RAPPORT No 45/96

AFFAIRE 11.492

De la Recevabilité

MEXIQUE

16 octobre 1996

 

 

I.       ANTECEDENTS

         1.      Selon les déclarations du requérant,  le 16 janvier 1972 se produisit le naufrage du navire California, qui se trouvait sous le commandement de M. Jesús Armando Lara Preciado; qu’en dépit du fait que l’accident en question intervint par des causes étrangères à sa responsabilité, dès le début, les autorités militaires l’attribuèrent aux défauts de diligence de M. Lara Preciado.

 

         2.      Le Président mexicain décida de la suspension de la procédure relative à l’enquête et de l’exercice ultérieur de l’action pénale, lui imposa une sanction administrative, enleva la procédure à la commission qui en avait la charge, et l’assigna à une commission subalterne en suspendant les droits hiérarchiques.

 

         3.      La sanction intervint le 1er avril 1974, mais la même année le Secrétaire à la Marine l’informa qu’elle serait prolongé de deux années supplémentaires, empêchant de cette manière la possibilité qu’il avance en grade dans la promotion du 20 novembre 1974.

 

 

II.      PROCEDURE PREALABLE A LA DENONCIATION DEVANT LA COMMISSION

         4.      Face à la décision prise par le Secrétaire à la Marine, le requérant interjeta un recours en protection auprès de la justice fédérale afin d’invalider l’acte qui prolongeait sa sanction de deux années supplémentaires (recours No 768/74).  Le recours lui fut accordé le 6 février 1976, déclarant l’invalidité de l’acte en question pour défaut de fondement et de motivation aux termes des articles 14 et 16 de la Constitution mexicaine.  La décision judiciaire ordonnait que “Jesús Lara Preciado doit figurer à l’échelon qu’il occupait avant l’intervention de la décision contestée et bénéficier ainsi des opportunités d’avancement échéant”.

 

         5.      Le 10 octobre 1977, le Secrétaire à la Marine lui notifia “qu’en accord avec Dr José López Portillo, Président le la République, il soumit à sa haute considération l’avancement mentionné, lequel n’a pas été jugé  approprié, en vertu de la prérogative discrétionnaire que confère au président la section IV, article 89 de notre constitution politique”.

 

         6.      Le requérant interjeta à nouveau un recours en protection devant les organes judiciaires (No 429/78).  Ce recours fut déclaré fondé, prononçant l’invalidité de l’acte qui rejetait son avancement, pour défaut de motivation et de fondement aux termes des articles 14 et 16 de la Constitution mexicaine, disposant que la prérogative présidentielle de l’article 89 n’était pas discrétionnaire.

 

         7.      Le 3 octobre 1980, M. Lara Preciado reçut notification que, par accord du Président du Mexique et en conformité à l’exécution prononcée dans le jugement du recours en protection No 429/78,  l’habilitation de son avancement avait été jugée inappropriée.  Le requérant soutient que cet acte est frappé des mêmes vices de défaut de fondement et de motivation que les deux précédents, et invoque les dossiers personnels qui ne lui furent jamais montrés et qu’il ne lui fut pas permis de réviser.

 

         8.      A partir de cette date, le requérant entreprit différentes démarches à tout niveau, afin d’obtenir l’observation du mandat judiciaire du recours en protection No 429/78, pour avoir accès aux dossiers personnels qui auraient empêché son avancement.  Il déposa des requêtes formelles devant différentes autorités publiques et le 29 décembre 1990, présenta une requête devant la Commission National des droits de l’homme du Mexique, qui fut tranchée le 25 octobre 1991 en sa défaveur.

 

 

III.     PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION

        9.      Le 25 mars 1994, la Commission reçut une dénonciation dans laquelle est alléguée une violation du droit à la justice reconnu dans l’article XXVIII de la Déclaration américaine des droits et Devoirs de l’homme.  La Commission précisa au requérant que pour examiner sa requête, il devait effectuer une description précise des faits allégués et fournir les informations relatives à l’épuisement des recours internes.

 

         10.    Le 13 mars 1995, la Commission reçut une nouvelle communication qui précisait les faits allégués et informait sur la procédure juridique interne.  La Commission enregistra l’affaire sous le numéro 11.492,  transmettant au Gouvernement mexicain les passages pertinents de la requête.

 

         11.    Le 6 septembre 1995, le Gouvernement mexicain présenta ses observations sur l’affaire, demandant la déclaration d’irrecevabilité.

 

         12.    Le 10 octobre 1995, le requérant soumit ses considérations, rejetant les exceptions interjetées par le Gouvernement.  La Commission transmit au Gouvernement mexicain les passages pertinents de cette communication.

 

         13.    Le 3 novembre 1995, le gouvernement soumit ses affirmations sur les allégations du requérant.

 

         14.    Le 13 février 1996, le requérant soumit  à la Commission des informations supplémentaires relatives à l’affaire.

 

         15.    Le 6 avril, le requérant demanda à la Commission que soient prises toutes les mesures nécessaires pour arriver à un règlement à l’amiable et il avança ses conditions.

 

         16.    Le 8 mai 1996, le Gouvernement mexicain, analysant les prétentions du requérant, déclara qu’il n’était pas possible d’arriver à un règlement à l’amiable, selon ces conditions.

 

 

IV.     POSITION DES PARTIES

         A.     Position des requérants

 

         17.    Il est allégué que le droit à la justice de M. Jesús  Lara Preciado a été violé, droit reconnu dans l’article XVIII de la Déclaration américaine des droits et Devoirs de l’homme, en vertu du fait qu’il ne lui a pas été accordé un traitement d’égalité devant la loi, qu’il n’a pas été protégé contre les attaques à son honneur et à sa réputation, qu’il n’a pas été reconnu comme sujet de droits et d’obligations, qu’il a été privé du droit à la justice ainsi que d’un procès régulier où il aurait été entendu de manière impartiale, qu’il lui a été imposé des peines cruelles, infamantes et inhabituelles.  Il est ajouté que son droit de requête a été systématiquement violé, puisqu’il n’a pas obtenu  de réponses à ses demandes faites par écrit.

 

         18.    De même, il est signalé que les violations et les délits commis par différentes autorités au préjudice du M. Lara continuent jusqu’à cette date, puisque dans le rapport du Gouvernement il n’est pas démontré de manière irréfutable que toutes ses demandes, requêtes et contestations aient reçu le traitement établi dans les lois correspondantes, ni que ses demandes aient été prises en considération, raison pour laquelle il rejette l’affirmation que sa requête ait été hors des délais.

 

 

         B.      Position du Gouvernement

 

         19.    Le Gouvernement mexicain indiqua que le requérant n’avait pas rempli la condition de “délai raisonnable” qui doit exister entre le temps de la violation des droits et l’intervention de la dénonciation, puisque le recours  en protection No 428/78, sur laquelle reposait la requête, était du 22 janvier 1979 et la requête de l’année 1995;  que plus de 16 années après que le dit jugement avait été prononcé, il devient difficile d’affirmer que le requérant n’avait pas disposé d’un délai raisonnable pour se présenter devant la CIDH.  Il ajoute que même en supposant que la décision de la Commission Nationale des droits de l’homme du 25 octobre 1991, et non pas les décisions précédentes, constituait la décision définitive à partir de laquelle courrait le délai, la requête serait de toute façon hors des délais, puisqu’il s’est écoulé plus de six mois à partir de la notification à l’intéressé lui‑même.

 

         20.    Le Gouvernement mexicain soutient que la protection de la Justice fédérale lui fut accordée, dans le sens où la détermination qui suivit sa demande d’avancement fut fondée et motivée en bonne et due forme, et qu’aucun cas elle ne lui fut accordée dans un sens qui obligerait les autorités à procéder à son avancement; que le recours en protection No 429/78 résolut définitivement la question de l’avancement du requérant.

 

 

V.      CONSIDERATIONS FINALES

         21.    Considérations relatives aux conditions formelles de recevabilité

 

         22.    La présente requête remplit les conditions formelles de recevabilité prévues aux articles 32, 37, et 39 du Règlement de la Commission, ainsi que celles établies aux lettres a, c, d  du paragraphe 1 de l’article 46 de la Convention.

 

         23.    Relativement à la condition exigée par l’article 46.b de la Convention et l’article 38 du Règlement de la Commission, lesquels établissent que:

 

         Article 46 de la Convention:

 

                 1.      La Commission ne retient une pétition ou communication,  présentées conformément aux articles 44 ou 45, que sous les conditions suivantes, à savoir:

 

                 ...

                          b.      que la pétition ou communication  soit introduite dans les six mois, à compter de la date à laquelle l’individu présumé lésé dans ses droits a pris connaissance  de la décision définitive.

 

         Article 38 du Règlement de la Commission:

 

                 1.      La Commission interaméricaine des droits de l’homme s’abstient de connaître de tout requête qui lui est soumise à l’expiration d’une période de six mois à compter de la date à la laquelle signification a été faite de la décision définitive rendue sur une espèce, à la personne dont les droits sont présumés lésés,  dans le cas d’épuisement des voies de recours internes.

 

                 2.      Dans le cas prévus au paragraphe 2 de l’article du présent Règlement, le délai pour le dépôt d’une requête à la Commission sera d’une période raisonnable, fixée au gré de la Commission, à compter de la date de la violation présumée des droits, compte tenu des circonstances entourant  chaque espèce.

 

         24.    En ce sens, la CIDH observe que le requérant a dénoncé la non observation de la part du Pouvoir Exécutif Fédéral du Mexique de deux décisions de recours en protection en faveur de M. Lara Preciado en 1976 et 1979.  Elle observe, de même, qu’après que la communication a été envoyée à M. Lara Preciado, le 3 octobre 1980,  dans laquelle lui était notifié l’acte administratif jugeant inapproprié d’habiliter son avancement, la présumée victime n’a exercé aucun recours judiciaire, puisque,  comme il ressort des arrêts, M. Lara Preciado effectua différentes démarches afin d’obtenir l’observation du mandat judiciaire du recours en protection No 429/78 et d’accéder aux dossiers personnels qui auraient empêché son avancement.  Néanmoins, toute ses démarches furent de caractère administratif, ce qui rend impossible de combler la brèche de plus d’une décennie à partir du moment où les recours judiciaires ont été considérés épuisés jusqu’à la date de dépôt de sa première dénonciation devant la Commission, laquelle fut reçue le 25 mars 1994.  En tous les cas, si la décision de la Commission Nationale des droits de l’homme est prise comme point de référence, pour établir la date de départ du compte du délai qui nous intéresse, la dite Commission n’étant pas un organe faisant partie du Pouvoir Judiciaire qui émet des recommandations, raison  pour laquelle ses décisions n’ont pas force obligatoire, il se serait écoulé approximativement trois années, vu que la décision de cet organe fut émise le 25 octobre 1991.

 

         25.    Pour tout ce qui a été signalé précédemment, la Commission conclut que la présente dénonciation ne remplit pas la condition de forme établie dans l’article 46 de la Convention et l’article 38 du Règlement de la Commission, vu que le délai de six mois comme délai raisonnable pour présenter la dénonciation, en accord avec les circonstances, se trouve dépassé. 

 

VI.     CONCLUSIONS

         26.    Déclarer irrecevable la dénonciation présentée dans l’affaire 11.492, conformément à l’article 46.1.b de la Convention et à l’article 38 du Règlement de la Commission.

 

         27.    Transmettre le présent Rapport à l’Etat mexicain et au requérant.

 

         28.    Publier ce Rapport dans le Rapport Annuel à l’Assemblée générale de l’OEA.