RAPPORT Nº 13/97

AFFAIRE 11.515

A propos de la recevabilité

EQUATEUR

12 mars 1997

 

 

I.       RESUME

 

         1.      Le 8 novembre 1994, la Commission interaméricaine des droits de l'homme (désignée ci-après comme la "Commission"), a été saisie d'une requête dans laquelle était dénoncé le fait que M. Bolívar Franco Camacho Arboleda a été arrêté le 7 octobre 1989, et que cinq ans plus tard sa situation en justice n'était toujours pas tranchée. Après une réclusion de cinq ans et trois mois, un jugement d'acquittement a été prononcée en sa faveur. M. Camacho Arboleda a été mis en liberté au mois de février 1995 et il réclame réparation du dommage qui lui a été causé en le privant arbitrairement de sa liberté pendant 63 mois. Les requérants affirment qu'il n'existe en Equateur aucune loi ou procédure permettant d'engager, dans le cas présent, une procédure de réclamation de l'indemnisation qui lui est due.

 

II.      FAITS

 

         2.      M. Camacho Arboleda, qui a 25 ans et est ressortissant équatorien, a été arrêté le 7 octobre 1989, vers 16 heures environ, par des agents de l'Interpol de Santo Domingo de los Colorados. M. Camacho Arboleda a été accusé de possession illicite de cocaïne (6 grammes en tout) et il a été mis à la disposition du sixième tribunal pénal de Pichincha, qui se trouve à Santo Domingo de los Colorados.

 

         3.      Le sixième tribunal pénal a demandé au deuxième tribunal pénal de Quito de détruire la drogue confisquée et de recueillir la déposition du prévenu, mais cette demande n'a pas été suivie d'exécution.[1]

 

         4.      Presque cinq ans plus tard, le juge a rendu une ordonnance de non-lieu et en raison de la consultation obligatoire, l'affaire a été déférée à la deuxième chambre de la Cour supérieure de Quito, où 180 jours se sont écoulés sans qu'aucune décision ne soit prise.

 

         5.      Les requérants indiquent que, bien qu'ils aient demandé aux autorités compétentes de leur faire savoir quelle était la situation juridique de M. Camacho Arboleda, celles-ci ne leur ont pas répondu et le jugement n'a pas progressé non plus.

 

         6.      Le 24 janvier 1995, la Cour supérieure de Quito a rendu un jugement d'acquittement en faveur de M. Camacho Arboleda, qui a été mis en liberté au mois de février 1995.

 

         7.      M. Camacho Arboleda réclame une indemnisation pour le dommage qui lui a été causé en le privant arbitrairement de sa liberté pendant plus de cinq ans (63 mois). En même temps, il affirme qu'il n'existe dans son pays aucune loi lui permettant de réclamer une indemnisation.

 

         Documents probants:

 

         8.      Dans le dossier remis à la Commission figurent des copies des documents probants suivants: arrêt de mise en cause, ordonnance de non-lieu provisoire, demande de révocation de l'ordonnance de non-lieu provisoire et confirmation de la décision absolutoire. Les passages pertinents de ces documents sont indiqués ci-dessous:

 

         A.     Rapport d'enquête[2]

 

         9.      Le 11 octobre 1989, le Sous-Chef des stupéfiants et de l'Interpol de la ville de Pichincha, de Santo Domingo de los Colorados, soumet au juge du onzième tribunal pénal de ladite ville le rapport d'enquête nº 012-SJI-SDC-89, dans lequel sont racontés les faits suivants:

 

         D'après une information réservée selon laquelle, dans la Coopérative de logements modèles Santo Domingo, des personnes s'adonnaient au trafic illicite de base de cocaïne, des agents de l'Interpol de cette ville se sont rendus à l'endroit indiqué. Là, ils ont aperçu un individu qui déambulait de manière suspecte. C'est pourquoi ils l'ont suivi et l'ont interpellé; quand ils l'ont fouillé, ils ont trouvé sur lui une petite quantité de base de cocaïne dans un sachet en plastique. Cet individu, lors de son interrogatoire, a dit qui s'appelait Bolívar Franco Camacho Arboleda et qu'il devait remettre cette drogue à un individu qui se trouvait au même endroit. Mais celui-ci, se rendant compte de la présence des agents, avait pris la fuite.

 

         Selon le rapport d'enquête, lorsque Bolívar Camacho a fait sa déposition dans les bureaux de l'Interpol, il a dit qu'il avait acheté une fois auparavant deux sachets de base de cocaïne à un individu dénommé José Sarmiento Jaramillo et qu'ensuite, à deux reprises, il avait acheté de la drogue à Hector N., alias El Tito, et que cette deuxième fois avait eu lieu le samedi 7 octobre 1989 à 15 heures environ, et que c'était ce même jour, aux environs de 16 heures, qu'il avait été appréhendé par les agents de l'Interpol au moment où il allait remettre cette drogue à une personne inconnue qui s'était enfuie.

         B.      Arrêt de mise en cause

 

         10.    Le 13 octobre 1989, considérant que les faits exposés dans le rapport d'enquête nº 012-SJI-SDC-89 constituent un délit passible d'office de sanctions et de l'ouverture d'une enquête, le juge du onzième tribunal pénal de Pichincha a rendu un arrêt de mise en cause et ordonné l'ouverture d'une instruction en bonne et due forme, afin d'établir les responsabilités légales de chacun, après avoir cité l'avocat Germán Moya Mondragón, Procureur du onzième tribunal pénal de Pichincha et M. Gregorio López Granizo, qui a été désigné défenseur d'office de l'auteur ou des auteurs, complices et receleurs du fait soumis à enquête et de MM. Camacho Arboleda, José Sarmiento Jaramillo et Héctor N., alias El Tito, inculpés dans cette affaire, et il a ordonné la détention provisoire desdits inculpés.

 

         11.    Un mandat constitutionnel d'arrêt a été délivré à M. Camacho Arboleda, qui était déjà en garde à vue, et le pli officiel a été transmis à l'autorité concernée en vue de son transfert à la Prison d'Etat pour hommes de la ville de Quito. Il a été établi, en outre, dans l'arrêt de mise en cause la nécessité de mener à bien les procédures de l'instruction citées ci-après:

 

         i.       recueillir les dépositions des inculpés et de tous ceux qui auraient connaissance des faits;

 

         ii.      assigner les inculpés à propos de l'arrêt de mise en cause et des résultats de l'instruction;

 

         iii.     effectuer l'examen psychosomatique du détenu, Bolívar Franco Camacho Arboleda par l'intermédiaire des médecins spécialistes du ministère public et de la fonction juridictionnelle.  Il a été également ordonné d'effectuer l'identification et l'analyse chimique de ce qui est présumé être de la base de cocaïne, laquelle a été confisquée au prévenu et envoyée à la Direction de la santé publique de Pichincha, par pli officiel nº 126-SJI-SDC-89. Pour la réalisation de ces procédures, une commission rogatoire[3] a été adressée au juge du deuxième tribunal pénal de Pichincha, à qui a été envoyée la dépêche de rigueur. Un délai de 10 jours lui a été consenti en raison de l'éloignement;

 

         iv.     demander au Chef du SIC de procéder à l'arrestation des inculpés José Sarmiento Jaramillo et Héctor N, alias El Tito, afin de les mettre à la disposition des autorités;

 

         v.      faire une descente sur les lieux où se sont déroulés les faits, le jeudi 19 octobre 1989, à 11 heures, avec l'intervention d'experts qui auront été nommés et auront pris possession de leurs fonctions un peu avant la réalisation de cet acte de procédure;

 

         vi.     réaliser enfin tous les actes de procédures qui seraient nécessaires pour le plein éclaircissement de ce fait et la complète organisation de l'instruction.

 

         C.     Ordonnance de non-lieu provisoire

 

         12.    Le 28 juin 1994, le juge du onzième tribunal pénal de Pichincha a rendu une ordonnance de non-lieu provisoire et a indiqué que, dans le cadre de l'instruction et par l'intermédiaire d'une commission rogatoire adressée au juge du deuxième tribunal pénal de Pichincha, dans sa déposition, Camacho Arboleda avait déclaré que: "en ce qui concerne la lecture qui m'est faite, je dois préciser au sujet de la personne qui s'est soi-disant en fuite, que ce fait ne s'est jamais produit et que l'individu ayant pour nom José Sarmiento est la personne qui vend des stupéfiants à Santo Domingo et qui donne de l'argent à l'Interpol; ce qui est dit au sujet de l'endroit où s'est produite l'arrestation est faux, car j'ai été arrêté rue Santa Martha alors que j'attendais l'autobus, on n'a jamais trouvé sur moi la moindre drogue, mais on en a trouvé sur José Sarmiento; moi, j'ai été arrêté alors que j'étais accompagné d'une jeune fille dont on n'a jamais indiqué le nom. Quand on a établi mon rapport de police, le procureur n'a été présent à aucun moment. Oui, je consomme des stupéfiants, mais on n'a jamais trouvé sur moi un seul gramme de drogue . . .".

 

         13.    L'examen psychosomatique de Camacho Arboleda a été réalisé. Au cours de celui-ci il a réitéré qu'au moment de son arrestation il n'avait pas la moindre quantité de drogue en sa possession. Il affirme en effet qu'il était en train d'essayer de se déshabituer de la consommation des stupéfiants, car à plusieurs reprises il avait essayé de ne plus en consommer, mais malheureusement il rechutait. Que la drogue dont il est question dans le rapport de police appartenait à José Sarmiento, mais que, apparemment, celui-ci avait arrangé son problème avec les policiers et que ceux-ci pour justifier leur travail l'avait inculpé lui.

 

         14.    Le rapport ajoute que, selon l'examen auquel il a été soumis, Camacho Arboleda avait été un consommateur modéré et occasionnel de cocaïne base, mais qu'actuellement il semblait en avoir perdu l'habitude; et nonobstant son insistance à dire que la drogue ne lui appartenait pas, le poids brut de cocaïne base était de six grammes, quantité qui peut être considérée comme n'étant pas excessive pour l'usage dudit individu à l'époque où il consommait ce type de stupéfiant.

 

         15.    L'identification et l'analyse chimique de la drogue confisquée a été réalisée avec l'intervention d'experts. Le procès-verbal et le rapport des experts figurent dans le dossier judiciaire, et le résultat de l'examen a indiqué qu'il s'agissait de pâte de cocaïne. Il a été procédé ensuite à la destruction de la drogue.

 

         16.    L'instruction étant close, le procureur du onzième tribunal pénal de Pichincha a émis un avis, dans lequel il conclut en s'abstenant d'accuser les trois inculpés. Tenant compte de ces aspects et de l'état d'avancement de la procédure, le juge a rendu une ordonnance de non-lieu provisoire, considérant:

 

PREMIEREMENT:  que n'a été omise aucune solennité quant au fond, susceptible d'invalider la procédure, si bien que celle-ci est déclarée valable;

 

DEUXIEMEMENT:  que l'existence matérielle de l'infraction est justifiée par le rapport de police, transmis par la Sous-Direction de l'Interpol; par l'identification et l'analyse chimique de la substance qui a été confisquée; par le procès-verbal de la destruction des stupéfiants et par l'examen psychosomatique qui a été pratiqué à Bolívar Franco Camacho Arboleda;

 

TROISIEMEMENT:  que, en ce qui concerne la culpabilité des inculpés José Sarmiento Jaramillo et Héctor N., alias El Tito, qui n'ont pu être arrêtés par la police, malgré la demande du tribunal, aucune responsabilité n'a pu leur être imputée, car la déposition de l'autre inculpé ne constitue pas, à elle seule, une preuve suffisante. En ce qui concerne l'inculpé Bolívar Franco Camacho Arboleda, s'il est certain que, d'une part, ainsi que le signale le procureur dans son avis, la loi précédente portant règlement du contrôle des stupéfiants et des substances psychotropes et de la lutte contre leur trafic ne punissait pas la consommation de stupéfiants; d'autre part, il n'est pas très sûr si, effectivement, la drogue a été confisquée audit inculpé ou à José Sarmiento Jaramillo, qui, d'après ce qui est indiqué, travaille pour la police.

 

         17.    Au vu de ce qui précède, et conformément à l'article 242 du Code de procédure pénale, une ordonnance de non-lieu provisoire a été rendue en faveur des inculpés Camacho Arboleda, José Sarmiento Jaramillo et Héctor N., alias El Tito. Le juge a décidé de déférer cette sentence pour consultation au tribunal supérieur et il a indiqué que, puisque seul Camacho Arboleda était incarcéré, il serait mis en liberté dès qu'il aurait été absous par la consultation.

 

         D.     Demande de révocation de l'ordonnance de non-lieu

 

         18.    Le 15 juillet 1994, le Procureur provincial de Pichincha, le Dr José García Falconi, a demandé à la deuxième chambre de la Cour supérieure de Quito de révoquer le non-lieu décidé par le juge et de rendre, au lieu et place de celui-ci, une ordonnance d'ouverture de procès en bonne et due forme pour ledit acte illicite. Dans ses conclusions, le procureur provincial affirme que l'infraction qui fait l'objet de l'investigation est pleinement et légalement justifiée par les procédures suivantes:

 

         i.       le chapitre des preuves matérielles du rapport de police où il est consigné que dans les entrepôts de ladite institution repose la quantité de six grammes de cocaïne;

 

         ii.      par l'analyse chimique du stupéfiant qui a été confisqué et dont les résultats ont démontré qu'il s'agit vraiment de cocaïne; et

 

         iii.     par le procès-verbal de la destruction du stupéfiant susmentionné.

 

         19.    Le procureur indique également que dans les ordonnances figurent uniquement les conclusions auxquelles est parvenu le rapport de police et la déposition qu'a faite l'inculpé avant l'ouverture de l'instruction, dans laquelle il reconnaît qu'il a acheté les six grammes de cocaïne pour sa consommation personnelle et que cette drogue lui a été vendue une fois par José Sarmiento et une autre fois par Héctor N., alias El Tito. Dans la déposition obtenue au cours de l'instruction, Camacho Arboleda déclare qu'il consomme des stupéfiants et que l'individu qui vend de la drogue à Santo Domingo de los Colorados est José Sarmiento.

 

         20.    Par la suite, le ministère public a apporté les indications de nature juridique suivantes:

 

         i.       L'article 16 de la codification de la Loi portant règlement du contrôle des stupéfiants et substances psychotropes et de la lutte contre leur trafic signale que: personne ne pourra avoir en sa possession, que ce soit dans ses vêtements ou dans ses valises, que ce soit à son domicile, à son lieu de travail ou dans un tout autre endroit qui se trouve sous ses ordres ou sous sa responsabilité, sans autorisation légale ou délivrance au préalable par un médecin d'une ordonnance, une quantité quelconque des stupéfiants ou des drogues psychotropes mentionnés dans la Liste I, partie II de l'annexe de ladite loi. Parmi les stupéfiants mentionnés dans cette codification, qui était en vigueur au moment où l'acte illicite en question a été commis, se trouvent la marihuana et la cocaïne;

 

         ii.      L'article 27 de ladite codification fait remarquer: "par usage illicite de stupéfiants ou de drogues psychotropes, on désigne tout usage qui n'est pas thérapeutique". L'article 33, à la lettre (c) établit: "On désignera sous le nom de trafic illicite toute transaction commerciale, possession ou délivrance à quelque titre que ce soit de médicaments, stupéfiants et drogues fabriqués en infraction aux préceptes contenus dans cette loi".

 

         iii.     Vu ce qui précède, on en déduit que la loi considère comme légale la possession d'une dose à usage personnel, mais uniquement dans le cas des personnes qui sont traitées avec cette drogue, à condition que celle-ci corresponde à sa dose thérapeutique, indiquée sur l'ordonnance correspondante, laquelle sera signée par un médecin légalement habilité à le faire.

 

         21.    Le procureur a affirmé que, comme l'infraction qui faisait l'objet de l'investigation était prouvée et qu'il existait de fortes présomptions de responsabilités à l'encontre des inculpés Camacho Arboleda, José Sarmiento Jaramillo et Héctor N., alias El Tito, présumés être les auteurs du délit criminalisé et frappé de sanctions à l'article 33, lettre (c) de la codification précitée de la Loi portant règlement du contrôle des stupéfiants et des substances psychotropes et de la lutte contre leur trafic, il a décidé de les accuser dudit acte illicite et il a demandé que soit révoqué le non-lieu rendu par le juge et qu'en lieu et place de celui-ci soit rendue une ordonnance d'ouverture de procès en bonne et due forme au motif dudit acte illicite.

 

         E.      Révocation de l'ordonnance de non-lieu

 

         22.    Le non-lieu provisoire rendu au cours du procès par le juge du onzième tribunal pénal de Pichincha a été révoqué par la Chambre de la Cour supérieure, qui a déclaré ouverte l'étape du procès en bonne et due forme contre les inculpés. En conséquence, la procédure s'est poursuivie jusqu'à ce que le jugement soit prononcé en ce qui concerne Camacho Arboleda, car comme les autres étaient en fuite, il a été décidé de surseoir à leur jugement.

 

         F.      Jugement d'acquittement

 

         23.    Le cinquième tribunal pénal de Pichincha a rendu par la suite un jugement d'acquittement en faveur de Camacho Arboleda et a ordonné de consulter en l'espèce le tribunal supérieur, raison pour laquelle l'affaire a été déférée à la deuxième Chambre de la Cour supérieure de Quito, qui, à son tour, a décidé de confirmer la sentence pour laquelle on l'avait consultée, le 24 janvier 1995. La deuxième Chambre a signalé que, en ce qui concerne la responsabilité de Camacho Arboleda, elle déclare formellement qu'il n'est pas pleinement prouvé qu'il ait eu sur lui ladite drogue, car dans sa déposition, obtenue pendant l'enquête, il nie que l'on ait trouvé en sa possession ladite substance et le rapport de police ayant trait à l'investigation constitue uniquement une présomption qui ne suffit pas pour rendre un jugement de condamnation, d'autant plus que la déposition obtenue avant l'ouverture de l'instruction n'a pas été faite devant le représentant du ministère public et n'est pas confirmée par d'autres procédures de l'instruction.

 

III.     VIOLATIONS PRESUMEES

 

         24.    Selon les faits contenus dans la plainte, il y a présomption de violation des droits à la liberté personnelle (article 7), aux garanties judiciaires (article 8) et à la protection judiciaire (article 25) de la Convention américaine relative aux droits de l'homme.

 

IV.     PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION

 

         25.    La plainte a été déposée le 8 novembre 1994. Elle expose le fait que M. Camacho Arboleda a été arrêté en octobre 1989, accusé de possession illicite de cocaïne et que son procès a duré plus de cinq ans sans que le pouvoir judiciaire ne statue sur sa situation juridique.

 

         26.    Le 19 juillet 1995, la Commission a transmis à l'Etat équatorien les passages pertinents de la plainte, lui accordant un délai de 90 jours pour préparer sa réponse, conformément à l'article 34 du règlement de la Commission. Dans la même note, la Commission a demandé à l'Etat équatorien de bien vouloir lui fournir, en même temps que les informations à propos des faits, tout élément de jugement lui permettant de se rendre compte si dans l'affaire présente les voies de recours de la juridiction interne avaient ou non été épuisées.

 

         27.    Le 10 octobre 1995, l'Etat équatorien a répondu en affirmant que la deuxième Chambre de la Cour supérieure de Quito avait statué en date du 24 janvier 1995 et confirmé la décision absolutoire rendue en faveur de Camacho Arboleda et que: "... d'après l'article 401 du Code de procédure pénale, le jugement a été confirmé; et il existe uniquement le recours en révision que, conformément à l'article 385 et suivants du texte juridique précité, seuls la personne qui a été jugée ou le tribunal peuvent, respectivement, interjeter ou ordonner d'office."

 

         28.    L'Etat joint à cette même note copies des décisions judiciaires qui prouvent l'existence des étapes suivantes dans la procédure:

 

         i.       Le non-lieu provisoire rendu au cours du procès par le juge du onzième tribunal pénal de Pichincha a été révoqué par la Chambre de la Cour supérieure, qui a déclaré ouverte l'étape du procès en bonne et due forme.

 

         ii.      Le cinquième tribunal pénal de Pichincha a ensuite rendu un jugement d'acquittement en faveur de Bolívar Franco Camacho Arboleda, et a décidé de demander l'avis du tribunal supérieur, raison pour laquelle l'affaire a été déférée à la deuxième Chambre de la Cour supérieure de Quito, qui, à son tour, a décidé de confirmer le jugement pour lequel elle avait été consultée, le 24 janvier 1995.

 

         iii.     La Chambre a confirmé le jugement pour lequel on l'avait consultée et elle a décidé, vu que le motif du retard à se prononcer était le comportement négligent du juge du deuxième tribunal pénal de Pichincha qui n'avait pas exécuté les procédures qui lui avaient été ordonnées avec insistance par le juge du onzième tribunal pénal, elle lui a infligé une amende se montant à 30% de son salaire de base.

 

         iv.     Le 26 janvier 1995, le juge du deuxième tribunal pénal de Pichincha a demandé que la sanction qui lui avait été imposée soit modifiée ou révoquée, car il alléguait que le retard dans le procès n'était pas de sa faute. Cette requête a été rejetée par la deuxième Chambre de la Cour supérieure de Quito, le 15 février 1995. Alors, le juge du deuxième tribunal pénal de Pichincha a fait appel de cette décision devant la Cour supérieure le 23 février 1995, invoquant que celle-ci n'était ni légitime ni juste. Ce même jour, la deuxième Chambre de la Cour supérieure a rejeté l'appel interjeté par le juge du deuxième tribunal pénal de Pichincha, comme n'étant pas fondée.

 

         29.    Le 26 octobre 1995, la Commission accuse réception de la réponse de l'Etat équatorien et transmet aux requérants les passages pertinents de celle-ci, leur accordant un délai de 45 jours pour présenter leurs observations à ce sujet.

 

         30.    Le 23 novembre 1995, les requérants ont présenté leurs observations à propos de la réponse de l'Etat équatorien lui opposant les arguments suivants:

 

         i.       La documentation jointe par l'Etat est exacte, car elle prouve que M. Bolívar Camacho a bénéficié d'un jugement d'acquittement. Ce qui est erroné, c'est que l'Etat indique que M. Camacho pouvait interjeter un recours en révision, argument qui est absurde, car conformément à l'article 385 du Code de procédure pénale, on ne peut interjeter un recours en révision que dans le cas de jugements de condamnation, et il est évident que tel n'est pas le cas en l'espèce.

 

         ii.      Il se passe qu'en Equateur, seules les personnes qui ont été l'objet d'une condamnation et qui, ensuite, ont bénéficié du recours en révision peuvent recevoir une indemnisation. L'article 21 de la Constitution de l'Equateur établit que: "lorsqu'un jugement de condamnation est modifié ou révoqué par effet du recours en révision, la personne à qui aura été infligée une peine du fait dudit jugement, sera réhabilitée et indemnisée par l'Etat, conformément à la loi".

 

         iii.     Par ailleurs, l'article 392 du Code de procédure pénale indique ceci: "lorsque la Cour suprême de justice accepte le recours en révision et révoque ou modifie le jugement pour lequel il a été fait appel, la personne injustement condamnée aura droit à une indemnisation..." Ce même Code de procédure pénale, aux articles suivants, indique la procédure à suivre pour que cette indemnisation devienne effective.

 

         iv.     En outre, l'article 20 de la Constitution de l'Equateur établit ceci: "L'Etat et autres institutions du secteur public seront obligés d'indemniser les particuliers pour les préjudices qu'ils leur auront causés comme conséquence des services publics ou des actions de leurs fonctionnaires et agents dans l'exercice de leurs fonctions". Toutefois, les requérants signalent qu'il n'existe en Equateur aucune loi ou règlement qui permette de concrétiser ce mandat constitutionnel, c'est-à-dire, qu'il n'existe pas de procédure pour réclamer une indemnisation.

 

         v.      Dans ce cas particulier, M. Camacho Arboleda a subi un préjudice à cause des lenteurs du pouvoir judiciaire et des dispositions discriminatoires de la Loi sur les stupéfiants, attendu qu'il est resté incarcéré 63 mois, c'est-à-dire 5 ans et 3 mois, alors qu'il a bénéficié ensuite d'une décision absolutoire.

 

         vi.     Enfin, les requérants indiquent que l'Etat n'a effectué aucune action visant à compenser les 63 mois pendant lesquels M. Camacho a été emprisonné injustement. De son côté, M. Camacho n'a pu faire aucune réclamation administrative ou judiciaire puisque cette possibilité n'existe pas dans le pays, ce qui montre bien qu'il est impossible d'intenter une quelconque réclamation dans ce sens, et qu'il est donc impossible d'épuiser les voies de recours internes, puisqu'elles n'existent en l'espèce.

 

         31.    Le 28 février 1996, la Commission a transmis à l'Etat les passages pertinents des observations des requérants, lui accordant un délai de 30 jours pour présenter sa réponse.

 

         32.    Le 29 avril 1996, l'Etat équatorien a envoyé sa réponse, dans laquelle il indique ce qui suit:

 

         i.       Grâce à la documentation que je me permets de vous adresser, vous pourrez vous rendre compte que Bolívar Franco Camacho Arboleda a été inculpé pour le délit de trafic illicite de stupéfiants et il a bénéficié d'un non-lieu rendu par le juge du onzième tribunal pénal de Pichincha, qui siège à Santo Domingo de los Colorados. Cependant, en raison de la consultation demandée et du triage effectué, c'est à la deuxième Chambre de la Cour supérieure de ce district qu'il incombe de se prononcer, et c'est cette dernière qui, révoquant le non-lieu, décrète ouverte l'étape du procès en bonne et due forme et le cinquième tribunal pénal prononce un jugement d'acquittement; il incombe à cette même chambre où le procès a été envoyé une fois signé de statuer et pour l'essentiel elle confirme le jugement d'acquittement, ainsi que le montre le jugement qui a été rendu le 24 janvier 1995.

 

         ii.      Il ressort du contenu dudit jugement que le juge du deuxième tribunal pénal de Pichincha avait été chargé de la procédure relative à l'analyse chimique et à la destruction des substances narcotiques et que celui-ci a tardé avant de les exécuter, et c'est pour cette raison qu'une amende équivalant à 30% de son salaire de base lui a été infligée.

 

         iii.     Le procès a été renvoyé au cinquième tribunal pénal de Pichincha, le 27 février 1995. Vu ce qui précède, l'Etat considère que la réclamation de Bolívar Franco Camacho Arboleda n'est pas fondée, car à la date où il a fait appel à la Commission interaméricaine des droits de l'homme, l'affaire avait déjà été tranchée.

 

         33.    Le 12 juillet 1996, la Commission a transmis aux requérants les passages pertinents de la réponse de l'Etat et elle leur a accordé un délai de 45 jours pour y répondre.

 

         34.    Le 6 août 1996, les requérants ont fait parvenir leurs observations. Ils y manifestaient leur désaccord avec la réponse de l'Etat selon laquelle, comme une décision absolutoire avait été rendue et une sanction équivalant à 30% de son salaire de base avait été infligée au juge du deuxième tribunal pénal pour le retard à exécuter les procédures de l'action pénale, la réclamation de Camacho Arboleda était sans fondement, étant donné qu'à la date où il avait fait appel devant la Commission interaméricaine des droits de l'homme, l'affaire avait déjà été tranchée.

 

         35.    Ensuite, les requérants allèguent ceci: "En premier lieu, le dépôt de la plainte concernant l'affaire Camacho Arboleda devant la Commission interaméricaine des droits de l'homme s'est effectué en novembre 1994 et la partie lésée est sortie de prison en février 1995. C'est-à-dire que lorsque la plainte a été déposée, M. Camacho Arboleda était encore incarcéré. Deuxièmement, il est insolite de penser que l'on veuille considérer que l'affaire est réglée par l'entremise de l'amende infligée au juge du tribunal pénal, car cet argent n'est même pas destiné à la partie lésée. Quelle est l'autorité qui va réparer le dommage qui a été causé à Bolívar Camacho en le privant arbitrairement de sa liberté pendant 63 mois ? Ou bien, est-ce que l'Etat équatorien considère que, puisque celui-ci a retrouvé sa liberté, il est dégagé désormais de toute espèce d'obligation pour l'irrégularité commise?"

 

V.      CONSIDERATIONS SUR LA RECEVABILITE

 

         36.    Pendant sa 95ème Session ordinaire, qui s'est tenue du 24 février au 14 mars 1997, la Commission s'est prononcée au sujet de la recevabilité de l'affaire 11.515.

 

         V.1.   Compétence de la Commission

 

         37.    Vu les antécédents et le cours qu'a suivi la plainte, lesquels figurent dans les points précédents, la Commission a examiné les conditions de recevabilité de l'affaire dans les termes suivants:

 

         38.    La Commission pourra connaître d'une affaire dont elle est saisie, pourvu que, prima facie, celle-ci réunisse les conditions formelles de recevabilité énoncées aux articles 46 de la Convention et 32 du règlement de la Commission.

 

         39.    La compétence ratione loci habilite la Commission à connaître des requêtes concernant des violations des droits de l'homme qui affectent une personne soumise à la juridiction d'un Etat partie à la Convention américaine. Considérant que les faits contenus dans la plainte en question se sont déroulés sur le territoire de la République de l'Equateur, Etat partie à la Convention depuis le 28 décembre 1977, cela autorise la Commission à connaître de l'affaire Camacho Arboleda.

 

         40.    In casu, la plainte déposée par les requérants concerne des faits qui sont caractéristiques d'une violation présumée des droits à la liberté, aux garanties judiciaires et à la protection judiciaire de M. Camacho Arboleda, droits reconnus dans les articles 7, 8 et 25 de la Convention américaine relative aux droits de l'homme, et par conséquent ils sont du ressort ratione materiae de la Commission, conformément aux articles 44 et 47 (b) dudit instrument international.

 

         41.    La  Commission considère qu'il n'y a aucune raison pour alléguer que la plainte est manifestement mal fondée, attendu que les requérants ont prouvé que la violation présumée est imputable à un organe ou agents de l'Etat, ainsi que l'établit l'article 47 (c) de la Convention. Dans les paragraphes où est analysé l'épuisement des ressources internes, il est signalé que les violations présumées seraient le résultat d'actions ou d'omissions commises par des fonctionnaires du pouvoir judiciaire de l'Equateur.

 

         V.2.   Epuisement des voies de recours internes

 

         42.    Lorsque la présente affaire était en instance devant la Commission, l'Etat a allégué que les voies de recours internes n'avaient pas été épuisées; c'est pourquoi, le Commission analysera en premier cette condition de recevabilité.

 

         43.    La question de l'épuisement des voies de recours de la juridiction interne est établie à l'article 46.1 (a) et (b) de la Convention américaine, lequel est transcrit ci-après:

 

         1.      Pour qu'une requête ou une communication présentée conformément aux articles 44 ou 45 soit admise par la Commission, il faudra:

 

                 a.      Que tous les recours de la juridiction interne aient été interjetés et épuisés, conformément aux principes du Droit international généralement acceptés;

 

                 b.      Qu'elle soit présenté dans les six mois à compter de la date où la partie présumée lésée dans ses droits aura été notifiée de la décision définitive.

 

         44.    La Convention américaine relative aux droits de l'homme prévoit, également, à l'article 46.2, trois exceptions à l'épuisement des voies de recours internes, et ce sont celles qui sont indiquées ci-après:

 

         2.      Les dispositions des alinéas 1 (a) et 1 (b) du présent article ne s'appliqueront pas dans les cas suivants:

 

                 a.      Il n'existe pas, dans la législation interne de l'Etat considéré une procédure judiciaire appropriée pour la protection du droit ou des droits dont la violation est alléguée;

 

                 b.      l'individu qui est présumé lésé dans ses droit s'est vu refuser l'accès des voies de recours internes ou a été mis dans l'impossibilité de les épuiser, ou

 

                 c.      il y a un retard injustifié dans la décision des instances saisies.

 

         45.    L'article 37 du règlement de la Commission ajoute que: "Lorsque le requérant affirme qu'il est impossible de vérifier la condition prévue à cet article, il incombera au gouvernement contre lequel est dirigée la requête de prouver à la Commission que les voies de recours internes n'ont pas été épuisées au préalable, sauf si cela s'infère clairement des antécédents contenus dans la requête." Dans ce même ordre d'idées, la Cour interaméricaine a signalé au nombre des exceptions préliminaires dans l'affaire Velásquez Rodríguez, ce qui suit: "... il incombe à l'Etat qui invoque le non épuisement des voies de recours internes de signaler celles qui doivent être épuisées et leur effectivité[4]. Ainsi, conformément au principe onus probandi incumbit actoris, l'Etat est dans l'obligation de démontrer que ces recours n'ont pas été épuisés, ou à défaut, de signaler quels recours doivent encore être épuisés ou pour quels motifs ils n'ont pas eu d'effets.

 

         46.    Dans l'affaire qui est examinée ici, l'Etat équatorien a signalé que les voies de recours internes n'avaient pas été épuisées, lorsqu'il a informé la Commission au sujet des dernières procédures judiciaires et déclaré que: "dans la présente affaire, la deuxième Chambre de la Cour supérieure de Quito a statué le 24 janvier 1995, confirmant la décision absolutoire rendue en faveur de Camacho Arboleda et, d'après l'article 401 du Code de procédure pénale, le jugement a été confirmé" et " conformément à l'article 385 et suivants du texte légal précité, seuls la personne qui a été jugée ou le tribunal peuvent, respectivement, interjeter ou ordonner d'office le recours en révision."

 

         47.    En effet, l'Etat signale que le 24 janvier 1995 a été rendu le jugement d'acquittement en faveur de M. Camacho Arboleda, qui a été mis en liberté au mois de février 1995. Il omet toutefois de parler du délai de cinq ans qui s'est écoulé entre l'arrestation de M. Camacho Arboleda et la décision définitive de la Cour, ce qui constitue un retard injustifié dans l'administration de la justice, tel qu'il est prévu dans  l'exception à l'épuisement préalable des voies de recours internes  établie à l'article 46.2 (c) de la Convention et à l'article 37.2 (c) du règlement de la Commission.

 

         48.    Par ailleurs, en ce qui concerne la prétention qu'allègue la victime d'obtenir une indemnisation pour le préjudice qui lui a été causé du fait de son incarcération injustifiée pendant cinq ans, l'Etat indique que le recours en révision, conformément à l'article 385 du Code de procédure pénale, n'a pas été épuisé. Cependant, les requérants signalent qu'il est impossible d'épuiser ledit recours, attendu que l'article 385 ne s'applique que dans le cas de révocation de jugements de condamnation, ce qui n'est la situation dont il est question ici.

 

         49.    La Cour interaméricaine des droits de l'homme a déclaré à cet égard que: "... lorsqu'on invoque certaines exceptions à la règle de non épuisement des voies de recours internes, comme par exemple l'inefficacité de ces recours ou la non existence de la procédure légale pertinente, non seulement on allègue que la victime n'est pas obligée d'interjeter ces recours mais, indirectement, on impute à l'Etat concerné une nouvelle violation des obligations auxquelles il a souscrit par le biais de la Convention. Dans ces circonstances, la question des recours internes se rapproche sensiblement de la question de fond".[5]  Selon ce qu'indiquent les requérants, l'interjection des recours internes dans l'affaire Camacho Arboleda n'aurait aucun résultat, attendu que la procédure légale pertinente pour la protection du droit ou des droits imputés n'existe pas dans la législation interne de l'Equateur et que cela laisserait la victime sans aucune défense, et c'est pourquoi la Commission doit continuer à connaître de la présente affaire.

 

         50.    La Commission estime qu'à ce stade de l'analyse, la question du non épuisement des voies de recours internes est liée à la question de fond, étant donné que les requérants allèguent l'absence d'une législation interne permettant à la victime d'avoir accès à un recours pour la protection de ses droits qui ont été violés. C'est pour ce motif que la Commission, se fondant sur l'exception prévue à l'article 46.2 (a) concernant l'épuisement des voies de recours internes continuera à donner cours à cette affaire et, en temps opportun, elle se prononcera sur le fond de la question qui a fait l'objet de la plainte.

 

         V.3.   Interjection de la requête dans les délais établis par la Convention

 

         51.    En ce qui concerne le délai (ratione temporis), ainsi que l'indique la Convention à l'article 46 (b), envisagé conjointement avec l'article 38 du règlement de la Commission, la requête doit être présentée dans les six mois à compter de la date où le contenu de la décision définitive (res judicata) aura été notifiée au requérant.

 

         52.    La Commission considère que le délai de six mois prévu par l'article 38 (1) du règlement de la Commission pour le dépôt de la plainte devant la Commission, à compter de la date où la partie présumée lésée dans ses droits a été notifiée de la décision définitive, ne s'applique pas ici, puisque cette affaire entre dans l'exception prévue à l'article 37.2 (a) du règlement de la Commission, lequel établit ce qui suit:

 

         Les dispositions concernant l'épuisement des voies de recours internes ne s'appliqueront pas lorsque:

 

         a.      Il n'existe pas, dans la législation interne de l'Etat considéré, une procédure judiciaire pour la protection du droit ou des droits dont la violation est alléguée.

 

         53.    Dans une telle circonstance, le règlement établit à l'article 38.2 que le délai consenti sera "un laps de temps raisonnable", fixé par la Commission, à compter de la date où se sera produite la violation présumée des droits en question, en tenant compte des circonstances de chaque affaire en particulier.

 

         54.    Vu ce qui a été exposé ci-dessus, la Commission a compétence pour continuer à donner suite à la présente affaire.

 

         V.4.   Duplicité des procédures à l'échelon international

 

         55.    La Commission considère que l'affaire Camacho Arboleda n'est pas en instance devant une autre procédure de règlement international, attendu que cette exception n'a pas été invoquée par les parties et ne s'infère pas non plus des antécédents contenus dans la requête. La matière de cette plainte ne fait pas non plus double emploi avec une requête à propos de laquelle la Commission ou un autre organe international ont déjà statué en vertu de l'article 47 (d) de la Convention et de l'article 39.1 (a) et (b) du règlement, et en conséquence, la Commission ne décline pas sa compétence pour connaître de la présente plainte.

 

VI.     PROPOSITION DE REGLEMENT AMIABLE

 

         56.    La Commission considère que les faits qui sont à l'origine de la plainte sont, de par leur nature, susceptibles d'être résolus par la procédure de règlement amiable prévue à l'article 48.1 (f) de la Convention et à l'article 45 du règlement de celle-ci, et en conséquence elle se met à la disposition des parties afin d'aboutir dans cette affaire à une solution amiable, fondée sur le respect des droits de l'homme.

 

         57.    Considérant ce qui a été exposé ci-dessus,

 

LA COMMISSION INTERAMERICAINE DES DROITS DE L'HOMME,

 

DECIDE:

 

         58.    De déclarer recevable l'affaire 11.515 concernant M. Bolívar Franco Camacho Arboleda.

 

         59.    De se mettre à la disposition des parties afin de rechercher une solution amiable à cette affaire, fondée sur le respect des droits de l'homme reconnus dans la Convention américaine relative aux droits de l'homme. A cet effet, les parties devront exprimer à la Commission leur intention d'engager la procédure de règlement amiable, dans les trente jours qui suivront la notification du présent rapport.

 

         60.    De publier le présent rapport de recevabilité dans le Rapport annuel à l'Assemblée générale de l'OEA.

 


     [1] Dans le dossier de la CIDH figure une copie de la communication adressée en date du 6 avril 1992 au juge du deuxième tribunal criminel de Pichincha par le juge du onzième tribunal criminel de Pichincha, à laquelle est jointe la commission rogatoire demandant que soient pratiquées les procédures suivantes: analyse chimique du stupéfiant, le recueil de la déposition du prévenu et l'examen psychosomatique de M. Camacho Arboleda, relatives à l'action pénale qui était en instance dans son cabinet, afin qu'il veuille bien ordonner en temps opportun leur exécution.

     [2]  Le rapport d'enquête est compris dans l'arrêt de mise en cause.

      [3]  Requête ou pétition.

     [4]  Cour interaméricaine des droits de l'homme, Affaire Velásquez Rodríguez, sentence du 26 juin 1987, paragraphe 88, page 38.

     [5]  Ibid., paragraphe 91, page 40.