REUNION AD HOC DES MINISTRES DES                                         OEA/Ser.F/V.1

RELATIONS EXTERIEURES (HAITI)                                                MRE/RES.6/94

2 octobre 1994                                                                            9 juin 1994

Washington, D.C.                                                                Original : espagnol

MRE/RES.6/94

 

 

APPEL AU RETOUR DE LA DEMOCRATIE EN HAITI

 

 

          LA REUNION AD HOC DES MINISTRES DES RELATIONS EXTERIEURES L'ORGANISATION DES ETATS AMERICAINS,

 

AYANT ENTENDU :

 

          Le discours du Président de la République d'Haïti, Son Excellence M. Jean-Bertrand Aristide, et les rapports du Secrétaire général de l'OEA, de l'Envoyé spécial des Secrétaires généraux de l'Organisation des Etats Américains et de l'Organisation des Nations Unies, et du Président de la Commission interaméricaine des droits de l'homme sur la situation des droits de l'homme en Haïti;

 

VU :

 

          Les résolutions MRE/RES. 1/91, MRE/RES. 2/91, MRE/RES. 3/92, MRE/RES. 4/92, MRE/RES. 5/93, adoptées par les Ministres des relations extérieures des Etats membres, ainsi que les résolutions CP/RES. 575 (885/92), CP/RES. 594 (923/92), CP/RES. 610 (968/93) et CP/RES. 630 (987/94), et les déclarations CP/DEC. 8 (927/93), CP/DEC. 9 (931/93), CP/DEC. 10 (934/93), CP/DEC. 15 (967/93) et CP/DEC. 18 (986/94) adoptées par le Conseil permanent de l'Organisation des Etats Américains;

 

NOTANT :

 

          Les résolutions adoptées par les Nations Unies, en particulier les résolutions 841 (1993), 861 (1993), 867 (1993), 873 (1993), 875 (1993), 905 (1994) et 917 (1994) adoptées par le Conseil de Sécurité ainsi que la résolution A/47/20B adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies au sujet de la crise haïtienne; 

 

 

PRENANT NOTE EGALEMENT :

 

          Des rapports de la Mission civile internationale OEA/ONU (MICIVIH) (MRE/INF.48/93 et CP/INF. 3551/93 et add.1) et de la Commission interaméricaine des droits de l'homme OEA/Ser.L/II.85 doc.9 rev.1(1994), 83 doc.18 (1993) et MRE/doc.9/94) ainsi que des communiqués de presse de la Mission civile internationale et de la Commission des droits de l'homme.

 

 

CONSIDERANT :

 

          Que le coup d'état du 30 septembre 1991 est une violation de la volonté souveraine et des droits de l'homme du peuple haïtien;

 

          Que l'exercice des droits civils et politiques du peuple haïtien est indispensable à une solution nationale de la crise que traverse le pays et que tout dénouement de la crise doit être fondé sur le respect des principes démocratiques et l'expression de la volonté souveraine du peuple haïtien;

 

          Que malgré les efforts déployés par l'Envoyé spécial des Secrétaires généraux de l'Organisation des Etats Américains et de l'Organisation des Nations Unies pour obtenir le rétablissement de la démocratie en Haïti au moyen de l'application de l'Accord de Governors Island, les autorités militaires de facto d'Haïti n'ont pas respecté les obligations qu'elles avaient assumées en vertu dudit Accord et que les dirigeants politiques et le peuple haïtien ne peuvent pas exercer librement leurs droits fondamentaux;

 

          Que la Commission interaméricaine des droits de l'homme a pu vérifier que la situation générale des droits de l'homme en Haïti s'est gravement détériorée et accuse un sérieux mépris des droits les plus élémentaires, dénotant un plan systématique d'intimidation et de terreur contre un peuple sans défense;

 

          Que le coup d'état a brisé l'ordre constitutionnel affectant négativement l'exercice de la démocratie et qu'il est indispensable de le restaurer, ce qui permettra de garantir la jouissance pleine et entière des droits civils et politiques, en vue de consolider les institutions dans le pays;

 

          Qu'il est opportun que les Etats membres renforcent les actions politiques et diplomatiques pour une solution durable à la crise haïtienne, dans le cadre de la Charte de l'OEA et du droit international.

 

 

 

I

 

DECIDE :

 

          1.          De réaffirmer dans leur intégralité les résolutions adoptées par la Réunion ad hoc des Ministres des relations extérieures, sa condamnation face à l'interruption du système démocratique en Haïti et son refus de reconnaître toute autorité issue d'actions prises par le régime de facto, y compris la désignation illégitime d'un président provisoire le 11 mai 1994.

 

          2.          De condamner la persistance des manoeuvres dilatoires et intimidatrices des autorités militaires de facto et de leurs alliés politiques et financiers qui s'opposent à tout effort orienté vers la mise en place d'un climat de liberté et de tolérance propice au rétablissement de la démocratie en Haïti, et par conséquent, d'exiger de manière spéciale, le plein respect des dispositions établies dans les points 7 et 8 de l'Accord de Governors Island.

 

          3.          De condamner la persécution et la répression du peuple haïtien et le recours aux mesures de représailles contre des partisans du rétablissement de la démocratie en Haïti, ainsi que le plan d'intimidation et de terreur mis en oeuvre par les autorités de facto contre un peuple sans défense, spécialement contre les membres des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire légitimement établis, de rendre les Forces armées d'Haïti responsables de leur intégrité physique, et d'instaurer des mesures afin que les responsables de ces menaces et de tout attentat perpétré contre lesdites personnes répondent de leurs actes devant la justice.

 

          4.          De condamner toutes les entraves à l'exercice du droit de réunion et du droit à la liberté d'expression, et particulièrement les restrictions à la liberté de la presse.

 

          5.          De condamner énergiquement les violations systématiques des droits de l'homme perpétrées par les agents des Forces armées d'Haïti, assistées de groupes paramilitaires comme les « Tontons macoutes » et le FRAPH (Front pour l'avancement et le progrès du peuple haïtien), et notamment les massacres, les incendies criminels, les détentions, les viols, les exécutions sommaires, la pratique de la torture, les disparitions forcées et la mutilation des cadavres.

 

          6.          De condamner les actes d'intimidation et d'agression perpétrés contre les observateurs de la Mission civile internationale par les membres des Forces armées et leurs auxiliaires.

 

          7.          De lancer un appel aux Forces armées d'Haïti pour qu'elles respectent le mandat de la Mission civile internationale en ce qui a trait à la sécurité des observateurs, leur accès aux locaux de détention et leur liberté de mouvement.

 

          8.          De condamner toutes les actions risquant de mettre en danger l'intégrité des programmes humanitaires, telles que le blocage illégal par le régime de facto des Fonds des Etats-Unis, libellés en monnaie locale, destinés à des programmes humanitaires d'alimentation et de création d'emplois en vue d'aider les populations les plus vulnérables d'Haïti.

 

 

II

 

          De féliciter la Mission civile internationale pour son travail ainsi que pour le dévouement et le courage de ses observateurs et de demander au Secrétaire général, de prendre, en collaboration avec le Secrétaire général des Nations Unies, les mesures nécessaires afin que ladite Mission puisse, entre autres :

 

          1.       accroître son personnel dans les plus brefs délais pour qu'elle puisse couvrir l'ensemble du territoire haïtien et exécuter intégralement son mandat;

 

          2.       encourager l'exercice de la liberté d'expression;

 

          3.       entreprendre sans tarder le programme d'éducation en matière de droits de l'homme pour informer tous les citoyens haïtiens et toutes les institutions du pays, en langue créole, sur les sujets d'importance tels que : a) le mandat de la Mission; b) les instruments internationaux fondamentaux des droits de l'homme et les dispositions de la Constitution haïtienne; c) la fonction des droits de l'homme, des libertés politiques et des responsabilités du citoyen; d) les responsabilités spécifiques qui incombent en Haïti, en ce qui concerne les droits de l'homme, à tous les agents de l'Etat, mais en particulier à ceux qui servent dans les Forces armées d'Haïti;

 

          4.       organiser ses propres programmes d'information en créole et louer le temps d'écoute nécessaire à la diffusion desdits programmes sur des stations d'ondes moyennes ou de fréquence modulée;

 

          5.       préparer des bulletins d'information à publier dans la presse locale et des prospectus à distribuer à la population haïtienne;

 

          6.       produire, conformément à son mandat, des audiocassettes, des vidéocassettes, des tirés à part et des brochures, et de les distribuer dans les bureaux locaux, les organisations non gouvernementales, les églises et les bureaux du gouvernement;

 

          7.       encourager des activités d'appui au développement de la démocratie et aux réformes institutionnelles.

 

 

III

 

          De noter avec satisfaction les travaux accomplis par la Commission d'aide humanitaire, de l'enjoindre à redoubler d'efforts et à augmenter l'aide humanitaire destinée aux secteurs les plus appauvris, de lui demander instamment de poursuivre les efforts qu'elle déploie pour obtenir des fonds spéciaux de tous les pays et organisations pouvant collaborer à cette action importante, et :

 

          1.       de prêter une attention spéciale aux problèmes des personnes déplacées à l'intérieur du pays;

 

          2.       d'envisager, en coordination avec la Mission civile internationale et le gouvernement d'Haïti, d'inclure dans le programme d'aide humanitaire, une composante d'information et de communication à l'intention du public haïtien.

 

 

IV

 

          De féliciter la Commission interaméricaine des droits de l'homme pour la tâche qu'elle réalise en faveur du respect des droits de l'homme en Haïti et de lui demander :

 

          1.       de continuer à dénoncer et à relever les violations des libertés civiles et politiques des citoyens haïtiens;

 

          2.       de poursuivre ses enquêtes sur le comportement des autorités de facto en vue de contribuer à déterminer l'imputabilité des violations commises.

 

          3.       de collaborer, en matière des droits de l'homme et suite à la demande du Gouvernement d'Haïti, à l'élaboration et à l'exécution de programmes de réformes des institutions judiciaires d'Haïti;

 

          4.       de continuer à collaborer étroitement avec la Mission civile internationale en vue de l'exécution des mandats pertinents.

 

 

V

 

          1.          De reconnaître l'appui apporté par les pays qui ont des liens économiques et commerciaux avec Haïti et les ont suspendus en application des résolutions pertinentes de l'Organisations des Etats Américains et des Nations Unies.

 

          2.          De rappeler aux Etats membres de l'OEA et aux Nations Unies, la nécessité, conformément à la résolution MRE/RES. 5/93 de juin 1993, d'appuyer et de renforcer les mesures d'embargo, telles que la suppression des vols commerciaux, et de geler les avoirs du régime de facto haïtien et de ses partisans, en vertu des dispositions MRE/RES. 2/91 d'octobre 1991, MRE/RES. 3/92 de mai 1992 et MRE/RES. 4/92 de décembre 1992, et de suspendre les transactions financières internationales avec Haïti.

 

          3.          De recommander aux pays membres et à la communauté internationale que, à la demande du Gouvernement haïtien, ils collaborent à la formation des fonctionnaires du système judiciaire et de la nouvelle force de police d'Haïti.

 

          4.          De demander aux pays voisins de la République d'Haïti d'envisager la possibilité d'offrir à la Mission civile internationale les facilités de radiodiffusion nécessaires à la mise en oeuvre des programmes d'éducation en matière de droits de l'homme et des programmes d'information pour les médias et le public.

 

          5.          De lancer un appel aux Etats membres et à la communauté internationale leur demandant de collaborer avec l'HCR à la recherche de solutions au problème des haïtiens qui quittent leur pays au risque de leur vie et de collaborer au traitement du dossier de ces émigrés en vue de leur octroyer le statut de réfugiés, de leur offrir une protection temporaire, ou bien d'assurer la réinstallation de ceux qui méritent le statut de réfugié en vertu de la législation locale et des normes internationales en vigueur.

 

          6.          D'exhorter les Etats membres à soutenir les mesures prises par les Nations Unies pour renforcer la Mission des Nations Unies en Haïti (MINUHA) pour qu'elle puisse accomplir son mandat, d'aider à rétablir la démocratie en professionnalisant les Forces armées et en formant la nouvelle force de police, en aidant à maintenir l'ordre public essentiel et en protégeant le personnel des organisations internationales et autres organisations qui participent aux efforts humanitaires et aux initiatives en faveur des droits de l'homme en Haïti.

 

          7.          D'exhorter les Etats membres et la communauté internationale à réaliser un effort spécial pour la provision de fonds nécessaires à l'exécution des décisions prises dans cette résolution.

 

          8.          De demander au Secrétaire général de transmettre la présente résolution au Secrétaire général des Nations Unies et de lui donner la plus ample diffusion.

 

          9.          Que la Réunion ad hoc des ministres des relations extérieures continuera de siéger.

 

Conseil de sécurité

 

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