[SIGNATAIRES ET RATIFICATIONS]

 

CONVENTION INTERAMERICAINE POUR LA PREVENTION
ET LA REPRESSION DE LA TORTURE

 

(Adoptée à Cartagena de Indias, Colombie, le 9 décembre 1985,

lors de la quinzième session ordinaire de l'Assemblée générale)

 

Les Etats américains signataires de la présente Convention,

 

Se rappelant que la Convention américaine relative aux droits de l'homme stipule que personne ne doit être soumis à la torture ou à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;

 

Réaffirmant que tous les actes de torture et tous les autres traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants sont une atteinte à la dignité humaine et une négation des principes consacrés dans la Charte de l'Organisation des Etats Américains ainsi que dans la Charte de l'Organisation des Nations Unies, et violent les droits de l'homme et les libertés fondamentales proclamés dans la Déclaration américaine des droits et devoirs de l'homme ainsi que dans la Déclaration universelle des droits de l'homme;

 

Soulignant que pour assurer l'application des règles pertinentes énoncées dans les instruments universels et régionaux susmentionnés, il est nécessaire d'élaborer une convention interaméricaine qui prévienne et réprime la torture;

 

Réaffirmant leur dessein de renforcer dans le continent américain les conditions qui permettent la reconnaissance et le respect de la dignité inhérente de la personne et assurent le plein exercice de ses libertés et droits fondamentaux;

 

Sont convenus de ce qui suit:

 

Article 1

 

Les Etats parties s'engagent à prévenir et à réprimer la torture selon les termes de la présente Convention.

 

Article 2

 

Aux effets de la présente Convention, on entend par torture tout acte par lequel sont infligées intentionnellement à une personne des peines ou souffrances, physiques ou mentales, aux fins d'enquêtes au criminel ou à toute autre fin, à titre de moyen d'intimidation, de châtiment personnel, de mesure préventive ou de peine.  On entend également par torture l'application à toute personne de méthodes visant à annuler la personnalité de la victime ou à diminuer sa capacité physique ou mentale même si ces méthodes et procédés ne causent aucune douleur physique ou angoisse psychique.


 

Ne sont pas couvertes par le concept de torture les peines ou souffrances, physiques ou mentales, qui sont uniquement la conséquence de mesures légalement ordonnées ou qui leur sont inhérentes, à la condition que les méthodes visées au présent article ne soient pas employées dans l'application de ces mesures.

 

Article 3

 

Sont coupables du crime de torture:

 

a.       Les employés ou fonctionnaires publics qui, agissant en cette qualité, ordonnent, prônent, encouragent l'emploi de la torture ou l'utilisent directement, ou n'ont pas empêché son emploi quand ils pouvaient le faire.

 

b.       Les personnes qui, à l'instigation des fonctionnaires ou employés publics visés à l'alinéa a) ci-dessus ordonnent, prônent, encouragent l'emploi de la torture, s'en font les complices ou y ont recours elles-mêmes directement.

 

Article 4

 

Le fait d'avoir agi sur les ordres d'autorités supérieures n'exonère pas de la responsabilité pénale attachée à la perpétration du crime de torture.

 

Article 5

 

Ne peut être invoquée ni admise comme justification du crime de torture l'existence de certaines circonstances, telles que l'état de guerre, la menace de guerre, l'état de siège, l'état d'alerte, les bouleversements ou conflits intérieurs, la suspension des garanties constitutionnelles, l'instabilité politique interne et d'autres crises ou calamités publiques.

 

Le caractère dangereux du détenu ou du condamné, l'insécurité de la prison ou du pénitencier ne peuvent justifier la torture.

 

Article 6

 

Les Etats parties prennent, selon les termes de l'article 1, des mesures efficaces pour prévenir et réprimer la torture dans leur juridiction.

 

Les Etats parties s'assurent que tout acte ou tentative de torture constituent des crimes selon leur droit pénal; ils établissent pour les punir des sanctions sévères tenant compte de leur gravité.

 

Les Etats parties s'engagent également à prendre des mesures efficaces pour prévenir et punir en outre d'autres traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants dans leur juridiction.
 

Article 7

 

Les Etats parties prennent les mesures requises pour assurer qu'une attention spéciale est accordée à l'interdiction de la torture dans la formation des agents de police et d'autres fonctionnaires chargés de la garde des personnes privées provisoirement ou définitivement de leur liberté, lors des interrogatoires, détentions et arrestations.

 

Les Etats parties prennent aussi les mesures similaires requises pour prévenir les traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants.

 

Article 8

 

            Les Etats parties garantissent à toute personne qui prétend avoir été soumise à la torture dans sa juridiction, le droit à un examen impartial de la plainte.

 

Lorsqu'une plainte a été déposée ou qu'il existe des motifs bien fondés de croire qu'un acte de torture a été commis dans leur juridiction, les Etats parties garantissent que leurs autorités respectives ouvriront d'office et immédiatement une enquête sur la plainte et mettront en mouvement, s'il y a lieu, la procédure pénale appropriée.

 

Lorsque toutes les étapes de la juridiction interne de l'Etat concerné ont été franchies et que les voies de recours établies par celui-ci sont épuisées, l'affaire peut être soumise aux instances internationales dont la compétence a été acceptée par cet Etat.

 

Article 9

 

Les Etats parties s'engagent à prévoir dans leurs législations nationales des dispositions garantissant qu'une compensation adéquate sera versée aux victimes du crime de torture.

 

Les dispositions du présent article ne portent pas atteinte au droit à compensation ouvert par la législation nationale en vigueur à la victime ou à d'autres personnes.

 

Article 10

 

Aucune déclaration obtenue par la torture ne sera admise comme preuve dans une instance, sauf contre la ou les personnes accusées d'avoir commis le crime de torture et pour prouver uniquement que l'accusé avait obtenu une telle déclaration par ce moyen.
 

Article 11

 

En conformité avec leur législation nationale sur l'extradition et leurs engagements internationaux en la matière, les Etats parties prennent les mesures nécessaires pour accorder l'extradition de toute personne accusée d'avoir commis le crime de torture ou condamnée pour avoir commis ce crime.

 

Article 12

 

Tout Etat partie prend dans les cas ci-après les mesures nécessaires pour affirmer sa juridiction sur le crime décrit dans la présente Convention:

 

a.       quand le crime de torture a été commis dans sa juridiction;

 

b.       quand le délinquant présumé est l'un de ses ressortissants;

 

c.       quand la victime est un ressortissant de cet Etat et que celui-ci le juge approprié.

 

Tout Etat partie prend en outre les mesures nécessaires pour affirmer sa juridiction sur le crime décrit dans la présente Convention lorsque le délinquant présumé se trouve dans sa juridiction et que l'extradition n'est pas accordée selon les dispositions de l'article 11.

 

La présente Convention n'exclut pas la juridiction pénale exercée conformément au droit interne.

 

Article 13

 

Le crime visé à l'article 2 est réputé inclus dans les crimes qui donnent lieu à extradition dans tout traité que les Etats parties ont déjà conclus entre eux.  Ces Etats s'obligent à inclure ce crime au nombre des infractions donnant lieu à extradition dans tout traité d'extradition qu'ils concluront entre eux à l'avenir.

 

Tout Etat partie qui assujettit l'extradition à l'existence d'un traité et qui reçoit d'un autre Etat partie auquel il n'est pas lié par un traité une requête d'extradition, peut considérer la présente Convention comme la base juridique l'autorisant à accorder l'extradition en relation avec le crime de torture.  L'extradition est aussi réglée par les autres conditions définies dans le droit de l'Etat requis.

 

Les Etats parties qui n'assujettissent pas l'extradition à l'existence d'un traité conviennent que le crime de torture visé dans la présente Convention donne lieu à extradition entre eux, sous réserve des conditions définies par le droit de l'Etat requis.

 

Lorsqu'il existe des présomptions fondées que la vie de la personne recherchée est en danger, qu'elle sera soumise à la torture, à des traitements cruels, inhumains ou dégradants ou qu'elle sera jugée par des tribunaux d'exception ou ad hoc dans l'Etat requérant, l'extradition n'est pas accordée et la personne recherchée n'est pas renvoyée.

 

Article 14

 

Quand un Etat partie n'accorde pas l'extradition, il soumet l'affaire à ses autorités compétentes comme si le crime avait été commis dans sa juridiction aux fins d'instruction et, le cas échéant, de poursuites pénales, dans les conditions définies par sa législation nationale.  La décision prise par ces autorités est communiquée à l'Etat requérant.

 

Article 15

 

Les dispositions de la présente Convention ne peuvent pas être interprétées comme une restriction du droit d'asile, dans les cas appropriés.  Elles n'auront pas non plus d'incidences sur les obligations des Etats parties en matière d'extradition.

 

Article 16

 

La présente Convention ne porte pas atteinte aux stipulations concernant le crime de torture énoncées dans la Convention américaine relative aux droits de l'homme, dans d'autres instruments sur la matière et dans le Statut de la Commission interaméricaine des droits de l'homme.

 

Article 17

 

Les Etats parties s'engagent à faire rapport à la Commission interaméricaine des droits de l'homme des mesures législatives, judiciaires, administratives et autres qu'ils adoptent en application de la présente Convention.

 

Dans la ligne de ses attributions, la Commission interaméricaine des droits de l'homme s'efforce d'analyser, dans son rapport annuel, la situation prévalant dans les Etats membres de l'Organisation des Etats Américains en ce qui concerne la prévention et la suppression de la torture.

 

Article 18

 

La présente Convention est ouverte à la signature des Etats membres de l'Organisation des Etats Américains. 

 

Article 19

 

La présente Convention est sujette à ratification.  Les instruments de ratification seront déposés auprès du Secrétariat général de l'Organisation des Etats Américains.

 

Article 20

 

La présente Convention est ouverte à l'adhésion de tout autre Etat américain.  Les instruments d'adhésion seront déposés auprès du Secrétariat général de l'Organisation des Etats Américains.

 

Article 21

 

Tout Etat partie peut formuler des réserves à la présente Convention au moment de l'adopter, de la signer, de la ratifier ou d'y adhérer, à la condition que ces réserves ne soient pas incompatibles avec l'objet et les fins de la Convention, et portent sur une ou plusieurs dispositions particulières.

 

Article 22

 

La présente Convention entrera en vigueur le trentième jour à compter de la date de dépôt du deuxième instrument de ratification.  A l'égard de tout Etat qui la ratifie ou y adhère après le dépôt du deuxième instrument de ratification, elle entrera en vigueur le trentième jour à partir de la date où il aura déposé son instrument de ratification ou d'adhésion.

 

Article 23

 

La présente Convention est conclue pour une durée indéfinie, mais tout Etat partie peut la dénoncer.  L'instrument de dénonciation sera déposé auprès du Secrétariat général de l'Organisation des Etats Américains.  Un an après, à compter de la date du dépôt de l'instrument de dénonciation, la Convention cessera de produire ses effets à l'égard de l'Etat dénonçant, mais demeurera en vigueur à l'égard des autres Etats parties.

 

Article 24

 

L'original de la présente Convention, dont les textes français, anglais, espagnol et portugais font également foi, sera déposé auprès du Secrétariat général de l'Organisation des Etats Américains qui, en application de l'article 102 de la Charte de l'Organisation des Nations Unies, en enverra une copie certifiée conforme au Secrétariat de cette Organisation aux fins d'enregistrement et de publication.  Le Secrétariat général de l'Organisation des Etats Américains notifiera aux Etats membres de cette Organisation et aux Etats qui auront adhéré à la Convention, les signatures, dépôts d'instruments de ratification, d'adhésion et de dénonciation ainsi que les réserves, s'il y en a.

 

 

DOCUMENTS DE BASE CONCERNANT LES DROITS
DE L'HOMME DANS LE SYSTÈME INTERAMÉRICAIN
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