RAPPORT ANNUEL 2007

CHAPITRE IV - HAÏTI

 

 

I.          INTRODUCTION

           

          1.       La Commission interaméricaine des droits de l’homme (ci-après la CIDH ou « la Commission ») a décidé d’inclure dans le présent chapitre des observations concernant la République d’Haïti, État membre de l’OEA dont les pratiques en matière de droits de la personne méritent une attention particulière,ce pays se trouvant dans la situation correspondant au cinquième critère énoncé dans le Rapport annuel de la CIDH pour 1997,  susmentionné, c’est-à-dire une

 

« Situation temporaire ou structurelle qui peut se produire dans des États membres confrontés, pour diverses raisons, à des situations qui affectent gravement la jouissance des droits fondamentaux consacrés dans la Convention américaine ou dans la Déclaration américaine.  Ce critère comprend, par exemple, des situations graves de violations des droits de l’homme qui empêchent le fonctionnement adéquat de l’État de droit, de graves crises institutionnelles, des processus de changements institutionnels ayant des conséquences négatives pour les droits de la personne ou de graves omissions dans l’adoption des dispositions nécessaires à l’exercice effectif des droits fondamentaux ».

 

            2.         La Commission a élaboré la présente section du Chapitre IV de son Rapport annuel conformément aux dispositions de l’article 57(1)(h) de son Règlement et a fondé son analyse sur des informations obtenues pendant ses visites sur place et ses audiences thématiques ainsi que sur des renseignements provenant d’autres sources fiables, disponibles au grand public. Le 27 novembre 2007, la CIDH a transmis à l’État une copie de la version préliminaire de la présente section du Chapitre IV de son Rapport annuel pour 2007, en application de  l’article susmentionné, et a demandé au Gouvernement de la République d’Haïti de lui soumettre ses observations dans un délai de trente jours.  L’État a soumis ses observations dans le délai prescrit.

 

            3.         Dans ses rapports récents sur Haïti[1],  la Commission a examiné la situation des droits de la personne dans ce pays et, plus particulièrement, les développements intervenus dans la situation politique, la sécurité publique, l’administration de la justice, l’impunité, les groupes vulnérables et les conditions socio-économiques. Au cours de cette période (2003-2006), la Commission a constamment exprimé sa préoccupation devant la grave situation des droits de la personne dans le pays, à savoir, la mort de civils à cause d’affrontements armés et d’actes de violence perpétrés par des groupes armés, l’incapacité de l’État à garantir la sécurité publique, le fait que les coupables ne soient pas obligés de rendre compte de leurs actes ou que les victimes ne soient pas assurées de disposer de voies de recours juridiques, la durée excessive des détentions préventives, les mauvaises conditions des prisons et l’incapacité de l’État à fournir des services sociaux de base à la majorité de la population. En outre, la Commission a souligné systématiquement l’impact de telles conditions sur les groupes vulnérables, en particulier sur les femmes et les enfants, les défenseurs des droits de la personne et les journalistes.

 

            4.         L’année 2007 a été la deuxième année de l’Administration René Préval, après qu’ait pris fin le gouvernement de transition de deux ans qui a suivi la rébellion armée de février 2004, laquelle avait abouti au renversement du Président Aristide et à l’interruption de l’ordre constitutionnel. La Commission a observé, en comparaison avec les années précédentes, une amélioration notable de la situation, en particulier en ce qui concerne la diminution de la violence meurtrière et des enlèvements de civils. En outre, elle reconnaît la valeur d’une série d’initiatives mises en œuvre par l’État afin de relever les principaux défis et parvenir à une paix et à une sécurité durables. La Commission prend acte en particulier d’une initiative de l’État, concertée avec la société civile et la communauté internationale, pour s’efforcer de venir à bout des faiblesses de l’administration de la justice, ce qui inclut, entre autres, la mise en place d’une réponse spécialisée au problème de la détention préventive prolongée, des mesures législatives destinées à assurer l’indépendance du pouvoir judiciaire et le renforcement de la police nationale. Ainsi, 2007 a montré des signes caractéristiques de progrès. À cet égard, la Commission exhorte l’État haïtien à poursuivre son engagement et ses efforts pour atteindre les objectifs et les priorités qu’il s’est fixés, notamment le renforcement de l’État de droit et des institutions chargées de l’administration de la justice et la promotion du développement économique et social. Malgré les signes de progrès observés au cours de l’année, dans une large mesure, la situation en Haïti reste précaire et les institutions étatiques continuent à être faibles, déficientes et à appeler des réformes structurelles et une assistance technique considérable aussi bien immédiate qu’à long terme. D’autre part, la situation économique et sociale d’Haïti est toujours extrêmement fragile, ce qui constitue un risque grave pour la sécurité économique et sociale des citoyens et freine encore davantage l’accès des Haïtiens aux voies de recours juridiques.

 

5.         En conséquence, la Commission continue à être préoccupée par les faiblesses observées dans les domaines clés suivants : l’administration de la justice et la sécurité des citoyens, c'est-à-dire la sécurité publique et la capacité de l’État à garantir l’accès de la population aux services sociaux de base. C’est pourquoi elle estime qu’il faut encourager les initiatives et les programmes pertinents de l’État et affecter des ressources additionnelles et une assistance financière et technique soutenue à ces secteurs afin d’assurer une protection effective des droits fondamentaux des Haïtiens. Étant donné le rôle fondamental du système judiciaire quand il s’agit de garantir le respect des droits fondamentaux et la pleine concrétisation de la démocratie et de l’État de droit,[2]  la Commission continue de réaliser des observations de suivi, comme celles que contient le présent rapport, à propos des conclusions et des recommandations en la matière contenues dans son rapport pour l’année 2006 et réitère que la capacité de l’État à administrer la justice rapidement et efficacement, en respectant les garanties judiciaires, est importante pour assurer le respect des droits de la personne en Haïti.

 

6.         En 2007, la Commission a continué à surveiller de près la situation des droits de la personne et elle a accordé une attention particulière aux efforts déployés par l’État pour assurer à ses citoyens une sécurité publique appropriée et aux mesures qu’il a prises pour renforcer et réformer la Police nationale d’Haïti. Elle a observé avec beaucoup d’attention les développements en matière d’élaboration et de mise en œuvre des plans visant à promouvoir le renforcement et/ou la réforme des entités et institutions étatiques chargées de l’administration de la justice et de l’État de droit. Les sources primaires d’information qu’a utilisées la Commission pour réaliser son évaluation ont été deux visites sur le terrain, à savoir la visite du Rapporteur pour Haïti, Sir Clare K. Roberts, en avril 2007[3], et la visite du Rapporteur spécial pour les personnes privées de liberté et Président de la Commission, M. Florentin Meléndez, en juin 2007[4] ainsi que plusieurs visites de travail réalisées par des membres du Secrétariat exécutif pour animer des séminaires de formation et tenir des réunions avec des institutions gouvernementales et des représentants de la société civile. En outre, la Commission a tenu plusieurs audiences sur Haïti pendant ses 127ème, 128ème et 130ème Sessions ordinaires au cours desquelles des défenseurs des droits de la personne et des représentants de l’État lui ont communiqué des informations sur les conditions du moment et les développements en cours dans le pays.

 

II.         RÉSUMÉ DES PRINCIPAUX ÉVÉNEMENTS SURVENUS EN HAÏTI EN 2007

 

7.         À titre de mise en contexte pour son examen de la situation des droits de la personne en Haïti en 2007, la Commission présente un bref aperçu des principaux événements qui ont eu une incidence sur les droits de la personne au cours de l’année couverte par le présent rapport. 

 

            8.         Haïti a tenu des élections municipales en décembre 2006 et a conclu le deuxième tour en avril 2007. Le 10 octobre 2007, le porte-parole du Gouvernement, M. Joseph Jasmin, a annoncé la décision de dissoudre le Conseil électoral provisoire (CEP), suite à des dénonciations de corruption au sein du CEP. Cet organe avait reçu le mandat temporaire d’organiser les élections présidentielle et législative (en deux phases), qui ont eu lieu en février et avril 2006 respectivement. Toutefois, comme prescrit, la deuxième phase des élections législatives devrait avoir lieu à la fin de l’année 2007 et le Gouvernement doit encore déterminer le mécanisme qui sera chargé de les organiser. En relation avec cette décision, le Président de la République a annoncé qu’il convoquerait les partis politiques à une réunion pour décider de la manière dont seraient réalisées les prochaines élections, étant donné que le mandat du CEP a pris fin et qu’il n’y a pas de mécanisme électoral permanent pour organiser cette seconde phase des élections législatives en Haïti. 

 

9.         Le Gouvernement du Président René Préval a recensé un certain nombre de priorités du pays, y compris la paix et la sécurité, le développement national et la croissance économique ainsi que le besoin exprès d’adopter des mesures destinées à améliorer les conditions sociales et économiques du peuple haïtien. À cet égard, M. Préval a également pris note des principaux défis à relever pour atteindre ces objectifs, à savoir éliminer ou réduire le commerce des drogues illicites et la criminalité organisée, qui alimentent la corruption et les crimes avec violence dans le pays et réussissent à attirer vers eux les nombreux chômeurs et les jeunes des classes défavorisées. À cet effet, le Gouvernement haïtien a déployé des efforts pour s’attaquer au problème au niveau national et régional, notamment en organisant une conférence régionale en République dominicaine, en mars 2007, afin d’examiner les stratégies appelées à s’attaquer au problème, et au niveau national, en renforçant la Police nationale d’Haïti et en s’employant à créer une gendarmerie maritime fonctionnelle et bien équipée. À cette fin, le Gouvernement a également pris des initiatives pour lutter contre la corruption dans les institutions publiques.

 

10.       La Commission constate que, sous le gouvernement provisoire qui a précédé celui-ci, la situation était extrêmement fragile en Haïti et que les initiatives du gouvernement et de la communauté internationale se sont concentrées essentiellement sur l’organisation des élections et la sécurité publique. De ce fait, la situation en Haïti, à savoir les conditions économiques et sociales ainsi que l’État de droit, s’est considérablement dégradée au cours de ces dernières années, vu que très peu de ressources ou d’attention n’étaient accordées à ces questions. C’est pourquoi, en 2007, bien que l’assistance internationale ait été renouvelée et que des projets de développement aient été relancés, un grand nombre des conditions constatées en Haïti les années précédentes (et dont font état les rapports annuels précédents de la Commission[5]) persistent,  en particulier les conditions de vie précaires des Haïtiens qui ont empiré considérablement à cause de la crise politique et sécuritaire. 

 

11.       Dans l’ensemble, en 2007, la situation en matière de sécurité et de droits de la personne s’est améliorée par rapport aux années précédentes. Cette année, on a vu moins d’enlèvements, de viols, de meurtres ou de violences perpétrées par les gangs que les années précédentes, bien qu’un certain nombre d’affaires graves aient été signalées, ce qui confirme que la situation, tout en s’étant améliorée, continue à être un motif de préoccupation pour la Commission et mérite par conséquent de faire l’objet d’une évaluation et d’un suivi approfondis.[6]  Alors que la Police nationale d’Haïti, avec l’appui des forces de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation d’Haïti (MINUSTAH), a adopté une approche plus agressive pour démanteler les gangs criminels violents et appréhender leurs principaux membres au début de l’année 2007, le pouvoir judiciaire n’a pas été capable d’apporter une réponse aussi efficace et aussi rapide dû à son manque de ressources et d’appui et à l’absence d’une planification qui lui auraient permis de gérer cet afflux de personnes dans le système de justice pénale. En raison des fréquentes opérations menées conjointement par la Police nationale d’Haïti (PNH) et la MINUSTAH le taux de criminalité semble avoir diminué sensiblement vers la mi-2007, passant de dénonciations quotidiennes de nombreux enlèvements à deux ou trois enlèvements par semaine, ce qui a procuré du répit aux habitants de Port-au-Prince et leur a permis de reprendre leurs activités quotidiennes sans craindre constamment pour leur sécurité personnelle.  Même si les mesures actuelles visant à renforcer la PNH s’avèrent nécessaires, la durabilité de la situation sécuritaire va dépendre également de la capacité du pouvoir judiciaire d’apporter des réponses efficaces.

 

12.       Au cours de l’année dernière, les développements qui se sont produits au niveau national ont également été accompagnés par la MINUSTAH, dont la présence, à l’origine, avait été autorisée pour une durée de six mois, à compter  du 1er juin 2004 et qui, depuis, a fait l’objet à maintes reprises de prorogations, dont la plus récente qui date du 15 octobre 2007 prévoit son extension jusqu’au 15 octobre 2008.[7] Tout récemment, la résolution 1780 du Conseil de sécurité des Nations Unies demande un réajustement de la composition de la MINUSTAH et un réaménagement de ses activités afin de tenir compte de l’évolution de la situation et des priorités sur le terrain. Ceci inclurait le maintien de l’assistance à la Police nationale d’Haïti, le renforcement des capacités institutionnelles en général et la prestation d’une assistance spécialisée aux principaux ministères ainsi que la fourniture d’un appui permanent à la réforme des institutions chargées du maintien de l’ordre. En outre, la résolution demande que les effectifs de la MINUSTAH comportent une composante militaire de 7.060 soldats de tous rangs et une composante policière de 2.091 membres au total. Selon les rapports sur ses activités publiques, la MINUSTAH a mis en place diverses initiatives afin de s’acquitter de son mandat. En outre, plusieurs visites sur le terrain destinées à évaluer la situation en matière de paix et de sécurité ont été réalisées par plusieurs fonctionnaires de l’ONU, y compris l’expert indépendant pour Haïti, M. Louis Joinet, qui a présenté son rapport sur la situation en Haïti au Secrétaire général des Nations Unies au début de l’année 2007 et, en septembre 2007, le Conseil des droits de l’homme a décidé de reconduire pour un an le mandat de l’expert indépendant pour Haïti.[8]

 

13.       Pour ce qui est de la participation d’Haïti à la CARICOM, suite à la décision d’admettre de nouveau Haïti en qualité de membre prise en 2006 par cette organisation, le Bureau du Représentant de la CARICOM (CRO) a rouvert le 19 octobre 2007, trois ans après sa fermeture. Le CRO sera chargé de promouvoir la totale intégration d’Haïti à la CARICOM, en particulier au marché et à l’économie uniques, d’identifier et de mobiliser des ressources financières ou d’une autre nature au niveau national, de faciliter les relations avec les médias et de mener des campagnes d’éducation du public. En outre, du 15 au 19 octobre 2007, Haïti a été le siège de la 15ème Réunion des ministres du CARIFORUM – le Forum caribéen des États d’Afrique, de la Caraïbe et du Pacifique (ACP) – qui a examiné les négociations commerciales en cours entre l’organisation régionale et l’Union européenne.  Enfin, une déclaration émise au début du mois d’octobre par la CARICOM a souligné l’importance de continuer à fournir une assistance internationale à Haïti et, concrètement au moyen de la force de maintien de la paix des Nations Unies, pour assurer la stabilité et la paix en Haïti et dans la région.

 

14.       Pour sa part, l’Assemblée générale de l’Organisation des États Américains (OEA), à sa Trente-sixième Session ordinaire, tenue du 4 au 6 juin 2007, à Panama (République du Panama), a adopté la résolution AG/RES. 2306 (XXXVII-O/07).[9]  Dans cette résolution, l’Assemblée générale annonce que l’Organisation s’engage à appuyer la professionnalisation de la Police nationale d’Haïti, à continuer à promouvoir le processus de désarmement et demande aux États membres de continuer à accorder leur soutien et leur coopération au développement d’Haïti, en particulier dans les domaines de la réduction de la pauvreté, du développement économique et social et de la consolidation des institutions démocratiques.[10]  La résolution met fin à la Mission spéciale de l’OEA pour le renforcement de la démocratie en Haïti et confie au Bureau hors siège en Haïti la représentation de l’OEA dans ce pays « compte tenu de l’évolution positive de la situation en Haïti et de la nécessité d’une focalisation accrue sur des contributions au développement social et économique ». Enfin, la résolution rend hommage aux efforts déployés par le Groupe de travail sur Haïti du Secrétariat général, qui a pour mission de coordonner les initiatives de l’OEA en Haïti et d’améliorer la coopération entre l’OEA et les autres institutions régionales et internationales. Pour donner effet au mandat de cette résolution de l’Assemblée générale, de nombreuses initiatives ont été mises en œuvre par les organes et les institutions de l’OEA, tout au long de l’année.

 

15.       Le Cadre de coopération intérimaire (ICF) établi pour assurer la cohérence et la coordination de l’assistance internationale fournie sous le Gouvernement de transition (2004-2006) a été reconduit jusqu’en septembre 2007, alors que de nouvelles initiatives étaient mises en œuvre en vue d’appuyer les autorités du Gouvernement Préval et assurer une transition en douceur entre l’ICF et un nouveau mécanisme de coordination et d’appui au Gouvernement haïtien. La Stratégie nationale de croissance économique et de réduction de la pauvreté devrait déboucher sur le  document de stratégie nationale de croissance économique et de réduction de la pauvreté qui sera le principal mécanisme chargé d’énoncer les objectifs nationaux en matière de développement et de tracer les grandes lignes des politiques stratégiques dans les domaines économique, social et de la bonne gouvernance. L’élaboration de ce document aura des répercussions sur le futur du développement d’Haïti et pour s’assurer qu’une assistance financière adéquate est affectée à cette fin.[11]  À cet égard, d’importantes contributions bilatérales ont été faites par les Gouvernements des États-Unis, de l’Union européenne et du Canada et Haïti s’attend à recevoir une aide des institutions financières internationales, une fois que le document de stratégie nationale de croissance économique et de réduction de la pauvreté sera terminé.[12]

 

16.       En conclusion, on a observé des signes de progrès dans le pays au cours de cette année, en particulier en ce qui concerne la situation en matière de sécurité publique, la prise de conscience par le gouvernement des faiblesses de longue date et ses efforts pour y remédier. À cet égard, la Commission encourage la communauté internationale à soutenir le Gouvernement haïtien qui s’est engagé à réaliser des progrès dans la voie du développement national, à promouvoir les droits de la personne et à s’attaquer aux faiblesses de longue date dans les institutions étatiques. Toutefois, la Commission réitère qu’il est important de continuer et de renforcer les efforts déployés par l’État pour assurer une paix et une stabilité durables dans le pays, d’avoir un pouvoir judiciaire efficace et que la population ait accès aux voies de recours juridiques et aux services sociaux de base. Compte tenu de ce contexte, la Commission fera maintenant le point sur la situation générale des droits de la personne en Haïti, qu’elle avait décrite dans le rapport annuel de l’année dernière.[13]

 

III.        ACTIVITÉS DE LA COMMISSION CONCERNANT HAÏTI EN 2007

 

17.       En 2007, la Commission a continué de suivre avec beaucoup d’attention la situation des droits de la personne en Haïti et de souligner l’importance du rôle de l’État quand il s’agit d’aborder les faiblesses de longue date dans le domaine de l’administration de la justice, de la sécurité publique et du respect des droits économiques et sociaux. En outre, elle a également assuré le suivi de la situation des groupes vulnérables, notamment les femmes, les enfants et les défenseurs des droits de la personne, elle l’a analysée et a fait rapport à ce sujet. À cette fin, la Commission a réalisé un certain nombre de visites en Haïti, organisé plusieurs séminaires de formation à l’intention d’entités gouvernementales et de membres de la société civile et elle a reçu des informations concernant la situation des droits de la personne au cours de ses audiences thématiques, lors de ses trois sessions ordinaires annuelles.

 

18.       Du 16 au 20 avril 2007, le Rapporteur pour Haïti, Sir Clare K. Roberts, a mené une visite sur le terrain en Haïti pour observer les développements intervenus dans la situation des droits de la personne dans ce pays depuis l’entrée en fonction du gouvernement Préval en 2006. Sa visite avait pour buts, entre autres, de rencontrer les nouveaux membres de l’Administration Préval, d’être mis au courant des priorités du gouvernement pendant les six années de son mandat et d’assurer le suivi de la situation de l’administration de la justice après la mise en circulation du rapport élaboré en 2006 sur cette question, et enfin, de recueillir des informations sur la situation des droits de la personne dans le pays, et plus particulièrement sur la situation des femmes et des fillettes. À cette fin, la Commission a rencontré des représentants du Gouvernement haïtien et des membres de la société civile ainsi que des représentants d’organisations internationales. Le Rapporteur s’est également entretenu avec des victimes de violations des droits de la personne et des groupes de victimes. Dans le cadre du suivi des conclusions et des recommandations contenues dans son rapport sur l’administration de la justice de 2006, la Commission a organisé, pendant sa visite, une table ronde sur la situation de l’administration et de la réforme du système judiciaire afin d’encourager le dialogue entre les différents secteurs de la société et mieux identifier les éventuels domaines qui doivent être réformés pour améliorer la capacité du système judiciaire haïtien à rendre la justice.

 

19.       Du 17 au 20 juin 2007, M. Florentin Meléndez, Rapporteur spécial pour les droits des personnes privées de liberté et Président de la Commission, a réalisé une visite sur le terrain en Haïti pour observer la situation des personnes privées de liberté dans des centres de détention de Port-au-Prince sélectionnés à cette fin et pour recueillir des informations sur cette question qui avait fait l’objet d’une analyse dans son étude sur l’administration de la justice en Haïti de 2006 et pour assurer le suivi des recommandations de la Commission à propos des personnes privées de liberté.[14] À cette fin, le Rapporteur spécial a rencontré des représentants de l’État, des membres de la société civile et d’organisations internationales et s’est rendu dans les centres de détention suivants : le Pénitencier national à Port-au-Prince, la prison de Pétionville pour les femmes et les jeunes filles, la prison de Delmas pour les garçons et les cellules de détention du commissariat de police de Delmas.

 

20.       Du 26 au 28 septembre 2007, le Bureau du Rapporteur spécial sur la liberté d’expression a réalisé une visite sur le terrain en Haïti pour observer les développements qui se sont produits dans ce domaine et recueillir des informations sur la situation actuelle de la liberté d’expression dans le pays.[15]  Au cours de cette visite, le Rapporteur spécial a rencontré des représentants de l’État, des membres de la Commission indépendante d’appui aux enquêtes relatives aux assassinats des journalistes, créée récemment, des membres de la société civile, des médias et des associations de médias.

 

21.       Pour maintenir un engagement actif en Haïti, mieux faire connaître le système de la CIDH et améliorer la protection des droits de la personne, la Commission a continué d’organiser des visites et des réunions de travail avec les membres du Gouvernement haïtien et à animer des séminaires de formation destinés aux fonctionnaires gouvernementaux et aux organisations de la société civile. Ainsi, elle a organisé quatre séminaire de formation aux droits de la personne en 2007 : en avril (formation des fonctionnaires du gouvernement au processus de pétition de la CIDH), en juin (formation aux droits des personnes privées de liberté et au système de la CIDH), en août (formation au processus de pétition de la CIDH à l’intention des organisations de la société civile) et en décembre 2007 (formation aux mécanismes internationaux et régionaux en matière de droits de la personne à l’intention des fonctionnaires gouvernementaux et des organisations de la société civile). De surcroît, des événements publics ont été organisées pendant les visites du Rapporteur pour Haïti et du Rapporteur spécial pour les droits des personnes privées de liberté. Dans le but d’assurer le suivi des conclusions et des recommandations contenues dans le rapport de la Commission sur l’administration de la justice (2006), en avril, le Rapporteur pour Haïti a organisé une table ronde sur la réforme et l’administration de la justice en Haïti à laquelle ont participé des membres de la Cour suprême, le Secrétaire d’État à la justice et un représentant du Forum citoyen, un réseau des ONG qui militent en faveur de la réforme de la justice. Suite à cette table ronde, en juin 2007, le Rapporteur spécial pour les droits des personnes privées de liberté a fait une conférence publique sur les normes et les principes internationaux relatifs aux droits de la personne s’appliquant aux personnes privées de liberté, sur la situation de ces personnes en Haïti et dans la région et sur le mandat et les attributions du Rapporteur spécial.

 

22.       La commission a examiné la situation en Haïti à sa 127ème, 128ème et 130ème Sessions ordinaires qui se sont tenues, respectivement, en février, juillet et octobre 2007. À la fin de deux des trois sessions, elle a émis des communiqués de presse qui contenaient une section consacrée à la situation en Haïti.[16]

 

23.       La Commission, sur la base de ses visites et d’autres activités ayant trait à Haïti pendant l’année 2007 et prenant en considération ses observations des années précédentes à propos de la situation des droits de la personne, a continué d’assurer le suivi des principaux domaines de préoccupation, en particulier la sécurité publique, l’administration de la justice et l’État de droit, l’impunité, les droits des personnes vulnérables et la situation économique et sociale qui ont des conséquences directes sur la capacité des Haïtiens de jouir de leurs droits fondamentaux. Il est important de faire remarquer que bon nombre de ces problèmes sont déjà anciens et profondément enracinés, car ils sont le résultat de déficiences structurelles et de faiblesses institutionnelles qui sont la conséquence d’un passé caractérisé par les crises politiques, les régimes autoritaires et des institutions corrompues et ont conduit à des violations généralisées et systématiques des droits humains fondamentaux des Haïtiens. C’est pourquoi les institutions auraient intérêt à réaliser une évaluation sérieuse, une planification stratégique et à long terme et des réformes structurelles pour diminuer le nombre et la gravité des violations des droits de la personne qui se produisent chaque jour dans le pays. Celles-ci continuent à être la principale source de préoccupation de la Commission et à faire l’objet de son analyse et de son suivi. Bien que ces questions aient déjà été examinées dans des rapports et des communiqués de presse de la Commission, ce chapitre permet de faire une évaluation et un bilan actualisés des développements intervenus dans ces domaines.[17]

 

IV.     OBSERVATIONS DE LA COMMISSION SUR LA SITUATION DES DROITS DE LA PERSONNE EN HAÏTI EN 2007

 

24.      En 2007, la Commission a observé les premiers signes de progrès après les élections présidentielle et législative et l’entrée en fonction ultérieure d’un gouvernement constitutionnel, au début de l’année 2006. À cet égard, la Commission a pris note de l’engagement de la communauté internationale à aider Haïti dans son processus de post-transition ainsi que des contributions de plusieurs bailleurs de fonds internationaux à l’État haïtien en vue de promouvoir le développement social et économique et la reconstruction du pays. Plus notable encore est le fait que la réponse du gouvernement à la spirale de crimes avec violence s’est soldée par la réalisation de progrès dans le démantèlement des bandes armées, par l’arrestation et la détention de personnes soupçonnées d’avoir commis des crimes et par la diminution des crimes avec violence à la mi-2007. En outre, le Chef d’État haïtien a également reconnu que plusieurs défis freinaient le développement national et le développement économique. Il a annoncé que son gouvernement apporterait une réponse d’État au trafic illicite de drogues et à la situation difficile, liée à ce trafic, que constitue le contrôle insuffisant exercé aux frontières. Ainsi, il a affirmé qu’il combattrait la corruption dans les institutions étatiques et renforcerait les institutions chargées de l’État de droit en Haïti. Au nombre des développements positifs figurent l’amélioration de la sécurité publique en comparaison avec les années précédentes et plusieurs initiatives mises en œuvre sous la direction de l’État, telles que la création d’une commission spéciale chargée de s’occuper des cas de détention préventive prolongée, l’organisation de procès criminels plus fréquents, la présentation et l’adoption de projets de loi sur le pouvoir judiciaire, la création d’une commission spéciale chargée d’enquêter sur la mort de journalistes et l’élaboration de plans de réformes et d’autres initiatives visant à éliminer la corruption, le trafic de drogues et la prolifération des armes. En outre, Haïti a ratifié plusieurs traités internationaux.

 

25.       En ce qui concerne la sécurité publique, pendant les trois premiers mois de 2007, la Police nationale d’Haïti et les forces de l’ONU ont mené une série d’interventions agressives à Cité Soleil en vue d’appréhender des chefs de bande soupçonnés d’avoir participé à la vague d’enlèvements de Port-au-Prince. D’une part, elles ont abouti à l’arrestation de plusieurs suspects et ultérieurement à des poursuites et à des condamnations contre certains d’entre eux, ce qui, aux dires de nombreux observateurs, ne s’était produit que rarement. Beaucoup attribuent à ces opérations la diminution des crimes avec violence observée depuis lors. D’autre part, ces interventions armées de la PNH et de la MINUSTAH ont eu pour conséquences directes, selon les informations obtenues, des arrestations massives de personnes soupçonnées d’avoir commis des crimes, sans mandats d’arrêt et elles ont été menées, selon les informations disponibles, en recourant à une force excessive contre des civils et se sont soldées par un certain nombre de morts et de blessés.[18] Parallèlement, ces événements semblent avoir entraîné une succession d’effets qui ont suscité un certain nombre de préoccupations en matière de droits de la personne, comme nous l’expliquerons plus loin. Les arrestations massives se sont soldées par un nombre record d’individus traduits devant le système de justice criminelle sur une courte période,  alors que ce système était déjà surchargé et n’était pas en mesure de juger ou d’enquêter sur la grande quantité d’affaires dont il a été saisi. Cette situation a produit nombre d’irrégularités, comme des arrestations illégales, des arrestations massives, et l’absence de présentation des preuves par les autorités pertinentes. Ainsi, pendant les trois premiers mois de l’année 2007, selon les informations obtenues, chaque semaine, la police a procédé à l’arrestation massive de 30 à 40 personnes. Cette pratique s’est traduite par un nombre accru de personnes placées en détention arbitraire ou en détention préventive prolongée dans des conditions extrêmement mauvaises et/ou dans des installations (cellules de détention des commissariats de police) qui ne sont pas équipées pour maintenir des personnes en détention pendant de longues périodes. En outre, les arrestations massives de suspects et leur détention ultérieure a également abouti à un surpeuplement extrême des centres de détention, ce qui constitue un risque supplémentaire pour la sécurité personnelle de la population carcérale (risques sanitaires à cause du manque d’hygiène et de l’absence d’une alimentation appropriée et d’eau potable) et un risque pour la sécurité publique de la population nationale à cause d’une combinaison de facteurs, y compris la sécurité insuffisante et la construction médiocre des établissements pénitentiaires, le manque de capacité des installations et le fait qu’ils se trouvent souvent dans des zones à forte densité de population.

 

26.       À cet égard, compte tenu du déséquilibre en matière d’affectation des ressources, d’aide financière, d’assistance technique et de formation entre la police nationale et le pouvoir judiciaire (la police nationale reçoit la plus grande partie du budget alloué au Ministère de la justice et de la sécurité publique), le pouvoir judiciaire n’a ni la capacité, ni les ressources nécessaires pour apporter une réponse aussi rapide ou effective, ce qui se traduit par des affaires en suspens et un nombre sans précédent de détenus dans les prisons haïtiennes, dont la plupart a été arrêtée arbitrairement et détenue pendant une durée excessive. À cet égard, la Commission est préoccupée par les implications immédiates en matière de droits de la personne des opérations sécuritaires des forces armées et recommande de s’assurer que les personnes arrêtées et détenues par la Police nationale d’Haïti et la MINUSTAH jouissent de garanties judiciaires. Conséquemment, la Commission recommande que des ressources supplémentaires, du matériel et des infrastructures appropriés soient affectés au pouvoir judiciaire afin qu’il puisse fonctionner comme il se doit et que les affaires criminelles soient traitées rapidement et effectivement.

 

27.       Pour ce qui est de la situation générale des droits de la personne en Haïti, la Commission constate que les faiblesses dans l’administration de la justice, l’impunité en cas de violation des droits de la personne et les conditions sociales et économiques extrêmement mauvaises continuent à être les principaux motifs de préoccupation. En outre, le gouvernement doit encore relever des défis importants pour assurer les conditions de paix et de sécurité dans le pays sur le long terme. Selon le Président de la République, M. René Préval, la combinaison du trafic de drogues, la corruption dans les institutions de l’État et les mauvaises conditions économiques et sociales sont les éléments principaux qui causent et perpétuent les taux élevés de criminalité et d’impunité[19], et c’est pourquoi le gouvernement actuel a donné la priorité à ces problèmes dans ses politiques publiques et a élaboré des programmes d’État pour s’attaquer à chacun d’eux. L’un des aspects de cette tâche consiste à évaluer les divers facteurs qui alimentent  la violence en Haïti et à mettre au point les mesures appropriées pour empêcher la répétition des actes de violence. La Commission trouve encourageantes les activités mises en œuvre par l’État pour s’attaquer à ces problèmes et insiste sur la nécessité d’allouer des ressources à la planification et à la mise en œuvre des politiques gouvernementales, de la législation et des mécanismes qui s’avèrent nécessaires dans ces domaines. À cet égard, la Commission exhorte les institutions étatiques concernées et les organisations internationales qui interviennent en Haïti, en particulier la MINUSTAH et les organismes apparentés des Nations Unies, à continuer leurs efforts pour renforcer la Police nationale d’Haïti et le pouvoir judiciaire, et en particulier, de mettre au point une approche globale et holistique capable de garantir une paix et une sécurité durables qui comprenne la création d’emplois dans le pays et le développement d’industries nationales.

 

28.       Au cours des nombreuses années où la Commission a suivi les développements en Haïti, elle a observé la nature exceptionnellement complexe et difficile de la situation des droits de la personne dans ce pays qui se caractérise par des périodes répétées de crises politiques et par certaines conditions sociales et économiques les plus inquiétantes du Continent américain. Ces conditions vont de pair avec des déficiences extrêmes dans les institutions étatiques et des problèmes déjà anciens en matière de droits économiques, sociaux, civils et politiques. En conséquence, ces problèmes, qui continuent à empêcher le pays d’accomplir des progrès importants dans la voie de son développement, ne peuvent être réglés entièrement par des solutions à court terme, il faut au contraire des réformes institutionnelles et une assistance internationale continue et à long terme afin de résoudre un certain nombre de problèmes fondamentaux identifiés dans ce chapitre et dont la Commission a fait état dans des déclarations et dans des rapports précédents traitant de la situation en Haïti.

 

A.         Sécurité et désarmement

 

29.       La situation sécuritaire en Haïti est au nombre des principales préoccupations de la Commission, surtout depuis 2004. En particulier, elle a exprimé régulièrement sa préoccupation face à la profonde dégradation de la sécurité publique, due à la violence généralisée exercée par les bandes armées et le contrôle inefficace de certains quartiers de Port-au-Prince et de certaines régions des provinces. Les enlèvements, les viols, les meurtres, les tabassages et les destructions massives de biens sont devenus monnaie courante ces dernières années, et se sont soldés en 2005 par un nombre record de morts et de blessés parmi les civils, et en 2006 par une augmentation encore plus grande des crimes avec violence. Pendant la période de transition, les forces de police se sont avérées incapables d’affronter la vague de criminalité et le vide sécuritaire a été rapidement comblé par la prolifération des bandes armées qui agissaient en toute impunité, des bandes criminelles organisées, et du trafic de drogues persistant qui s’est traduit par un renforcement des groupes armés, mieux équipés et mieux organisés, qui recouraient à la force et à l’intimidation pour exercer le contrôle sur des secteurs de Port-au-Prince. En conséquence, bien que la gouvernance démocratique ait été restaurée en  Haïti au début de l’année 2006 et que des mesures initiales aient été prises pour maîtriser les crimes avec violence, les autorités haïtiennes et la communauté internationale vont encore devoir prendre les mesures préventives propres à garantir la paix et la stabilité sur le long terme, moyennant l’adoption d’une politique, d’une stratégie et d’un plan de sécurité publique capables de s’attaquer aux facteurs clés qui contribuent à la persistance des crimes de violence en Haïti.

 

30.       Comme elle l’a indiqué ci-dessus, en 2007, la Commission a observé une amélioration visible de la situation de la sécurité publique en Haïti, en comparaison avec les années précédentes. Elle a reçu des informations indiquant la réalisation, de janvier à avril, de nombreuses arrestations de criminels soupçonnés d’implication dans la vague d’enlèvements et d’autres crimes de violence. Pendant sa visite en Haïti en avril, puis en juin, la Commission a observé des patrouilles de police et des commissariats dans toute la ville. En outre, des sources gouvernementales lui ont indiqué, et des membres de la population lui ont confirmé, que la présence de la police avait considérablement augmenté à Port-au-Prince depuis le début de l’année 2007 et que la police avait redoublé d’efforts pour appréhender des criminels présumés. 

 

 31.      Toutefois, même si d’aucuns disent que les opérations armées ont contribué à la diminution récente des crimes de violence dans la capitale, les informations reçues des observateurs des droits de la personne, des médias et des habitants de Cité Soleil indiquent que les opérations menées dans ce quartier à forte densité de population ont inclus des perquisitions à domicile sans garanties judiciaires et ont causé des dommages collatéraux, c'est-à-dire que de simples spectateurs civils ont été tués ou blessés par les échanges  de coups de feu et les tactiques agressives utilisées par les forces de sécurité à l’encontre des habitants du quartier. Lorsque les soldats de la MINUSTAH ont participé aux interventions, les rapports faisant état d’un recours excessif à la force et d’arrestations illégales ont suscité de la méfiance et de l’hostilité parmi la population. Enfin, les observateurs des droits de la personne critiquent la stratégie employée par les forces de sécurité pour mener ces interventions musclées, estimant qu’elles ont la vue courte et ne produisent que des résultats temporaires. Les observateurs soulignent qu’il faut adopter des mesures intégrales et à long terme pour assurer la durabilité du calme actuel, y compris le renforcement du pouvoir judiciaire et la nécessité de le rendre opérationnel et efficace, la promotion de la justice sociale et la création de débouchés économiques pour le peuple haïtien.[20] Face aux actes présumés d’utilisation excessive de la force par les forces de sécurité ou aux arrestations illégales effectuées par celles-ci, la Commission rappelle que le devoir d’assurer la sécurité publique doit aller de pair avec le devoir de protéger à tous moments la vie et l’intégrité physique des personnes et de respecter les garanties judiciaires pendant l’arrestation et la détention ultérieure des individus.

 

32.       Pendant la visite sur le terrain de la Commission, en avril, le Président de la République d’Haïti a reconnu que la sécurité publique dépendait : de la capacité de l’État à faire face au trafic illégal d’armes et de drogues ; de la capacité de l’État à affronter la criminalité organisée en instituant une force de police solide et un système judiciaire fonctionnel, capables de  veiller à faire rendre des comptes aux criminels ; de la mise en place de débouchés économiques ; de la création d’emplois et du développement des industries nationales afin d’offrir à la population des alternatives économiques constructives. À cet égard, la Commission prend note de l’initiative de l’État d’organiser en mars 2007, en République dominicaine, une conférence régionale à laquelle ont participé des représentants des gouvernements de la région et de la diffusion de la Déclaration de Santo Domingo qui engage les États à adopter des mesures pour combattre le trafic illicite de drogues. La Commission espère que cette initiative marque le commencement d’une relation d’étroite collaboration et coordination, qui permettra de mettre au point une approche appropriée et diversifiée pour aborder ce problème régional.

 

33.       Plus précisément, pour garantir la sécurité, un aspect fondamental est la nécessité de renforcer la Police nationale d’Haïti, d’allouer au pouvoir judiciaire des ressources et du matériel en quantité suffisante et de lui dispenser une formation à son personnel afin qu’il puisse fonctionner avec la même efficacité que celle-ci. En 2007, la PNH a montré des signes évidents de progrès et de croissance, même si elle bénéficiait d’une assistance financière et technique extérieure. Ce qui est le plus remarquable est l’initiative de la PNH de créer une unité de lutte contre les enlèvements, qui, selon les informations obtenues par la Commission, a obtenu des résultats positifs en termes d’enquêtes, d’arrestations et de poursuites des suspects. En outre, de l’Académie de police, qui a incorporé à sa formation un volet sur les droits de la personne, sont sorties au moins deux promotions de nouvelles recrues et le programme de vérification approfondie des policiers a continué avec l’assistance technique de la MINUSTAH. Ce programme est particulièrement important pour lutter contre la corruption au sein de la police, étant donné que les sources policières confirment l’implication d’un pourcentage important de membres de la police dans des activités criminelles, ce qui empêche ce corps de remplir le rôle répressif qui lui est dévolu et porte préjudice à l’intégrité et à la crédibilité de la police en tant qu’institution.

 

34.       L’autre aspect crucial pour garantir la sécurité publique et prévenir la répétition des crimes est la capacité du système judiciaire de fonctionner avec efficacité et de s’assurer que les auteurs d’actes de violence rendent compte de leurs actes devant la justice pénale. À cet égard, étant donné le nombre croissant d’arrestations, le nombre subséquent d’individus en attente d’une audition et le surpeuplement du Pénitencier national de Port-au-Prince, la Commission a observé que le Tribunal de première instance de Port-au-Prince et les tribunaux de première instance d’autres villes d’Haïti ont déployé des efforts particuliers pour réaliser quotidiennement un plus grand nombre d’interrogatoires et des audiences criminelles (sans jury) plus fréquentes pendant l’année 2007 afin de s’occuper des dossiers en souffrance du système de justice pénale. Par ailleurs, ces efforts ont été entrepris sans être accompagnés d’un appui appréciable ni de l’engagement de l’Etat à fournir une assistance financière et technique. En conséquence de quoi, le système continue à être faible, sous-équipé, avec des ressources et des effectifs insuffisants, comme l’a fait observer la Commission dans son rapport sur l’administration de la justice publié en mars 2006[21].  À cet égard, la Commission continue d’être préoccupée par le manque de ressources affectées au pouvoir judiciaire pour la mise en œuvre des programmes ayant pour but l’amélioration de l’administration de la justice et l’accès à la justice, y compris la reconstruction et la réorganisation des tribunaux, l’affectation de matériel et d’équipement et la formation permanente, et qui s’efforcent en même temps d’améliorer les conditions de travail des membres du pouvoir judiciaire. 

 

35.       Enfin, la Commission reconnaît que la Mission des Nations Unies pour la stabilisation d’Haïti a montré un engagement solide à garantir la paix et la sécurité dans le pays depuis la création de son mandat en 2004 et qu’elle a accompli des efforts pour améliorer la situation de la sécurité publique en appuyant les initiatives de la PNH destinées à empêcher la commission de délits et en accordant une plus grande attention au renforcement institutionnel et à la réforme de la police et du pouvoir judiciaire.  Ces efforts viennent compléter les programmes à plus longue échéance mis en œuvre par les organismes de l’ONU, tels que le Programme des Nations Unies pour le développement, dans les domaines de l’État de droit et de l’appui à l’administration pénitentiaire. En effet, la MINUSTAH maintient une forte présence dans le pays et continue de soutenir le programme de désarmement en Haïti.

 

B.         Administration de la justice

 

36.       Les sources dont dispose la Commission indiquent que, en 2007, l’État, avec l’appui de la communauté internationale, a pris les mesures initiales pour s’attaquer immédiatement à des déficiences déterminées du système judiciaire. Au nombre de ces mesures figurent la présentation d’une série de projets de lois sur l’indépendance du pouvoir judiciaire, la création d’une commission spéciale chargée de résoudre le problème de la détention préventive prolongée, la décision prise par le Président de la République d’instituer une commission spéciale sur la réforme du pouvoir judiciaire et, suite à cette décision, la création du poste de Secrétaire d’État à la justice ainsi que l’établissement d’une commission spéciale chargée d’apporter un soutien aux enquêtes sur les assassinats de journalistes. En outre, ces informations indiquent que l’École de la magistrature rouvrira bientôt ses portes. En attendant, une formation restreinte est dispensée à des juges et à des avocats avec la coopération de la MINUSTAH. Malgré les faits cités plus hauts, le système judiciaire en général continue à être extrêmement inefficace et lent ; il souffre toujours de faiblesses fondamentales, y compris l’absence d’indépendance du pouvoir judiciaire, la corruption et une mauvaise application des lois. S’y ajoute une pénurie grave de ressources pour les juges, les magistrats, les tribunaux et la police, laquelle entraîne la prévalence des violations des garanties judiciaires, telles que la détention prolongée d’individus qui n’ont pas été traduits en justice. Bien que la Commission ait signalé auparavant que la corruption est très répandue dans la fonction publique,[22] elle espère que les initiatives récentes de l’État, à savoir la présentation et le vote de trois projets de loi concernant la création du Conseil supérieur de la magistrature, l’École de la magistrature et le statut des magistrats, déboucheront sur une amélioration manifeste du fonctionnement du pouvoir judiciaire et sur une procédure propre à traduire dans les faits un code professionnel de conduite et à sanctionner les actes de corruption ou les manquements à l’intégrité judiciaire.

 

37.       La Commission continue à être préoccupée par les rapports faisant état d’arrestations et de détentions arbitraires et d’un recours excessif à la force pendant les arrestations. En particulier, au début de l’année 2007, la police a procédé à de nombreuses arrestations massives dans des quartiers de la capitale, effectuant des descentes dans certains endroits et embarquant des groupes de personnes. Bon nombre de ces arrestations ont été réalisées sans mandats d’arrêt et dans bien des cas elles étaient dénuées de tout fondement.[23] En outre, une fois arrêtés, la plupart de ces individus attendent pendant une durée excessive d’être entendus par un juge, et ce, même dans les cas où les preuves sont insuffisantes dans leurs dossiers. La Commission fait remarquer que les arrestations et les détentions arbitraires ne constituent pas un nouveau problème en Haïti, mais qu’au contraire elles ont fait l’objet de critiques de sa part dans le passé.[24] C’est pourquoi, tout en reconnaissant qu’il est nécessaire d’arrêter les criminels dangereux pour garantir la sécurité de la population, la Commission rappelle une fois de plus  l’interdiction de pratiquer des arrestations et des détentions arbitraires, consacrée à l’article 7 de la Convention américaine, et réitère que l’État est tenu de s’assurer que ses actions pour enquêter et poursuivre les délits sont exécutées selon des procédures manifestement justes et effectives, conformes aux règles internationales relatives aux garanties judiciaires, y compris le droit de tout détenu à recevoir rapidement notification de l’accusation ou des accusations portée(s) contre lui et à être traduit rapidement devant un juge.

 

38.       À ce sujet, les personnes qui sont en détention préventive prolongée en Haïti continuent à préoccuper au plus haut point la Commission, par rapport aux droits des personnes privées de liberté. Lors de sa visite, le Rapporteur pour les personnes privées de liberté a fait part de sa grave préoccupation devant le nombre de personnes en détention préventive prolongée, nombre qui reste obstinément élevé, alors que, dans bien des cas, ces personnes sont restées plus longtemps en détention que la peine qui aurait pu leur être infligée pour les délits dont elles sont accusées. En juin, le Rapporteur a visité des prisons de Port-au-Prince, en particulier le Pénitencier national, et a constaté que la population carcérale dans les 17 prisons d’Haïti, est passée de 2.586 à 6.047 détenus entre juillet 2005 et juin 2007 et qu’en juin 2007 84% de cette population n’avait pas été accusé en bonne et due forme et que le pourcentage de personnes détenues sans avoir été condamnées est estimé à 98% chez les garçons de la Prison pour mineurs de Delmas, à 95% chez les femmes de la Prison de Pétionville et à 96% chez les détenus du Pénitencier national.[25]

 

39.       Pendant cette visite du Rapporteur, des sources ont indiqué qu’une commission spéciale sur la détention préventive prolongée avait été créée à l’initiative du Ministère de la justice, avec la participation et l’assistance technique de la MINUSTAH et d’autres intervenants. Cette commission spéciale a pour mandat de diminuer le nombre de personnes en détention préventive prolongée en révisant les dossiers des détenus et en évacuant les affaires, en particulier les affaires sans gravité ou les flagrants délits (dénuées de fondement ou pour lesquelles la durée de la détention a dépassé la condamnation présumée pour le délit dont ces personnes sont accusées) dans la plus grande prison d’Haïti, le Pénitencier national, et ensuite de répéter cette activité dans d’autres prisons. La Commission espère que le processus de révision tient compte des indispensables garanties judiciaires auxquelles ont droit les détenus et donnera rapidement des résultats afin d’atténuer les problèmes que constituent la détention préventive prolongée et le surpeuplement des prisons. Enfin, elle reconnaît la valeur des mesures urgentes qui ont été adoptées, comme la création de la commission spéciale sur la détention prévention prolongée, tout en encourageant le gouvernement, avec l’aide de la communauté internationale, à analyser les faiblesses structurelles et les facteurs connexes qui contribuent au problème de la détention préventive prolongée et à adopter les mesures pertinentes à long terme pour éviter que ce problème ne devienne systématique et généralisé.

 

40.       À cet égard, le Rapporteur a exprimé sa préoccupation devant le nombre élevé de personnes en détention préventive, dont la plupart n’ont pas eu accès à un représentant légal ou ignorent leur situation juridique en ce qui concerne les accusations portées contre elles, ce qui rend impossible l’accès aux garanties judiciaires et à la protection judiciaire. À ce sujet, la Commission est encouragé par la création d’une commission spéciale visé à étudier et réduire la situation des détenus en détention préventive prolongée en Haïti établi par l’Etat pendant l’année 2007. Malgré ça création, la commission a eu des difficultés pour remplir ses taches. Pour cela, la Commission désire insister sur la nécessité de renforcer les mesures pour assurer la supervision judiciaire des personnes en détention préventive prolongée ainsi que la révision de la situation juridique des personnes privées de liberté, et leur garantir le droit à un défenseur et aux garanties judiciaires. A ce sujet, la Commission était informée par l’Etat que le Parquet près du Tribunal Civil du Port-au-Prince a fait des efforts pour libérer plus de 100 détenus qui étaient en détention préventive prolongé pendant l’année.

 

41.       En ce qui concerne les conditions carcérales, la Commission a observé les conditions des principales prisons de Port-au-Prince et a reçu des informations sur les conditions des prisons du pays. Bien que la visite effectuée par le Rapporteur dans les prisons haïtiennes ait confirmé les conclusions antérieures de la Commission à propos des conditions carcérales (voir le Rapport annuel de la CIDH pour l’année 2006), elle a également révélé que ces conditions et le surpeuplement dans la plus grande prison centrale d’Haïti, le Pénitencier national, s’étaient considérablement aggravés depuis l’année dernière. La Commission été informé des efforts soutenus par le Comité International de la Croix Rouge afin d’améliorer les conditions des  centres de détention et les problèmes de santé et sanitaires en particulier. Malgré ces interventions primordiales et celles des autres organisations de développement, le Rapporteur a rendu publique en juin 2007 une déclaration indiquant que dans les prisons qu’il avait visitées les conditions d’hygiène et de logement des détenus étaient d’une précarité extrême, et que ceux-ci n’avaient accès ni à l’eau potable ni aux soins médicaux. Il a exprimé sa vive inquiétude notamment devant la situation déplorable du Pénitencier national, caractérisé par des conditions sans précédents de surpeuplement, aggravées par le fait qu’il s’agit d’un bâtiment vétuste et d’un autre âge, dans un état de grand délabrement, avec des conditions sanitaires et d’hygiène extrêmement mauvaises, sans eau potable, où les détenus n’ont pas accès à une alimentation et à des soins médicaux appropriés. Ces facteurs ont provoqué de fréquents décès chez les personnes privées de liberté de cette prison. À ce sujet, une organisation haïtienne de défense des droits de la personne a publié récemment un rapport sur le régime pénitentiaire en Haïti, apportant la preuve de vingt cas de décès provoqués par les mauvaises conditions carcérales parmi les détenus du Pénitencier national.[26]  Bien que les actes de violence et les mauvaises conditions des prisons ne soient pas un phénomène nouveau en Haïti, la Commission réitère vigoureusement son appel à l’État pour qu’il veille à ce que toute personne soumise à la détention ou à l’emprisonnement ne soit pas victime d’actes de violence ou de tout autre mauvais traitement de la part des agents de l’État ou d’autres détenus et ne soit pas soumise à des conditions de vie qui ne satisfont pas aux normes internationales minimales pour le traitement des détenus, y compris celles énoncées dans l’Ensemble des règles minima de l’ONU pour le traitement des détenus.

 

42.       L’augmentation du nombre d’arrestations depuis le début de l’année 2007 et l’absence d’une réponse rapide et effective du système judiciaire sont en partie responsables de l’augmentation considérable du nombre de détenus dans les installations pénitentiaires qui a engendré une crise pour l’État, d’autant plus que ces installations n’ont pour la plupart, pas fait l’objet d’une reconstruction ou de réparations importantes depuis plusieurs années et que beaucoup n’ont pas été construites ou adaptées aux fins pour lesquelles elles sont utilisées. Pendant sa visite au mois de juin, le Rapporteur pour les personnes privées de liberté a confirmé les constats des observateurs nationaux et internationaux des droits de la personne, à savoir que, compte tenu du surpeuplement des établissements pénitentiaires haïtiens, les juges ont une tendance croissante et préoccupante à décerner un « mandat de dépôt » ou une ordonnance de détention dans les cellules de garde à vue de la police au lieu d’envoyer les prévenus dans les installations pénitentiaires légalement prescrites. En attendant, la durée moyenne de détention pour une personne en détention préventive prolongée n’a pas diminué, et en conséquence, des individus restent maintenant en prison pendant plusieurs semaines, voire deux ou trois mois, dans des bâtiments sans eau potable et sans alimentation adéquate (construits pour des détentions de 48 heures, durée prescrite par la constitution). C’est pour cette raison que le Rapporteur a observé les conditions des cellules de détention du commissariat de police de Delmas et constaté que la situation des détenus y était déplorable. Au cours de sa visite, il a observé les conditions du commissariat de police, où des femmes, des hommes et des enfants partagent la même cellule, sans eau, sans aliments et dépourvus de tout autre service de base. Pendant cette même visite au commissariat de Delmas, la Commission a reçu des informations à propos de 13 individus qui y étaient détenus depuis le 23 mai 2007, sans avoir été jugés, et qui, auparavant, avaient été détenus pendant trois mois dans la cellule de détention du commissariat de Carrefour. La délégation a également été informée que, à l’origine, ces individus avaient été arrêtés par les soldats de la MINUSTAH alors qu’ils étaient en possession d’armes illégales, lesquelles leur avaient été confisquées au moment de l’arrestation. Selon la Police nationale d’Haïti, en l’espèce, l’instruction ne peut pas progresser faute d’accès aux preuves décisives.

 

43.       Pour ce qui est des conditions des cellules de détention dans les commissariats, elles sont petites, sans fenêtres, sans lumière naturelle ni artificielle et il n’y a pas de place pour des lits. Les commissariats de poste n’ont pas de budget leur permettant de subvenir aux besoins des détenus sur de longues périodes ni de leur fournir de l’eau potable, des aliments, des installations sanitaires et la possibilité de faire leur toilette. Nos sources indiquent que les commissariats ne disposent pas des mesures de sécurité appropriées pour des détentions de longue durée, et de ce fait, les détenus sont généralement confinés dans les cellules et, à aucun moment, ils ne font de l’exercice. La plupart des commissariats n’ont que deux cellules de détention, utilisées parfois pour séparer les hommes adultes des femmes adultes ou pour séparer les hommes adultes des mineurs. Il semble que désormais les détenus sont placés en détention dans les cellules des commissariats pendant que les autorités judiciaires mènent l’enquête pénale. Cependant, aux termes du Code d’instruction criminelle, les enquêtes pénales peuvent durer deux mois mais aucune limite n’est prévue quant à la prorogation de ce délai et dans la pratique, les enquêtes peuvent durer beaucoup plus que deux mois. La pratique policière récente de garder les personnes en détention pendant de longues périodes dans les cellules de détention des commissariats peut avoir des conséquences graves sur la vie et l’intégrité physique des personnes détenues. Ces conditions sont donc loin d’être conformes aux normes internationales minimales établies pour la détention des individus et constituent un grave danger pour l’intégrité physique de ces personnes. C’est pourquoi cette situation doit être abordée immédiatement par les autorités concernées pour que les droits consacrés par la Convention américaine, y compris les garanties judiciaires, les droits de la défense et le droit à ne pas être soumis à une peine ou à un traitement cruel et inhabituel, soient respectés comme il se doit.

 

44.       Pour ce qui est de la question plus vaste de la réforme judiciaire et du problème déjà ancien du manque d’indépendance du pouvoir judiciaire, la Commission a continué de recevoir des informations sur les initiatives de l’État visant à promouvoir une réforme dans le domaine de l’administration de la justice. Elle a été informée que, suite à l’élaboration d’un plan d’action par le Ministère de la justice, en 2007, ce Ministère a créé une commission spéciale pour la réforme judiciaire, qui a tenu des réunions régulières et a publié deux rapports. Cette commission spéciale comporte également des membres de la société civile et représente un signe de progrès vers la réalisation de l’objectif que s’est fixé le gouvernement, à savoir promouvoir une réforme judiciaire tellement nécessaire. Concrètement, le Ministère de la justice a présenté trois projets de loi devant le parlement concernant l’indépendance du pouvoir judiciaire, le statut des juges et les procédures constitutionnelles relatives à la désignation, au mandat et la destitution des juges. Les informations reçues par la Commission indiquent que le projet de loi sur la création du Conseil supérieur de la magistrature a été voté récemment par le parlement et que les deux autres seront votés, semble-t-il, prochainement. La Commission estime que ces informations sur la présentation des projets de loi relatifs au pouvoir judiciaire sont particulièrement encourageantes et elle espère que leur vote et leur mise en application se feront rapidement et que des ressources en quantité suffisante seront affectées à ces lois afin qu’elles soient mises en application en bonne et due forme. Elle reconnaît l’importance des initiatives prises par le Ministère de la justice pour promouvoir la réforme judiciaire en Haïti et demande en particulier à la communauté internationale d’appuyer les initiatives nationales en apportant ses compétences techniques et les ressources nécessaires pour que se produisent au sein du pouvoir judiciaire les profonds changements qui remédieront aux déficiences de longue date et le rendront efficace, impartial et capable d’apporter des réponses rapides et effectives.

 

C.         Impunité

 

45.       Le problème persistant de l’impunité quant aux violations des droits de la personne et aux délits commis par le passé préoccupe particulièrement la Commission. Pendant toutes les années où la Commission a suivi de près la situation des droits de la personne en Haïti, elle a observé que l’impunité quant aux violations des droits de la personne et aux actes criminels en général est systématique et généralisée. Elle estime qu’il est important de rappeler que, conformément aux normes internationales, l’État a la responsabilité d’enquêter sur les violations des droits de la personne et de poursuivre leurs auteurs, quels qu’ils soient et quelle que soit la date à laquelle ces violations ont été commises. À cet égard, la Commission aimerait reconnaître la valeur du procès et du jugement rendu tout récemment contre deux individus qui ont été condamnés à la prison à vie, le 30 août 2007, pour l’assassinat de Jacques Roches, journaliste bien connu, en juillet 2005, ce qui, selon les informations reçues, serait la première condamnation pénale jamais prononcée dans toute l’histoire d’Haïti pour l’assassinat d’un journaliste. Le gouvernement d’Haïti a informée la Commission que le procès contre les auteurs de l’assassinat du journaliste Brignol Lindor a été organise le 10 décembre 2007, mais la Commission a aussi reçu des informations qui indiquent que le procès a eu plusieurs irrégularités au niveau de la procédure et des garanties judiciaires. En outre, les tribunaux ont montré cette année qu’ils avaient fait les premières tentatives pour résoudre ce problème en tenant  des procès en assises criminelles et, suite à ces initiatives, plusieurs personnes ont été effectivement jugées et condamnées pour leur participation à des enlèvements et à d’autres délits graves. Les informations reçues indiquent que le Tribunal de première instance de Port-au-Prince, dont le rôle des causes est particulièrement long, et la Cour suprême d’Haïti ont déployé récemment des efforts particuliers pour tenir des auditions supplémentaires et des séances de procès en assises criminelles. La séance la plus récente de procès criminel (sans jury) a eu lieu en février 2007 et a statué sur des affaires de vol, de viol, d’association de malfaiteurs, d’enlèvement, de meurtre et de possession d’armes illégales. La Commission félicite les magistrats et en particulier le Doyen du Tribunal de première instance de Port-au-Prince et le Président par intérim de la Cour suprême pour leur diligence et leur engagement à connaître des affaires et à statuer rapidement, malgré leurs ressources limitées, afin de garantir aux prévenus le droit à une procédure régulière, à un jugement rapide et juste et aux victimes le droit à un recours juridique. Enfin, elle salue les efforts récents réalisés par le pouvoir judiciaire pour connaître des nombreuses affaires criminelles qui attendaient de passer devant un tribunal et elle espère que cette initiative va s’intensifier et recevra un soutien accru afin que les nombreuses affaires en souffrance soient traitées rapidement et comme il se doit.

 

46.       En ce qui concerne certaines affaires relatives aux droits humains, la Commission souhaite rendre hommage à la décision de créer une commission spéciale chargée d’appuyer les enquêtes sur les assassinats de journalistes, dont les membres ont été désignés par le Président de la République le 13 août 2007. Cette commission spéciale comprend neuf membres et a pour mission d’aider les autorités haïtiennes dans l’enquête sur les assassinats de plusieurs journalistes commis depuis l’an 2000, y compris ceux de Jean Dominique et de Brignol Lindor. Bien que la création de cette commission spéciale soit un signe de la prise de conscience du gouvernement actuel et de sa volonté à faire en sorte que les auteurs de ces assassinats qui n’ont pas été éclaircis aient à rendre des comptes, la Commission aimerait souligner que le devoir d’enquêter, de poursuivre et de punir effectivement les crimes commis sur son territoire incombe à l’État. C’est pourquoi il est particulièrement important de prendre des mesures propres à renforcer les principales institutions de l’État chargées de l’administration de la justice en Haïti, notamment le pouvoir judiciaire, pour que celui-ci fonctionne effectivement et rende la justice avec rapidité.

 

47.       Par ailleurs, la Commission a continué de recevoir des informations faisant état de graves violations des droits de la personne qui n’ont pas reçu une attention ou un suivi approprié de la part des autorités judiciaires. En outre, le pouvoir judiciaire haïtien n’a pas encore éclairci des centaines d’affaires d’enlèvements et de viols commises en totale impunité et où on soupçonne que sont impliqués des membres de la PNH. La Commission exprime sa préoccupation devant l’impunité persistante concernant ces affaires. Comme elle l’avait elle-même suggéré dans son rapport de 2006 sur l’administration de la justice en Haïti, il est possible que pour aborder les  nombreuses affaires ayant trait aux droits de la personne qui n’ont pas été résolues il faille utiliser des approches innovatrices destinées non seulement à obtenir la responsabilisation de leurs auteurs et des réparations, mais aussi à éviter que de tels actes ne se répètent à l’avenir.

 

48.       En ce qui concerne ces questions, la Commission réitère sa préoccupation concernant l’obligation de l’État de mettre fin à l’impunité liée à toutes les violations des droits de la personne par des procédures manifestement justes et efficaces, conformes aux règles internationales et rappelle le droit de tout individu à une procédure régulière et à être entendu par un tribunal compétent, indépendant et impartial, sans discrimination aucune. La Commission a également fait observer que l’État est tenu de veiller à ce que l’enquête, les poursuites et les peines en cas de violations des droits de la personne soient exécutées en conformité avec les règles internationales. Compte tenu de la tâche qui reste à accomplir, la Commission insiste sur le rôle important que joue la communauté internationale en matière d’appui au renforcement du système judiciaire haïtien et elle espère que celle-ci accordera un appui crucial au pouvoir judiciaire haïtien, en particulier par le don de ressources financières et de matériel, la reconstruction des tribunaux, la formation des juges, l’assistance technique et la mise en œuvre des réformes appelées à transformer un système judiciaire faible en un système judiciaire  conforme aux normes actuelles en matière de justice.     

 

            D.         Situation de personnes et de groupes particuliers

 

            49.       Les préoccupations de la Commission en 2007 se sont également portées vers la situation de groupes qui retiennent particulièrement son attention, à savoir les femmes, les enfants, les défenseurs des droits de la personne et les journalistes.

 

            50.       En 2007, les femmes haïtiennes ont continué à souffrir de discrimination et de violence fondée sur le sexe, alors que la réaction de l’État face à ces violations des droits de la personne continue à être insuffisante. Les agents de santé ont signalé que le nombre de victimes de viols a progressé constamment depuis le début de l’année 2007. De même, l’ONG Médecins sans frontières, qui possède 3 centres médicaux en Haïti, a indiqué qu’ils avaient soigné 70 victimes de viols en janvier et février 2007, soit 26 cas en janvier et 44 en février, et d’autres rapports ont signalé que plus de 800 victimes de viol avaient été soignées entre février 2006 et février 2007.[27]  La Commission est particulièrement préoccupée par la réaction de l’État face à la prévalence de la discrimination et de la violence exercées contre les femmes et les fillettes au sein de la société haïtienne. Les carences des secteurs de la santé, de l’éducation et de la justice continuent à toucher particulièrement les femmes et les fillettes. Bien que, ces dernières années,  les enlèvements, les viols, les meurtres et les intimidations aient touché la majorité de la population haïtienne à Port-au-Prince, différentes sources révèlent que les femmes et les fillettes sont particulièrement vulnérables aux actes de violence et aux mauvais traitements au sein de la société haïtienne, à cause de normes, de structures et de pratiques socioculturelles profondément enracinées, qui reposent sur le concept de l’infériorité de la femme. L’adoption par l’État haïtien d’instruments internationaux, tels que la Convention de Belém do Pará et de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, montre qu’il reconnaît le traitement discriminatoire dont les femmes font traditionnellement l’objet dans cette société, les exposant à différentes formes de violence et à des mauvais traitements physiques et témoigne également de l’engagement de l’État à agir avec la diligence voulue afin de prévenir de tels actes, enquêter sur eux, les sanctionner et les réparer.

 

            51.       Comme elle l’a déjà signalé dans ses rapports annuels précédents, la Commission estime que l’incidence des viols perpétrés contre les femmes et les enfants reste élevée et elle partage l’avis de nombreux travailleurs sociaux et observateurs des droits de la personne, à savoir qu’aussi longtemps que les agresseurs ne seront pas traduits devant la justice pour leurs crimes, l’incidence de la violence sexuelle perpétrée contre les femmes et les fillettes restera élevée.  Même si le taux de poursuites engagées en cas de viol reste extrêmement faible, les organisations de défense des droits de la femme qui assurent le suivi des affaires auprès des tribunaux indiquent qu’en 2007, deux affaires de viol au moins ont été jugées et que des condamnations ont été prononcées, ce qui les place parmi les toutes premières condamnations pour viol de l’histoire d’Haïti.[28]  Malgré tout, la Commission remarque l’écart important entre les affaires signalées et celles qui en sont arrivées à l’étape des poursuites et des sanctions. En ce qui concerne ces problèmes, la Commission a réitéré que l’État doit prendre des mesures concrètes afin de promouvoir et de protéger les droits des femmes, ce qui inclut la réalisation d’enquêtes et de poursuites judiciaires effectives en cas de dénonciation de violences sexuelles perpétrées contre des femmes et des fillettes, ainsi que le prescrit la Convention interaméricaine pour la prévention, la sanction et l’élimination de la violence contre la femme, adoptée par Haïti le 2 juin 1997. À cet égard, la Commission demande à l’État de s’assurer que les projets de loi qu’il a soumis au parlement et portant sur le travail des enfants employés de maison (restavek), l’union libre et la paternité soient rendus conformes aux principes internationaux de droits humains et soient rapidement votés. De même, bien qu’elle trouve encourageants d’autres projets de loi relatifs aux cas de violations spécifiques faites aux femmes et à l’égalité de l’homme et de la femme qui doivent être soumis prochainement au parlement, la Commission considèrerait comme constructive l’adoption de nouvelles mesures dans la voie de la matérialisation de ces initiatives.[29]

 

            52.       Par ailleurs, la Commission estime que les initiatives mises en œuvre par le Ministère à la condition féminine destinées à adopter une politique et un plan pour éliminer la violence faite aux femmes et à procurer des services appropriés aux victimes de violence sexuelles sont encourageantes. En outre, elle reconnaît et apprécie à leur juste valeur les efforts déployés par ce Ministère pour éliminer les stéréotypes discriminatoires à l’égard des femmes ainsi que les mesures prises dans le contexte de la célébration du Carnaval en février 2007, y compris la campagne publique contre la violence à l’égard des femmes et l’utilisation commerciale du corps de la femme, converti en objet sexuel.[30] Cependant, en dépit de ces efforts, 50 viols de femmes et de fillettes ont été dénoncés pendant les trois jours du carnaval, en mars 2007.[31] 

 

            53.       En outre, la Commission estime encourageantes plusieurs mesures prises au début de l’année 2007 par le Ministère à la condition féminine visant à promouvoir les politiques gouvernementales en faveur de la parité hommes-femmes dans le cadre de son plan d’action pour 2006-2011. Ces mesures comprennent, entre autres : le renforcement du dialogue avec les ONG et les organismes de coopération internationale ; le renforcement de l’organisation et de la capacité institutionnelle du Ministère à la condition féminine pour lui permettre de bien fonctionner ; la promotion de l’incorporation de la perspective de la parité dans plusieurs secteurs de la fonction publique haïtienne ; la mise en œuvre d’initiatives destinées à recueillir des indicateurs de la parité dans les autres branches du gouvernement et dans d’autres secteurs de la société haïtienne ; le renforcement du dialogue interministériel ; l’exécution d’initiatives pour s’assurer que l’État respecte ses obligations internationale et régionales en matière de droits de la personne et de droits de la femme ; le renforcement du partenariat avec l’Institut national à la formation professionnelle[32]  afin de faire entrer les femmes dans des secteurs professionnels occupés traditionnellement par les hommes ; et la mise en œuvre du Plan national contre les violences spécifiques faites aux femmes,[33] etc.[34] Elle estime également que la création d’une unité, au sein du Ministère à la condition féminine, chargée spécifiquement d’apporter un soutien aux victimes de viols, est encourageante.

 

            54.       Les informations reçues par la Commission sur la situation des enfants au cours de l’année 2007 se situent dans le prolongement de celles obtenues par le Rapporteur pour les enfants[35] en 2005. Ces informations indiquent que les enfants continuent à être soumis au travail infantile et à être victimes de la traite organisée, d’enlèvements, de mauvais traitements ainsi que d’arrestations et de détentions arbitraires par les forces de police. Les chiffres suggèrent qu’il y a environ 2.500 enfants des rues (dont 80% à Port-au-Prince), 173.000 enfants qui travaillent comme employés domestiques, 2.000 qui font l’objet, chaque année, de la traite vers la République dominicaine, 300.000 orphelins du sida et 9.000 infectés par le VIH.[36]  Bien que la violence perpétrée contre les enfants par les bandes armées semble avoir diminué dans les centres urbains, de nombreux aspects, tels que le phénomène des enfants qui vivent dans la rue, persistent et exigent une attention immédiate des autorités compétentes afin d’assurer une protection appropriée aux enfants vulnérables. En Haïti, les enfants des rues sont parmi les enfants les plus vulnérables, étant donné qu’ils n’ont pas accès à un logement, à la nourriture, à l’éducation, à un emploi ou à des soins médicaux appropriés. Ces enfants courent un risque élevé d’être impliqués dans des activités criminelles et, selon les informations reçues, par le passé, ils ont fait l’objet de recrutements par les bandes armées.

 

            55.       Il a été constaté que la traite des enfants est une tendance inquiétante et constitue une menace à la protection des enfants. Les chiffres indiquent qu’en Haïti 300.00 enfants sont victimes de la traite, dont 2.000, chaque année, vers la République dominicaine. Les défenseurs des droits des enfants indiquent également que, dans certains cas, les orphelinats sont utilisés à des fins illicites, telles que la traite d’enfants, la prostitution et d’autres formes d’exploitation sexuelle des enfants. À cet égard, les autorités haïtiennes, en collaboration avec l’Organisation internationale pour les migrations et des organisations de défense des droits humains, travaillent à l’élaboration d’une loi nationale sur la traite des personnes. La Commission espère que l’étude et le vote du texte par le parlement, de même que le Code de l’enfant encore en instance de révision par le parlement, se feront rapidement et contribueront à améliorer la protection des enfants.

 

            56.       La Commission souhaite faire savoir qu’elle est préoccupée par la situation des enfants en conflit avec la loi, en particulier par la détention de mineurs dans des établissements pénitentiaires et non pas dans un centre de rééducation comme le prescrit la législation. Le cadre juridique d’Haïti en ce qui concerne la protection des enfants en conflit avec la loi se limite essentiellement à la loi de 1961 sur l’enfance délinquante, qui adopte une approche de rééducation pour les jeunes délinquants et préconise une protection spéciale des enfants en conflit avec la loi. En particulier, la loi prévoit un centre de rééducation pour les enfants qui ont été déclarés coupables d’un crime. Les enfants de moins de seize ans ne sont pas considérés comme responsables pénalement et sont censés purger leur peine dans un centre de rééducation et non pas dans un établissement pénitentiaire. Lors de réunions tenues avec des fonctionnaires du gouvernement, des membres du pouvoir judiciaire et de la société civile, l’immense majorité des participants s’est dite préoccupée par la détention de mineurs en conflit avec la loi et par l’absence d’un centre de rééducation autorisé légalement pour ce groupe de jeunes et d’abris pour les enfants abandonnés et mal traités. De telles pratiques violent les dispositions de la Convention américaine relative aux droits de l’homme et les normes internationales pour la protection des mineurs en détention énoncées dans l’Ensemble des règles minima de l’ONU concernant l’administration de la justice pour les mineurs qui prévoient la détention préventive des mineurs comme un recours en dernière instance. Ces dispositions prescrivent que les mineurs en détention reçoivent des soins médicaux, une protection et toute l’assistance personnelle nécessaire sur le plan social, éducatif, professionnel, psychologique, médical et physique dont ils auraient besoin compte tenu de leur âge, de leur sexe et de leur personnalité.

 

            57.       Pour ce qui est des conditions des mineurs en détention, lors de la visite de la Commission en avril 2007, 125 garçons étaient détenus à la prison de Delmas et 29 filles à la prison de Pétionville. Les sources consultées ont indiqué que des services très limités sont proposés aux garçons, notamment des cours d’alphabétisation et des programmes récréatifs, mais qu’aucun service éducatif ou de toute autre nature n’est offert aux filles. Les conditions des locaux sont mauvaises. L’une des principales préoccupations des défenseurs des droits de l’enfant, des responsables du Ministère des affaires sociales et du travail et des juges du Tribunal pour enfants est l’ampleur de la détention préventive prolongée des mineurs et l’absence d’une assistance juridique appropriée pour les mineurs en conflit avec la loi. Dans certains cas, les accusations portent sur des contraventions, certains ont été arrêtés illégalement sans mandat d’arrêt ou pour de fausses accusations. De même, en avril 2007, en ce qui concerne les garçons, 2 seulement sur 125 avaient été condamnés, et en ce qui concerne les filles, une sur 28 l’avait été.

 

            58.       À cet égard, lors de la visite de la Commission en avril 2007, le Ministère des affaires sociales avait indiqué que des réparations étaient en cours au Centre d’accueil (refuge, géré par l’État, pour les enfants des rues et les enfants en conflit avec la loi,) situé à Carrefour, et que, de ce fait, les enfants avaient été transférés temporairement hors de Port-au-Prince. La Commission observe depuis longtemps la situation des enfants en Haïti et avec une préoccupation particulière celle des enfants de la rue, des enfants en conflit avec la loi et de ceux qui sont soumis à des mauvais traitements et à des abus sexuels, et elle souligne l’extrême importance de concevoir un plan et une politique très complets pour la protection des enfants et de veiller à ce que des ressources en quantité suffisante soient affectées à leur mise en application.

 

59.       Comme l’a fait remarquer auparavant la Commission, les enfants figurent parmi les membres les plus vulnérables de nos sociétés et ont le droit à une protection spéciale de la part de l’État pour que leurs droits soient réellement sauvegardés. En particulier, la Commission a observe des irrégularités sérieuses au cours de la visite au centre de détention de Delmas pour les mineurs (garçons), qui ne sont pas observées dans d’autres pays, comme l’incarcération des enfants très jeune depuis l’age de six ans, une politique de confinement dans les cellules de détention et la détention des enfants très jeunes avec les adolescents dans la même cellule. Elle fait part à nouveau de sa préoccupation devant la situation extrêmement précaire des enfants en Haïti, prend note du manque presque total de protection offerte aux enfants et demande instamment à l’État de prendre les mesures nécessaires pour que les enfants puissent exercer pleinement leurs droits, conformément aux dispositions de l’article 19 de la Convention américaine concernant les mesures de protection requises par leur situation de mineurs de la part de leurs familles, de la société et de l’État, ainsi que les droits et les libertés prévus dans la Convention relative aux droits de l’enfant, ratifiée par Haïti le 8 juillet 1995.

 

            60.       En ce qui concerne la liberté d’expression, la Commission a observé une amélioration générale de la situation. Il reste toutefois des domaines qui continuent à exiger des mesures propres à protéger effectivement ce droit. En particulier, l’aspect de la liberté d’expression en Haïti qui préoccupe la Commission est l’impunité des assassinats de journalistes qui contribue à l’existence d’une attitude de tolérance et peut encourager d’autres actes de violence et d’intimidation contre les journalistes, ce qui entraînera des limitations supplémentaires à la liberté d’expression. La plupart des journalistes et des organisations de défense des droits de la personne ont confirmé la situation d’impunité généralisée des crimes contre des journalistes.[37] Parmi les mesures que la Commission a suggéré d’adopter après la visite du Bureau du Rapporteur spécial sur la liberté d’expression en septembre 2007, se trouve l’obligation de garantir une enquête, des poursuites judiciaires et des sanctions effectives et rapides en cas d’assassinats de journalistes et de déterminer si le meurtre était lié au journalisme ; d’adopter des mesures destinées à s’assurer que la législation nationale est compatible avec la Convention américaine relative aux droits de l’homme en ce qui concerne le droit à la liberté d’expression, y compris la dépénalisation du desacato; et enfin d’élaborer des lois dans le domaine de l’accès à l’information afin de s’assurer que l’accès à l’information publique est garantie en tant que droit de la personne.

 

            61.       En comparaison avec les années précédentes, la Commission a reçu peu de plaintes relatives à des actes de violence et à des menaces contre des défenseurs des droits de la personne, perpétrés à titre de représailles pour le travail qu’ils accomplissent. Dans ces régions, les défenseurs constituent une des rares sources d’information sur les violations des droits de la personne perpétrées dans le pays. La Commission attache beaucoup de valeur à l’important travail que réalisent les défenseurs qui, dans des circonstances difficiles, continuent à promouvoir et à protéger les droits des Haïtiens. Dans ce sens, la Commission rappelle à l’État qu’il est de son devoir de leur assurer les conditions nécessaires à la réalisation de leur travail. En 2007, la Commission a été informée de deux affaires de menaces contre des défenseurs des droits de la personne et, pour ce qui est de l’une d’elle, elle a adressé une demande d’information à l’État. À ce sujet, elle fait part de sa préoccupation pour l’absence de réponse à sa demande d’information et pour l’incapacité à mettre en application, depuis 2005, sa requête demandant des mesures conservatoires en faveur des défenseurs des droits de la personne en Haïti. À ce jour, elle n’a reçu aucune communication de l’État lui indiquant les mesures qu’il avait prises pour protéger la vie et l’intégrité de la personne des requérants dans les affaires où elle avait accordé des mesures conservatoires et elle fait remarquer en particulier que les informations concernant l’enquête menée à propos de ces affaires ne lui ont toujours pas été communiquées. En conséquence de quoi, la Commission souligne les risques extrêmes que courent les requérants qui continuent à exercer leur profession sans que l’État n’ait adopté de mesures de sécurité pour garantir leur droit à la vie et à l’intégrité de leur personne.

 

            V.         CONCLUSION

 

            62.       Sur la base de son observation de la situation des droits de la personne en Haïti au cours des dernières années, la Commission a constaté une amélioration notable de cette situation en 2007, en particulier la réduction des crimes avec violence et elle rend hommage aux efforts et aux initiatives du Gouvernement Préval pour s’attaquer à des problèmes cruciaux. En outre, elle reconnaît la valeur du soutien apporté par la communauté internationale au Gouvernement haïtien pour la réalisation de ses objectifs de développement. Parallèlement, la Commission remarque que la paix et la stabilité restent fragiles et est consciente que la tâche qui consiste à renforcer les institutions haïtiennes et à mettre au point des mesures pour s’attaquer aux déficiences de longue date est un processus qui va exiger du temps, des ressources financières et humaines en quantité suffisante et un engagement à long terme du gouvernement et de la communauté internationale. En conséquence, la Commission continue de souligner combien il est important que l’État maintienne au nombre de ses priorités le renforcement de l’État de droit et de l’administration de la justice, les initiatives destinées à renforcer et à réformer la force de sécurité publique et les mesures intégrales pour parvenir graduellement au développement économique et social, en particulier l’accès aux offres d’emploi. Concrètement, les domaines qui préoccupent le plus la Commission en ce qui concerne la situation des droits de la personne des Haïtiens restent le degré d’impunité généralisée en cas de délits et de violations des droits de la personne, l’absence de mesures de protection effectives pour les victimes de violations des droits de la personne, et les déficiences extrêmes dans les conditions sociales et économiques qui privent gravement la majorité de la population haïtienne de l’accès aux services sociaux de base, notamment à un logement décent, à l’eau potable, aux soins médicaux, à l’éducation et à un emploi.

 

            63.       Bien que la Commission reconnaisse que 2007 ait été caractérisé par un certain nombre d’initiatives de l’État pour s’attaquer à certaines des déficiences mentionnées plus haut, elle souligne également l’importance de continuer ces efforts sur le long terme, de s’assurer que la mise en œuvre des projets bénéficie d’une gestion efficiente des ressources, et surtout, de mettre au point une stratégie et une politique de réforme à long terme destinée à remédier aux faiblesses structurelles et législatives dans ces domaines. À cet égard, la Commission réitère le rôle important que joue la communauté internationale en apportant une assistance financière et technique à la mission d’Haïti, rôle qui consiste à s’attaquer à des problèmes de longue date et à mettre en place des changements et une stabilité durables et elle rappelle en particulier qu’il est nécessaire d’élaborer des programme, en collaboration et en coordination avant tout avec le gouvernement haïtien ainsi qu’avec d’autres partenaires. À la lumière de ces conclusions, la Commission recommande à la République d’Haïti de prendre les mesures suivantes :

 

            1.    S’agissant de la sécurité publique, d’élaborer un plan de sécurité intégral pour le pays, qui inclue des stratégies propres à contrôler la croissance de la criminalité organisée et des trafics illicites, et en particulier, d’adopter des mesures durables et à long terme visant à assurer la prévention et la sanction appropriées des actes criminels perpétrés avec violence, et notamment, de renforcer les mécanismes de responsabilisation pour que les auteurs de violations des droits de la personne rendent effectivement compte de leurs délits. Également, de continuer l’aide financière et technique destinée au perfectionnement professionnel de la Police nationale d’Haïti, et en particulier, de prendre des mesures destinées à améliorer le cursus de formation de l’Académie de police tout en renforçant également la structure hiérarchique de la PNH, y compris la supervision effective et le contrôle du comportement des policiers, et d’adopter des mesures disciplinaires appropriées le cas échéant. 

 

            2.    S’agissant du régime pénitentiaire et des personnes privées de liberté, de prendre d’urgence des mesures destinées à améliorer les conditions de vie et de sécurité dans les établissements pénitentiaires et les centres de détention d’Haïti pour s’assurer que les installations sont conformes aux normes minimales internationales en matière de droits humains et, en plus de l’établissement d’une commission spéciale sur la détention, d’adopter les pratiques optimales et des mesures de prévention à long terme, ce qui peut inclure d’indispensables réformes institutionnelles, et de diminuer la durée pendant laquelle les personnes sont maintenues en détention préventive.

 

            3.     D’adopter rapidement une législation de nature à protéger les femmes et les fillettes des actes de discrimination et des différentes formes de violence – physique, sexuelle et psychologique – dans les sphères publique et privée. Et d’offrir aux femmes victimes de ces actes des services juridiques gratuits, accessibles et efficaces, pour qu’elles puissent faire valoir leurs droits auprès des tribunaux et de créer des centres spécialisés qui dispenseront des services multidisciplinaires aux victimes de la violence, notamment des services juridiques, médicaux et psychologiques. 

 

            4.    De maintenir son engagement à assurer une paix et une sécurité durable grâce aux initiatives adoptées récemment pour éliminer la corruption dans les institutions de l’État, à mettre au point une politique pour s’attaquer au trafic de drogues, à la criminalité organisée et à la prolifération des armes, à continuer à investir dans des projets de développement social et économique et plus précisément de continuer à renforcer les institutions de l’État, en particulier celles chargée de l’administration de la justice et de l’État de droit.  

 

Vote dissidente du Commissaire Gutierrez

 


 


[1] Voir le Chapitre IV – Haïti, CIDH, Rapport annuel pour l’année 2006; voir également le Chapitre IV – Haïti, CIDH, Rapport annuel pour l’année 2005.

[2] Voir le rapport de la CIDH intitulé Haïti : Justice en déroute ou l’État de droit ? Défis pour Haïti et la communauté internationale, OEA/Ser/L/V/II.123 doc. 6 rev 1 (26 octobre 2005), paragraphe 9.

[3] Voir le communiqué de presse de la CIDH nº 22/07 « La CIDH effectuera une visite sur le terrain en Haïti » (13 avril 2007) ; voir également le communiqué de presse de la CIDH nº 24/07 « La CIDH encouragée par les efforts pour améliorer la situation des droits humains en Haïti » (20 avril 2007), qui est également disponible sur le site : http://www.cidh.org/comunicados/French/2007/24.07fr.htm.

[4] Voir le communiqué de presse de la CIDH nº 31/07 « Le Rapporteur sur les droits des personnes privées de liberté effectuera une visite sur le terrain en Haïti » (15 juin 2007) ; voir également le communiqué de presse de la CIDH nº 32/07 « Le Rapporteur sur les droits des personnes privées de liberté conclut sa visite en Haïti » (21 juin 2007), qui est également disponible sur le site : http://www.cidh.org/comunicados/French/2007/32.07fr.htm.

[5] Voir, par exemple, le Rapport annuel de la CIDH pour l’année 2005, chapitre IV, disponible sur le site : http://cidh.org/annualrep/2005eng/chap.4.htm; le Rapport annuel de la CIDH pour l’année 2004, chapitre IV, disponible sur le site : http://cidh.org/annualrep/2004eng/chap.4.htm.

[6] Voir le communiqué de presse de la CIDH nº 40/07 « La CIDH conclut sa 128ème Session ordinaire » (1er août 2007), disponible également sur le site : http://cidh.org/Comunicados/English/2007/40.07eng,htm; voir également le communiqué de presse de la CIDH nº 54/07 « La CIDH conclut sa 130ème Session ordinaire » (19 octobre 2007), disponible également sur le site : http://cidh.org/Comunicados/English/2007/54.07eng,htm.

[7] Voir la résolution 1780 du Conseil de sécurité des Nations Unies, UN Doc. S/RES/1780(2007) (15 octobre 2007).

[8] Voir le rapport de l’expert indépendant pour Haïti auprès du Secrétaire général des Nations Unies intitulé : « Services consultatifs et coopération technique dans le domaine des droits de l’homme: La situation des droits de l’homme en Haïti », E/CN.4/2006/115, 62ème Session du HCDH (26 janvier 2006), disponible également sur le site: http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/GEN/G06/104/54/PDF/G0610454.pdf?OpenElement.

[9] Résolution AG/RES. 2215 (XXVI-O/06) « Renforcement de la démocratie et du développement économique et social en Haïti » (6 juin 2006), disponible sur le site: http://www.OEA.org/main/main.asp?sLang=E&sLink=http://www.OEA.org/consejo/GENERAL%20ASSEMBLY/default.asp.

[10] Ibid.

[11] Voir le rapport du Groupe consultatif pour Haití du Conseil économique et social des Nations Unies (E/2007/78), 13 juin 2007, paragraphes 34-37.

[12] Ibid, paragraphe 38.

[13] Voir le Rapport annuel de la CIDH pour l’année 2006, chapitre IV, disponible sur le site : http://cidh.org/annualrep/2006eng/chap.4.htm.

[14] Voir le communiqué de presse de la CIDH nº 31/07 « Le Rapporteur sur les droits des personnes privées de liberté réalise une visite sur le terrain en Haïti » (15 juin 2007) ; voir également le communiqué de presse de la CIDH nº 32/07 « Le Rapporteur sur les droits des personnes privées de liberté conclut sa visite en Haïti » (21 juin 2007), qui est également disponible sur le site : http://www.cidh.org/comunicados/English/2007/32.07eng.htm.

[15] Voir le communiqué de presse du Bureau du Rapporteur spécial sur la liberté d’expression nº 178/07 « Le Bureau du Rapporteur spécial sur la liberté d’expression visite Haïti et fait des recommandations » (4 octobre 2007), disponible également sur le site : http://www.cidh.oas.org/relatoria/showarticle.asp?artlD=711&IID=1.

[16] Voir le communiqué de presse de la CIDH nº14/07  « La CIDH conclut sa 127ème Session ordinaire » (9 mars 2007), disponible également sur le site: http://www.cidh.org/Comunicados/English/2007/14.07eng.htm; voir également le communiqué de presse de la CIDH nº40/07  « La CIDH conclut sa 128ème Session ordinaire » (1er août 2007), disponible également sur le site: http://www.cidh.org/Comunicados/English/2007/ 40.07eng.htm ; voir également le communiqué de presse de la CIDH nº54/07  « La CIDH conclut sa 130ème Session ordinaire » (19 octobre 2007), disponible également sur le site: http://www.cidh.org/Comunicados/English/2007/ 54.07eng.htm .

[17] Voir, par exemple, le Rapport annuel de la CIDH pour l’année 2005, Chapitre IV, disponible sur le site : http://www.cidh.org/annualrep/ 2005eng/chap.4.htm; le Rapport annuel de la CIDH pour l’année 2004, Chapitre IV, disponible sur le site : http://www.cidh.org/annualrep/ 2004eng/chap.4.htm; le Rapport annuel de la CIDH pour l’année 2003, Chapitre IV, disponible sur le site : http://www.cidh.org/annualrep/ 2003eng/chap.4.htm; le Rapport annuel de la CIDH pour l’année 2002, Chapitre IV, disponible sur le site : http://www.cidh.org/annualrep/ 2002eng/chap.4.htm; le communiqué de presse de la CIDH nº 24/03 (22 août 2003) ; le communiqué de presse de la CIDH nº11/00 (25 août 2000) ; voir également le communiqué de presse de la CIDH nº 20 (6 juin 2005).

[18] Informations reçues d’observateurs des droits de la personne et de travailleurs humanitaires à la Cité Soleil en avril 2007. Voir aussi « US Embassy in Haiti Acknowledges Excessive Force by UN » Haiti Action Committee, disponible également sur le site: http://haitisolidarity.live.radicaldesigns.org/article.php?id=138; voir également « Haiti, Heavy Fighting Erupts in Cite Soleil. MSF keeps assisting those wounded in the clashes », Agence Reuters, disponible également sur le site : http://www.alertnet.org/thenews/ fromthefield/msfbelgium/117015225057.htm.

[19] Voir le communiqué de presse de la CIDH nº 22/07 « La CIDH effectuera une visite sur le terrain en Haïti» (13 avril 2007); voir aussi le communiqué de presse de la CIDH nº 24/07 «La CIDH encouragée par les efforts pour améliorer la situation des droits humains en Haïti » (20 avril 2007), disponible également sur le site:  http://www.cidh.org/Comunicados/English/2007/24.07eng.htm, ainsi que des déclarations publiques publiées dans la presse.

[20] Voir le communiqué de presse de la CIDH nº 54/07 « La CIDH conclut sa 130ème Session ordinaire » (19 octobre 2007), disponible également sur le site : http://cidh.org/Comunicados/English/2007/54.07eng,htm.

[21] Voir le rapport de la CIDH intitulé Haïti : Justice en déroute ou l’État de droit ? Défis pour Haïti et la communauté internationale, OEA/Ser/L/V/II.123 doc. 6 rev 1 (26 octobre 2005), disponible également sur le site : http://www.cidh.oas.org/countryrep/ HAITI%20ENGLISH7X10%20FINAL.pdf.

[22] Voir Rapport mondial sur la corruption 2007, Transparency International, disponible également sur le site : http://www.transparency.org/ publications/ gcr/download_gcr.

[23] Entretien avec le procureur du Tribunal de première instante, Port-au-Prince, avril 2007.

[24] Voir, par exemple, le Rapport annuel de la CIDH pour l’année 2004, Chapitre IV, disponible sur le site : http://www.cidh.org/annualrep/ 2004eng/chap.4.htm; le Rapport annuel de la CIDH pour l’année 2003, Chapitre IV, disponible sur le site : http://www.cidh.org/annualrep/ 2003eng/chap.4.htm; le Rapport annuel de la CIDH pour l’année 2002, Chapitre IV, disponible sur le site : http://www.cidh.org/annualrep/ 2002eng/chap.4.htm; le communiqué de presse de la CIDH nº 24/03 (22 août 2003) ; le communiqué de presse de la CIDH nº11/00 (25 août 2000).

[25] Voir le communiqué de presse de la CIDH nº 32/07 « Le Rapporteur sur les droits des personnes privées de liberté conclut sa visite en République d’Haïti » (21 juin 2007), également disponible sur le site : www.cidh.org.

[26] Voir le rapport du RNDDH: Journée internationale des prisonniers : le RNDDH fait la radiographie des centres de détention en Haïti (28 octobre 2007).

[27] Voir «Haiti Kidnap Wave Accompanied by Epidemic Rape», 8 mars 2007, Reuteurs, disponible sur le site :  http://www.peacewomen.org/news/Haiti/Mar07/kidnap_rape.html

[28] Voir « Rapport BilanV : Femmes-Filles victimes de violence accueillies et accompagnées dans les Centres Douvanjou de la SOFA de janvier à juin 2007 », Solidarité Fanm Ayisyen (août 2007).

[29] Ces projets de loi font partie d’un plan d’action plus vaste du Ministère à la condition féminine pour les années 2006-2011, qui porte notamment sur la promotion des droits de la femme, une plus grande sensibilisation du public au problème de la violence à l’égard des femmes, l’analyse des disparités entre les hommes et les femmes dans différents secteurs et la réduction de la pauvreté. MCFDF/Priorités 2006-2011, Proposition/Document de travail, septembre 2006.

[30] Voir République d’Haïti, « Ministère à la condition féminine et aux droits des femmes (MCFDF), Carnaval 2007 : Impact de la campagne de sensibilisation menée par le MCFDF contre les stéréotypes sexuels et les violences faites aux femmes », disponible sur le site : http://www.haitivisions.com/mcfdf/ ; voir également « Haïti – Carnaval et genre : Le ministère à la condition féminine s’insurge contre l’exploitation commerciale du corps de la femme », AlterPresse, mercredi 7 février 2007, disponible sur le site : http ://www.haitivisions.com/mcfdf/alterpresse.htm.

[31] Voir Radio Canada, L’arme de la terreur, 7 mars 2007, disponible sur le site: http://www.mcfdf.gouv.ht/presse.htm.

[32] Institut national à la formation professionnelle

[33] Plan national contre les violences spécifiques faites aux femmes.

[34] Ministère à la condition féminine et aux droits des femmes (MCFDF), Bilan janvier-mars 2007, mars 2007, p. 5-15.

[35] Paulo Sergio Pinheiro exerce également les fonctions d’expert indépendant de l’ONU pour l’Étude du Secrétariat général sur la violence contre les enfants.

[36] Agence haïtienne de presse, « Lancement à Port-au-Prince d’un symposium de 2 jours autour de la validation d’un plan national de la protection de l’enfant en Haïti », 26 octobre 2006.

[37] Voir le communiqué de presse nº 178/07 du Bureau du Rapporteur spécial sur la liberté d’expression « Bureau du Rapporteur spécial sur la liberté d’expression conclut visite en Haïti et fait des recommandations » (4 octobre 2007), disponible également sur le site http://www.cidh.oas.org/relatoria/showarticle.asp?artID=711&lID=1.