LE DROIT DES FEMMES DE VIVRE LIBRES DE VIOLENCE ET DE DISCRIMINATION
EN HAÏTI

 

RÉSUMÉ ET INTRODUCTION

 

 

1.                  La Commission interaméricaine des droits de l’homme (ci-après « CIDH », la  « Commission » ou la « Commission interaméricaine ») suit la situation générale des droits de la personne en Haïti depuis plus de quarante ans. Pendant une grande partie de cette période, le peuple haïtien a dû faire face à de nombreuses épreuves, y compris une pauvreté profondément enracinée, une instabilité politique et de graves violations des droits de la personne avec les conséquences dévastatrices qu’elles entraînent au détriment du développement social, politique et économique du pays. L’objectif du présent rapport est de mettre en relief la situation alarmante de violence et de discrimination exercées contre les femmes, qui constituent plus de la moitié de la population d’Haïti, envisagées dans la perspective des questions fondamentales des droits de la personne. 

 

2.                  Le présent rapport offre une évaluation de la situation de discrimination et de violence exercées à l’encontre des femmes en Haïti, et des mesures législatives, institutionnelles et judiciaires actuelles intervenant en réponse à ces problèmes. Les conclusions et recommandations offertes dans ce rapport se fondent sur l’examen de la situation générale des droits de la personne dans la République d’Haïti, et les effets particuliers qu’ont exercé, sur les droits des femmes, les événements qui se sont produits récemment dans le pays. Elles reposent de surcroît sur les engagements internationaux en matière de droits de la personne contractés par l’État haïtien, y compris les droits et obligations consacrés dans la Convention américaine relative aux droits de l’homme (ci-après « Convention américaine »), et en particulier sur la Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l’élimination de la violence contre la femme (ci-après « Convention de Belém do Pará »). La Commission espère que les conclusions et recommandations provenant du présent rapport seront utiles au Gouvernement actuel dans le processus d’identification des solutions appropriées et efficaces aux problèmes structurels et complexes de violence et de discrimination contre les femmes dans la société haïtienne, conformément à ses obligations internationales en matière de droits de la personne.  

 

3.                  La ratification par l’État haïtien d’instruments internationaux tels que la Convention de Belém do Para et la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (ci-après « CÉDEF ») témoigne du fait qu’il reconnaît la responsabilité qui lui incombe d’agir avec la diligence raisonnable requise et de prendre des mesures au niveau étatique pour s’attaquer efficacement à la discrimination et à la violence, sous toutes leurs formes, exercées contre la femme. L’État haïtien s’est engagé à agir avec la diligence raisonnable requise pour prévenir, sanctionner et éliminer les actes de discrimination et de violence à l’égard des femmes, quels que soient leurs auteurs, étatiques ou non. Cette responsabilité de l’État haïtien l’oblige à organiser de façon adéquate sa structure étatique et sa charpente institutionnelle pour faire face à ces problèmes dans tous les secteurs, y compris la justice, la santé et l’éducation, et pour modifier les pratiques légales et coutumières qui soutiennent la persistance et la tolérance des actes de discrimination et de violence à l’encontre des femmes. Les obligations consacrées dans ces instruments sont contraignantes quels que soient les changements de gouvernement, et s’appliquent au-delà des mesures traditionnelles de sécurité conçues pour assurer la sécurité du citoyen et éradiquer les crimes violents en général.

 

4.                  La Commission a reçu des informations confirmant que le taux de violence exercée, sous toutes ses formes, contre les femmes et les mineures s’est accru sensiblement et progressivement au cours de ces trois dernières années, et a été exacerbé par une pauvreté croissante à travers le pays, les inégalités dans la répartition des richesses, la prolifération des armes, la prévalence de la délinquance violente, le manque de mesures adéquates pour la prévention du crime, et l’absence de mécanismes efficaces de responsabilisation dans le pays. Par exemple, l’organisation Kay Fanm a rapporté 133 cas de viol entre septembre 1998 et avril 2004,[1] alors que rien que pour 2006, elle a enregistré 118 cas de viol, dont 78 ont été perpétrés contre des mineures, et 40, contre des femmes.[2] En outre, des 118 cas de viol enregistrés, 34 étaient des viols collectifs. Les femmes et les mineures ont été victimes d’actes sauvages de violence sexuelle où elles étaient souvent battues et soumises à des mutilations corporelles, des formes de traitement cruel ainsi que des abus psychologiques et physiques infligés par des groupes et des bandes armés opérant dans l’illégalité. Les informations provenant des organisations d’accompagnement de femmes victimes de violence indiquent qu’environ la moitié des victimes des viols sont des adolescentes âgées de moins de 18 ans, et que les cas de viols collectifs et de viols à répétition contre la même victime ont, au fil des ans, été de plus en plus enregistrés dans les quartiers les plus pauvres.[3] Différentes sources gouvernementales et non gouvernementales ont confirmé que les groupes et gangs armés ont recours au viol comme une stratégie pour asseoir leur pouvoir et exercer un contrôle sur leurs victimes et leur communauté.

 

5.                  Les sources tant gouvernementales que non gouvernementales[4] ont confirmé que la prévalence des actes violents dans certains secteurs de la zone métropolitaine, perpétrés surtout par différents types de groupes armés a particulièrement affecté les femmes et les mineures. À ce sujet, la Commission a reçu des renseignements répétés de différentes sources, y compris de la société civile, des Nations Unies, et du Ministère à la Condition féminine et aux droits des femmes (ci-après « Ministère à la Condition féminine »), au sujet de l’accroissement, depuis 2004, des viols perpétrés par des groupes ou des gangs armés.[5]  Par exemple, depuis le début de ses opérations en Haïti, Médecins sans frontières a traité 6400 victimes de violence, dont 3000 souffraient de blessures par balle, environ 1600 qui avaient été poignardées, 700, battues, 500, violées, et 500, victimes de violence intrafamiliale. En outre, en juin 2007, cette organisation a augmenté sa capacité à traiter les victimes de violence sexuelle dans la capitale, et a déjà traité 220 victimes de violence sexuelle de juillet 2006 à juin 2007.[6] Des sources gouvernementales et non gouvernementales ont aussi porté à la connaissance de la Commission des formes d’abus contre les femmes et les mineures, y compris la torture et l’assassinat. La violence armée qui a sévi à Port-au-Prince pendant ces dernières années a aggravé le problème de la violence contre la femme et a causé un nombre record de victimes ainsi que de nombreux actes particulièrement choquants qui ont provoqué des manifestations publiques au cours desquelles les manifestants ont exhorté le gouvernement de prendre action en faveur d’une protection des femmes victimes de violence.[7] 

 

6.                  La situation en Haïti en matière de sécurité s’est améliorée dès le début de 2007, étant donné que la situation politique du pays s’est stabilisée depuis février 2006 par suite des élections présidentielles et de l’investiture du gouvernement de René Préval. Les cas d’enlèvements et d’assassinats ont diminué, et la police a appréhendé un grand nombre des suspects notoires de ces crimes. De surcroît, l’appareil judiciaire a déployé des efforts tout particuliers, en dépit des ressources limitées, pour tenir avec plus de fréquence des audiences et des comparutions devant les tribunaux, ce qui a débouché sur plusieurs poursuites pour crimes graves. En outre, des plans de développement économique et social sont en cours de mise en œuvre. Bien que ces signes de progrès soient encourageants, la Commission continue de recevoir des informations sur des actes de violence corporelle, sexuelle et psychologique ainsi que des actes de discrimination perpétrés contre les femmes en Haïti.

 

7.                   La Commission voudrait mettre en relief dans ce rapport que la situation désespérée des femmes en Haïti est le résultat de la discrimination et du traitement inférieur auxquels les femmes ont dû historiquement faire face en raison de leur sexe par rapport aux hommes. La Commission a reçu la confirmation que la discrimination sous toutes ses formes exercée contre la femme a toujours fait partie de l’histoire d’Haïti tant en temps de paix que pendant les périodes de troubles et de violence. La tolérance de la discrimination a, par voie de conséquence, attisé la brutalité des actes de violence ainsi que les abus contre les femmes sur une base régulière. La situation est aggravée pendant les périodes de troubles politiques. Il est important de souligner qu’en Haïti, même pendant les périodes où la violence armée et criminelle a diminué, les attitudes discriminatoires contre les femmes sont restées prédominantes, ce qui conséquemment favorise la commission et la répétition des actes de violence. La discrimination a été, et est encore, un phénomène répandu et toléré dans la société haïtienne, parce qu’elle se fonde sur la conception enracinée dans la culture de l’infériorité et de la subordination obligatoire des femmes, ce qui a eu pour conséquence que les femmes occupent une position désavantageuse dans les domaines de l’économie, de l’éducation, de la santé, de la justice, du travail, et dans le processus décisionnel. Les échecs dans ces domaines affectent tout particulièrement les femmes en Haïti, alors qu’il faut encore que la discrimination exercée contre elles soit reconnue comme une grave violation des droits de la personne.   

 

8.                  Les actes de violence perpétrés contre les femmes sont une manifestation particulièrement extrême et grave du traitement discriminatoire que celles-ci reçoivent dans la société haïtienne. La discrimination et les actes de violence qui en résultent continuent d’être tolérés dans la société haïtienne, ce qui par conséquent perpétue un climat d’impunité à l’égard de ces actes et de leur répétition. La Commission observe avec une préoccupation toute spéciale que la discrimination contre les femmes est une caractéristique constante et structurelle de la société et de la culture haïtiennes tant dans les temps de paix que dans les périodes de troubles. Il faut donc que des mesures soient prises à l’égard de cette discrimination de façon à assurer la protection intégrale des droits des femmes, et à arriver à l’éradication du problème de la violence contre les femmes en Haïti. De surcroît, et conformément aux normes internationales et régionales en matière de droits de la personne, l’obligation des États d’agir avec la diligence raisonnable afin de prévenir, de sanctionner et d’éliminer la violence contre les femmes est renforcée lorsque des mineures sont en cause. Les jeunes filles courent particulièrement le risque de violation de leurs droits fondamentaux en raison de deux facteurs: leur sexe et leur âge.   

 

9.                  Tout au long des années où la Commission a évalué la situation des droits de la personne en Haïti, les faiblesses fondamentales du système de justice haïtien ont été identifiées au nombre des questions très préoccupantes. Dans cette perspective, la Commission note avec une grande inquiétude que dans la plupart des cas de violence contre la femme, l’appareil judiciaire n’ouvre aucune enquête formelle, n’engage aucune poursuite et n’inflige aucune punition. Cette tendance systématique à l’impunité laisse entendre que ces formes de violence et de discrimination contre les femmes sont tolérées. La prévalence de la discrimination contre la femme dans la société haïtienne constitue un obstacle à l’accès à la justice pour les femmes victimes de violence.

 

10.              La Commission est particulièrement préoccupée par le fait que les femmes victimes de violence sont peu disposées à avoir recours à l’appareil judiciaire. Les victimes et leurs familles n’ont aucune confiance dans la capacité du système de justice de redresser les torts commis, et sont souvent maltraitées lorsqu’elles tentent de se prévaloir des recours judiciaires. Cette combinaison de facteurs laisse chez les victimes un sentiment d’insécurité, de vulnérabilité, et de méfiance à l’égard de l’administration de la justice.

 

11.              La Commission reconnaît de nombreuses initiatives spécialisées prises récemment par l’État, particulièrement celles lancées par le Ministère à la Condition féminine, pour apporter une meilleure protection et de meilleurs services aux femmes victimes de violence. Certaines mesures adoptées pour faire face à cette situation sont le témoignage d’une compréhension de la gravité des problèmes existants, et de l’engagement de l’État et des secteurs non gouvernementaux de prendre en compte les besoins spécifiques des femmes dans les politiques publiques conçues pour prévenir, sanctionner et éliminer les actes de discrimination et de violence exercés contre les femmes. La Commission réitère son engagement de collaborer avec l’État haïtien pour trouver des solutions aux problèmes identifiés.

 

12.              La Commission observe de surcroît que, jusqu’à présent, l’État ne réagit pas comme il se doit à la prévalence des actes de violence et de discrimination exercés contre les femmes, particulièrement dans les secteurs de la justice, de la police, et de la santé, et qu’il n’alloue pas les ressources nécessaires pour fournir les services médicaux et judiciaires requis par les victimes. La Commission espère que les conclusions et recommandations provenant du présent rapport accompagneront le Gouvernement actuel sur la voie de l’identification de solutions appropriées et efficaces aux problèmes structurels et complexes de discrimination et de violence contre les femmes dans la société haïtienne, conformément aux obligations internationales contractées en matière de droits de la personne.

 

13.              Le présent rapport est divisé en trois sections. La première retrace le contexte historique, et décrit l’environnement socio-politique actuel en Haïti et son impact spécifique sur les femmes. La deuxième analyse les formes de discrimination auxquelles les femmes doivent faire face en Haïti, et le lien entre celles-ci et les actes de violence perpétrés contre les femmes. Cette partie est suivie d’une analyse détaillée des formes de violence auxquelles sont soumises les femmes dans diverses situations. La troisième section établit le cadre juridique international et national en matière de droits de la personne dans ses aspects touchant les droits des femmes et des mineures, suivi par les mesures adoptées par Haïti dans le respect de ses obligations internationales.  Elle donne un aperçu de l’accès des femmes aux recours qu’elles ont, et des défis qui se posent dans le cadre législatif, institutionnel et des politiques gouvernementales actuel pour prendre des mesures à l’égard de la violence et de la discrimination contre les femmes. Sur la base de cette analyse, la Commission émet un éventail de recommandations qui pourraient être utiles à l’État haïtien pour respecter les obligations qu’il a contractées en matière de droits de la personne.

 

14.              Les recommandations émises dans le présent rapport visent à contribuer à la conception  d’une politique de l’État qui prenne en compte les formes actuelles de violence et de discrimination contre les femmes en temps de paix comme en temps de troubles politiques, afin d’avancer sur la voie de l’identification et de la prévention de ces problèmes et des mesures appropriées, ainsi que de l’incorporation des besoins spécifiques des femmes dans l’agenda gouvernemental. La Commission souligne l’importance de l’adoption d’une approche multidisciplinaire et intersectorielle de ces problèmes, qui cherche à intégrer les normes de la parité hommes-femmes dans les secteurs du Gouvernement. Les recommandations appellent en outre l’État haïtien à adopter des mesures urgentes pour éradiquer les pratiques discriminatoires socio-culturelles fondées sur le concept que la femme est inférieure, et à tenir compte du problème de la discrimination et des inégalités structurelles que connaissent les femmes dans la mise en place des politiques gouvernementales dans le but général de prendre des mesures à l’égard des actes de violence perpétrés contre les femmes et les mineures en Haïti. Dans les paragraphes qui suivent sont décrites certaines des recommandations générales:

 

·               Adopter une politique d’État intégrale afin de satisfaire les besoins spécifiques des femmes, et prendre des mesures à l’égard des problèmes de la discrimination et de la violence auxquelles elles sont confrontées, appuyées par des ressources humaines et financières suffisantes, appliquées par tous les secteurs clés et les Ministères.

 

·              Adopter des politiques et des programmes publics conçus pour attaquer et changer les stéréotypes dégradants sur le rôle des femmes dans la société, et pour promouvoir l’éradication des comportements sociaux discriminatoires qui se dressent sur la voie de son plein accès à la justice; ces politiques doivent inclure des programmes de formation et des initiatives détaillées de prévention.

 

·              Promulguer des lois, adopter des politiques et des programmes gouvernementaux visant à s’attaquer efficacement aux inégalités entre les femmes et les hommes dans la société haïtienne, particulièrement dans les sphères du travail, de l’éducation, de la santé, de la participation à la politique, et de la famille.
 

·              Promulguer des lois qui protègent adéquatement les femmes et les mineures des actes de violence basée sur le sexe – corporels, sexuels et psychologiques – dans les sphères publique et privée. Allouer des ressources suffisantes et édicter la réglementation nécessaire pour s’assurer de leur application effective à travers la nation.

 

·               Examiner minutieusement toutes les normes, pratiques et politiques publiques qui créent une différence de traitement fondée sur le sexe, ou qui peuvent avoir des effets discriminatoires sur les femmes de la part des Pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire de l’État haïtien.

 

·               Développer des programmes éducatifs pour le public, dès le plus jeune âge, de façon à cultiver le respect pour les femmes comme des égales, la reconnaissance de leurs besoins particuliers et leur droit de vivre libres de violence et de discrimination.

 

·              Renforcer la capacité des institutions de combattre la tendance à l’impunité dans les cas de violence et de discrimination à l’égard des femmes, au moyen d’enquêtes criminelles efficaces qui débouchent sur des actions en justice, assurant ainsi que les crimes soient dûment sanctionnés et que les victimes bénéficient de réparations.

 

·               Offrir aux femmes victimes une assistance légale effective et gratuite leur permettant de déposer une plainte devant les tribunaux, et créer des centres spécialisés chargés de fournir des services multidisciplinaires, qu’ils soient judiciaires, médicaux et psychologiques, aux victimes de violence.

 

15.              La Commission voudrait reconnaître la précieuse contribution et l’engagement du Gouvernement français qui a fourni l’appui financier grâce auquel elle a été en mesure de maintenir une présence active en Haïti en faveur de la protection et de la promotion des droits de la personne. Le présent rapport a aussi bénéficié de l’appui du Gouvernement finlandais pour l’accomplissement de la tâche du Bureau du Rapporteur spécial de la CIDH sur les droits des femmes. La Commission voudrait exprimer spécifiquement ses remerciements aux Gouvernements français et finlandais pour leur appui financier qui a rendu possible l’élaboration et la publication de ce rapport.

 

Élaboration du rapport

 

16.              L’analyse des éléments du présent rapport se fonde sur de nombreuses sources d’information. Au nombre de celles-ci figurent les informations recueillies au cours des visites effectuées en Haïti pendant la période 2004-2007,[8] les informations fournies pendant les audiences générales devant la Commission,[9] les rapports précédents de la Commission sur Haïti, et sur la situation des femmes, respectivement,[10] ainsi que d’autres sources d’information publiques telles que les Nations Unies,[11] les institutions gouvernementales[12] et les organisations locales non gouvernementales.[13]

 

17.              Pendant la période couverte par le présent rapport, la Commission, donnant suite à une invitation du Gouvernement haïtien, a effectué deux visites in loco du 18 au 22 avril 2005, et du 16 au 20 avril 2007.  L’objectif de la visite de 2005 était d’examiner la situation de l’administration de la justice en Haïti, l’état de la sécurité publique et son impact sur la jouissance par les Haïtiens de leurs droits fondamentaux. À l’issue de cette visite, la Commission a publié ses conclusions et recommandations sur la situation en Haïti dans son rapport Haïti: justice en déroute ou l’état de droit? Défis pour Haïti et la communauté internationale. Pendant cette visite, la Commission a reçu des informations alarmantes provenant de différentes sources, concernant les effets de la violence armée sur la situation des femmes et des enfants. Ce précédent rapport incluait par conséquent des conclusions préliminaires de l’expérience des femmes et des mineures.

 

18.              Par suite des nombreuses informations relatives aux cas de violence à l’égard des femmes, la Commission a organisé une visite in loco en avril 2007 afin d’examiner spécifiquement les droits de la personne des femmes dans ce pays étant donné la vulnérabilité de ce groupe, et la protection spéciale qu’elles requièrent, ainsi que l’impact spécifique de la violence armée sur elles. En prévision de la visite de la Commission, le personnel du Secrétariat exécutif effectua une mission d’enquête préliminaire dans la République d’Haïti du 11 au 15 décembre 2006 afin de recueillir des informations sur la situation des femmes en Haïti, et spécialement celles portant sur les effets des conflits urbains sur celles-ci. Pendant cette visite, la délégation s’est entretenue avec de hauts fonctionnaires du Gouvernement, par exemple avec la Ministre à la Condition féminine,  le Directeur général au Ministère de la Justice, le Chef de cabinet du Directeur général de la Police nationale haïtienne (ci-après la PNH ou « Police nationale haïtienne »), l’Inspecteur général de la PNH, le Chef des questions féminines de la PNH, et les responsables du secteur judiciaire, y compris le Commissaire du Gouvernement du Parquet de Port-au-Prince. La délégation a également observé les conditions des établissements pénitentiaires pour les femmes et les mineures à Pétion-Ville. Bien que pendant ses visites la Commission avait reçu des informations sur la prévalence de la violence sexuelle et de la discrimination à l’égard des femmes et des mineures au cours des dernières années, le présent rapport est focalisé sur la situation des femmes en général. La Commission s’attend à entreprendre d’autres enquêtes similaires et d’établir des rapports à l’avenir portant spécifiquement sur la situation des mineures et des mineurs.

 

19.              De surcroît, pendant la mission d’enquête qu’elle a effectuée en 2006, la délégation a reçu de précieuses informations sur le nombre d’organisations haïtiennes des droits de la personne et sur les victimes de violence vivant dans les communautés affectées.[14] En raison de l’augmentation du niveau de la violence dans le pays en décembre 2006 (la visite de la délégation en Haïti a coïncidé avec l’enlèvement d’un autobus scolaire transportant 10 à 12 enfants, ainsi qu’avec plusieurs autres enlèvements, y compris celui d’un autre enfant et d’un ancien Sénateur).[15] La délégation a décidé d’annuler, pour des raisons de sécurité, deux des entrevues planifiées, y compris une réunion avec des enfants vivant à Carrefour-Feuilles dans un quartier de la ville connu pour être dangereux et dominé par les gangs armés, ainsi qu’une visite d’un dispensaire offrant des soins gratuits, APROSIFA, à la population de ce même quartier de la ville.

 

20.              Lors de sa visite d’avril 2007 en Haïti, la Délégation de la Commission a été présidée par le Rapporteur pour Haïti et membre de la CIDH, Sir Clare K. Roberts, et était composée de membres du personnel du Secrétariat exécutif et du Bureau du Rapporteur spécial de la CIDH sur les droits des femmes. Pendant cette visite, elle s’est entretenue avec le Président de la République, le Premier Ministre, le Président de la Cour de cassation, le Ministre de la Justice, la Ministre à la Condition féminine et aux Droits de la femme, le Ministre des Affaires sociales et du Travail, le Secrétaire d’État à la Sécurité publique, le Secrétaire d’État à la Justice, le Directeur général de la Police nationale haïtienne, l’Inspecteur général de la PNH, les Juges du Tribunal pour mineurs, et le Protecteur du citoyen (Ombudsman).[16]

 

21.              La Commission s’est aussi entretenue avec les membres des organisations de la société civile, des militantes en faveur des droits des femmes, des organisations des droits des femmes et des groupes de défense de l’enfance.[17] Elle a en outre reçu des informations de représentants d’organisations internationales de défense des droits de l’homme et d’organisations humanitaires telles que le International Crisis Group, le projet IFES-Victimes de violence, PLAN International-Haïti, International Service Volunteers Association (AVSI-Italie), l’UNICEF et la MINUSTAH, notamment le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies, son Conseiller spécial pour les questions de genre et le Chef de la section justice.

 

22.              La Commission aimerait exprimer sa reconnaissance pour la coopération et l’appui dont elle a bénéficié de la part de l’État haïtien, des organisations non gouvernementales, des institutions de la société civile et des organismes internationaux au cours des préparatifs de ses visites de 2005, 2006 et  2007. La Commission voudrait exprimer sa gratitude au Ministère à la Condition féminine pour sa totale collaboration dans le processus de collecte des informations, ainsi que pour son témoignage de bonne volonté et son engagement en faveur de la conception d’un plan d’action et de l’utilisation des ressources disponibles en vue de sa mise en œuvre dans les meilleurs délais pour faire face au problème identifié. La Commission note en outre un exemple positif de coopération intersectorielle entre les principaux ministères, notamment le Ministère de la Justice, le Ministère de la Santé publique, et le Ministère des Affaires sociales, en collaboration avec le Ministère à la Condition féminine en vue de trouver une solution multidisciplinaire et globale au problème de la violence à l’égard des femmes. Enfin, la Commission voudrait exprimer des remerciements tout spéciaux aux victimes et aux groupes œuvrant avec les victimes pour les précieuses contributions qu’ils lui ont apportées pendant tout ce processus, et souhaiterait rendre hommage à leur courage grâce auquel, en dépit des risques et des circonstances difficiles dans lesquelles ils vivent, ils sont venus partager leurs expériences avec elle.

 

23.              Le projet de rapport Le droit des femmes de vivre libres de violence et de discrimination en Haïti a été approuvé par la Commission le 29 octobre 2008. Conformément à l’article 58 du Règlement de la Commission, ce rapport a été acheminé au Gouvernement haïtien le 18 novembre 2008 accompagné de la requête que ce dernier soumette les observations et commentaires qu’il estimera pertinents dans un délai d’un mois. Le 4 février 2009, le Secrétariat a reçu les observations de l’État par courrier, dans une note datée du 19 janvier 2009. Ces observations ont été analysées par la CIDH et les parties pertinentes ont été incorporées dans la version finale du présent rapport. La Commission a approuvé la version finale du rapport le 10 mars 2009.

 

I.          LA CONJONCTURE SOCIO-POLITIQUE ET SON IMPACT SUR LES FEMMES

 

24.              La nature de la conjoncture sociale, politique, et économique en Haïti, comme la Commission l’a fait remarquer précédemment, a été historiquement un obstacle à la pleine jouissance des droits fondamentaux de la personne par tous les Haïtiens, y compris les femmes.[18] L’histoire d’Haïti a été caractérisée par une pauvreté profondément enracinée, l’instabilité politique et la violence accompagnées de leurs conséquences dévastatrices pour le développement social, politique, et économique du pays. La Commission a mis en relief, dans son rapport de 2005 sur l’administration de la justice en Haïti, qu’Haïti est l’un des pays les plus en difficultés du monde.[19]  Tout au long de son histoire, ce pays a été affecté par une succession de gouvernements faibles et souvent corrompus; la prise de force et la préservation du pouvoir à travers la violence et la répression politique; le sous-développement de l’infrastructure des gouvernements nationaux et locaux; un état de droit affaibli et une fondation économique fragile.[20]  La Commission a aussi observé que le standard de vie du peuple haïtien est le pire du Continent américain, et que les besoins fondamentaux de ce peuple dans les domaines de la nutrition, des soins médicaux, du logement, de l’emploi et de l’éducation ne sont pas comblés.[21]

 

25.              La Commission a en outre noté l’absence presque totale de la présence de l’État dans plusieurs zones de la capitale et à travers le pays, sous forme d’autorités civiles, d’officiers de police, de tribunaux, d’écoles ou d’établissements de santé.[22]  Cette absence a eu pour conséquence l’incapacité de l’État de protéger la vie et l’intégrité de ses habitants, et a contribué à l’accroissement de la criminalité et à la prolifération des gangs armés, de la drogue et du trafic d’armes, ainsi que de la corruption des institutions clés de l’État telles que la Police et le Pouvoir judiciaire.[23]    Les conséquences principales dans ce contexte sont une grave augmentation du niveau de violence dans le pays, les abus de plus en plus horribles, et les menaces à la vie perpétrées contre les personnes et impliquant des mutilations corporelles et l’enlèvement des victimes, ainsi qu’une impunité de plus en plus omniprésente et bien établie pour les violations des droits de la personne et les crimes.[24]

 

26.              Pendant la période couverte par le précédent rapport (2004-2006), Haïti a connu une phase d’instabilité politique marquée par un mécontentement grandissant et des actes de violence commis par des groupes armés qui ont mené au départ forcé de l’ex-Président Aristide en février 2004. Cet événement a été suivi par un gouvernement de transition mandaté pour deux ans, et l’organisation subséquente d’élections présidentielles et législatives en 2006. Cette période de transition a été largement caractérisée par une insécurité croissante et de fréquents actes de violence par des gangs armés, l’absence de contrôle effectif de certains secteurs de la capitale par la Police haïtienne et par les forces internationales, et enfin le manque de ressources institutionnelles appropriées et l’incapacité de fonctionner convenablement, particulièrement des faiblesses endémiques dans l’administration de la justice. Pendant cette période, la Commission a documenté de nombreuses violations telles que des enlèvements, des meurtres, des viols et des actes d’intimidation par les gangs armés. Des confrontations armées entre des gangs rivaux ou entre les forces de la sécurité et des criminels soupçonnés étaient aussi fréquentes.[25]

 

27.              Les actes de violence sont devenus progressivement quotidiens alors que la violence devenait de plus en plus inhumaine et s’accompagnait d’abus corporels et sexuels de femmes et de mineures, du ciblage des enfants pour les enlèvements, d’actes de traitements cruels ou de torture, et du recrutement forcé des enfants dans les gangs armés.[26] Cette situation a eu des effets néfastes sur le quotidien des Haïtiens, y compris la paralysie des activités économiques. Le commerce et les écoles ont été contraints de fermer leurs portes au centre-ville de Port-au-Prince pendant la période la plus chaude des enlèvements.[27] Dans les zones dénommées ‘zones de non-droit’ – zones soumises à l’autorité des gangs armés sans aucune présence effective de l’État – plusieurs institutions publiques et privées se sont vues forcées de suspendre leurs activités. Au même moment, les victimes devaient faire face à toutes sortes de difficultés pour avoir accès aux soins médicaux, ce qui entraînait des conséquences dévastatrices mettant leur vie en danger.

 

28.              Depuis l’arrivée du Président Préval au pouvoir en 2006, le gouvernement a élaboré des plans pour le développement, la réforme et le renforcement des institutions. En outre, depuis 2007, les actes de violence des gangs, les enlèvements, les assassinats et les viols ont diminué, et les forces de sécurité haïtiennes et internationales ont appréhendé de nombreux suspects et semblent avoir repris en mains la ville de Port-au-Prince. En dépit d’un budget modeste et de ressources restreintes alloués au secteur de la justice, le pouvoir judiciaire a redoublé d’efforts pour traduire les criminels en justice plus fréquemment en 2007, ce qui a permis d’engager de nombreuses poursuites et de procéder à des condamnations. Cependant, le nombre d’affaires impliquant la violence à l’égard des femmes qui ont été portées devant les tribunaux et qui ont débouché sur une condamnation reste significativement bas, et uniquement une poignée d’affaires ont fait l’objet de poursuites avec succès en faveur des victimes en 2007.[28]

 

29.              Au cours des dernières années, la Commission a documenté les conditions de pauvreté absolue, d’analphabétisme élevé, et de malnutrition, grave et répandue, qui ont empêché les Haïtiens d’exercer pleinement leurs droits économiques, sociaux et culturels. Un accès limité à l’éducation publique et aux chances d’emplois sont des caractéristiques de longue date de la conjoncture sociale et économique d’Haïti, qui perpétue les conditions de vie précaires pour la majorité des Haïtiens. La plus grande partie de la population haïtienne n’a pas accès aux services sociaux de base, y compris la santé publique, le logement, l’éducation, et les débouchés économiques. Il est estimé que 80% de la population nationale vit en-dessous du seuil de la pauvreté (avec moins d’un dollar par jour), et que plus des deux tiers de la force active travaille dans le secteur informel de l’économie.

 

30.              La Commission a reçu des chiffres pour 2007 indiquant que l’accès des Haïtiens aux services médicaux et de santé, au logement, aux aliments, à l’eau potable, demeure une préoccupation primordiale. Selon l’Organisation panaméricaine de la santé, « Haïti a le taux de mortalité maternelle et infantile le plus élevé, le pire degré de malnutrition et la pire situation pour le SIDA dans les Amériques ».[29]

 

31.              Dans le domaine de la santé, l’Organisation mondiale de la santé a identifié Haïti comme le pays doté des indicateurs de santé les plus bas dans les Amériques.[30]  Le taux d’infection au VIH est le plus élevé de l’Amérique latine, et le taux d’infection chez la femme est plus élevé que le taux d’infection chez les hommes (4,1 contre 3,5).[31]  Quarante pour cent de la population n’a pas accès aux soins de santé de base, et plus de la moitié de la population n’a aucun accès aux médicaments. Près de la moitié des services de santé d’Haïti est concentré dans la capitale, ce qui oblige la majorité de la population à s’en remettre à la médecine traditionnelle.[32]  En outre, il y a en moyenne 2,5 médecins par 10 000 habitants, et le quart des enfants haïtiens souffre de malnutrition chronique. D’après le Fonds des Nations Unies pour la population (ci-après « UNFPA ») le taux de mortalité infantile a été établi à 57 pour 1000 naissances.[33] L’espérance de vie est estimée à 52 ans pour les hommes et 53 ans pour les femmes.[34] La mauvaise qualité des services de santé et des conditions de travail sont des problèmes qui ont été soulevés en plusieurs occasions par le personnel de l’Hôpital Général à Port-au-Prince, qui a organisé de nombreux arrêts de travail pour attirer l’attention des autorités sur ces problèmes. Ces arrêts de travail ont en outre mis en danger les vies des personnes recevant un traitement médical dans cet établissement hospitalier.

 

32.              La violence associée à la pauvreté absolue dans un environnement urbain exacerbe encore davantage le problème de l’accès limité aux services médicaux à Port-au-Prince.[35] Par exemple, en 2005, Médecins Sans Frontières a fourni une assistance médicale d’urgence à plus de 7000 personnes, dont 2500 étaient des victimes directes de la violence.[36] Les difficultés causées par la distance et par le manque d’accès aux établissements publics de santé accroissent considérablement les risques de pertes de vie pour les victimes de violence armée. En général, plusieurs facteurs ont contribué à la situation humanitaire critique qui prévaut en Haïti: une hausse massive de la criminalité violente, l’incapacité de l’État de répondre de façon appropriée à ces actes avec célérité et efficacité et l’incapacité du public d’avoir accès aux services de base. Le résultat a été un nombre record de victimes d’actes de violence armée, ce qui a mené à la création de nouveaux établissements pour fournir des services médicaux et psychologiques aux victimes de violence dans les communautés touchées.[37]  

 

33.              Les caractéristiques politiques, économiques et sociales de la conjoncture haïtienne exercent un terrible impact sur l’exercice des droits des femmes. Bien que certains aspects de la situation générale en Haïti affectent la majorité de la population, selon les informations recueillies, les femmes haïtiennes ont, à travers leur histoire, dû faire face à des obstacles additionnels pour jouir pleinement de leurs droits fondamentaux en raison de la conception ancrée dans la société qu’elles sont inférieures aux hommes, et par voie de conséquence elles sont victimes de ces pratiques traditionnelles de discrimination et de violence en raison de leur sexe. La Commission observe avec inquiétude que les femmes haïtiennes portent encore le poids des inégalités dans la protection de leurs droits civils, politiques, économiques, et sociaux par rapport aux hommes et qu’elles sont notamment plus exposées que les hommes aux violations de leurs droits de la personne, à des actes de discrimination, à l’absence de leurs besoins spécifiques dans les programmes publics, à la limitation de leurs chances de participer au développement économique et social de leur société, à des niveaux extrêmes de pauvreté et à des actes brutaux de violence.
 

II.         LES FORMES DE DISCRIMINATION ET DE VIOLENCE CONTRE LES FEMMES
                         EN HAÏTI

 

A.        Le problème de la violence contre les femmes comme cause et
                          conséquence de la discrimination

 

34.              Au cours de ses visites, la Commission a reçu des informations qui confirment que la discrimination à l’égard des femmes a été, et est encore un phénomène omniprésent et toléré dans la société haïtienne. Les femmes en Haïti continuent d’occuper une position inférieure par rapport aux hommes haïtiens dans les secteurs de l’économie, de l’éducation, de la santé, de la justice, du travail et des processus décisionnels. En outre, la Commission est particulièrement préoccupée par le lien flagrant entre les formes de discrimination auxquelles les femmes haïtiennes doivent faire face aujourd’hui et la prévalence alarmante de la violente contre elles.

 

35.              La discrimination à l’égard des femmes en Haïti est principalement le résultat de conceptions sociales et populaires, sous forme de stéréotypes, qui veulent que les femmes soient inférieures aux hommes, et que par conséquent, elles ne puissent remplir que certains rôles sociaux, qui sont aussi les plus dépréciés par la société. Ces conceptions restent enracinées dans la culture haïtienne et encouragent des pratiques sociales qui sont discriminatoires pour les femmes dans la famille et dans les sphères publiques. Par exemple, pendant ses visites, la Commission a été informée par différents secteurs que la femme est celle à laquelle incombe largement le devoir de s’occuper des enfants et des travaux domestiques en raison de sa constitution biologique différente, et de sa capacité de procréation, ce qui constitue une sérieuse limite à ses chances de travailler en dehors du foyer. La Commission a, par le passé, exprimé sa préoccupation pour ce type d’attribution de rôle social aux femmes qui ne contribue qu’à promouvoir leur traitement inférieur dans la société. 

 

36.              Par exemple, dans l’affaire María Eugenia Morales de Sierra,[38] la Commission a considéré que plusieurs articles de la partie du Code civil du Guatemala traitant des relations entre maris et femmes, qui répartissaient les responsabilités entre eux conformément à des rôles préétablis dans la société, violaient la Convention américaine : les maris étaient chargés du soutien financier de la famille alors que les femmes avaient pour responsabilité de s’occuper de la maison et des enfants. La Commission a déterminé que « loin d’assurer "l’égalité des droits et un équilibre adéquat des responsabilités" dans le mariage », ces dispositions institutionnalisaient les déséquilibres entre les droits et les devoirs des époux.[39]  La Commission a conclu que les articles contestés du Code civil:

 

[e]xercent un effet continu et direct sur la victime dans cette affaire, en contrevenant à son droit de bénéficier d’une protection égale, et d’être à l’abri de la discrimination, parce qu’ils ne prescrivent pas des protections assurant que ses droits et ses responsabilités dans le mariage sont égaux et équilibrés par rapport à ceux de son époux, et parce qu’ils ne confirment pas son droit au respect de sa dignité et de sa vie privée.[40] 

 

37.              La Commission a déterminé que les dispositions du Code civil du Guatemala appliquaient des notions stéréotypées des rôles respectifs des femmes et des hommes, ce qui a perpétué la discrimination à l’égard des femmes au sein de la famille.[41]  Elle a, par conséquent, conclu que l’utilisation de « notions stéréotypées des rôles des femmes et des hommes » ne constituait pas un facteur approprié pour garantir l’égalité entre les hommes et les femmes, ainsi que l’égalité de leurs droits et de leurs  responsabilités. L’article 6 de la Convention de Belém do Pará consacre le droit des femmes d'être libres de toutes formes de discrimination, et le droit des femmes d’être valorisées, et de recevoir une formation dénuée de stéréotypes en matière de comportement et de pratiques sociales et culturelles basées sur des concepts d'infériorité ou de subordination.

 

38.              En ce qui a trait à Haïti, selon les informations recueillies, les femmes ont traditionnellement été sous-représentées par rapport aux hommes dans les postes décisionnels tant au sein de l’Exécutif que dans les Pouvoirs législatif et judiciaire. Leur travail a été traditionnellement sous-estimé, leurs salaires, inférieurs; elles ont toujours bénéficié de peu de débouchés professionnels, et elles ont été souvent confinées au foyer; elles ont eu un accès restreint aux chances de formation à tous les niveaux; leur accès aux services de santé, d’éducation et de justice a également été inégal, et elles n’ont pas reçu un traitement égal au sein de leur famille.

 

39.              Dans son Plan d’action, le Ministère à la Condition féminine documente les inégalités systémiques existant entre les hommes et les femmes dans la société haïtienne dans les secteurs de l’éducation, de la santé et de la politique.[42] Dans le secteur du travail, le Ministère à la Condition féminine fait remarquer que les femmes haïtiennes occupent une place importante dans l’économie du pays, mais l’évaluation de leur contribution s’avère difficile en raison de la « nature invisible » de leur travail.[43]  Les femmes constituent encore une majorité dans le domaine des travaux domestiques qui sont considérés comme une extension de leur rôle traditionnel dans le foyer. Le travail des femmes est en général relégué soit dans le secteur informel de l’économie, ce qui ne confère aucune stabilité ni aucune protection sociale, soit dans des professions offrant des bas salaires ou dans celles considérées comme « féminines ».[44] Leurs salaires sont plus bas que ceux des hommes, et leurs débouchés professionnels sont rares.[45]    

 

40.              Plusieurs sources ont confirmé à la Commission pendant ses visites que les femmes sont sous-représentées dans les partis politiques et dans les structures décisionnelles, et que la perspective de la parité est d’habitude absente dans les politiques et les programmes publics.[46] L’Association des Femmes Juges a fait savoir à la délégation que les femmes sont sous-représentées dans le Pouvoir législatif et dans l’appareil judiciaire en général. Par exemple, 17 ans ont passé depuis qu’une femme a exercé les fonctions de juge à la Cour de Cassation. Cette association a aussi confirmé que les femmes juges ne sont pas respectées, qu’elles sont maltraitées et reléguées dans des tâches de moindre importance; que les hommes juges sont favorisés par rapport aux femmes dans les attributions d’affaires importantes et dans la considération pour les promotions. En outre, même si les femmes et les hommes juges reçoivent les mêmes salaires, les femmes juges ne jouissent pas des mêmes chances de développement au travail que leurs homologues masculins.

 

41.              Dans le domaine de l’éducation, plusieurs secteurs, notamment le Ministère des Affaires sociales, ont confirmé pendant la visite de la Commission en avril 2007, qu’en raison de la discrimination exercée traditionnellement contre les femmes en Haïti, les niveaux d’éducation de la population féminine sont inférieurs à ceux de la population masculine. Par exemple, les parents disposant de moyens limités ont tendance à investir dans l’éducation de leurs enfants masculins parce qu’ils considèrent que les filles dépendront financièrement des hommes dans l’avenir. Le Ministère à la Condition féminine note également que les jeunes filles entrent dans le système d’éducation plus tard que les garçons, et accusent un taux plus élevé d’abandon scolaire en raison de leurs responsabilités domestiques et des grossesses adolescentes.[47] Tout ceci mène un taux d’analphabétisme plus élevé chez les femmes que chez les hommes. Le Ministère à la Condition féminine a aussi informé la Commission que les programmes scolaires reproduisent les stéréotypes qui veulent que les femmes soient inférieures aux hommes.[48] Au sein de la famille, les organisations de la société civile, et les organisations d’accompagnement de femmes victimes de violence comme Kay Fanm ont indiqué à la délégation que traditionnellement, les femmes ont eu la responsabilité exclusive de fournir des soins maternels, et d’élever les enfants, état de choses qui les a exposées à un traitement inférieur au sein de la famille.

 

42.              Au nombre des principaux problèmes auxquels les femmes doivent faire face en raison de leur position sociale désavantagée figurent le manque d’accès aux informations relatives à la santé génésique et aux services de planification familiale disponibles et un faible taux d’utilisation de contraceptifs (évalué par le Ministère à la Condition féminine à 13,2%).[49] De surcroît, le Fonds des Nations Unies pour le développement de la femme (ci-après « UNIFEM ») a conclu, sur la base des données provenant du Programme des Nations Unies pour le développement (ci-après « PNUD ») qu’entre 80 et 90% des femmes haïtiennes vivent à une distance d’au moins 15 kilomètres d’un centre de santé et que par conséquent elles ont un accès restreint aux contraceptifs, aux examens et aux soins prénataux et postnataux.[50] 

 

43.              Au sens de la Commission, il est particulièrement alarmant de constater comment la discrimination à laquelle la femme a été traditionnellement exposée dans la société haïtienne continue de l’exposer à des actes d’abus physiques, sexuels et psychologiques dans les sphères publique et privée. Une organisation de la société civile offrant un accompagnement, SOFA, a décrit comme suit le lien entre le problème de la discrimination et la violence à l’égard des femmes en Haïti:

 

Les déclarations des victimes de violence à l’égard des femmes qui ont eu recours à nos services de juillet à décembre 2006 dans différents centres montrent encore une fois que la violence à l’encontre des femmes est une conséquence directe d’une société de discrimination et d’inégalités, développée au sein d’un système patriarcal. Les lois, les institutions, les structures et les mentalités résultant de ce régime violent les libertés fondamentales et les droits des femmes et des mineures parce que celles-ci ne sont pas reconnues comme pleinement titulaires de ces droits. La discrimination, l’exclusion sociale et la paupérisation féminine sont la cause d’une violence systémique.[51]

 

44.              Dans sa jurisprudence, la Commission a établi le lien entre l’obligation des États de garantir aux femmes un traitement égal dans leurs sociétés, et l’éradication de la violence contre les femmes.[52] En outre, la Commission a, à plusieurs reprises, conclu que la violence à l’égard des femmes est une manifestation de coutumes et de pratiques sociales qui relèguent les femmes dans une position de subordination et d’inégalité, et qui par conséquent les placent dans une position désavantageuse par rapport à leurs homologues masculins.[53] 

 

45.              La violence à l’égard des femmes a été une caractéristique historique de la société haïtienne en raison de la discrimination que celles-ci y ont toujours subie. À l’issue d’une visite en Haïti, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la violence contre la femme, ses causes et ses conséquences (ci-après « Rapporteur des Nations sur la violence contre la femme ») a indiqué que la plupart des personnes interviewées ont décrit la société haïtienne comme étant « violente de par sa nature et sa structure », une société dans laquelle la violence contre les femmes se manifeste sous toutes ses formes et où un interlocuteur de l’État a indiqué que 90% des femmes haïtiennes ont subi au cours de leur vie au moins un abus de nature sexuelle.[54]  Ce contexte a été perpétué par la législation existante, dont le libellé et les prescriptions limitent les droits des femmes et ne leur garantissent pas légalement de protection égalitaire contre les actes de violence sexuelle. Plus récemment, le 25 novembre 2006, à l’occasion de la célébration de la Journée internationale contre la violence faite aux femmes, le Premier Ministre d’Haïti a déclaré que « la violence contre la femme est une violation alarmante des droits de la personne qui a son origine dans la nature discriminatoire de la société laquelle, de par ses lois, ses programmes d’éducation, et ses préjugés, dicte des pratiques sociales d’inégalité au détriment des jeunes filles et des femmes ».[55]

 

46.              La violence à l’égard des femmes en Haïti a connu une hausse marquée pendant les périodes d’instabilité et de troubles politiques, particulièrement depuis les années 1990. En 1995, la Commission a rapporté que depuis le coup d'État contre le Président Jean-Bertrand Aristide, le régime de facto illégal s’est rendu coupable de nombreuses violations des droits de la personne contre la population civile, particulièrement depuis la mi-1993 par suite de l’échec de l’Accord de Governors Island. La Commission a également rapporté que des femmes de différents âges et de différentes conditions socio-économiques avaient été violées pour que soit créé un « climat de terreur » parmi les partisans d’Aristide.[56] Par suite de ce qui précède, la Commission a été informée de l’occurrence systémique du viol et d’autres formes de violence contre les femmes et les enfants, dont les auteurs étaient des membres des forces armées, de la police, de leurs auxiliaires civils armés, ainsi que des groupes paramilitaires, entre autres.[57] Selon la Commission, l’occurrence du viol n’était « ni occasionnelle, ni au hasard, mais plutôt largement omniprésente, ouverte et courante ».[58]

 

47.              Sur cette toile de fond et dans ce contexte, la discrimination et les actes de violence qui en résultent continuent d’être tolérés dans la société haïtienne ce qui, par voie de conséquence, perpétue un climat d’impunité à l’égard de ces actes et de leur répétition. La discrimination est une pratique constante et structurelle de la société et de la culture haïtiennes tant dans les temps de paix que dans les périodes de trouble, et à ce titre, des mesures doivent être prises afin de protéger pleinement les droits des femmes et d’éradiquer le problème de la violence exercée contre elles.

 

B.         La violence contre les femmes dans différents contextes

 

48.              Depuis 2004, le taux de la violence exercée contre les femmes sous toutes ses formes est resté dangereusement élevé. Les statistiques révèlent que ce taux a connu, au cours des trois dernières années, une hausse constante qui a été exacerbée par l’accroissement de la pauvreté à travers le pays, l’inégalité de la répartition des richesses, la prolifération des armes, la prévalence des crimes violents, le manque de mesures adéquates pour la prévention du crime et l’absence de mécanismes efficaces de responsabilisation dans le pays.[59] La nature des violations est devenue de plus en plus brutale, alors que les femmes subissaient de multiples formes de violence en même temps, notamment le viol, les traitements cruels et la torture psychologique et corporelle.

 

49.              La Commission a observé que la hausse de la violence à l’égard des femmes a été de pair avec l’augmentation des crimes violents à Port-au-Prince. Les cas de viols d’enfants, de viols collectifs, et de multiples actes de violence sexuelle contre la même victime ont été enregistrés au fil des jours dans les quartiers les plus pauvres. Les actes de violence perpétrés quotidiennement contre les femmes, et l’échec de la justice de l’État à l’égard des victimes perpétuent une situation d’impunité généralisée. Le Secrétaire général des Nations Unies a reconnu l’urgence de la situation des fillettes soumises à des actes systémiques de viol et de violence sexuelle, et a déterminé que jusqu’à 50% des jeunes filles vivant dans des zones de conflit comme Cité Soleil sont victimes de viols et de violence sexuelle, alors que dans d’autres zones vulnérables, comme Martissant, des actes de viols collectifs ont été rapportés.[60]

 

50.              En l’absence d’un système officiel national de collecte et d’enregistrement des données, il est difficile d’obtenir des statistiques complètes sur les incidents et les cas de violence exercée à l’égard des femmes. Cependant une étude de la Table de concertation nationale [61] confirme le pourcentage élevé de cas de violence sexuelle en Haïti. Dans cette étude, 600 cas de violence sexuelle ont été enregistrés de 2002 à juillet 2005 par GHESKIO (un centre médical qui s’occupe exclusivement des femmes victimes de violence à Port-au-Prince).[62] D’autre part, cette même organisation a rapporté 17 cas de viol en 2003, et 49 en 2004.[63] Ces chiffres étaient plus élevés pour 2006. Plus spécifiquement, GHESKIO a rapporté avoir traité environ 10 cas de viol par jour pendant le mois de novembre 2006.[64] Le rapport a conclu que près de la moitié des victimes de viol enregistrées étaient des mineures (âgées de moins de 18 ans).  que le délai pour solliciter une aide médicale après un viol avait tendance à dépasser 72 heures et que pour la majorité, les actes de violence sexuelle étaient perpétrés par des hommes contre des femmes non accompagnées.

 

51.              Les chiffres pour 2006 et 2007 révèlent que ces actes sont perpétrés avec plus de fréquence, et sont souvent accompagnés d’autres abus, tels que les bastonnades et la mutilation corporelle. Une organisation de la société civile offrant un accompagnement, la SOFA, a enregistré 396 cas de violence contre les femmes et les jeunes filles pour le second semestre de 2006 (juillet à décembre) à travers le pays, et un total de 726 cas pour toute l’année.[65] Une autre organisation, Kay Fanm, a enregistré 954 cas de violence contre les femmes pour 2006.[66]  Pour le premier semestre de 2007, Kay Fanm rapporte 573 cas dans lesquels elle a fourni une assistance légale aux femmes. De ce nombre, 305 ont donné lieu à des dépôts de plaintes par les victimes accompagnées par Kay Fanm.[67] La plupart des cas enregistrés par la SOFA ont eu lieu dans les secteurs de Port-au-Prince contrôlés par les gangs, comme Martissant. Les organisations en question ont indiqué que les données sont basées sur les abus déclarés, mais ont souligné que le nombre réel de cas est probablement beaucoup plus élevé étant donné que de nombreux incidents ne sont pas déclarés. De surcroît, les organisations internationales comme le PNUD ont rapporté des actes de violence généralisée contre les « restavek », c’est-à-dire les employés de maison,[68] qui sont en majorité des jeunes filles.[69]

 

52.              La Commission a aussi bénéficié d’informations relatives à la prévalence de la violence au sein de la famille. L’Expert indépendant des Nations Unies pour Haïti a rapporté en 2006 que dans 85% des cas de violence interpersonnelle, les victimes étaient des femmes, alors que 88% des agresseurs étaient des hommes.[70]  Cependant, la Commission a observé que la violence au sein de la famille n’a pas le même niveau de visibilité en raison du tabou social qui est attaché à ce dossier.

 

53.              La Commission a reçu des informations sur les trois formes principales de violence exercée contre la femme en Haïti : physique, sexuelle et psychologique, ainsi que sur leurs contextes : urbain, institutionnel et au sein de la famille. Comme expliqué précédemment, toutes les formes de violence contre les femmes constituent des manifestations extrêmes de la discrimination contre les femmes et ont leur racine dans la perception que la femme est inférieure dans la société, perception reflétée à tous les niveaux dans les sphères tant publique que privée.

 

1.           Violence urbaine

 

54.              Violence urbaine est un terme employé pour caractériser les phénomènes récents du crime violent, de la violence des gangs et de la criminalité organisée, qui ont particulièrement affecté les résidents de Port-au-Prince et qui sont devenus une question prioritaire pour le Gouvernement haïtien.[71]  Cette vague de crimes a été caractérisée par de fréquents conflits entre les gangs dans de nombreux quartiers de la ville, qui provoquaient souvent des affrontements armés entre les groupes rivaux, ou entre ces groupes et les membres de la PNH ou des forces de l’ONU effectuant des opérations de sécurité.[72]

 

55.              Dans ce contexte, il a été rapporté que des groupes armés non identifiés constituaient les auteurs principaux de la violence contre les femmes dans les zones urbaines. Les auteurs de crimes violents dans la zone métropolitaine ont fréquemment ciblé les femmes, voulant ainsi imposer un climat de peur et d’intimidation, et exercer leur pouvoir et leur contrôle sur les victimes et les communautés ciblées. Les données statistiques montrent que la majorité des femmes en Haïti ont été victimes de violence urbaine.[73]  Les rapports confirment en outre que les femmes et les filles ont été blessées ou tuées par balle, battues, violées, torturées, ou ont subi des abus psychologiques, ou alors elles ont été exploitées physiquement et sexuellement par leurs agresseurs. Selon les organisations d’accompagnement de femmes victimes de violence, la majorité des cas de violence contre les femmes enregistrés dans les zones urbaines sont le résultat de blessures infligées par balle ou de bastonnades.

 

56.              La pratique des groupes armés consistant à recourir à la violence contre les femmes comme stratégie pour acquérir le pouvoir politique en Haïti et d’autres pays est bien documentée.[74] Alors que par le passé les activités des groupes armés étaient strictement liées à des desseins politiques, au cours des dernières années, les groupes armés se sont de plus en plus livrés à des activités violentes dans des buts purement criminels (criminalité organisée), par exemple dans le cadre de la concurrence entre les groupes pour le pouvoir et le contrôle dans certains secteurs de la ville. La Commission a été informée que le viol en Haïti est devenu une pratique courante, et constante, perpétrée par des groupes armés ciblant les femmes de toutes les catégories, sans limite d’âge ou de classe socio-économique.[75]

 

57.              La Commission a noté qu’entre 2004 et 2006, la violence sexuelle est ressortie comme l’une des formes prédominantes de la violence contre les femmes, causant fréquemment de graves blessures corporelles et des effets à long terme sur la santé mentale et physique des victimes, de même que leur stigmatisation. L’organisation Médecins Sans Frontières a rapporté qu’elle a traité 557 femmes pour viol de janvier 2005 à août 2007. Elle a indiqué que 68% de ces victimes avaient été attaquées par plus d’un assaillant, et que 6% d’entre elles avaient été violées alors qu’elles étaient en captivité.[76] Médecins Sans Frontières a en outre rapporté qu’en 2006 ses centres de santé ont reçu en moyenne 19 victimes de viol par mois alors qu’en 2007, cette moyenne est passée à 26 victimes par mois.[77]

 

58.              Le phénomène du kidnapping qui jusqu’à récemment était sans précédent dans l’histoire d’Haïti, est devenu systématique et omniprésent à Port-au-Prince en 2005-2006.[78] Pendant cette même période, la Commission a reçu de nombreux rapports indiquant que les ravisseurs ciblaient de plus en plus les femmes dans l’intention de réclamer des rançons plus élevées. La Commission a pu vérifier que le viol des femmes victimes d’un enlèvement était devenu une pratique systématique des agresseurs. Il y a eu des cas où la victime a été tuée et où son cadavre a été retrouvé mutilé, ce qui laissait supposer la possibilité d’actes de traitement cruel et de torture.[79] Le viol est ainsi devenu de plus en plus monnaie courante pour plusieurs groupes armés, particulièrement les gangs et les criminels, et fait partie d’une stratégie pour maintenir le pouvoir et le contrôle sur la victime et sa communauté.[80]

 

59.              La Commission note avec préoccupation un nombre croissant de rapports concernant le viol collectif qui, dans certains cas, a été employé comme un instrument de punition et de répression par les groupes armés, particulièrement contre les filles qui sont largement perçues comme étant des cibles plus vulnérables, ou contre les femmes qui sont perçues comme socialement déviantes, légères, rebelles ou qui ne sont pas consentantes.[81]

 

60.              Les femmes victimes de violence ont en commun les mêmes caractéristiques et vivent dans les mêmes conditions qui les rendent relativement plus vulnérables à la violence. Par exemple, la majorité des victimes d’actes de violence sexuelle ont été des femmes célibataires, près de la moitié des victimes de viol sont des filles de 18 ans ou moins[82] et dans la plupart des cas, ces femmes sont des chefs de famille, vivant dans des conditions financières extrêmement difficiles et habitant dans les quartiers les plus pauvres de la ville, dénommés « quartiers populaires » dont plusieurs sont contrôlés par les gangs armés.[83] Selon les statistiques disponibles depuis 2005, 85% des victimes de violence enregistrées dans les centres de santé sont des femmes.[84] 

 

61.              L’étude de la Table de concertation nationale confirme le fort pourcentage de viols collectifs (représentant 41% à 49% des cas documentés par GHEISKO et KAY FAMN), et qualifie  « d’alarmant » le pourcentage de viols commis par des étrangers avec des armes à feu. L’étude confirme que les actes de viols collectifs constituent la majorité des cas de violence contre les femmes enregistrés d’octobre 2004 à septembre 2005.[85] En outre, de plus en plus, les viols collectifs sont perpétrés pendant les kidnappings et pendant des attaques de résidences privées par des criminels. De par leur état, les femmes sont de plus en plus vulnérables aux multiples violations perpétrées dans ces circonstances.

 

62.              Les témoignages des victimes, et les comptes rendus des travailleurs sociaux confirment que certaines femmes ont été recrutées de force par les groupes armés, ou alors qu’elles ont été forcées de fournir plusieurs services à ces groupes, y compris des services sexuels. Les femmes sont en outre obligées de se livrer à des activités criminelles et/ou de servir de complices d’actes criminels, par exemple en servant de négociatrices pour les victimes kidnappées, en préparant des repas et en s’occupant des membres des gangs et de leurs victimes enlevées.[86] Dans ces cas, les femmes sont soumises à des abus systématiques des mains de leurs ravisseurs, et courent le risque de recevoir des blessures corporelles ou d’être tuées si elles essaient de s’échapper. De même, les femmes et les jeunes filles résidant dans les communautés infestées de gangs courent le danger d’être violées (ou d’être soumises au viol collectif) comme punition pour avoir refusé d’avoir des rapports sexuels avec un chef de gang ou avec un membre du groupe.[87]

63.              Peu d’actes de violence à l’égard des femmes sont déclarés aux autorités en raison de différents obstacles, notamment le manque de sécurité publique dans des quartiers de la ville où la criminalité violente règne, la crainte de représailles par les auteurs de ces actes et le manque de confiance des victimes dans la capacité du système de justice d’y remédier efficacement. Dans la plupart des cas, les femmes habitent dans les mêmes quartiers que leurs agresseurs, et sont conscientes qu’elles peuvent être l’objet de représailles si elles déposent une plainte auprès des autorités. En outre, une victime de viol risque d’être socialement stigmatisée et par la suite rejetée par son partenaire, sa famille, sa communauté.[88]

 

2.         Violence institutionnelle (dans les institutions d’administration
                          de la justice)

 

64.              Les actes de violence à l’égard des femmes qui sont perpétrés par des agents de l’État et/ou au sein des institutions de l’État sont une forme de violence qui n’a pas été largement documentée en Haïti. Cette forme de violence continue d’être un dossier occulté. Au cours de ses visites, la Commission a reçu des informations indiquant que les femmes et les filles sont victimes d’abus corporels et sexuels au moment de leur interpellation ou pendant leur période de détention dans les cellules provisoires des commissariats de police. La présente section examine les informations reçues par la Commission sur les actes de violence à l’égard des femmes dans les environnements institutionnels et les obstacles au rapport de ces cas aux autorités.

 

65.              En décembre 2006, la Délégation de la CIDH a été informée par les autorités pénitentiaires que celles-ci avaient reçu des détenues (amenées par les autorités policières en provenance des commissariats de police) qui avaient été victimes d’abus corporels et battues, sans doute par les autorités policières pendant leur interpellation ou leur détention. De même, en octobre 2007, un cas similaire a été rapporté : un garde de la prison de Cap-Haïtien a été soupçonné d’avoir violé et battu la femme d’un prisonnier pendant qu’elle se trouvait dans l’enceinte de cet établissement pour apporter de la nourriture à son mari. La victime a dû être hospitalisée pour le traitement de ses blessures.[89]

 

66.              Selon des témoins et des rapports d’observateurs des droits de la personne, les cas d’agressions des femmes en détention dans les cellules des commissariats de police sont fréquents mais sont rarement déclarés. Les victimes sont particulièrement peu disposées à déclarer des violations perpétrées par les forces de sécurité ou par les gardes des prisons pour plusieurs raisons. Les victimes sont détenues par ceux qui commettent les abus: par exemple, il a été rapporté que des actes de violence ont été perpétrés au moment de l’interpellation ou pendant les périodes de détention dans les postes de police ou dans des établissements pénitentiaires. Dans beaucoup de cas, il n’y a aucune preuve de la commission du crime parce que les abus sexuels sont commis dans des lieux isolés et sans témoin.[90]

 

67.              Dans ce contexte, les femmes n’ont aucun accès à un mécanisme de dépôt de plainte sûr et sécurisé leur permettant de rapporter un mauvais traitement. Bien que le Bureau de l’Inspecteur général de la Police soit chargé de mener des enquêtes sur des actes de mauvaise conduite commis par des officiers de police, ce bureau n’est pas représenté au sein ou près des commissariats de la police métropolitaine, ni dans les dix départements administratifs du pays. D’après l’Inspecteur général, des visites d’inspection régulières font partie de la stratégie de faire respecter la bonne conduite de la police, mais en raison du manque de ressources et de personnel, ces visites ne sont pas fréquentes.

 

68.              Dans les situations où les victimes ont la chance de déposer des plaintes formelles devant les autorités (par exemple après leur libération) des facteurs additionnels incitent les victimes à ne pas rapporter les abus. Par exemple, l’absence de confiance du public dans l’administration de la justice en Haïti est générale et répandue et la réputation de la police et du système judiciaire a été sérieusement ternie au fil des années en raison de la prévalence de la corruption dans les deux institutions et de leur inefficacité lorsqu’il s’est agi de traduire en justice les auteurs des abus.

 

69.              Pour la majorité des Haïtiens, la police et/ou l’appareil judiciaire n’offrent pas une solution efficace à leurs problèmes, et la plupart des victimes sont peu portées à s’en remettre à ces institutions pour trouver une assistance prompte et efficace. De même, les agents de l’État en Haïti ont rarement été poursuivis et inculpés pour des violations des droits de la personne ou des actes de violence à l’égard des femmes. De surcroît, dans certains cas, les victimes et leurs familles ont été ciblées par les auteurs des crimes commis à leur égard pour avoir déposé une plainte contre eux et ont été soumis à d’autres mauvais traitements. En outre, les opinions discriminatoires de la société envers les femmes et la tendance à ne pas en faire cas lorsqu’elles se plaignent de la violence constituent des facteurs dissuasifs additionnels les empêchant d’intenter une action en justice. Dans certains cas, leurs allégations sont banalisées ou mises en doute. Plusieurs victimes et les organisations d’accompagnement de femmes victimes de violence ont confirmé la discrimination généralisée à laquelle se heurtent les femmes face aux autorités policières et judiciaires lorsqu’elles cherchent à obtenir l’intervention de la justice de l’État.[91]

 

70.              La Commission estime par conséquent qu’il est important que l’État adopte des mesures pour améliorer la surveillance de ses agents et le respect des règles par ces mêmes agents dans un environnement institutionnel. Une attention spéciale et des ressources doivent être apportées pour améliorer les mécanismes de dépôt des plaintes par les victimes de violence institutionnelle et les agents de l’État doivent être sensibilisés et formés pour traiter les plaintes relatives à la violence faite aux femmes. En particulier, le Bureau de l’Inspecteur général devrait explorer la possibilité d’améliorer l’accès à ce mécanisme par les populations touchées, et/ou explorer les options pour que d’autres organismes de l’État, par exemple l’Office du Protecteur du Citoyen, remplissent un rôle actif dans la protection des droits de la personne et dans l’acheminement approprié des plaintes. Enfin, un examen des politiques, procédures et codes de conduite des administrations policière et pénitentiaire est recommandé et des modifications suggérées dans le but d’éradiquer la violence faite aux femmes  au sein des institutions de l’État et pour assurer la prise en mains d’un suivi approprié par l’appareil judiciaire.

 

3.         Violence intrafamiliale

 

71.              La violence au sein de la famille est une autre forme de violence exercée contre les femmes, et elle est extrêmement prévalente dans la société haïtienne, bien qu’elle soit très rarement déclarée.[92] L’expert indépendant des Nations Unies sur Haïti a rapporté que « toutes formes de violences confondues, dans 85 % des cas de violence conjugale, les victimes sont des femmes et les agresseurs à 88,8 %, des hommes.  »[93] La violence au sein de la famille demeure un dossier largement occulté : elle est tolérée dans la sphère privée et l’État ne s’en occupe pas. Pendant sa visite en Haïti, la Commission a rencontré des victimes de violence au sein de la famille et des membres d’organisations qui offrent aux femmes victimes de violence des services spécialisés. Elle a reçu la confirmation que la violence au sein de la famille est courante et omniprésente, mais que les femmes déclarent rarement les actes de violence à moins que ces actes ne causent des blessures physiques graves, des grossesses non désirées ou d’autres conditions qui requièrent des soins médicaux.

 

72.              Le Ministère à la Condition féminine a publié une étude sur la violence au sein de la famille, selon laquelle « 30% des femmes haïtiennes sont victimes de violence physique, émotionnelle et sexuelle aux mains de leur conjoint ».[94] La Commission a reçu des informations d’organisations de la société civile selon lesquelles 68% des victimes de violence physique entre 2003 et 2005 ont bénéficié d’un accompagnement après avoir déclaré les actes de violence au sein de leur famille.[95] La Commission a aussi reçu des données provenant d’autres organisations selon lesquelles 59% des victimes de violence avaient été maltraitées par leur partenaire intime.[96] La SOFA, qui comprend plusieurs centres s’occupant des victimes de violence au sein de la famille, dans les Départements de l’Ouest, du Sud-Est, de l’Artibonite et de la Grande-Anse, a rapporté que pendant le premier semestre de 2006, 75% des femmes traitées étaient des victimes de leur partenaire intime, et que 2% étaient victimes de violence aux mains d’un parent.[97]

73.              Ces données statistiques révèlent que d’un total de 330 victimes de violence qui ont été traitées par ces centres, 246 étaient des victimes de violence exercée par un partenaire intime, et que le plus fort pourcentage (38%) est attribuable à la violence physique.[98]

 

74.              Diverses sources confirment que la majorité des femmes qui ont subi de la violence au sein de la famille ne déclare pas ces incidents aux autorités pour différentes raisons, notamment la probabilité de se heurter à l’ostracisme et aux représailles de la part de leurs agresseurs, l’absence de confiance que l’appareil judiciaire pourra leur offrir une solution efficace contre ces actes et l’apathie de la police et des autorités de répression lorsque les victimes déclarent ces actes.[99] En outre, l’un des principaux obstacles à l’éradication de la violence au sein de la famille est la perception sociale qu’il s’agit d’une affaire privée.[100]

 

75.              L’organisation Kay Famn a informé la Commission que la Police perçoit la violence au sein de la famille comme revêtant moins d’importance lorsqu’on la compare à des cas impliquant d’autres formes de violence. Dans ce domaine, les dispositions actuelles du Code pénal haïtien sur le viol n’incluent pas spécifiquement le viol conjugal, et aucune loi spécialisée sur la violence au sein de la famille ou la violence basée sur le sexe n’existe en Haïti.[101] En dépit de ces défis, la SOFA a rapporté que  pendant le premier semestre de 2006, les femmes ont commencé à déclarer des viols conjugaux.[102] Cependant, puisque les actes de violence au sein de la famille sont tolérés dans la société haïtienne, ils font rarement l’objet de poursuites et débouchent rarement sur l’inculpation de leurs auteurs, ce qui par voie de conséquence perpétue l’impunité et la répétition de ces actes.   

 

76.              En raison du manque d’information sur cette forme de violence, le fait que beaucoup de victimes ont encore peur de déclarer ce genre de violations sur la base des tabous sociaux et la crainte de représailles, l’État doit adopter des mesures législatives, institutionnelles et policières, comme le prescrit la Convention de Belém do Pará, conçues spécifiquement pour prévenir les actes de violence au sein de la famille, poursuivre et sanctionner leurs auteurs. L’État devrait aussi offrir un accompagnement spécialisé approprié à l’intention des victimes de violence au sein de la famille. En particulier, des efforts de l’État sont requis pour sensibiliser et éduquer le public dans le domaine de la violence au sein de la famille, forme de violence punissable en vertu des lois nationales et internationales.

 

4.          Perception de la violence faite aux femmes

 

77.              Étant donné la prévalence de la violence faite aux femmes, rapportée par différents groupes d’accompagnement des femmes au cours des trois dernières années,[103] la Commission est particulièrement préoccupée par ce que les travailleurs sociaux ont appelé la ‘banalisation de la violence dans la société’, c’est-à-dire la tolérance par la société de la violence faite aux femmes. La Commission observe que la société tout entière a subi les effets négatifs de ce phénomène de violence urbaine ou criminelle, qui a eu pour résultat une population dominée par la peur et l’intimidation. Ce contexte a donné lieu à une tolérance et une passivité face aux actes de violence à l’encontre des femmes. Les organisations d’accompagnement de femmes victimes de violence ont spécifié que la notion de l’acceptation passive est plus commune dans les communautés affectées les plus démunies où les actes de violence ont été les plus fréquents, où les actes de banditisme ont été prédominants et où l’action de l’État pour prévenir et sanctionner ces actes a été largement inefficace.

 

78.              La violence faite aux femmes est perpétuée par des attitudes et des pratiques discriminatoires à l’égard des victimes. L’un des facteurs qui contribue à un sentiment général de tolérance à l’égard des actes de violence contre la femme est l’absence de conscientisation et de reconnaissance que la violence à l’égard des femmes constitue une violation des droits de la personne, qui devrait déclencher l’obligation de l’État de prendre une action pour prévenir ces abus. En outre, les victimes et les personnes vivant dans les communautés les plus affectées n’ont pas bénéficié de l’intervention de la justice pour la plupart des abus ou des violations soufferts au fil des ans. Cet état de choses nourrit le climat d’impunité et un sentiment de tolérance envers cette situation, entretenus par la population en général. Jusqu’à présent, la violence faite aux femmes a été largement banalisée en termes de sa reconnaissance publique et de son traitement en comparaison à d’autres problèmes de droits de la personne.

 

79.              Un facteur qui contribue à la culture du silence entourant les actes de violence exercés contre les femmes, tels que la violence sexuelle, est la stigmatisation par la société que causent ces crimes. Une femme ou une fille abusée sexuellement est perçue comme quelqu’un qui a sa dignité ternie au lieu d’être considérée comme victime d’une violation de ses droits de la personne. Une femme qui est abusée sexuellement est souvent blâmée pour l’agression et court le risque d’être ostracisée par sa communauté et abandonnée par sa famille. Le fait de ne pas reconnaître ces abus comme des violations des droits de la personne dénie aux victimes le droit de recours, et mène souvent à la persécution répétée à long terme. Les travailleurs sociaux attribuent la persistance du viol et des maltraitances  physiques dans un environnement familial à une culture de silence dans la société et au niveau de l’État. 

 


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[1] Conseil économique et social des Nations Unies, COMMISSION DES DROITS DE L’HOMME, Soixante et unième Session, Point 19 de l’ordre du jour provisoire, E/CN.4/2005, 24 janvier 2005, « Services consultatifs et coopération technique dans le domaine des droits de l’homme : Situation des droits de l’homme en Haïti ». Rapport établi par l’Expert indépendant, Louis Joinet, paragraphe 16, qui peut être consulté à l’adresse http:/www.ohchr.org/EN/countries/LACRegion/Pages/HTIndex.aspx.

[2] Kay Fanm, Violence envers les femmes et les filles, Bilan de l’année 2006, p. 18.

[3] Conseil économique et social des Nations Unies, Commission des droits de l’homme, Soixante et unième session, Point 19 de l’ordre du jour provisoire, E/CN.4/2005, 24 janvier 2005, « Services consultatifs et coopération technique dans le domaine des droits de l’homme : Situation des droits de l’homme en Haïti ». Rapport établi par  l’Expert indépendant des Nations Unies, Louis Joinet, paragraphe 16, qui peut être consulté à l’adresse http:/www.ohchr.org/EN/countries/LACRegion/Pages/HTIndex.aspx.

[4] En raison du manque de ressources, l’État est limité dans sa capacité de fournir des chiffres officiels détaillés sur le phénomène de la violence contre la femme. Cependant, la Commission a reçu des données provenant de fournisseurs de services en Haïti ayant pour vocation de répondre aux besoins des femmes victimes de violence, y compris ceux qui sont affiliés à la Table de concertation nationale contre la violence faites aux femmes.  La Table de concertation nationale réunit plusieurs organisations qui collectent des données sur les femmes victimes de violence qui ont été traitées chaque année.

[5] Conclusions préliminaires de la Commission interaméricaine des Droits de l’Homme sur la visite qu’elle a effectuée en Haïti en avril 2007 (2 mars 2008). Voir également le Rapport du Secrétaire général des Nations Unies sur la situation des enfants dans les conflits armés,  (A/61/529- S/2006/826) du 26 octobre 2006.

[6] Résumé analytique de Médecins sans Frontières sur Haïti. Dernière mise à jour : 2007. Disponible sur le site: www.doctorswithoutborders.org/news/country.cfm?id=2323.

[7] Enlèvement et assassinat de Natasha Farah Dessources (20 ans), cadavre retrouvé mutilé. Voir Radio Kiskeya, «Arrestation d’un adolescent de 15 ans pour implication présumée dans l’assassinat de la jeune Farah Natacha Kerby Dessources (20 ans), en novembre 2006 à Port-au-Prince», Bulletin de nouvelles de la MINUSTAH daté du 14 janvier 2008; Réseau National de Défense des droits humains (RNDDH), « La Terreur s’installe à Port-au-Prince », Dépêche du 6 décembre 2006; Radio Kiskeya, «Hystérie collective aux funérailles de Farah Natacha Dessources, une suppliciée du kidnapping », 25 novembre 2006; Voir également Panos Caraïbes, «Viol en Haïti: État des lieux accablants, le défi de contrecarrer le fléau », No 15, février 2007, p. 4: « Les femmes violentées sont en outre soumises à des sévices corporels les plus cruels, à savoir: assassinat, matrices perforées, yeux crevés, blessures graves ».

[8] Voir le communiqué de presse No 19/04 de la CIDH « La CIDH conclut sa visite en Haïti » (7 septembre 2004) qui peut être consulté sur le site http://www.cidh.org/Comunicados/English/2004/19.04.htm; voir également le communiqué de presse No 16/05 de la CIDH « La CIDH appelle à une action internationale accrue en Haïti » (22 avril 2005) qui peut être consulté sur le site: http://www.cidh.org/Comunicados/English/ 2005/16.05eng.htm; Voir aussi le communiqué de presse No 20/05 de la CIDH « La CIDH émet des observations préliminaires sur la visite qu’elle a effectuée en Haïti en avril 2005 (6 juin 2005), disponible sur le site  http://www.cidh.org/Comunicados/English/2005/20.05.htm; de même voir le communiqué de presse de la CIDH No. 37/05 « La CIDH et le Bureau régional et caribéen de l’UNICEF achèvent leur visite en Haïti » (5 novembre 2005), qui peut être consulté sur le site: http://www.cidh.org/Comunicados/English/2005/37.05eng.htm; voir en outre le communiqué de presse No.24/07 de la CIDH « La CIDH se déclare encouragée par les efforts visant à améliorer la situation des droits de la personne en Haïti  » (20 avril 2007) qui peut être consulté sur le site: http://www.cidh.org/Comunicados/English/2007/24.07eng.htm; voir enfin le communiqué de presse No 32/07 « Le Rapporteur sur les personnes privées de liberté conclut sa visite en Haïti » (21 juin 2007) qui peut être consulté sur le site: http://www.cidh.org/Comunicados/English/ 2007/32.07eng.htm.

[9] Voir  le communiqué de presse No  4/04  de la CIDH « Communiqué de presse de la CIDH sur Haïti » (26 février 2004) qui peut être consulté sur le site: http://www.cidh.org/ Comunicados/English/2004/4.04.htm; Voir aussi le communiqué de presse No  7/04  de la CIDH « La CIDH soutient que les droits de l’homme doivent être respecter pendant la crise en Haïti  » (11 mars 2004) qui peut être consulté sur le site: http://www.cidh.org/Comunicados/English/ 2004/7.04.htm; Voir aussi le communiqué de presse No   22/04 de la CIDH « La CIDH exprime sa préoccupation pendant  sa 121e session ordinaire face à la situation en Haïti  » (18 octobre 2004) qui peut également être consulté sur le site: http://www.cidh.org/Comunicados/English/ 2004/22.04.htm; Voir aussi le communiqué de presse No  35/05 de la CIDH « La CIDH fait rapport avant de conclure sa session sur la situation des droits de la personne » (28 octobre 2005) qui peut être consulté sur le site: http://www.cidh.org/Comunicados/English/2005/35.05eng.htm; voir enfin le communiqué de presse No 37/06 « la CIDH observe les progrès et les défis dans le domaine des droits de la personne dans les Amériques » (27 octobre 2006) qui peut être  consulté sur le site: http://www.cidh.org/Comunicados/English/2006/37.06eng.htm.

[10] Voir  le communiqué de presse. No  6/06 « Haïti: Justice en déroute ou État de droit?  La CIDH publie un rapport sur l’administration de la justice en Haïti » (16 mars 2006), qui peut être consulté sur le site http://www.cidh.org/countryrep/HAITI%20ENGLISH7X10%20FINAL.pdf; voir aussi le Rapport de la CIDH  « Accès à la justice pour les femmes victimes de violence dans les Amériques » (OEA/Ser. L/V//II) Doc.68 (20 janvier 2007) qui peut être consulté sur le site: http://www.cidh.org/women/Access07/tocaccess.htm; voir également le Rapport de la CIDH « La violence et la discrimination à l’égard des femmes dans les conflits armés en Colombie » (OEA/Ser.L/V//II) Doc.67 (16 octobre 2006) qui peut aussi être consulté sur le site: http://www.cidh.org/countryrep/ColombiaMujeres06eng/TOC.htm; voir enfin le communiqué de presse No 14/06 de la CIDH « La CIDH exprime sa préoccupation face à la situation des droits de la personne en Haïti » (2 mai 2006) qui peut être consulté sur le site: http://www.cidh.org/Comunicados/English/2006/14.06eng.htm.

[11] Wiza Loutis, «Évaluation de la situation des femmes dans le cadre de la violence armée en Haïti (Communes de Port-au-Prince, des Cayes et des Gonaïves, «  Section conjointe DDR-PNUD/MINUSTAH, juin 2006; Radhika Coomaraswamy, «Intégration des droits des femmes  et de la perspective de la parité hommes-femmes: la violence contre les femmes/Rapport sur la mission en Haïti», E/CN.4/2000/68/Add.3, 27 janvier 2000.

[12] Office de la Protection du Citoyen (OPC), «Rapport de fin de mission 10 février au 10 août 2005», UPDF (août 2005) et «Rapport d’activité dans le cadre de l’observation des cas de violence faite aux femmes» (décembre 2006); Ministère à la Condition féminine, « Plan National de Lutte contre les violences faites aux femmes », CNVF, (novembre 2005) et «Prise en charge et accompagnement des victimes de violence sexuelle» (mars 2005).

[13] Rapports des organisations haïtiennes des droits de l’homme et des organisations de la société civile pendant la période 2004-2007, notamment la Commission épiscopale justice et paix (JILAP), le Réseau National pour les Droits des Haïtiens (RNDDH) et Solidarité des Femmes Haïtiennes (SOFA).

[14] Entretiens de la CIDH avec des représentants de Solidarité des Femmes Haïtiennes (SOFA); APROSIFA; GHESKIOU; Kay FAN; Enfofanm; Anne Sosin; CONOCS/MOFECS; AVSI; Programme IFES-Victimes de violence Program; et Femmes et enfants victimes de violence.

[15] Centre de nouvelles de l’ONU, « Dernière vague d’enlèvements en Haïti sonne l’alarme dans la Mission de maintien de la paix de l’ONU ».

[16] La Commission s’est entretenue avec des représentants du Gouvernement haïtien, des membres de la société civile, et des représentants des organisations internationales. Elle a tenu  des entretiens avec le Président de la République d’Haïti, Son Excellence M. René Préval; le Premier Ministre, Son Excellence M. Jacques Édouard Alexis; le Ministre des Affaires étrangères et du culte, M. Jean-Rénald Clérismé; le Ministre de la Justice et de la Sécurité publique, M. René Magloire; le Ministre des Affaires sociales et du Travail, M. Gérald Germain; la Ministre à la Condition féminine et des Droits de la femme, Mme Marie-Laurence Josselyne Lassègue; le Président par intérim de la Cour de Cassation, Me Georges Moïse; le Secrétaire d’État à la Justice, Me Daniel Jean; Le Secrétaire d’État à la Sécurité publique, M. Luc Eucher Joseph; le Directeur général de la Police nationale haïtienne, M. Mario Andresol; le Commissaire du gouvernement du Parquet de Port-au-Prince, Me Claudy Gassant; le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies, M. Édouard Mulet; le Conseiller pour les affaires de genre SRSG, MINUSTAH  le chef de la section judiciaire de la MINUSTAH; le chef de la section droits de la personne de la MINUSTAH; la Chef de la Police, Marie-Louise Gautier; le Coordonnateur national des questions féminines de la Police nationale Haïtienne; le Chef de la Division des questions de l’enfance, de la PNH; et les membres des organisations des droits de l’homme, et celles des droits des femmes en Haïti.

[17] La Commission s’est réunie avec des représentants de: Solidarité des Femmes Haïtiennes (SOFA); APROSIFA; Kay Fanm; Enfofanm; Anne Sosin; Mouvement des Femmes à Cité-Soleil (MOFECS);  l’Association des Femmes Juges; Enfofanm; COHADDE et Danielle Magloire.

[18] Voir le Rapport annuel de la CIDH 2004, Chapitre IV: Haïti, qui peut être consulté sur le site http://www.cidh.org/annualrep/2004eng/chap.4b.htm, para. 140; voir également le Rapport annuel de la CIDH pour 2005, Chapitre IV: Haïti, qui peut être consulté sur le site http://www.cidh.org/annualrep/2005eng/chap.4c.htm, paras. 242-243; voir en outre  le Rapport annuel de la CIDH pour 2006, Chapitre IV: Haïti, qui peut être consulté sur le site http://www.cidh.org/annualrep/2006eng/Chap.4c.htm, para. 125. 

[19] CIDH, Haïti: justice en déroute ou état de droit? Défis pour Haïti et la communauté internationale, OEA/Ser./L/V/II.123 doc. 6 rev. 1, 26 octobre 2006, para. 5.

[20] CIDH, Haïti: justice en déroute ou état de droit? Défis pour Haïti et la communauté internationale, OEA/Ser./L/V/II.123 doc. 6 rev. 1, 26 octobre 2006, para. 5.

[21] CIDH, Haïti: justice en déroute ou état de droit? Défis pour Haïti et la communauté internationale, OEA/Ser./L/V/II.123 doc. 6 rev. 1, 26 octobre 2006, para. 5.

[22] CIDH, Haïti: justice en déroute ou état de droit? Défis pour Haïti et la communauté internationale, OEA/Ser./L/V/II.123 doc. 6 rev. 1, 26 octobre 2006, para. 5.

[23] CIDH, Haïti: justice en déroute ou état de droit? Défis pour Haïti et la communauté internationale, OEA/Ser./L/V/II.123 doc. 6 rev. 1, 26 octobre 2006, para. 5.

[24] CIDH, Haïti: justice en déroute ou état de droit? Défis pour Haïti et la communauté internationale, OEA/Ser./L/V/II.123 doc. 6 rev. 1, 26 octobre 2006, para. 5.

[25] Voir le Rapport annuel de la CIDH pour 2006, Chapitre IV: Haïti, qui peut être consulté sur le site http://www.cidh.org/annualrep/2006eng/Chap.4c.htm.

[26] Voir le Rapport annuel de la CIDH pour 2006, Chapitre IV: Haïti, qui peut être consulté sur le site http://www.cidh.org/annualrep/2006eng/Chap.4c.htm.

[27] La Délégation de la CIDH qui s’est rendue en Haïti en décembre 2006 a été informée d’un enlèvement de masse de plusieurs enfants d’âge scolaire, ce qui a provoqué la fermeture prématurée des écoles en Haïti.

[28] Ceci peut aussi être influencé par les changements introduits dans le Décret de juillet 2005, selon lequel le viol est puni de travaux forcés  (ce qui dans la pratique se traduit sous forme de peines de prison), par opposition à la « peine de réclusion » antérieurement. Cependant, des 41 cas de viol rapportés pendant le premier semestre de 2007, il en a résulté uniquement une condamnation. « Dossiers de Kay Fanm devant les tribunaux », Note d’information, 13 août 2007.

[29] La crise haïtienne: Menaces pour la santé, qui peut être consulté sur le site: http://www.paho.org/English/DD/PED/HaitiHealthImpact.htm (La prévalence du VIH s’établit entre 2% et 11,9% de la population); voir également : Le défi d’Haïti, La santé, un droit pour tous, Rapport de l’Organisation panaméricaine de la santé, qui peut aussi être consulté sur le site: http://www.paho.org/english/d/csu/TheChallengeofHaiti.pdf.

[30] Organisation mondiale de la santé, Haïti, consulter le site: http://www.who.int/countries/hti/en/.

[31] UNFPA, État de la population mondiale, 2007.

[32] UNFPA, État de la population mondiale, 2007.

[33] UNFPA, État de la population mondiale, 2007.

[34] UNFPA, État de la population mondiale, 2007.

[35] Entretien avec le représentant du CICR, Visite In Loco en Haïti, avril 2005. 

[36]Voir Haïti dans MSF News: Dernière mise à jour des opérations: 2006, qui peut être consulté sur le site: www.doctorswithoutborders.org/news/haiti.htm; voir également « Treating Sexual Violence in Haiti  », Entretien avec Olivia Gayraud, Chef de la Mission MSF à Port-au-Prince,  » (30 octobre 2007), qui peut être consulté sur le site: http://www.doctorswithoutborders.org/news/voices/2007/10-30-2007.cfm

[37] En réponse à la situation humanitaire créée par le niveau élevé de violence urbaine et la grande quantité de pertes de vies humaines, le CICR, l’organisation Médecins sans Frontières, et le projet IFES-Victimes de violence sont intervenus pour mettre en place des services conçus pour traiter les victimes de violence urbaine entre 2004 et 2006. Voir également Haïti dans MSF News: Dernière mise à jour des opérations: 2006, qui peut être consulté sur le site: www.doctorswithoutborders.org/news/haiti.htm , et l’actualité dans le MSF News: Caught in Haiti’s Crossfire (avril 2005), qui peut être consulté sur le site www.doctorswithoutborders.org/news/2005/04-01-2005.htm.

[38] CIDH,  décision sur le fond. Rapport  No 4/01, Maria Eugenia Morales de Sierra (Guatemala), 19 janvier 2001.

[39] CIDH,  décision sur le fond. Rapport  No 4/01, Maria Eugenia Morales de Sierra (Guatemala), 19 janvier 2001, para. 44.

[40] CIDH,  décision sur le fond. Rapport  No 4/01, Maria Eugenia Morales de Sierra (Guatemala), 19 janvier 2001, para. 52.

[41] CIDH, décision sur le fond. Rapport  No 4/01, Maria Eugenia Morales de Sierra (Guatemala), 19 janvier 2001, para. 44.

[42] Ministère à la Condition féminine, Plan d’action ministériel, août 2006.

[43] Ministère à la Condition féminine, Plan d’action ministériel, août 2006.

[44] Ministère à la Condition féminine, Plan d’action ministériel, août 2006.

[45] Ministère à la Condition féminine, Plan d’action ministériel, août 2006.

[46] Ministère à la Condition féminine, Plan d’action ministériel, août 2006

[47] Ministère à la Condition féminine, Plan d’action ministériel, août 2006.

[48] Ministère à la Condition féminine, Plan d’action ministériel, août 2006.

[49] Ministère à la Condition féminine, Plan d’action ministériel, août 2006.

[50] UNIFEM, The Impact of Crisis on Haitian Women: Report of Fact-Finding Mission to Haiti, janvier 2006, p. 16.

[51] SOFA, Cas de violence accueillis et accompagnés dans les centres douvanjou de la SOFA de juillet à décembre 2006, janvier 2007.

[52] CIDH, décision sur le fond, Rapport No 4/01, María Eugenia Morales de Sierra (Guatemala), 19 janvier 2001; CIDH, décision sur le fond, Rapport No 54/01, Maria Da Penha Fernandes (Brésil), 16 avril 2001.

[53] Voir également CIDH, Access to Justice for Women Victims of Violence in the Americas, OEA/Ser.L/V.II.Doc. 68, 20 janvier 2007, section sur la violence et la discrimination,
p. 26.

[54] Données fournies par le Ministère des Affaires sociales et du Travail en Haïti, citées dans le Rapport du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la violence contre la femme, ses causes et ses conséquences, Mme Radhika Coomaraswamy, Rapport sur la mission en Haïti, E/CN.4/2000/68/Add. 3, 27 janvier 2000, paras. 10 – 11.

[55] Message du Premier Ministre le 25 novembre, à l’occasion de la célébration de la Journée internationale contre la violence à l’égard des femmes.

[56] CIDH, Rapport sur la situation des droits de l’homme en Haïti, OEA/Ser.L/v/II.88 Doc. 10 rev., 9 février 1995.

[57] CIDH, Rapport sur la situation des droits de l’homme en Haïti , OEA/Ser.L/v/II.88 Doc. 10 rev., 9 février 1995.

            [58] CIDH, Rapport sur la situation des droits de l’homme en Haïti , OEA/Ser.L/v/II.88 Doc. 10 rev., 9 février 1995

[59] Voir Rapport du Secrétaire général des Nations Unies, « Les enfants dans les conflits armés », (A/61/529- S/2006/826), 26 octobre 2006.

[60] Voir le Rapport du Secrétaire général de l’ONU au Conseil de sécurité, « Les enfants dans les conflits armés », A/61/529- S/2006/826, 26 octobre 2006, 61e session, para. 39.

[61] La « Table de concertation nationale Contre la Violence Faites aux Femmes,  » est constituée d’un groupe d’institutions du gouvernement (Ministère de la justice et Ministère de la santé), des groupes fournisseurs de services et des organisations de la société civile – certains dotés d’une vaste représentation géographique – formée pour offrir des services spécialisés aux femmes victimes de violence, conduire des recherches, recueillir des données sur les statistiques nationales de violence et de discrimination contre les femmes et pour militer en faveur de la promotion de la parité hommes-femmes et des droits des femmes, particulièrement la santé des femmes et leur accès à la justice. Voir Table de concertation nationale  contre les violences faites aux femmes, « Prise en charge et accompagnement des victimes de violences sexuelles: formation du personnel soignant,  » Livret de formation, MCFDC/MSPP, mars 2005.

[62] Voir Table de concertation nationale sur la Violence Spécifique Faites aux Femmes et leur Prise en Charge, Rapport de la Commission de Collecte de Données (novembre 2005), p. 2. Il est important de noter qu’en l’absence d’un système intégré couvrant le territoire national, chargé d’enregistrer les actes de violence en général, et à l’égard des femmes en particulier, les statistiques citées ici ne représentent peut-être pas entièrement la véritable envergure de la prévalence de la violence à l’égard des femmes en Haïti.

[63] Conseil économique et social des Nations Unies, Commission des droits de l’homme, Soixante et unième session, point 19 de l’ordre du jour provisoire, E/CN.4/2005/123, 24 janvier 2005, Services consultatifs et coopération technique dans le domaine des droits de l’homme: Situation des droits de l’homme en Haïti. Rapport établi par l’Expert indépendant, Louis Joinet, para 16, qui peut être consulté sur le site: http://www.ohchr.org/EN/countries/LACRegion/ Pages/HTIndex.aspx.

[64] Voir Journée mondiale sur le SIDA, « En Haïti, le genre est une question de vie ou de mort,  » Amy Bracken. IPS, 30 novembre 2006.

[65] SOFA, Cas de violence accueillis et accompagnés dans les centres douvanjou de la SOFA de juillet à décembre 2006, janvier 2007; Alter Presse, Haïti: La SOFA recense 396 cas de violence contre des femmes et filles de 3 à 65 ans, dans 21 centres locaux, en 6 mois, 27 février 2007.

[66] Kay Fanm, Violence envers les femmes et les filles, Bilan de l’année 2006, p. 18.

[67] Il en a aussi résulté 101 procès civils intentés dans des cas de pensions alimentaires, de garde des enfants ou de séparation légale. Kay Fanm, « Dossiers de Kay Fanm devant les tribunaux », Note d’information, 13 août 2007.

[68] UNDP, Situation économique et sociale d’Haïti en 2005,  p. 21.

[69] En avril 2004, l’UNICEF estimait que 120 000 filles travaillaient comme employées de maison en Haïti. Ce chiffre a augmenté à 225 000 en mars 2006. Voir Centre de nouvelles de l’ONU, « Enfants de la rue, filles domestiques gravement affectées par la violence en Haïti – UNICEF », 19 avril 2004, qui peut être consulté sur le site: http://www.un.org/apps/news/ story.asp?NewsID=10447&Cr=Haiti&Cr1; voir aussi : UNICEF, « Haïti: SOS enfants en danger!  », mars 2006, No. 2, p. 3, consulter le site: http://www.unicef.org/french/childalert/haiti/content/ Child%20Alert%20Haiti%20(Fr).pdf (« Un enfant sur dix à peu près est employé comme domestique ailleurs que dans sa famille. Les filles représentent 75 pour cent des
300 000 travailleurs surnommés restaveks »).

[70] Conseil économique et social de l’ONU, Soixante et unième session, point 19 du projet d’ordre du jour, E/CN.4/2006/115, 24 janvier 2006, Services consultatifs et coopération technique dans le domaine des droits de l’homme : Situation des droits de l’homme en Haïti. Rapport établi par l’Expert indépendant des Nations Unies, Louis Joinet, paras. 13 et 14; consulter le site  http://www.ohchr.org/EN/countries/LACRegion/Pages/HTIndex.aspx.

[71] Wooldy Edson Louidor, Alterpresse, « Haïti: Changement ou redéfinition de la politique générale du gouvernement ? » 25 juillet 2007, consulter le site: http://www.alterpresse.org /spip.php?article6241.

[72] Voir Médecins sans frontières (MSF), « Treating Sexual Violence in Haiti: Interview with Olivia Gayraud, MSF Head of Mission in Port-au-Prince,  » (30 octobre 2007), consulter le site: http://www.doctorswithoutborders.org/news/voices/2007/10-30-2007.cfm.

[73] « Le Ministre des Affaires sociales et du Travail […] a estimé que 90 pour cent des femmes haïtiennes sont victimes de violence. La situation a été exacerbée par la culture machiste qui prévaut encore aujourd’hui ». Nations Unies. Intégration des droits des femmes et de la perspective de genre: la violence contre les femmes/Rapport du Rapporteur spécial sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences, Mme Radhika Coomaraswamy, soumis pour donner suite à la résolution 1997/44 de la Commission des droits de l’hommes de l’ONU, addendum au Rapport sur la mission en Haïti, E/CN.4/2000/68/Add.3, 1er mars 2000.

[74] Voir CIDH, Violence and Discrimination against Women in the Armed Conflict in Colombia, OEA/Ser/L/V/II. 124/Doc.6, 18 octobre 2006; voir aussi, CIDH, Rapport sur la situation des droits de l’homme en Haïti, OEA/Ser.L/v/II.88, Doc. 10, février 1995, section 3 B); voir en outre Si’m Pa Rélé, Commission nationale Vérité et Justice (Haïti) 1995; et  « Les femmes étaient battues, violées ou disparaissaient parfois pour des raisons qui les concernaient directement, ou parce que leurs maris étaient soupçonnés d’avoir appuyé Aristide. Les militaires (pendant le coup d’État de 1991) avaient institué le règne de la terreur, pratiquaient la torture, forçaient les garçons à violer leur mère et violaient à leur tour les femmes et les jeunes filles. Ils brûlaient les maisons, laissant les femmes et les enfants sans abri », Marionne Benoit, Coalition Nationale des droits de l’homme, « The Aftermath: Women in Post-war Reconstruction » conférence tenue du 20 au 22 juillet 1999 à Johannesburg, Afrique du Sud.

[75] Entrevue de la CIDH avec Miriam Merlet, Chef de cabinet de la Ministre à la Condition féminine, octobre 2006; Entrevue avec un représentant de AVSI, une ONG internationale humanitaire opérant à Cité Soleil, décembre 2006; La Division chargée des mineurs de la PNH a rapporté une recrudescence du nombre de viols commis contre les filles âgées de 4 à 17 ans pendant la période 2004-2006. Elle a rapporté 23 plaintes déposées en 2004, 26 en 2005, 34 en 2006, et 12 en 2007.

[76] Voir Médecins sans Frontières (MSF), « Treating Sexual Violence in Haiti: Interview with Olivia Gayraud, MSF Head of Mission in Port-au-Prince,  » (30 octobre 2007), consulter le site: http://www.doctorswithoutborders.org/news/voices/2007/10-30-2007.cfm.

[77] Voir Médecins sans Frontières (MSF), « Treating Sexual Violence in Haiti: Interview with Olivia Gayraud, MSF Head of Mission in Port-au-Prince,  » (30 octobre 2007), consulter le site: http://www.doctorswithoutborders.org/news/voices/2007/10-30-2007.cfm.

[78] Voir le Rapport annuel de la CIDH pour 2004, le Chapitre IV: Haïti, sur le site: http://www.cidh.org/annualrep/2004eng/chap.4b.htm, para. 140; voir également le Rapport annuel de la CIDH pour 2005, Chapitre IV: Haïti, sur le site: http://www.cidh.org/annualrep/2005eng/ chap.4c.htm, paras. 242, 243; voir aussi le Rapport annuel de la CIDH pour 2006, Chapter IV: Haïti, sur le site: http://www.cidh.org/annualrep/2006eng/Chap.4c.htm, para. 125. 

[79] Radio Kiskeya, «Arrestation d’un adolescent de 15 ans pour implication présumée dans l’assassinat de la jeune Farah Natacha Kerby Dessources (20 ans), en novembre 2006 à Port-au-Prince», communiqué de la MINUSTAH daté du 14 janvier 2008; RNDDH, «Port-au-Prince aux prises avec la terreur», Communiqué de presse daté du 6 décembre 2000; Radio Kiskeya, «Hystérie collective aux funérailles de Farah Natacha Dessources, une suppliciée du kidnapping,  » 25 novembre 2006; voir aussi Panos Caraïbes, «Viol en Haïti : État des lieux accablants, le défi de contrecarrer le fléau,  » No 15, février 2007, p. 4: «Les femmes violentées sont en outre soumises à des sévices corporels les plus cruels, à savoir: assassinat, matrices perforées, yeux crevés, blessures graves ».

[80] Wiza Loutis, «Évaluation de la situation des femmes dans le cadre de la violence armée en Haïti (Communes de Port-au-Prince, des Cayes et des Gonaïves) », Section conjointe DDR-PNUD/MINUSTAH, juin 2006, pp. 22, 28.

[81] Wiza, Loutis, « Évaluation de la situation des femmes dans le cadre de la violence armée en Haïti,  » juin 2006: « Brigades de vigilance, brigades de quartier, groupes de bandits, organisations politiques, vagabonds. (...) Les filles et les femmes sont les principales victimes de ces groupes dans la mesure où le viol individuel ou collectif ainsi que le racket des marchandes fonctionnent comme des moyens de contrôle de la communauté.  »

[82] Voir Table de concertation nationale sur les violences spécifiques faites aux femmes et leur prise en charge: Rapport de la Commission de Collecte de Données (novembre 2005), page 11.

[83] En 2005-2006, Martissant et Carrefour-Feuilles succombaient sous la violence. Il en était de même de Cité Soleil, Bel Air et d’autres quartiers de la ville. Pendant la semaine du 8 au 15 novembre 2005, 29 cas de viol ont été rapportés uniquement pour Carrefour Feuilles.

[84] Voir Table de concertation nationale sur les violences spécifiques faites aux femmes et leur prise en charge: Rapport de la Commission de Collecte de Données (novembre 2005), p. 11.

[85] Voir Table de concertation nationale sur les violences spécifiques faites aux femmes et leur prise en charge: Rapport de la Commission de Collecte de Données (novembre 2005), p. 11.

[86] Wiza Loutis, «Évaluation de la situation des femmes dans le cadre de la violence armée en Haïti (Communes de Port-au-Prince, des Cayes et des Gonaïves) » Section conjointe DDR-PNUD/MINUSTAH, juin 2006, p. 25.

[87] Interviews des victimes et des groupes de services aux victimes par la CIDH lors de sa visite de travail (décembre  2006), et de sa visite In Loco (avril 2007).

[88] Voir « HIV in Haiti is spread by violence---and little is done to prevent the attacks,  » par Sarah Fort, The Center for Public Integrity, International Consortium for Investigative Journalists (« La stigmatisation reliée au viol explique que ce crime soit rarement rapporté. Lorsqu’il l’est, trop souvent, aucune suite n’y est donnée. D’après Anne Sosin, KOFAVIV, uniquement un cas de viol a fait l’objet de poursuites fructueuses en Haïti en 2006 »).

[89] Kay Fanm; Nouvelles de Radio Kontak Inter 94.9 FM à Cap-Haïtien, Haïti.

[90] Par exemple, en escortant une détenue de sa cellule vers une autre partie de l’établissement et en la ramenant à la cellule après l’avoir violée. Interview d’une femme détenue, décembre 2006, prison de Pétion-Ville pour les femmes et les filles.

[91] Entretien de la CIDH avec les organisations qui fournissent des services aux femmes, Kay Fanm et SOFA (décembre  2006 et avril 2007).

[92] Conseil économique et social de l’ONU, Commission des droits de l’homme, Soixante-deuxième session, point 19 de l’ordre du jour provisoire, E/CN.4/2006/115, 24 janvier 2006, Services consultatifs et Coopération technique dans le domaine des droits de l’homme en Haïti; Rapport établi l’Expert indépendant, Louis Joinet, paras 13 ; consulter le site http://www.ohchr.org/EN/countries/LACRegion/Pages/HTIndex.aspx. (« Faute de données homogènes, les statistiques ci-après ne peuvent être qu’indicatives de tendances. Elles traduisent toutes une aggravation de la situation d’autant plus inquiétante que le nombre des femmes violées s’adressant à un centre médico-social demeure en deçà de la réalité, même s’il est en légère augmentation. Soixante-dix-neuf pour cent des cas déclarés concernent des fillettes et des adolescentes, car plus spontanément signalés que les cas d’adultes »).

[93] Conseil économique et social de l’ONU, Commission des droits de l’homme, Soixante-deuxième session, point 19 de l’ordre du jour provisoire, E/CN.4/2006/115, 24 janvier 2006, Services consultatifs et Coopération technique dans le domaine des droits de l’homme en Haïti; Rapport établi par l’Expert indépendant, Louis Joinet, paras 13-14, consulter le site:  http://www.ohchr.org/EN/countries/LACRegion/Pages/HTIndex.aspx.

[94] « Une réponse à la violence contre les femmes ». Rapport du Ministère à la Condition féminine en collaboration avec UNIFEM-Haïti et le bureau d’Administration Technique, Formation et Administration (2007). 

[95] Table de concertation nationale sur les violences spécifiques faites aux femmes et leur prise en charge, Rapport de la Commission de Données (novembre 2005), p. 11.

[96] Table de concertation nationale sur les violences spécifiques faites aux femmes et leur prise en charge, Rapport de la Commission de Données (novembre 2005), pp. 9 et 11.

[97] «75% des femmes accueillies dans les Douvanjou (SOFA) sont victimes de violence conjugale», voir Solidarité Fanm Ayisyen – SOFA, Rapport Bilan III : cas de violence accueillis et accompagnés dans les centres Douvanjou de la SOFA de janvier à juin 2006, juillet 2006, p.5.

[98]  SOFA, Rapport Bilan III : cas de violence accueillis et accompagnés dans les centres Douvanjou de la SOFA de janvier à juin 2006, juillet 2006, p. 7.

[99] Ces sources sont les suivantes: Panos Institute of the Caribbean, 17 avril 2006; Syfia International, 3 février 2006; SOFA, 16 juillet 2006; AlterPresse, 26 décembre 2005, entre autres citées dans le UNHCR, « Haïti : information sur la violence conjugale, et notamment sur la protection, les services et les recours offerts aux femmes qui sont victimes de violence conjugale (2005-2006) » 23 janvier 2007, consulter le site: http://www.unhcr.org/home/RSDCOI/45f147452.html.

[100] Les sources gouvernementales et non gouvernementales ont estimé que la violence au sein de la famille demeure un dossier silencieux en raison de la conception sociale prévalant comme quoi il s’agit d’une question relevant du domaine de la vie privée, ce qui dissuade les femmes de déclarer ces actes de violence aux autorités.

[101] Article 279 du Code pénal d’Haïti, 11 août 1835.

[102] UNHCR, «Haïti: information sur la violence conjugale, et notamment sur la protection, les services et les recours offerts aux femmes qui sont victimes de violence conjugale (2005-2006)  » 23 janvier, 2007, consulter le site: http://www.unhcr.org/home/RSDCOI/45f147452.html

[103] Gheskio (Groupe haïtien d’étude du sarcome de kaposi et des infections opportunistes), SOFA et Kay Fanm.