DÉCLARATION DE PRINCIPES SUR LA LIBERTÉ D’EXPRESSION

 

PRÉAMBULE

 

 

            RÉAFFIRMANT la nécessité d’assurer, dans l’hémisphère, le respect et la pleine jouissance des libertés individuelles et des droits fondamentaux des êtres humains par l’entremise d’un état de droit;

 

            CONSCIENTS que le renforcement et le développement de la démocratie dépendent de l’existence de la liberté d’expression;

 

            PERSUADÉS que le droit à la liberté d’expression est essentiel au développement de la connaissance et de l’entente entre les peuples, ce qui conduira à une véritable compréhension et coopération entre les nations de l’hémisphère;

 

            CONVAINCUS que toute entrave au libre débat des idées et des opinions limite la liberté d’expression et le développement effectif du processus démocratique;

 

            CONVAINCUS qu’en garantissant le droit d’accès à l’information détenue par l’État, une plus grande transparence sera donnée aux actes du gouvernement et renforcera ainsi les institutions démocratiques;

 

            RAPPELANT que la liberté d’expression est un droit fondamental reconnu dans la Déclaration américaine des Droits et Devoirs de l’Homme et la Convention américaine relative aux Droits de l’Homme, la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, la Résolution 59(I) de l’Assemblée générale des Nations Unies, la Résolution 104 adoptée par la Conférence générale de l’Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture (UNESCO), le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ainsi que dans d’autres instruments internationaux et constitutions nationales;

 

            RECONNAISSANT que les États membres de l’Organisation des États Américains sont assujettis au cadre juridique établi pas les principes de l’article 13 de la Convention américaine relative aux Droits de l’Homme;

 

            RÉAFFIRMANT la teneur de l’article 13 de la Convention américaine relative aux Droits de l’Homme, lequel stipule que le droit à la liberté d’expression comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières et par n’importe quel moyen de communications;

 

            CONSIDÉRANT l’importance de la liberté d’expression pour le développement et la protection des Droits de l’Homme, le rôle fondamental que lui reconnaît la Commission interaméricaine des Droits de l’Homme et le plein appui manifesté à l’égard de la création du Bureau pour la liberté d’expression, comme instrument fondamental pour la protection de ce droit dans l’hémisphère, lors du Sommet des Amériques tenu à Santiago au Chili;

 

            RECONNAISSANT que la liberté de presse est essentielle à la réalisation de l’exercice effectif et total de la liberté d’expression et qu’elle est un instrument indispensable au fonctionnement de la démocratie représentative, par l’entremise de laquelle les individus exercent leur droit de recevoir, de diffuser et de rechercher de l’information;

 

            RÉAFFIRMANT que la Déclaration de Chapultepec constitue un document de base qui prend acte de la protection et la défense de la liberté d’expression, la liberté et l’indépendance de la presse et du droit à l’information;

 

            CONSIDÉRANT que la liberté d’expression n’est pas une concession des États, mais bien un droit fondamental;

 

            RECONNAISSANT la nécessité de protéger effectivement la liberté d’expression dans les Amériques, la Commission interaméricaine des Droits de l’Homme, en appui au Bureau spécial pour la liberté d’expression, adopte la Déclaration de principes suivante :

 

PRINCIPES

 

1.         La liberté d’expression, sous toutes ses formes et manifestations, est un droit fondamental et inaliénable de toute personne.  Elle est également un élément indispensable à l’existence même de toute société démocratique.

 

2.         Toute personne a le droit de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des opinions librement dans les termes stipulés à l’article 13 de la Convention américaine relative aux Droits de l’Homme.  Toutes les personnes doivent bénéficier de l’égalité d’accès à la recherche, à la réception et à la diffusion de l’information par n’importe quel moyen de communications, en l’absence de toute discrimination pour quelque motif que ce soit, y compris ceux qui ont trait à la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, les opinions politiques ou autres, l'origine nationale ou sociale, la situation économique, la naissance ou toute autre condition sociale.

 

3.         Toute personne a le droit d’accéder à l’information qui la concerne personnellement ou a trait à ses biens, de façon rapide et non-onéreuse, dans la mesure où cette information a déjà été versée dans des bases de données, registres publics ou privés et, le cas échéant, de demander une mise à jour, une rectification et/ou une modification des données la concernant.

 

4.         L’accès à l’information détenue par l’État est un droit fondamental de toute personne.  Les États ont l’obligation de garantir le plein exercice de ce droit.  Ce principe ne tolère de limitation que dans des cas exceptionnels qui doivent être préalablement définis dans la loi pour les cas où un danger réel et imminent menace la sécurité nationale dans des sociétés démocratiques.

 

5.         La censure préalable, l’interférence ou la pression directe ou indirecte sur toute forme d’expression, opinion ou information diffusée par tout moyen de communication oral, écrit, artistique, visuel ou électronique, doivent être interdits par la loi.  Les restrictions à la libre circulation des idées et opinions, ainsi que l’imposition arbitraire d’information et la création d’obstacles au libre flux de l’information, violent le droit à la liberté d’expression.

 

6.         Toute personne a le droit de communiquer ses opinions par quelque moyen et sous quelque forme que ce soit.  L’adhésion obligatoire à une association professionnelle ou l’exigence de titres ou diplômes pour l’exercice de toute activité journalistique constituent des entraves illégitimes à la liberté d’expression.  Les activités journalistiques doivent être régies par des codes d’éthique, lesquels ne sauraient en aucun cas être imposés par les États.

 

7.         L’assujettissement de l’expression à des conditions prédéterminées, telles la véracité, l’opportunité et l’impartialité, imposées par les États sont incompatibles avec le droit à la liberté d’expression reconnu dans les instruments internationaux.

 

8.         Tout communicateur social a droit à la non divulgation de ses sources d’information, notes et archives personnelle ou professionnelles.

 

9.         L’assassinat, le séquestre, l’intimidation, les menaces proférées contre les communicateurs sociaux ainsi que la destruction matérielle des moyens de communication, constituent des violations des droits fondamentaux de la personne et limitent gravement l’exercice du droit à la liberté d’expression.  Les États ne doivent pas seulement prévenir et, le cas échéant, mener des enquêtes sur de tels faits, mais aussi punir leurs auteurs et veiller à ce que les victimes reçoivent une réparation adéquate.

 

10.        Les lois sur la protection des renseignements personnels ne doivent ni empêcher ni limiter la recherche et la diffusion d’information d’intérêt public.  La protection de la réputation doit être garantie seulement par le biais de sanctions civiles, dans les cas où la personne lésée est un fonctionnaire public ou une personne publique ou un particulier qui a volontairement joué un rôle dans des affaires d’intérêt public.  En outre, dans de tels cas, il doit être établi que par la diffusion des avis, le communicateur avait l’intention d’infliger un dommage, qu’il était pleinement conscient de diffuser des informations fausses ou qu’il a fait preuve de négligence manifeste dans la recherche de la vérité ou de la fausseté de ces informations.

 

11.        Les fonctionnaires publics sont sujets à une surveillance plus approfondie de la part de la société.  Les lois qui pénalisent l’expression offensive dirigée contre des fonctionnaires publics, généralement connues sous le nom de lois de «desacato», portent atteinte à la liberté d’expression et au droit à l’information.

 

12.        Les monopoles ou oligopoles de propriété et de contrôle des moyens de communication doivent être sujets à des lois anti-monopoles, puisqu’ils conspirent contre la démocratie en limitant le pluralisme et la diversité qui garantissent le plein exercice du droit à l’information des individus.  Ces lois ne devraient jamais être appliquées exclusivement aux moyens de communication. Les attributions de fréquences de radiodiffusion et de télédiffusion doivent tenir compte de critères démocratiques qui garantissent l’égalité d’accès à tous les individus.

 

13.        L’exercice du pouvoir de l’État, l’utilisation de fonds publics, la concession d’avantages fiscaux, l’affectation arbitraire et discriminatoire de publicité officielle et de crédits publics, l’octroi de fréquences radio et télévision dans le but, entre autres, de faire pression sur les communicateurs sociaux et les moyens de communication et de les punir ou de les privilégier et de les récompenser en fonction des opinions qu’ils expriment portent atteinte à la liberté d’expression et doivent être expressément interdits par la loi.  Les moyens de communication ont le droit de réaliser leurs travaux de façon indépendante.  Toute pression directe ou indirecte exercée à l’égard de journalistes ou d’autres communicateurs sociaux dans le but d’empêcher la diffusion d’information est incompatible avec la liberté d’expression.

 

 

DOCUMENTS DE BASE CONCERNANT LES DROITS
DE L'HOMME DANS LE SYSTÈME INTERAMÉRICAIN
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