. Par la suite, dans le communiqué de presse 115/10 déjà mentionné, publié le 18 novembre 2010[41], la Commission interaméricaine a exprimé sa préoccupation à propos de la pratique des expulsions forcées des personnes vivant dans les CDI et a indiqué les mesures dont elle avait demandé l’adoption à l’État haïtien, dans le contexte des mesures conservatoires (MC-367-10) qu’elle avait accordées. 

 

51.              Enfin, il convient de souligner que, depuis juin 2010, le Département de la modernisation et de la bonne gouvernance du Sous-secrétariat aux questions politiques de l’OEA réalise des tâches stratégiques de cadastrage et d’enregistrement, par l’intermédiaire d’une équipe qui travaille avec l’Office national du cadastre (ONACA), chargé de l’élaboration du projet « Foncier Haïti »[42].  Ce projet, qui a pour but de moderniser le cadastre, sera mis en œuvre en deux étapes sur une période de sept ans. Foncier Haïti bénéficie de l’appui technique d’institutions et d’experts internationaux, comme la Direction générale du cadastre du Québec et l’École nationale d’administration publique du Québec. En octobre 2010, ce projet a reçu un don du secteur privé d’un montant de 1,5 million de dollars. Même si l’objectif principal  de ce projet est d’avoir un impact sur le développement économique du pays en attirant les investissements étrangers, il pourrait également avoir des conséquences pour les populations déplacées.  

 

IV.          AUTRES QUESTIONS PERTINENTES

 

            A.         Les enfants

 

52.              Dans ses Observations de 2008, la CIDH a indiqué que l’un des objectifs de la visite qu’elle avait réalisée en Haïti était d’évaluer plus particulièrement la situation des enfants et des adolescents en recueillant des informations sur les différentes formes de discrimination et de violence exercées contre eux et sur la réponse de l’État. Dans ces Observations, elle a signalé que les enfants qui vivent dans la rue et les travailleurs domestiques infantiles (les restavek) sont l’une des catégories les plus vulnérables de ce groupe. À cet égard, la Commission interaméricaine a mis l’accent sur quelques-unes des pires formes d’abus contre les enfants et les adolescents, à savoir, entre autres, la violence sexuelle, le viol, le trafic de mineurs, la prostitution des enfants et l’enlèvement d’enfants, phénomène en expansion. On estime qu’au moment de sa visite 2.500 enfants et adolescents vivaient dans la rue à Port-au-Prince. 

 

53.              La CIDH a fait savoir dans les Observations en question que les enfants et les adolescents sans foyer sont extrêmement vulnérables aux abus commis par des agents de l’État et/ou des gangs criminels, en particulier depuis 2004. Étant donné la prolifération des armes et des gangs criminels violents dans certains quartiers de Port-au-Prince, un grand nombre de jeunes ont été recrutés par ces groupes. Les adultes de ces gangs criminels se servent des enfants et des adolescents en qualité de « boucliers humains », « d’appât », de travailleurs pour toute sorte de travail, et, parfois, on les oblige à participer directement à des viols collectifs et à d’autres crimes commis par ces groupes. Par conséquent, les enfants et les adolescents sont particulièrement exposés à des actes de violence en Haïti. À cet égard, dans le rapport sur « Le droit des femmes de vivre libres de violence et de discrimination en Haïti », la Commission interaméricaine a indiqué que, selon les chiffres de l’organisation prestataire de services,  Kay Famn, près de la moitié des victimes de viol étaient des mineurs de moins de 18 ans. Enfin, dans le Chapitre IV la Commission a manifesté sa préoccupation face à la situation des enfants restavek, ainsi que face à la situation des enfants de la rue et de ceux placés en détention.

 

54.              Après le séisme de janvier 2010, la vulnérabilité des enfants et des adolescents, qui était déjà considérable, s’est encore aggravée. Ce groupe a été particulièrement touché, principalement parce que près de la moitié de la population haïtienne a moins de 18 ans[43] et que 40% a moins de 15 ans[44].  Selon les chiffres des Nations Unies[45], 1,5 million de jeunes de moins de 18 ans ont été directement touchés par le tremblement de terre, dont 720.000 qui ont entre six et douze ans et 500.000 qui ont moins de cinq ans. De même, quelque 300.000 enfants et adolescents se sont vus forcés de partir dans d’autres départements du pays. Par ailleurs, selon le Ministère de l’éducation haïtien, 5.000 écoles environ ont été affectées par le séisme, soit 23% du nombre total d’écoles du pays, et la plupart ont dû être fermées. Dans le cas de Port-au-Prince, le taux d’écoles touchées s’élève à 80%.  

 

55.              Par ailleurs, l’expert indépendant des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme en Haïti, dans son rapport devant le Conseil des droits de l’homme[46], a indiqué qu’en dépit du bon travail réalisé par l’UNICEF, en mai 2010, il restait encore un grand nombre de mineurs non accompagnés ou qui vivaient avec d’autres familles. Il a signalé que cette situation favorise la pratique des restavek qui existait avant la crise humanitaire. De même, l’expert indépendant a dit qu’il était particulièrement préoccupé par les dénonciations de trafic d’enfants et d’adolescents à la frontière avec la République Dominicaine. Par ailleurs, il a indiqué que des familles étrangères qui avaient engagé une procédure d’adoption en Haïti ont essayé d’accélérer les démarches, ce qui fait courir le risque que les procédures prévues par la législation haïtienne ne soient pas respectées. À cet égard, et à propos de la forte augmentation des demandes d’adoption provenant de l’étranger après le tremblement de terre, l’expert a rappelé que l’adoption internationale, selon la Convention de La Haye sur l’adoption internationale, doit être considérée comme l’ultime recours, une fois que toutes les possibilités d’adoption ont été épuisées dans le pays.

 

56.              Enfin, à l’audience thématique qui s’est tenue lors de la 140ème session ordinaire de la CIDH, laquelle a traité la situation à Ouanaminthe[47],  ville située au Nord du pays, à la frontière avec la République Dominicaine, l’organisation participante a indiqué que, dans cette région, il existe un taux élevé d’enfants et d’adolescents non scolarisés (dont 67% sont des filles). Elle a signalé que les enfants et les adolescents travaillent portant des marchandises jusqu’à la ville frontière de Dajabón, en République Dominicaine. Et également, qu’une fois qu’ils se trouvent à la frontière, ils sont exposés à toutes sortes de risques et qu’ils sont souvent l’objet de la traite des personnes, principalement à des fins d’exploitation sexuelle et de vente d’organes.  En outre, l’organisation a mentionné des cas de viols d’enfants et d’adolescents et a signalé concrètement le cas d’un enfant de 11 ans qui aurait été violé par un agent des douanes ; bien qu’il s’agisse d’une affaire connue de tous, aucune enquête n’aurait été ouverte.  

 

B.         Personnes handicapées

 

57.              L’un des groupes vulnérables le plus touché par la catastrophe naturelle est celui des personnes handicapées. Selon l’information émanant de l’expert indépendant des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme en Haïti[48], avant le séisme, 800.000 handicapés physiques vivaient en Haïti, soit 10% de la population totale du pays. Au début du mois de février 2010, Handicap International a estimé qu’il fallait fabriquer au moins mille prothèses des membres inférieurs. Selon des informations fournies par l’État haïtien, en mai 2010, plus de 5.000 personnes souffraient d’un handicap physique du fait du tremblement de terre. De même, le principal centre de prothèse d’Haïti avant la catastrophe (Healing Hands for Haiti) a été détruit par le séisme. D’autre part, l’expert met l’accent sur l’extrême pauvreté qui affecte davantage ce secteur vulnérable de la population, étant donné que ces personnes rencontrent de grandes difficultés pour travailler.

 

C.         Droits économiques, sociaux et culturels

 

58.              Le 23 mars 2010, dans le cadre de sa 138ème session ordinaire, la CIDH a tenu une audience publique sur la situation des droits économiques, sociaux et culturels après le tremblement de terre[49]Les organisations participantes ont apporté des informations, notamment sur les droits à l’alimentation, à la santé et au logement. Ces informations ont été recueillies pendant les missions qu’ont réalisées quelques-uns des participants pendant les deux mois qui ont suivi le séisme, informations qui ont été systématisées et analysées dans un rapport présenté à la Commission interaméricaine[50].

 

59.              Dans ses Observations de 2008, la CIDH avait exprimé sa préoccupation devant les graves limitations en matière d’accès à un logement adéquat, à l’eau potable, à la santé, à l’éducation et à l’emploi. Elle avait également identifié des inégalités structurelles entre les hommes et les femmes dans les domaines de l’économie et de la santé notamment. À cet égard, dans le rapport sur « Le droit des femmes de vivre libres de violence et de discrimination en Haïti », la Commission interaméricaine a recommandé à l’État haïtien  d’adopter la législation, les politiques publiques et les programmes propres à corriger effectivement les inégalités entre les hommes et les femmes, en particulier dans des secteurs comme celui de la santé. D’autre part, dans le Chapitre IV la Commission a souligné que la pauvreté extrême reste l’un des défis les plus extensifs et complexes auxquels fait face Haïti, avec ses effets conséquents sur les droits humains.

 

60.              En ce qui concerne le droit à l’alimentation, les organisations participantes ont signalé que plus de la moitié des personnes interviewées ont dit qu’elles n’avaient pas reçu d’aide alimentaire et de 60 à 100% ont indiqué qu’elles avaient besoin d’eau de toute urgence. Dans le cas de quelques communes éloignées de Port-au-Prince, toutes les personnes avaient indiqué qu’elles avaient besoin d’aliments. Il a également été mentionné qu’il y aurait une mauvaise coordination dans la distribution de l’aide alimentaire. Il y aurait même eu des dénonciations selon lesquelles des femmes devaient accepter d’avoir des rapports sexuels en échange de cartes leur permettant de recevoir des aliments.

 

61.              En ce qui concerne le droit à la santé, près de la moitié des personnes interviewées ont indiqué qu’il y avait au moins un malade dans leur famille. À cela s’ajoutent les graves problèmes d’hygiène qui existent dans les CDI, tels que, entre autres, l’insalubrité, les odeurs nauséabondes, les eaux usées et le manque de latrines. Il est bon de souligner que ces conditions d’insalubrité ont été un facteur clé dans la propagation de l’épidémie de choléra mentionnée dans la deuxième section de ce chapitre. Les groupes vulnérables, tels que les nouveau-nés, les enfants en bas âge, les femmes enceintes, les handicapés et les personnes du troisième âge, auraient été particulièrement touchés. Par ailleurs, l’exode de centaines de milliers de personnes de la capitale vers les provinces aurait dépassé la capacité des communes de réception, qui avaient déjà besoin d’aide avant le tremblement de terre. Ainsi, Saint-Marc, une commune de 300.000 habitants, a accueilli 35.000 personnes déplacées.

 

62.              En ce qui concerne le droit au logement, la grande majorité des camps, étant donné que ce sont des camps spontanés, ne dispose d’aucun service régulier. Seulement 21% des personnes  dorment dans des tentes, 58% sous des bâches et le reste ne dispose d’aucun matériel imperméable pour se protéger. Enfin, les participants ont souligné l’absence d’un mécanisme permettant la traçabilité des fonds provenant de l’aide internationale à Haïti, ce qui porterait atteinte au droit de la population à connaître le montant des ressources envoyées en Haïti et la manière dont ces fonds sont utilisés. Ceci porterait également préjudice à la participation des Haïtiens à la reconstruction de leur pays et à une aide qui serait basée sur une approche fondée sur les droits de la personne.

 

63.              Le 21 septembre 2010, les organisations participantes ont envoyé une communication à la CIDH qui donnait suite aux points traités à l’audience. Dans cette communication, elles indiquent que la situation des droits économiques et sociaux de la population touchée était restée la même. À ce sujet, elles mettent l’accent, notamment, sur les incidents d’expulsion forcée des camps de déplacés, la violence sexuelle dans ces camps et l’accès limité aux biens et services élémentaires, comme l’eau et les aliments. Par ailleurs, elles mentionnent, en tant qu’élément positif, la création de la Commission intérimaire chargée de coordonner la reconstruction d’Haïti. Elles indiquent également la création du Fonds de reconstruction pour Haïti, à la conférence des donateurs qui s’est tenue en mars 2010, dont les mécanismes pourraient améliorer la coordination, la reddition de compte et la transparence dans la gestion des fonds. Cependant, elle souligne qu’une petite partie seulement de l’aide financière a été versée sur ce fonds.

 

D.         Système de justice

 

64.              Dans ses Observations de 2008, la Commission interaméricaine a identifié plusieurs faiblesses structurelles dans les institutions qui rendent la justice. Lors de sa visite de 2007, la CIDH avait conclu que ces institutions avaient besoin de vastes réformes à long terme afin de former la police et les tribunaux haïtiens, de sorte qu’ils puissent garantir à la population une reddition de la justice effective et impartiale. Elle avait signalé à cet égard que s’il est vrai qu’il fallait prendre des mesures urgentes, celles-ci ne suffisaient pas à surmonter les faiblesses institutionnelles, qui sont bien enracinées. C’est pourquoi, elle a recommandé à l’État haïtien d’élaborer un programme exhaustif de réforme judiciaire, à l’échelle nationale, et d’affecter des ressources suffisantes à la mise en œuvre de ce plan, y compris la prestation d’un appui technique et financier approprié au Secrétariat d’État à la justice. De même, elle a recommandé d’encourager l’adoption rapide des projets de loi sur le statut des magistrats, l’établissement de l’École de la magistrature et la création du Conseil supérieur des magistrats.

 

65.              D’autre part, la CIDH a remarqué dans son Chapitre IV que pendant l’année 2009 a reçu des informations indiquant que le système de justice continue d’être caractérisé par de graves lacunes, notamment une insuffisance de juges, des décisions ultra vires, de la corruption et l’application excessive de la détention provisoire.

 

66.              Une étude menée par l’Institute for Justice and Democracy in Haiti[51]  a identifié trois défis majeurs auxquels est confronté le système judiciaire haïtien après le séisme. Le premier défi consiste à répondre aux besoins de la grande majorité de la population (80%), qui vit en dessous du seuil de pauvreté. Cette majorité n’a pas la possibilité de faire valoir ses droits les plus élémentaires, lesquels sont fondamentaux pour échapper au cycle de la pauvreté. Cela est dû à la corruption notoire du système judiciaire. En deuxième lieu, l’étude souligne que la violence sexuelle perpétrée contre les femmes et les filles pauvres n’a jamais fait l’objet d’une enquête et n’a jamais été sanctionnée de manière effective.  

 

67.              L’étude mentionne également le défi de la sécurité en matière de régime foncier. Elle indique que la corruption du pouvoir judiciaire, l’enregistrement défectueux des titres de propriété et l’instabilité politique ont causé une grande insécurité en matière de régime foncier. Plusieurs propriétés ont deux propriétaires reconnus judiciairement et la plupart des petits propriétaires possèdent des titres informels ou contestés. Cette insécurité décourage les investissements et l’amélioration de la terre outre qu’elle permet à des individus ayant un pouvoir politique, économique ou militaire de s’approprier le travail et la propriété d’autres personnes. Enfin, l’étude insiste également sur les conséquences néfastes de cette situation après le tremblement de terre.

 

68.              Comme la Commission interaméricaine l’a signalé à diverses occasions, un système judiciaire disposant de ressources et d’un personnel efficace s’avère indispensable pour l’avenir d’Haïti et pour la protection des droits de sa population. Les nouveaux défis qui ont fait leur apparition suite au séisme et à ses conséquences viennent s’ajouter aux grands défis qu’affrontait déjà le pays. La recherche de solutions est un facteur clé dans le processus de reconstruction. Dans ce contexte, le rôle du pouvoir judiciaire s’avère crucial dans la recherche d’une réponse à des faits extrêmement graves qui ont surgi après le tremblement de terre, comme la violence contre les femmes et les filles dans les camps de déplacés et les expulsions forcées liées à la problématique complexe de la propriété de la terre.

 

V.                  CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

 

69.              Avant le tremblement de terre dévastateur du 12 janvier 2010, Haïti montrait quelques signes de progrès dans des secteurs précis, tels que les droits civils et politiques et en matière de sécurité, grâce à la stabilisation politique du pays à partir de février 2006. Dans ce contexte, l’État avait entrepris une série d’initiatives spécialisées destinées à offrir une meilleure protection et un plus grand nombre de services aux femmes victimes de la violence. À cet égard, dans le rapport sur « Le droit des femmes de vivre libre de violence et de discrimination en Haïti »,  la Commission interaméricaine a reconnu la bonne volonté et l’engagement qu’a démontrés le Ministère de la femme en élaborant un plan d’action pour éliminer la discrimination et la violence contre les femmes en Haïti.

 

70.              Malgré ces efforts et ces indicateurs de progrès, la CIDH a constaté une augmentation de la pauvreté dans le pays, des disparités économiques et l’absence de mécanismes effectifs de reddition de compte, entre autres. De même, la Commission interaméricaine a remarqué qu’elle continuait à recevoir des informations faisant état de la persistance d’actes de violence et de discrimination contre les femmes. Par ailleurs, elle a conclu dans ses Observations de 2008 qu’en dépit des progrès constatés lors de sa visite de 2007, les institutions haïtiennes restaient faibles, dotées de maigres ressources et d’un personnel insuffisant et mal formé et qu’elles étaient en outre désorganisées. Il en résulte que les institutions étatiques étaient, dans une grande mesure, incapables de fournir à la population des services élémentaires dans les domaines de la santé, de l’éducation et du bien-être social. C’est pour ces raisons qu’Haïti continuait à affronter une situation structurelle qui avait une incidence négative grave sur la jouissance, par ses habitants, de leurs droits fondamentaux.

 

71.              À cette situation préexistante d’une gravité extrême s’est ajoutée la situation d’urgence causée par le tremblement de terre et ses conséquences. Après le séisme, les défis identifiés par  la Commission interaméricaine avant la catastrophe non seulement se sont aggravés mais de nouvelles problématiques liées à la situation d’urgence ont fait leur apparition. C’est ainsi qu’à la grave situation structurelle préexistante se sont ajoutés des défis plus immédiats et urgents. L’un des principaux défis consiste à trouver une solution durable au problème de logement des personnes touchées par la catastrophe naturelle. En attendant, il faut relever le défi encore plus urgent qui consiste à améliorer les conditions de vie dans les camps de déplacés internes. Pour éviter que la situation en Haïti ne continue à se dégrader, il est essentiel que l’État et les agents chargés de la reconstruction trouvent des solutions à trois aspects des CDI : (i) la sécurité ; (ii) la prévention de la violence contre les femmes ; et (iii) l’accès aux biens et aux services de base.  

 

72.              De même, il faut créer des mécanismes propres à garantir que les expulsions sont effectuées conformément aux procédures légales et que les personnes expulsées font l’objet d’une réinstallation volontaire et que leurs droits fondamentaux sont respectés. C’est pourquoi, il est indispensable que soient adoptées des stratégies de réinstallation ainsi que des mesures destinées à régulariser le régime foncier. Ces mesures s’avèrent fondamentales pour accéder à un développement durable et éviter que les camps actuels ne se transforment en nouveaux bidonvilles. Par ailleurs, une solution intégrale au problème du système défectueux d’enregistrement des titres de propriété est fondamentale pour le développement économique et social du pays sur le long terme.

 

73.              La CIDH souligne que, conformément à ce qui a été établi par les organes du Système interaméricain des droits de la personne, dans un contexte de déplacement de personnes, les États doivent interpréter les droits consacrés dans la Convention américaine à la lumière des Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays, élaborés par les Nations Unies[52].  Ces principes établissent que toutes les autorités doivent prévenir et éviter l’apparition de conditions de nature à entraîner le déplacement arbitraire des personnes[53]De même, les principes doivent être appliqués sans distinction de sexe et certaines personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, comme les enfants, les femmes chefs de famille et les personnes handicapées, ont droit à un traitement qui tienne compte de leurs besoins particuliers[54].

 

74.              S’agissant de la situation des femmes et des filles en Haïti après le tremblement de terre, la Commission interaméricaine fait savoir qu’elle est particulièrement préoccupée par la gravité, l’urgence et le caractère irréparable de la situation de violence sexuelle et les vexations qu’endurent les femmes et les filles dans les camps de déplacés internes. Dans l’histoire d’Haïti, la violence sexuelle a souvent été utilisée par différents acteurs, aussi bien étatiques que non-étatiques, comme un instrument et une stratégie de contrôle sur la femme et sur la communauté qui entoure celle-ci. En outre, comme l’a fait remarquer la CIDH dans son Rapport de 2009, la discrimination contre les femmes est une caractéristique constante et structurelle de la société et de la culture haïtiennes, tant en période de paix qu’en période d’instabilité, et elle doit être abordée afin de garantir la protection totale des droits des femmes.

 

75.              S’agissant du processus de reconstruction, la Commission interaméricaine considère que, pour parvenir à un développement durable, il est d’une importance fondamentale d’incorporer à ce processus une approche fondée sur les droits de la personne. Pour ce faire, l’objectif de tout programme de coopération et de développement devrait contribuer directement à la réalisation d’un ou de plusieurs droit(s) de la personne reconnu(s) par le droit international[55].  Un processus de reconstruction ciblé  essentiellement sur l’aide humanitaire sans une approche fondée sur les droits de la personne ne permettrait pas d’obtenir des solutions à longue échéance. En outre, il est nécessaire que la société haïtienne joue un rôle actif dans ce processus et ne soit pas reléguée à un rôle éminemment passif qui se limiterait exclusivement à recevoir l’aide internationale.

 

76.              La CIDH estime que, dans le contexte de reconstruction actuel, les autorités haïtiennes et la communauté internationale ont devant elles une occasion privilégiée d’adopter des mesures destinées à renforcer l’institutionnalité de l’État haïtien et d’obtenir ainsi que le pays accède au développement durable. C’est dans le but de ne pas laisser échapper cette possibilité que la Commission interaméricaine s’adresse à l’État haïtien et aux autres autorités concernées par la reconstruction, notamment à la CIRH, afin de leur dire qu’il faut continuer à déployer des efforts pour mettre en application les recommandations contenues dans le rapport sur « Le droit des femmes de vivre libres de violence et de discrimination en Haïti », dans les « Observations de la Commission interaméricaine des droits de l’homme à l’issue de sa visite en avril 2007 en Haïti », et dans le Chapitre IV du Rapport Annuel 2009 de la Commission interaméricaine des droits de l’homme.

 

77.              À ce sujet, la Commission interaméricaine réitère les recommandations formulées dans les documents susmentionnés car elles n’ont pas encore été mises en application par l’État. Cependant, étant donné la situation particulière dans laquelle se trouve actuellement Haïti, d’autres recommandations s’ajoutent à celles-ci, recommandations qui sont ciblées sur les nouvelles situations liées à la reconstruction après le tremblement de terre de janvier 2010.

           

Recommandations

 

Observation préliminaire : bien que l’État haïtien, en sa qualité d’État membre de l’Organisation des États Américains, soit le destinataire principal des présentes recommandations, elles s’adressent également aux organismes internationaux participant directement au processus de reconstruction du pays ainsi qu’aux autorités intérimaires établies pour répondre à la crise humanitaire.  

 

              S’agissant de la situation des filles et des femmes dans les CDI

 

1.            Garantir aux victimes de violence sexuelle la disponibilité, dans des endroits accessibles, de services médicaux et psychologiques appropriés qui :

 

-              tiennent compte du besoin d’intimité pendant les examens ;

-              aient du personnel médical féminin ayant une sensibilité culturelle et de l’expérience dans le traitement des victimes de viol ;

-              délivrent des certificats médicaux aux victimes de viol ;

-              administrent une prophylaxie contre le VIH et une contraception d’urgence ;

 

2.            Veiller à assurer une sécurité adéquate dans les CDI, ce qui inclut l’éclairage public, la réalisation appropriée de patrouilles et une augmentation du nombre de femmes policières qui patrouillent à l’intérieur et aux alentours des CDI ainsi que dans les commissariats de police les plus proches des camps ;

 

3.            Mettre en place des mesures destinées à faciliter la présentation de dénonciations et à améliorer l’efficacité des enquêtes judiciaires, notamment instruire les commissariats de leurs obligations en cas de violence perpétrée contre les femmes ;

 

4.            Créer et financer totalement des unités spéciales au sein de la police judiciaire et du Bureau du Commissaire du gouvernement chargées d’enquêter sur les viols et les autres formes de violence sexuelle ; et

 

5.           S’assurer que les groupes de base de femmes haïtiennes participent pleinement et exercent un leadership dans la planification et l’exécution des politiques et des pratiques visant à combattre et à prévenir le viol et les autres formes de violence sexuelle dans les CDI.

 

               S’agissant de la pratique des expulsions forcées des camps

 

6.            Adopter un moratoire sur les expulsions jusqu’à ce que la situation en matière de propriété des terres ait été régularisée ; 

 

7.            Veiller à ce que cette régularisation, qui s’avère fondamentale pour le développement du pays, soit réalisée en tenant compte des droits économiques et sociaux des victimes du tremblement de terre ;

 

8.            Émettre une déclaration publique interdisant toute expulsion qui ne respecterait pas les procédures établies dans la législation et la diffuser de manière massive ;

 

9.            Mettre à la disposition des personnes déplacées qui ont été expulsées illégalement une voie de recours judiciaire effective ;  

 

10.         S’assurer que les personnes qui ont été expulsées illégalement des camps font l’objet d’une réinstallation volontaire dans un endroit qui remplisse les conditions minimales de salubrité et de sécurité ;

 

11.          S’assurer que les défenseurs des droits de la personne bénéficient d’une protection appropriée ;

 

12.          Mettre en place des mesures de sécurité afin de protéger l’intégrité physique des habitants des camps, et garantir une protection spéciale aux femmes, aux enfants et aux adolescents ;  

 

13.          Dispenser une formation aux forces publiques sur les droits des personnes déplacées, notamment leur droit à ne pas être expulsées par la force ;  

 

14.          Garantir aux organismes de coopération internationale l’accès aux camps de déplacés internes ;

 

              S’agissant du processus de reconstruction

 

15.         Incorporer une approche fondée sur les droits de la personne dans les différents aspects du processus de reconstruction ;  

 

16.         S’assurer que le renforcement du système judiciaire est une priorité dans le processus de reconstruction ;

 

17.         Incorporer une approche intégrale des droits de l’enfant dans la conception des politiques publiques, en accordant une attention particulière aux enfants et aux adolescents orphelins ;

 

18.         Veiller à ce que les promesses de dons faites lors des conférences internationales de donateurs soient décaissées en temps opportun ;

 

19.         S’assurer de l’existence d’un mécanisme de reddition de comptes dans la mise en œuvre des projets de coopération et de développement ; et

 

20.         Veiller à ce que les destinataires de la coopération participent et soient consultés et à ce que la société haïtienne participe à tous les aspects de la reconstruction.

 

 

[1] Voir à ce sujet les communiqués de presse nº 4/10 et 11/10 publiés par la Commission interaméricaine des droits de l’homme le 14 janvier et le 2 février 2010, respectivement. Disponibles sur le site: http://www.cidh.oas.org/Comunicados/Spanish/2010/2-10sp.htm; http://www.cidh.oas.org/Comunicados/
Spanish/2010/11-10sp.htm
.

[2] Bureau de l’Envoyé spécial des Nations Unies pour Haïti. Information disponible sur le site : http://www.haitispecialenvoy.org/key_statistics/

[3] Bureau de l’Envoyé spécial des Nations Unies pour Haïti. Information disponible sur le site : http://www.haitispecialenvoy.org/key_statistics/

[4] Pour de plus amples informations consulter le site : http://www.haiticonference.org/story.html.

[5] Information publiée par le Bureau de l’Envoyé spécial des Nations Unies pour Haïti. Elle est disponible sur le site : http://haitispecialenvoy.org/press/press_releases/new-analysis-shows-42-3-percent-donor-disbursement-rate-for-haiti-recovery

[6] Pour une information actualisée à ce sujet, consulter le site :  http://www.cirh.ht/sites/ihrc/en/pledges/Pages/default.aspx.

[7] Pour de plus amples informations consulter le site : http://www.cirh.ht/sites/ihrc/en/Pages/default.aspx.

[8] Selon le Conseil norvégien pour les réfugiés (http://www.nrc.no/arch/_img/9444938.pdf), ce modèle de gestion a fait son apparition suite à une étude du système humanitaire réalisée à la demande du Secrétaire général des Nations Unies, face aux déficiences des interventions humanitaires en cas de déplacement de personnes en matière de gestion des camps dans différents pays. Sur la base des recommandations formulées par ce rapport (Humanitarian Response Review), publié en 2005, le Comité permanent interorganisations, principale instance internationale pour la coordination des actions humanitaires, a pris une série de mesures visant à augmenter la prévisibilité et la reddition de compte dans le contexte des interventions humanitaires en cas de situations de déplacement de personnes dans leur propre pays. L’une de ces initiatives a été l’approche de responsabilité sectorielle ou de clusters dans le cadre de laquelle un chef de file est désigné pour chaque groupe sectoriel ou domaine d’action humanitaire qui exige un leadership prévisible et un cadre de coopération plus solide.  

[9] Pour de plus amples informations, consulter le site : http://www.oas.org/es/sap/deco/moe/haiti2010/
default.asp
.

[10] Communiqué de presse C-463/10, publié par l’Organisation des États Américains le 1er décembre 2010. Disponible sur le site : http://www.oas.org/es/centro_noticias/comunicado_prensa.asp?sCodigo=C-463/10.

[11] Communiqué de presse C-462/10, publié par l’Organisation des États Américains le 29 novembre 2010. Disponible sur le site : http://www.oas.org/es/centro_noticias/comunicado_prensa.asp?sCodigo=C-462/10.

[12] Communiqué de presse C-467/10, publié par l’Organisation des États Américains le 6 décembre 2010. Disponible sur le site : http://www.oas.org/es/centro_noticias/comunicado_prensa.asp?sCodigo=C-467/10.

[13] Communiqué de presse C-467/10, publié par l’Organisation des États Américains le 6 décembre 2010. Disponible sur le site : http://www.oas.org/es/centro_noticias/comunicado_prensa.asp?sCodigo=C-467/10.

[14] Résolution de la Cour interaméricaine des droits de l’homme en date du 1er février 2010. Disponible sur le site : http://www.corteidh.or.cr/docs/asuntos/Fleury_01_02_10_fr.pdf.

[15] Information disponible sur le site : http://www.upr-info.org/+Haiti-s-UPR-postponed+.html.

[16] Neglect in the Encampments: Haiti’s Second-Wave Humanitarian Disaster. Disponible sur le site : http://ijdh.org/wordpress/wp-content/uploads/2010/03/Neglect-in-the-Encampments-FINAL.pdf (en anglais uniquement).

[17] Information publiée par le Haut-commissariat aux droits de l’homme des Nations Unies. Disponible sur le site : http://www.ohchr.org/FR/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=10467&LangID=F.

[18] Le 26 octobre 2010, elle a tenu trois audiences thématiques sur Haïti : « La situation des droits de la personnes dans les camps de déplacés internes en Haïti », à laquelle ont participé l’International Human Rights Law Clinic, l’American University-Washington College of Law, l’Institute for Justice and Democracy in Haiti, le Bureau des Avocats Internationaux; « La situation des droits de la personnes pendant la reconstruction en Haïti » à laquelle ont participé la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme, le Réseau National de Défense des Droits Humains, le Centre Œcuménique des Droits Humains, le Comité des Avocats pour le Respect des Libertés Individuelles ; et « La situation des droits de la personne des enfants et des femmes dans la zone de Ouanaminthe, Haïti », avec la participation du Regroupement des Citoyens pour la Protection des Droits Humains (RECIPRODH) et de l’État haïtien. L’État haïtien a été convoqué aux trois audiences, conformément aux normes réglementaires de la CIDH mais il n’a comparu qu’à la troisième audience. Les versions audio de ces audiences sont disponibles sur le site : http://www.cidh.oas.org/prensa/publichearings/Hearings.aspx?Lang=ES&Session=120.

[19] CIDH, El derecho de las Mujeres a una Vida Libre de Violencia y Discriminación en Haití, 10 mars 2009.

[20] Our bodies are still trembling: Haitian women’s fight against rape, juillet 2010. Institute for Justice & Democracy in Haiti, Bureau des Avocats Internationaux, Madre, University of Minnesota, University of Virginia School of Law, TransAfrica forum. Disponible sur le site : http://ijdh.org/wordpress/wp-content/uploads/2010/07/Haiti-GBV-Report-Final-
Compressed.pdf
(en anglais uniquement).

[21] « Our bodies are still trembling: Haitian women’s fight against rape », juillet 2010. Institute for Justice & Democracy in Haiti, Bureau des Avocats Internationaux, Madre, University of Minnesota, University of Virginia School of Law, TransAfrica forum. Disponible sur le site : http://ijdh.org/wordpress/wp-content/uploads/2010/07/Haiti-GBV
-Report-Final-Compressed.pdf
(en anglais uniquement).

[22] « Our bodies are still trembling: Haitian women’s fight against rape », juillet 2010. Institute for Justice & Democracy in Haiti, Bureaus des Avocats Internationaux, Madre, University of Minnesota, University of Virginia School of Law, TransAfrica forum. Disponible sur le site : http://ijdh.org/wordpress/wp-content/uploads/2010/07/Haiti-
GBV-Report-Final-Compressed.pdf
((en anglais uniquement).

[23] Information publiée par le Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme. Disponible sur le site : http://www.ohchr.org/FR/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=10467&LangID=F.

[24] Information publiée par le Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme. Disponible sur le site : http://www.worldpulse.com/magazine/articles/special-report-haiti-women-and-the-elections-
following-africas-lead?page=0,3
.

[25] Our bodies are still trembling: Haitian women’s fight against rape, juillet 2010. Institute for Justice & Democracy in Haiti, Bureau des Avocats Internationaux, Madre, University of Minnesota, University of Virginia School of Law, TransAfrica forum. Disponible sur le site : http://ijdh.org/wordpress/wp-content/uploads/2010/07/Haiti-GBV-
Report-Final-Compressed.pdf
(en anglais uniquement).

[26]  OIM, Haiti, Gender-Based Violence, CCCM GBV Strategy (en anglais uniquement). Disponible sur le site : http://www.iom.int/jahia/webdav/shared/shared/mainsite/published_docs/brochures_and_info_sheets/
CCCM_GBV_Strategy.pdf
.

[27] Rapport de l’expert indépendant sur la situation des droits de l’homme en Haïti, Michel Forst. Assemblée Générale. Nations Unies, 3 mai 2010. A/HRC/14/44 (en français uniquement). Disponible sur le site : http://www2.ohchr.org/english/bodies/hrcouncil/docs/14session/A.HRC.14.44_fr.pdf.

[28]  CIDH, Rapport nº 21/07, Requête 161/02, Règlement amiable, Paulina del Carmen Ramírez Jacinto (Mexique), 9 mars  2007; CIDH, Accès à des services de santé maternelle dans la perspective des droits de la personne, 7 juin 2010.

[29] Rapport de l’expert indépendant sur la situation des droits de l’homme en Haïti, Michel Forst. Assemblée Générale. Nations Unies, 3 mai 2010. A/HRC/14/44 (en français uniquement). Disponible sur le site : http://www2.ohchr.org/english/bodies/hrcouncil/docs/14session/A.HRC.14.44_fr.pdf.

[30] Communiqué de presse nº 109/10 publié le 5 novembre de 2010. Disponible sur le site : http://www.cidh.oas.org/Comunicados/Spanish/2010/109-10sp.htm.

[31] Communiqué de presse nº 115/10 publié par la CIDH le 18 novembre 2010. Disponible sur le site : http://www.cidh.oas.org/Comunicados/Spanish/2010/115-10sp.htm.

[32]   Informations obtenues des participants lors de l’audience thématique sur « La situation des droits de la personne dans les camps de déplacés internes en Haïti » qui s’est tenue le 26 octobre 2010 et de rapports d’organisations non gouvernementales internationales et locales publiés après la réalisation de missions d’observation, telles que « We became garbage to them. Inaction and complicity in IDP expulsions », International Action Ties, 14 août 2010; disponible sur le site : http://ijdh.org/wordpress/wp-content/uploads/2010/08/IDP-Land-Report-Aug12-21.pdf (en anglais uniquement); et « Vanishing camps at gunpoint », 14 juillet  2010, International Action Ties; disponible sur le site : http://ijdh.org/wordpress/wp-content/uploads/2010/07/IAT_vanishing_camps_report_haiti.pdf (en anglais uniquement).

[33] Communiqué de presse C-399/10 publié par l’Organisation des États Américains le 24 octobre 2010. Disponible sur le site : http://www.oas.org/es/centro_noticias/comunicado_prensa.asp?sCodigo=C-399/10.

[34] Registration Update, February 25 – June 25, 2010. Haiti Camp Coordination Camp Management Cluster. Organisation internationale pour les migrations. Cité dans We became garbage to them. Inaction and complicity in IDP expulsions, International Action Ties, 14 août 2010. Disponible sur le site : http://ijdh.org/wordpress/wp-content/uploads/2010/08/IDP-Land-Report-Aug12-21.pdf (en anglais uniquement).

[35] « Vanishing camps at gunpoint », 14 juillet 2010, International Action Ties; disponible sur le site : http://ijdh.org/wordpress/wp-content/uploads/2010/07/IAT_vanishing_camps_report_haiti.pdf (en anglais uniquement)

[36] Demande d’audience présentée par l’American University, le Bureau des Avocats Internationaux et l’Institute for Justice and Democracy in Haiti à la 140ème session de la CIDH.

[37] Les personnes qui ont fourni les informations à la Commission interaméricaine ont demandé expressément à ce que leur identité ne soit pas révélée.

[38] Audience thématique sur « La situation des droits de la personne dans les camps de déplacés internes en Haïti », 26 octobre 2010. Organisations participantes : l’International Human Rights Law Clinic, l’American University-Washington College of Law, l’Institute for Justice and Democracy in Haiti et le Bureau des Avocats Internationaux La version audio est disponible sur le site : http://www.cidh.oas.org/prensa/publichearings/Hearings.aspx?Lang=ES&Session=120.

[39] Information publiée par le Haut-commissariat aux droits de l’homme de l’ONU. Disponible sur le site : http://www.ohchr.org/FR/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=10467&LangID=F.

[40] Communiqué de presse nº 109/10 publié par la CIDH le 5 novembre 2010. Disponible sur le site : http://www.cidh.oas.org/Comunicados/Spanish/2010/109-10sp.htm.

[41] Communiqué de presse nº 115/10 publié par la CIDH le 18 novembre 2010. Disponible sur le site : http://www.cidh.oas.org/Comunicados/Spanish/2010/115-10sp.htm.

[42] Communiqué de presse C-399/10 publié par l’Organisation des États Américains le 24 octobre 2010. Disponible sur le site : http://www.oas.org/es/centro_noticias/comunicado_prensa.asp?sCodigo=C-399/10.

[43] Chiffres de l’UNICEF. Disponibles sur le site : http://www.unicef.org/spanish/infobycountry/haiti_statistics.html#68.

[44]Chiffres de l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS). Disponibles sur le site : http://www.paho.org/Spanish/DD/AIS/cp_332.htm.

[45] Information émanant du Bureau de l’Envoyé spécial des Nations Unies pour Haïti.

[46] Rapport de l’expert indépendant sur la situation des droits de l’homme en Haïti, Michel Forst. Assemblée Générale. Nations Unies, 3 mai 2010. A/HRC/14/44. Disponible sur le site : http://www2.ohchr.org/english/bodies/hrcouncil/docs/14session/A.HRC.14.44_fr.pdf.

[47] Audience thématique sur « La situation des droits de la personne dans la région de Ouanaminthe, Haïti », participants : le Regroupement des Citoyens pour la Protection des Droits Humains (RECIPRODH) et l’État haïtien. La version audio est disponible sur le site : http://www.cidh.oas.org/prensa/publichearings/Hearings.aspx?Lang=ES&Session=120.

[48] Rapport de l’expert indépendant sur la situation des droits de l’homme en Haïti, Michel Forst. Assemblée Générale. Nations Unies, 3 mai 2010. A/HRC/14/44. Disponible sur le site :  http://www2.ohchr.org/english/bodies/hrcouncil/docs/14session/A.HRC.14.44_fr.pdf.

[49] Audience thématique sur « Les droits économiques, sociaux et culturels en Haïti après le tremblement de terre », 23 mars 2010, participants : l’Institute for Justice and Democracy in Haiti, Bureau des Avocats Internationaux, le Center for Human Rights and Global Justice, le Robert F. Kennedy Center for Justice and Human Rights, Partners in Health, et l’État haïtien. Disponible sur le site : http://www.cidh.oas.org/prensa/publichearings/Hearings.aspx?Lang=ES&Session=118.

[50] Neglect in the Encampments: Haiti’s Second-Wave Humanitarian Disaster. Disponible sur le site: http://ijdh.org/wordpress/wp-content/uploads/2010/03/Neglect-in-the-Encampments-FINAL.pdf (en anglais uniquement).

[51] Challenges Facing Haiti’s Justice Sector, 13 juillet 2010. Disponible sur le site : http://ijdh.org/wordpress/wp-content/uploads/2010/07/Justice1pagerbcdraft7-12-2010.pdf (en anglais uniquement).

[52] Cour interam. des D.H., Affaire des massacres d’Ituango. Arrêt du 1er juillet 2006. Série C nº 148, § 209.

[53] Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays. Nations Unies.  E/CN.4/1998/53/Add.2  du 11 février 1998, principes 5 et 6.

[54] Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays. Nations Unies.  E/CN.4/1998/53/Add.2 du 11 février 1998, principe 4.

[55] Voir à ce sujet les publications de l’Instituto Universitario de Desarrollo y Cooperación disponibles sur le site : http://www.ucm.es/info/IUDC/pagina/158.