RAPPORT ANNUEL 2007
C
HAPITRE IV - HAÏTI
 

Vote dissidente du Commissaire Gutierrez

 

Je ne suis pas en accord avec l’inclusion d’Haïti dans le chapitre IV du rapport annuel 2007 pour les raisons exposées ci-dessous :

 

1. La Commission, lorsqu’elle évalue les faits qui ont eu lieu entre le premier trimestre de 2004 et le retour à la légitimation de la démocratie durant 2006 et 2007, ne peut évacuer, selon ma compréhension, le contexte dans lequel ces faits se sont déroulés, la manière dont ils se sont produits, leur moment, et leur localisation, tout comme la situation atypique des événements qui ont pris place.

 

2. En effet, il est impossible d’omettre que le Président Jean Bertrand Aristide, élu au cours d’élections libres et démocratiques et le gouvernement qui le supportait, ont été l’objet d’une conspiration de divers secteurs d’Haïti avec la collusion de facteurs internationaux qui ont fait pression et ont concrétisé le déplacement du Chef d’État et l’implantation d’un État de fait. L’état de droit, même lorsqu’il peut être considéré précaire, était préférable à la situation factice et désastreuse qui lui a succédé. Les forces qui ont agit en Haïti étaient composées, comme on le sait, de bandes paramilitaires et parapolicières qui ont été armées a la frontière d’Haïti avec la République Dominicaine et ont marché lentement mais agressivement vers la capitale, Puerto Príncipe, avec l’aide, de plus, des médias qui ont fait l’apologie de la violence et ont encouragé la délinquance. Les ex-rapporteurs sur la Liberté d’expression, parmi d’autres facteurs externes, ont donné un appui franc et définitif aux médias qui ont exhibé ces conduites qui entrent en conflit avec des normes expresses de la Convention Américaine.

 

3. Dans ces conditions, le Président Aristide, tel qu’il l’a lui-même affirmé, a été privé de sa liberté de manière illégitime par des éléments armés des Etats-Unis d’Amérique, séquestré, embarqué sur un avion, et déplacé de force du pays vers l’Afrique. Ensuite, des forces d’occupation du pays, concertées et impulsées par les Nations Unies, qui se sont fait connaître socialement et de manière formelle comme la MINUSTAH sont entrées sur le territoire haïtien. Rien de ce qui s’est passé en Haïti depuis ce moment n’est étranger à ces forces d’occupation. Haïti a été un territoire occupé. Qui doit répondre pour les violations des droits humains durant une occupation ?

 

4. Durant l’occupation, qui n’est toujours pas terminée, l’atmosphère de terreur vécue par la population a été rendue publique, tout comme les conditions infrahumaines qui ont entouré le déroulement de la vie des femmes, des hommes, des enfants et des adolescents, en définitive, du peuple d’Haïti, de la société haïtienne. Le manque d’eau potable, de nourriture, de toits, et des provisions minimales nécessaires pour combler les besoins de base. La Commission elle-même était en connaissance de ces faits, et de plus, de la persécution qui a été déclenchée contre les secteurs politiques comme le parti politique LAVALAS. On a su que des cas d’exécutions extrajudiciaires et de massacres avaient eu lieu dans les quartiers de Puerto Príncipe, et de Bel-Air, Cité Soleil, Delmas, Fort National, Grand Ravine et Martissant,  entre autres.

 

5. Les nouvelles reçues et les pétitions qui reposent à la Commission rendent compte des actes de barbarie exécutés par la MINUSTAH et l’implication de cette force d’occupation dans des violences systématiques. On a affirmé de manière catégorique que ces forces d’occupation ont supporté ceux qui ont exécuté des persécutions, des enlèvements, des traitements cruels et dégradants, des privations illégitimes de liberté, sans respect pour l’intégrité physique, psychologique, et morale des gens, et dans l’absence de garanties permettant d’avoir des droits. De plus, il a été allégué devant la Commission qu’en de diverses circonstances, la force d’occupation n’a pas agit pour empêcher que les faits tels que décrits ci-dessus ne puissent se produire.

 

6. Dans ces circonstances : Peut-on qualifier de manière abstraite l’État haïtien de violateur des droits humains? Nous savons qui sont les victimes, mais nous savons hors de tout doute qui sont les assassins. La réponse la plus concrète serait de dire que ce serait l’État, mais dans ce cas-ci, l’État n’était-il et n’est-il pas occupé et démantelé ? Tentant avec Mr. René Préval de se refaire. Mutatis Mutandi, il ne faut pas oublier le cas actuel de l’Irak. Peut-être peut-on nous approcher de l’identité des victimes, mais nous pouvons être satisfaits de la réponse : L’assassin est l’Irak. L’Irak serait-il une abstraction ? Qui répond ? Pour en revenir à l’hémisphère, à Haïti, la Commission contribue-t-elle dans les circonstances décrites à la renaissance d’Haïti en l’incorporant au Chapitre IV du rapport? Qui compensera pour le terrible tort causé ? L’État qui se reconstruit en occupant lentement sont territoire? Ou l’occupant qui a été en grande partie la cause de la violation des droits humains et qui quitte désormais le territoire qu’il n’aurait jamais dû occuper ?