[SIGNATAIRES ET RATIFICATIONS]

 

CONVENTION INTERAMERICAINE SUR LA PREVENTION, LA SANCTION ET

L'ELIMINATION DE LA VIOLENCE CONTRE LA FEMME

"CONVENTION DE BELÉM DO PARÁ"

 

(Adoptée à Belém do Pará, Brésil, le 9 juin 1994,

lors de la vingt-quatrième session ordinaire de

l'Assemblée Générale)

 

LES ETATS PARTIES À LA PRESENTE CONVENTION,

 

RECONNAISSANT que le respect illimité des droits de l'homme a été consacré dans la Déclaration américaine des droits et devoirs de l'homme et dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, et qu'il a été réaffirmé dans d'autres instruments internationaux et régionaux;

 

AFFIRMANT que la violence contre la femme constitue une violation des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en même temps qu'elle impose totalement ou partiellement des restrictions à la reconnaissance, la jouissance et l'exercice de ces droits;

 

PRÉOCCUPÉS par le fait que la violence contre la femme constitue une offense à la dignité humaine et est une manifestation des rapports de pouvoir historiquement inégaux entre les hommes et les femmes;

 

RAPPELANT la Déclaration sur l'élimination de la violence contre la femme, adoptée par la vingt-cinquième Assemblée des délégués de la Commission interaméricaine des femmes, et affirmant que la violence contre la femme touche tous les secteurs de la société, quels que soient leur classe sociale, leur race ou groupe ethnique, leur niveau de revenus, leur culture, leur âge ou leur religion, et a des incidences sur ses bases mêmes;

 

CONVAINCUS que l'élimination de la violence contre la femme est indispensable à son épanouissement individuel et social et à sa participation pleine et égalitaire à toutes les sphères d'activité de la vie;

 

CONVAINCUS que l'adoption d'une convention visant à prévenir, à sanctionner et à éliminer toutes les formes de violence contre la femme dans le cadre de l'Organisation des Etats Américains, contribue de manière constructive à la protection des droits de la femme et à l'élimination des situations de violence qui pourraient l'affecter,

 

ONT CONVENU ce qui suit:

 

CHAPITRE I

 

DEFINITION ET CHAMP D'APPLICATION

 
Article 1
 

            Aux effets de la présente Convention, on entend par violence contre la femme tout acte ou comportement fondé sur la condition féminine qui cause la mort, des torts ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychiques à la femme, aussi bien dans sa vie publique que dans sa vie privée.

 
Article 2
 

            Par violence contre la femme, on entend la violence physique, sexuelle ou psychique:

 

a.       se produisant dans la famille ou dans le ménage ou dans toute autre relation interpersonnelle, que l'agresseur ait partage ou non la même résidence que la femme, se manifestant, entre autres, sous forme de: viols, mauvais traitements ou sévices sexuels;

 

b.       se produisant dans la communauté, quel qu'en soit l'auteur, et comprenant entre autres, les viols, sévices sexuels, tortures, traite des personnes, prostitution forcée, séquestration, harcèlement sexuel sur les lieux de travail dans les institutions d'enseignement, de santé ou tout autre lieu; et

 

c.       perpétré ou tolérée par l'Etat où ses agents, ou qu'elle se produise.

 

CHAPITRE II

 

DROITS PROTEGES

 

Article 3
 

            La femme a le droit de vivre dans un climat libre de violence, tant dans sa vie publique que dans sa vie privée.

 
Article 4

 

            Toute femme à droit a la reconnaissance, à la jouissance, à l'exercice ainsi qu'à la protection de tous les droits et libertés consacrés dans les instruments régionaux et internationaux traitant des droits de l'homme. Ces droits comprennent, entre autres:
 

a.         e droit au respect de la vie;

 

b.         le droit à l'intégrité physique, psychique et morale;

 

c.         le droit à la liberté et à la sécurité personnelles;

 

d.         le droit de ne pas être soumise à la torture;

 

e.         le droit au respect de la dignité inhérente à sa personne et à la protection de
  sa famille;

 

f.          le droit à la protection égale de la loi et devant la loi;

 

g.         le droit à un recours simple et rapide devant les tribunaux compétents en vue
  de se protéger contre les actes qui violent ses droits.

 

h.         le droit à la liberté d'association;

 

i.          le droit à la liberté de professer sa religion et ses croyances dans le cadre de la
  loi.

 

j.          le droit à l'égalité d'accès aux fonctions publiques de son pays et de participer
  aux affaires publiques, y compris a la prise de décisions.

 

Article 5

 

            Toute femme peut exercer librement et pleinement ses droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels et se prévaloir de la protection totale des droits consacrés dans les instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l'homme. Les Etats parties reconnaissent que la violence contre la femme entrave et annule l'exercice de ces droits.

 

Article 6
 

            Le droit de la femme de vivre dans un climat libre de violence comprend entre autres:

 

a.         le droit de la femme d'être libre de toutes formes de discrimination,

 

b.         le droit de la femme de recevoir une formation et une éducation dénuée de
  stéréotypes en matière de comportement et de pratiques sociales et culturelles
  basées sur des concepts d'infériorité ou de subordination. 

 

CHAPITRE III

 

OBLIGATIONS DES ÉTATS

 

Article 7
 

            Les Etats parties condamnent toutes les formes de violence contre la femme et conviennent d'adopter par tous les moyens appropriés et sans délais injustifiés, une politique visant à prévenir, à sanctionner et à éliminer la violence; ils s'engagent en outre:

 

a.       à ne commettre aucun acte de violence et à ne pas pratiquer la violence contre les femmes et à s'assurer que les autorités, les  fonctionnaires et les agents et institutions respectent cette obligation;

 

b.       à agir avec la diligence voulue pour prévenir la violence contre la femme, mener les enquêtes nécessaires et sanctionner les actes de violence exerces contre elle;

 

c.       à incorporer dans leur législation nationale des normes pénales, civiles et administratives ainsi que toute autre norme qui s'avère nécessaire pour prévenir, sanctionner, éliminer la violence contre les femmes, et à arrêter les mesures administratives pertinentes;

 

d.       à adopter les dispositions d'ordre juridique pour obliger l'auteur des actes de violence à s'abstenir de harceler, d'intimider et de menacer la femme, de lui nuire ou de mettre sa vie en danger par n'importe quel moyen qui porte atteinte à son intégrité physique ou à ses biens;

 

e.       à prendre toutes les mesures appropriées, y compris celles d'ordre législatif, pour modifier ou abroger les lois et règlements en vigueur ou pour modifier les pratiques juridiques ou coutumières qui encouragent la persistance ou la tolérance des actes de violence contre la femme;

 

f.        à instituer des procédures juridiques équitables et efficaces à l'intention de la femme qui a été l'objet d'actes de violence, notamment l'adoption de mesures de protection, la réalisation d'instructions opportunes et l'accès effectif a ces procédures;

 

g.        à mettre au point les mécanismes judiciaires et administratifs nécessaires pour assurer que la femme sujette à des actes de violence soit effectivement dédommagée, qu'elle reçoive des réparations ou bénéfice d'une compensation par tout autre moyen équitable et efficace;

 

h.          à adopter les mesures législatives ou autres qui s'avèrent nécessaires pour donner effet à la présente Convention.

 

Article 8

 

            Les Etats parties conviennent d'adopter graduellement des mesures spécifiques et notamment des programmes ayant pour but:

 

a.       d'encourager la connaissance et le respect du droit de la femme de vivre dans un climat libre de toute violence, et le droit de la femme à la protection et au respect de ses droits humains;

 

b.       de modifier les habitudes de comportement social et culturel des hommes et des femmes, y compris des programmes d'éducation de type classique et extra‑scolaires a tous les niveaux du processus d'enseignement, pour neutraliser les préjudices, coutumes et toutes autres pratiques basées sur le concept d'infériorité ou de supériorité d'un sexe par rapport à l'autre ou sur des rôles stéréotypés de l'homme et de la femme qui légitimisent ou exacerbent la violence contre la femme;

 

c.       d'encourager l'éducation et la formation du personnel en matière d'administration de la justice et de questions de police, d'autres  fonctionnaires chargés de l'application de la loi, ainsi que du personnel dont la tâche consiste à veiller à la mise en oeuvre de politiques de prévention, de sanction et d'élimination de la violence contre la femme;

 

d.       d'assurer la mise en place des services spécialisés requis pour prêter à la femme ayant été l'objet d'actes de violence l'assistance  nécessaire, par l'intermédiaire d'organismes publics et privés, notamment pour lui fournir des abris, des services d'orientation à l'intention de la famille tout entière, et le cas échéant, des soins et la garde des mineurs affectés;

 

e.       de promouvoir et d'appuyer les programmes d'enseignement public et privé destinés à sensibiliser la population aux problèmes liés à la violence exercée contre la femme, aux recours juridiques qui lui sont ouverts et aux dédommagements qui doivent lui être versés.

 

f.        d'offrir à la femme qui a subi des actes de violence un accès à des  programmes de réadaptation et de formation qui lui permette de participer pleinement à la vie publique, privée et sociale;

 

g.       d'encourager les médias à tracer les grandes lignes appelées à contribuer à l'élimination de la violence contre la femme sous toutes ses formes et à rehausser le respect de sa dignité.

 

h.       de garantir la conduite d'enquêtes et la compilation de données statistiques et d'autres informations concernant les causes, les   conséquences et la fréquence des actes de violence exercés contre la femme, en vue de faciliter l'évaluation de l'efficacité des mesures de prévention, de sanction et d'élimination de la violence contre la femme, de formuler les changements nécessaires et de les mettre en application;

 

i.        de stimuler la coopération internationale en vue d'un échange d'idées et d'expériences et l'exécution de programmes visant à protéger les femmes qui ont été l'objet d'actes de violence.

 
Article 9
 

            En vue de l'adoption des mesures visées dans le présent chapitre, les Etats parties tiennent spécialement compte de la vulnérabilité de la femme aux actes de violence en raison, entre autres, de sa race ou de son origine ethnique, de sa condition de migrante, de réfugiée ou de personne déplacée.

 

            Ils retiendront également les cas où la femme a subi des actes de violence parce qu'elle est enceinte, handicapée, mineure ou d'âge mûr, ou parce qu'elle se trouve dans une situation économique défavorable, est touchée par des conflits armés ou est privée de sa liberté.

 

CHAPITRE IV

 

MECANISMES INTERAMERICAINS DE PROTECTION

 

Article 10
 

            En vue de protéger le droit de la femme de vivre dans un climat libre de violence, les Etats parties s'engagent à inclure dans leurs rapports nationaux à la Commission interaméricaine des femmes des renseignements portant d'une part, sur les mesures qui auront été prises pour prévenir et éliminer la violence contre la femme et pour aider celle qui a subi des actes de violence, et d'autre part sur les difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre de ces mesures et sur les facteurs qui contribuent aux actes de violence perpétrés contre la femme.

 

Article 11
 

            Les Etats parties à la présente Convention et la Commission interaméricaine des femmes peuvent demander à la Cour interaméricaine des droits de l'homme d'émettre un avis consultatif au sujet de l'interprétation de la présente Convention.

 

Article 12

 

            Toute personne ou groupe de personnes, ou toute entité non gouvernementale légalement reconnue dans un ou plusieurs Etats membres de l'Organisation peut déposer une pétition auprès de la Commission interaméricaine des droits de l'homme contenant des dénonciations ou des plaintes de violation de l'article 7 de la présente Convention par un Etat partie.  La Commission examinera ces plaintes conformément aux normes et procédures établies à cet égard par la Convention américaine relative aux droits de l'homme ainsi que par le statut et le règlement de la Commission.

 

CHAPITRE V

 

DISPOSITIONS GENERALES

 

Article 13
 

            Aucune disposition de la présente Convention ne sera interprétée comme étant une restriction ou une limitation du droit interne des Etats parties qui offre une protection égale ou plus intégrale des droits de la femme et de meilleures garanties de ces droits et assure des mesures de sauvegarde contre les actes de violence exercés contre elle.

 

Article 14
 

            Aucune disposition de la présente Convention ne sera interprétée comme étant une restriction ou une limitation de la Convention américaine relative aux droits de l'homme ou d'autres conventions internationales en la matière qui offrent une protection égale ou plus intégrale à la femme dans ce domaine.

 

Article 15
 

            La présente Convention est ouverte à la signature de tous les Etats membres de l'Organisation des Etats Américains.

 

Article 16
 

            La présente Convention est ouverte à la ratification.  Les instruments de ratification seront déposés auprès du Secrétariat général de l'Organisation des Etats Américains.
 

Article 17
 

            La présente Convention est ouverte à l'adhésion de tout autre Etat.  Les instruments d'adhésion seront déposés auprès du Secrétariat général de l'Organisation des Etats Américains.

 

Article 18

 

            Tout Etat partie peut formuler des réserves à la présente Convention au moment de son adoption, de sa signature, de sa ratification ou de son adhésion, du moment que ces réserves:

 

a.         ne sont pas incompatibles avec l'objet ou le but de la présente Convention;

 

b.         n'ont pas un caractère général et s'appliquent à une ou plusieurs  dispositions
  spécifiques.

 
Article 19

 

            Tout Etat partie peut, par le truchement de la Commission interaméricaine des femmes, soumettre à l'Assemblée générale une proposition d'amendement a la présente Convention.

 

            Les amendements entreront en vigueur à l'égard des Etats qui les ratifient à la date du dépôt de l'instrument de ratification respectif correspondant aux deux tiers des Etats parties à la présente Convention.  En ce qui concerne les autres Etats parties, les amendements prennent effet à la date du dépôt des instruments de ratification respectifs.

 
Article 20

 

            Lorsqu'un Etat partie compte deux ou plusieurs unités territoriales où différentes législations régissent des questions qui font l'objet de la présente Convention, il peut, au moment de la signer, de la ratifier où d'y adhérer, déclarer que celle‑ci s'appliquera à toutes ses unités territoriales où seulement a l'une où plusieurs d'entre elles.

 

            Ces déclarations peuvent être modifiées à tout moment au moyen de déclarations postérieures qui indiqueront expressément l'unité ou les unités territoriales auxquelles s'applique la présente Convention.  Ces déclarations postérieures seront transmises au Secrétariat général de l'Organisation des Etats Américains et prendront effet trente jours à partir de la date de leur réception.
 

Article 21

 

            La présente Convention entrera en vigueur le trentième jour a partir de la date du dépôt du deuxième instrument de ratification. La Convention produira ses effets a l'égard de tout autre Etat qui la ratifie ou y adhéré, après le dépôt du deuxième instrument de ratification, le trentième jour a compter de la date a laquelle cet Etat aura dépose son instrument de ratification ou d'adhésion.

 
Article 22

 

            Le Secrétaire général notifie a tous les Etats membres de l'Organisation des Etats Américains de l'entrée en vigueur de la Convention.

 
Article 23

 

            La Secrétaire général de l'Organisation des Etats Américains soumet un rapport annuel aux Etats membres de l'Organisation sur le statut de la Convention, y compris les signatures, dépôts d'instruments de ratification, d'adhésion ou déclarations, ainsi que les réserves présentées par les Etats parties et, le cas échéant, un rapport sur ces réserves.

 
Article 24

 

            La présente Convention produit ses effets indéfiniment, mais tout Etat membre pourra la dénoncer par le dépôt d'un instrument à ces fins au Secrétariat général de l'Organisation des Etats Américains.  La Convention cessera de produire ses effets à l'égard de l'Etat qui l'a dénoncé un an à partir de la date du dépôt de l'instrument de dénonciation, mais elle demeurera en vigueur à l'égard des autres Etats parties.

 
Article 25

 

            L'instrument original de la présente Convention dont les versions française, anglaise, espagnole et portugaise font également foi, sera déposé au Secrétariat général de l'Organisation des Etats Américains, lequel en enverra une copie certifiée au Secrétariat des Nations Unies pour enregistrement et publication, conformément à l'article 102 de la Charte des Nations Unies.

 

            EN FOI DE QUOI les plénipotentiaires soussignés, dûment autorisés par leurs gouvernements ont signé la présente Convention qui sera dénommé "Convention Interaméricaine sur la Prévention, la Sanction et L'Elimination de la Violence contre la Femme "Convention de Belém do Para".

 

            FAIT A BELÉM DO PARÁ, BRASIL, le neuf de juin mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.
 

 

DOCUMENTS DE BASE CONCERNANT LES DROITS
DE L'HOMME DANS LE SYSTÈME INTERAMÉRICAIN
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