RAPPORT No 47/96
AFFAIRE 11.436
VICTIMES DU NAUFRAGE DU REMORQUEUR "13 DE MARZO" CONTRE CUBA
16 octobre 1996

I.        HISTORIQUE

          1.       Le 19 juillet 1994, la Commiyssion interaméricaine des droits de l'homme a reçu une plainte selon laquelle le 13 juillet 1994, au petit matin, quatre navires appartenant à l'Etat cubain et équipés de lances à eau ont attaqué un vieux remorqueur qui fuyait Cuba avec 72 personnes à bord.  Les faits se sont produits à sept milles de distance des côtes cubaines, en face du port de la ville de La Havane.  La plainte indique aussi que les embarcations de l'Etat cubain ont abordé avec leur proue le remorqueur fugitif dans l'intention de le faire couler, en même temps qu'elles inondaient d'eau sous pression toutes les personnes qui se trouvaient sur le pont du bâtiment, dont des femmes et des enfants.  Les supplications des femmes et des enfants qui demandaient que cesse l'attaque ont été sans effet, et la vieille embarcation, appelée "13 de Marzo", a sombré, causant 41 morts, dont 10 mineurs.  Trente-et-une personnes ont survécu à l'incident du 13 juillet 1994.

          2.       Le 28 février 1995, la Commission interaméricaine des droits de l'homme a reçu une autre plainte portant sur les mêmes faits, qu'elle a groupés dans le dossier No. 11.436, conformément à l'article 53 de son Règlement.

II.       INSTRUCTION DEVANT LA COMMISSION

          3.       Par note du 7 mars 1995, la Commission a entrepris l'instruction de l'espèce et a demandé au gouvernement de Cuba de lui fournir des informations pertinentes au sujet des faits objet de ladite communication, ainsi que tout élément de jugement permettant de voir si, en l'espèce, on avait épuisé les recours de la juridiction interne.

          4.       Par note en date du 23 mars 1995, la Section des intérêts du gouvernement de Cuba a remis à la Commission copie de l'intervention du Président Fidel Castro devant les médias cubains, ainsi qu'un communiqué officiel du Ministère de l'intérieur qui fait allusion aux faits qui se sont produits le 13 juillet 1994.

          5.       Les documents précités ont été remis aux requérants le 30 mars 1995.  Pour leur part, les requérants ont fait parvenir leurs observations le 4 mai 1995, lesquelles furent transmises à la Section des intérêts cubains le 10 mai de la même année.

          6.       Les requérants ont demandé à être entendus par la Commission interaméricaine des droits de l'homme durant sa 90e session ordinaire.  La Commission a donc envoyé aux requérants et aux représentants de la Section des intérêts du gouvernement de Cuba une invitation à exposer leur allégations au sujet des faits de la présente affaire.  Cette audience a eu lieu le 7 septembre 1995.  Les requérants — Movimiento Cuba 21 — étaient représentés par les licenciés Sergio Ramos et Guillermo Toledo, le Dr Belquis Rodríguez et M. Jay Fernández.  La Commission interaméricaine des droits de l'homme a également entendu les témoignages de deux survivants, Arquímedes Lebrigio et José Alberto Fernández.  La Section des intérêts de Cuba ne s'est pas fait représenter.

          7.       Les déclarations que les requérants ont faites durant cette audience ont été transmises par écrit à la Commission le 31 août 1995.  Pour sa part, par note du 20 septembre de la même année, la Commission a transmis ces documents à la Section des intérêts du gouvernement cubain, en lui donnant 60 jours pour faire parvenir ses observations les concernant.

          8.       Le 2 février 1996, les requérants ont demandé à la Commission interaméricaine des droits de l'homme de présenter, conformément à l'article 53 de son règlement, un rapport contenant ses conclusions.

          9.       Par communication du 27 mars 1996, la Commission a renouvelé sa demande d'information auprès du gouvernement de Cuba, en lui accordant un délai de 30 jours.

          10.     La Commission interaméricaine des droits de l'homme a approuvé le Rapport confidentiel NO. 16/96 durant sa 92e session ordinaire; ce rapport fut remis au gouvernement de Cuba le 3 mai 1996, pour qu'il formule, dans un délai de trois mois à compter de la date de la remise du document, les observations qu'il jugerait pertinentes.

          11.     Le gouvernement cubain n'a pas répondu au Rapport confidentiel No. 16/96 approuvé par la Commission interaméricaine des droits de l'homme durant sa 92e session ordinaire.

III.      FAITS DENONCES

           Selon les informations fournies à la Commission interaméricaine des droits de l'homme, les faits seraient les suivants:

          A.      Naufrage du remorqueur "13 de Marzo"

          12.     Le 13 juillet 1994, aux alentours de 3 heures du matin, 72 personnes de nationalité cubaine qui tentaient de quitter l'île en direction des Etats-Unis ont pris la mer sur un vieux remorqueur appelé "13 de Marzo", qui est sorti du port de la ville de La Havane.  L'embarcation employée pour la fuite appartenait à la Empresa de Servicios Marítimos du Ministère des transports.

          13.     Selon des témoins oculaires qui ont survécu au naufrage, le remorqueur "13 de Marzo" venait à peine de sortir du port cubain qu'il a commencé à être poursuivi par deux navires de la même entreprise d'Etat.  Après 45 minutes de voyage, alors que le remorqueur se trouvait à sept milles de distance des côtes cubaines — en un lieu appelé "La Poceta" — deux autres navires appartenant à cette entreprise, dotés de citernes et de lances à eau, sont survenus et ont attaqué le vieux remorqueur. L'embarcation de l'entreprise d'Etat cubaine dénommée "Polargo 2" a bloqué à l'avant le vieux remorqueur "13 de Marzo" tandis que l'autre embarcation, appelée "Polargo 5", l'attaquait par l'arrière et brisait sa poupe.  Les deux autres embarcations de l'Etat se trouvaient aux cotés du remorqueur, qu'elles inondaient d'eau sous pression — atteignant toutes les personnes qui se trouvaient sur le pont — en se servant à cet effet de lances à eau.

          14.     Les cris des femmes et des enfants qui se trouvaient sur le pont du remorqueur "13 de Marzo" n'ont pas fait cesser l'attaque.   L'embarcation a sombré, faisant au total 41 morts.  Beaucoup de personnes ont péri dans le naufrage parce qu'elles avaient dû se réfugier dans la chambre des machines en raison de la forte pression des jets d'eau dirigés contre tous ceux qui se trouvaient sur le pont.  Les survivants affirment également que les membres de l'équipage des quatre navires d'Etat cubains étaient vertus en civil et n'ont pas apporté d'aide durant le naufrage.

          15.     Par la suite, des vedettes des Gardes-frontières de Cuba ont repêché 31 survivants.  Une fois tirés de l'eau, ces derniers furent transportés au poste de garde-côte de Jaimanitas, à l'ouest de La Havane. De là, ils furent transporté au Centre de détention de Villa Marista, qui sert aussi de Quartier général de la Sécurité de l'Etat.  Les femmes et les enfants ont été libérés, tandis que les hommes restaient détenus.

          16.     Les victimes qui ont péri le 13 juillet 1994 sont les suivantes:  Leonardo Notario Góngora (27), Marta Tacoronte Vega (36), Caridad Leyva Tacoronte (36), Yausel Eugenio Pérez Tacoronte (11), Mayulis Méndez Tacoronte (17), Odalys Muñoz García (21), Pilar Almanza Romero (30), Yaser Perodín Almanza (11), Manuel Sánchez Callol (58), Juliana Enriquez Carrasana (23), Helen Martínez Enríquez (6 months), Reynaldo Marrero (45), Joel García Suárez (24), Juan Mario Gutiérrez García (10), Ernesto Alfonso Joureiro (25), Amado Gonzáles Raices (50), Lázaro Borges Priel (34), Liset Alvarez Guerra (24), Yisel Borges Alvarez (4), Guillermo Cruz Martínez (46), Fidelio Ramel Prieto-Hernández (51), Rosa María Alcalde Preig (47), Yaltamira Anaya Carrasco (22), José Carlos Nicole Anaya (3), María Carrasco Anaya (44), Julia Caridad Ruiz Blanco (35), Angel René Abreu Ruiz (3), Jorge Arquímides Lebrijio Flores (28), Eduardo Suárez Esquivel (39), Elicer Suárez Plascencia, Omar Rodríguez Suárez (33), Miralis Fernández Rodríguez (28), Cindy Rodríguez Fernández (2), José Gregorio Balmaceda Castillo (24), Rigoberto Feut Gonzáles (31), Midalis Sanabria Cabrera (19) et quatre autres victimes qui n'ont pas pu être identifiées.

          17.     Les survivants sont les suivants:  Mayda Tacoronte Verga (28), Milena Labrada Tacoronte (3), Román Lugo Martínez (30), Daysi Martínez Findore (26), Tacney Estévez Martínez (3), Susana Rojas Martínez (8), Raúl Muñoz García (23), Janette Hernández Gutiérrez (19), Modesto Almanza Romero (28), Fran Gonzáles Vásquez (21), Daniel Gonzáles Hernández (21), Sergio Perodín Pérez (38), Sergio Perodín Almanza (7), Gustavo Guillermo Martínez Gutiérrez (38), Yandi Gustavo Martínez Hidalgo (9), José Fabián Valdés (17), Eugenio Fuentes Díaz (36), Juan Gustavo Bargaza del Pino (42), Juan Fidel Gonzáles Salinas (42), Reynaldo Marrero Canarana (16), Daniel Prieto Suárez (22), Iván Prieto Suárez (26), Jorge Luis Cuba Suárez (23), María Victoria García Suárez (28), Arquímides Venancio Lebrijio Gamboa (52), Yaussany Tuero Sierra (20), Pedro Francisco Garijo Galego (31), Julio César Domínguez Alcalde (33), Armando Morales Piloto (38), Juan Bernardo Varela Amaro, and Jorge Alberto Hernández Avila (33).

          B.       Refus de l'Etat cubain de recouvrer les cadavres des victimes

          18.     Après le naufrage, les familles des victimes qui avaient péri noyées se sont adressées aux autorités cubaines afin d'obtenir les cadavres qui se trouvaient au fond de la mer.  La réponse officielle fut qu'on manquait de plongeurs spécialisés pour recouvrer les cadavres.

          19.     L'organisation à buts non lucratifs "Hermanos al Rescate" — qui se donne pour mission de secourir les radeaux cubains qui cherchent à échapper de l'île — a demandé au gouvernement cubain l'autorisation de survoler le lieu de l'incident, afin d'aider à recouvrer les cadavres; la demande fut immédiatement repoussée.  A ce jour, aucun cadavre de noyés n'a été recouvré par les autorités cubaines, bien que le remorqueur "13 de Marzo" ait sombré dans les eaux territoriales cubaines.

IV.      MESURES PRISES PAR L'ETAT CUBAIN

          20.     Le 23 mars 1995, la Section des intérêts du gouvernement de Cuba a remis à la Commission interaméricaine des droits de l'homme copie en langue anglaise du Communiqué officiel du Ministère de l'intérieur rendant compte des enquêtes effectuées par l'Etat cubain.  Ce communiqué déclare, dans son intitulé, que le "Ministère de l'intérieur fait connaître l'accident qui est intervenu à cause d'une tentative de sortie illégale du pays".

          21.     Ce communiqué déclare que "les enquêtes effectuées par les autorités [cubaines] à propos des faits qui ont eu lieu au petit matin du 13 juillet [1993], durant lesquels un remorqueur appartenant à la Empresa de Servicios Marítimos du Ministère des transports a sombré à sept milles au nord du port de 'La Havane' a révélé que le naufrage avait été dû à une collision entre ledit remorqueur et un autre navire de la même entreprise qui essayait de le capturer".

          22.     "Le remorqueur "13 de Marzo" avait été volé du quai où il était arrimé par un groupe de personnes.  Avant de prendre le remorqueur, les dirigeants du groupe, qui avaient l'intention de quitter illégalement le pays, ont mis hors d'état le système de communication du port.  Un rapport concernant le remorqueur indique la présence de trous.  Les auteurs de l'incident avaient connaissance de cette avarie et, de façon irresponsable, n'ont pas réparé l'embarcation avant de poursuivre leur fuite".

          23.     "Afin d'arrêter le vol, trois embarcations de la Empresa de Servicios Marítimos du Ministère des transports (MITRANS) ont essayé d'intercepter le remorqueur.  C'est ainsi qu'a eu lieu de regrettable accident qui a causé le naufrage du remorqueur [13 de Marzo].  Deux unités des garde-cote qui patrouillaient la zone proche du lieu de l'incident sont immédiatement venues assister les trois embarcations de MITRANS pour une opération de sauvetage des victimes du naufrage".

          24.     "En raison des conditions de navigation et de l'état de la mer (Force 3) aux petites heures du matin, seulement 31 personnes ont été sauvées.  Les survivants du naufrage ont été amenés à l'entrée du port, où ils ont reçu des soins médicaux.  Les autres membres du groupe ont disparu.  Le principal dirigeant a été emprisonné".

          25.     "Une fois de plus, ce regrettable incident prouve comment des éléments peu scrupuleux mettent en danger la vie de nombreuses personnes, femmes et enfants compris, qui veulent émigrer illégalement de notre pays pour être reçues comme des héros aux Etats-Unis, malgré que les autorités américaines — comme nous le savons tous — leur refusent des visas pour voyager de façon normale".

V.      POSITION DES PARTIES

          A.      Le Gouvernement de Cuba

          26.     Par note du 23 mars 1995, le gouvernement de Cuba a remis à la Commission interaméricaine des droits de l'homme copie de l'intervention faite le 5 août 1994 devant les médias cubains par le Président Fidel Castro. Dans cette intervention, le Chef de l'Etat cubain a fait allusion dans les termes suivants aux événements du 13 juillet 1994 "...ils [les Etats-Unis] veulent ruiner à tout prix les efforts économiques du pays, dans le cadre de leur plan général de destruction de la Révolution.  Les émissions de radio, la propagande subversive, tout cela est dirigé du dehors et encouragé de l'extérieur.  Mais certainement c'est un fait concret, ce phénomène ne s'est peut-être jamais manifesté avec autant de clarté que durant ces dernières semaines; à partir de l'accident du remorqueur 13 de Marzo.  Je crois que c'est à l'occasion de cet accident que le gouvernement des Etats-Unis a eu la conduite la plus infâme et la plus grossièrement cynique".

          27.     "(...) Dès qu'on a eu connaissance de l'accident du remorqueur, on a effectué aussitôt une enquête profonde et exhaustive, en utilisant les informations fournies par les survivants, les rescapés, ce que disaient chacun d'eux; on a utilisé les informations que fournissaient certains responsables de la saisie du navire; les informations minutieuses et détaillées que fournissaient chacun de ceux qui se trouvaient sur les remorqueurs à propos de tout ce qui s'était produit et, à mesure qu'on en avait connaissance, on le faisait savoir.  Trois informations ont été données, au fur et à mesure qu'on obtenait plus de renseignements, pour savoir exactement ce qui s'était passé. (...) et ce sont eux, les travailleurs des remorqueurs qui, dès qu'ils se sont rendus compte qu'on avait pris le remorqueur — il s'agit du larcin, du vol du remorqueur — ils se sont mobilisés à toute vitesse pour empêcher qu'on ne prenne le remorqueur.

          28.     "Ceux qui ont pris le remorqueur avaient des complices, en particulier celui qui avait la clé du cadenas, et le patron de l'autre remorqueur.  Ils ont détruit les communications, et les ouvriers des remorqueurs n'ont même pas eu l'occasion de communiquer avec les gardes frontière; les gardes frontière s'en sont rendu compte plus tard.  Tout cela s'est passé en une heure 20 minutes, environ, depuis la sortie de l'embarcation jusqu'au naufrage.  Ils se sont efforcés d'empêcher le départ, et l'embarcation volée s'est heurtée à l'une des embarcations qui essayait de l'empêcher de sortir de la baie, et ce remorqueur et les autres ont continué d'essayer d'arrêter le remorqueur d'une façon ou d'une autre, d'empêcher qu'on le vole.  Les gardes frontière, informés après, ont reçu des instructions d'aller jusqu'à l'endroit où se produisait l'incident, mais tout cela a eu lieu assez rapidement".

          29.     "On sait parfaitement ce qui s'est passé: un navire s'est placé en avant pour essayer de réduire la vitesse, un autre en arrière, un autre l'a accosté, mais aucun équipage n'avait l'intention de faire sombrer le bateau.  Ils essayaient quelque chose de très difficile, réellement, retenir un navire.  Tout cela s'est passé de nuit, durant une nuit sombre, une forte mer; dans ces conditions, ils essayaient d'éviter le danger, en attendant qu'arrivent les patrouilles des gardes frontière.  C'est ainsi qu'est arrivé l'accident; le navire qui se trouvait à l'arrière a heurté la poupe — et les marins et tous ceux qui s'occupent des choses de la mer savent que cela est parfaitement possible — et c'est ainsi que c'est produit le choc qui a donné lieu au naufrage; c'est comme ça que ça s'est passé, ce fut vraiment un accident, et c'est ce qu'ont révélé les autorités, après une enquête approfondie, le Ministère de l'intérieur a enquêté et il n'y a pas eu la moindre intention de faire sombrer le navire.  Qu'allons-nous faire avec ces travailleurs qui ne voulaient pas qu'on vole leur navire, qui ont fait un effort véritablement patriotique, pour qu'on ne leur vole pas leur navire ? Qu'allons-nous leur dire?  Ecoutez, laissez ceux qui volent le navire, ne vous inquiétez pas pour le navire et il faut essayer — ce n'est pas leur travail — qu'on ne leur vole pas leur navire".

          30.     "Les gardes frontière n'ont rien eu à voir, ils sont arrivés là quelques minutes après l'accident.  Les remorqueurs qui essayaient d'empêcher le vol ont pris les ceintures de sauvetage dont ils disposaient, il y en avait peu.  Ceux qui étaient montés sur un remorqueur qui faisait eau, dans de très mauvaises conditions pour s'en servir; ils ont été extraordinairement irresponsables, ce remorqueur aurait sombré, même si on le l'avait pas heurté".

          31.     "Ils avaient peu de ceintures de sauvetage — ces remorqueurs sont de petite taille, ils ont peu d'hommes d'équipage — ils jettent les ceintures de sauvetage qu'ils possèdent et les retirent, y compris certaines personnes et au prix d'un certain danger, parce qu'il y avait le danger qu'ils prennent leurs propres remorqueurs.  Sont arrivées les patrouilles Griffing, qui avaient beaucoup plus de moyens, beaucoup plus de ceintures de sauvetage, beaucoup plus d'expérience, et ils ont retiré 31 personnes de l'eau.  Mais il y a eu dans tout cela un accident lamentable, désagréable, misérable.  Nous sommes tous désolés que cela soit arrivé".

          32.     "Le comportement des ouvriers a été exemplaire, on ne peut pas dire le contraire, parce qu'ils essayaient qu'on ne leur vole pas leur navire. Qu'allons-nous leur dire maintenant, qu'ils laissent voler leur navire, leur gagne-pain?  Le comportement des gardes frontière a été impeccable, ils ont sauvé 25 vies.  Eh bien, c'est ça qui s'est passé et aussitôt qu'on a eu des informations, on a donné d'autres détails.  Trois informations ont rendu compte de ce qui s'était passé.  Néanmoins, l'accident du remorqueur est devenu la matière première d'une terrible campagne contre notre pays, il s'est transformé en matière première d'une campagne répugnante de calomnies, véritablement répugnante, et le gouvernement des Etats-Unis y a participé de façon délibérée parce que, alors, sans vérifier davantage ce qui s'était passé et comment ça s'était passé, on a accusé les autorités cubaines d'avoir fait sombrer le navire.  Avec une perfidie incroyable, ils disaient:  "Des embarcations gouvernementales".  Dans un Etat socialiste, tout appartient à l'Etat; les autobus, les trains, les navires, les vaisseaux marchands, les remorqueurs, mais ce sont des civils qui les font marcher, et les autorités y étaient représentées, essentiellement, par les patrouilles de gardes frontière.

          33.     "Mais je pense que c'est plus perfide de dire que les embarcations étaient "gouvernementales", parce qu'on voulait signifier ainsi que le naufrage du bâtiment était la responsabilité de l'Etat.  En outre, ils font des déclarations, ils s'agitent au Sénat, déclarent qu'il s'agissait d'actes de force brutale, ils disent "brutale", tout cela est gratuit, alors que les autorités, réellement, avaient sauvé 25 vies.  Pourquoi fait-on tout cela?  On l'a dit, non seulement ils ont fait une campagne de diffamation, mais ils ont saisi les Nations Unies du problème, dans le cadre et le moule de ce qu'ils font, pour essayer d'intervenir dans les pays en se servant de ces organismes internationaux.  L'idée est claire, ils ont l'intention, en commençant ici, de continuer à agir".

          34.     "Les gardes frontière ont reçu du Ministère de l'intérieur tous les conseils nécessaires au sujet de la façon dont ils doivent agir pour éviter des incidents, éviter dans toute la mesure du possible l'usage des armes; c'est vraiment ce qu'on leur a dit: "N'employez pas les armes". Mais, réellement, demander à une patrouille de retenir un navire de nuit, quand il a une certaine dimension, est chose pratiquement impossible".  "Les gardes frontière ont reçu de nombreuses instructions sur la façon d'aborder ce problème et, en outre, pourquoi, parce que n'avons pas de besoin particulier d'empêcher un navire de s'en aller".

          35.     "(...) On aura toujours le temps, dans l'histoire, pour exiger de connaître les responsabilités qui incombent à tout un chacun.  Nous exigeons des enquêtes!  Les premiers à effectuer des enquêtes, c'est nous, sans que personne l'exige, et personne ne peut l'exiger de notre part, exiger qu'on fasse en tout cas une enquête de ce genre; mais allons donc, exiger des enquêtes!"

          36.     "Comment nous paie-t-on de nos efforts pour veiller au respect des lois, chaque fois qu'il se produit un accident, en nous accusant d'être des assassins, et même de conserver des cadavres? Ils répandent des mensonges, des rumeurs qu'il y avait des cadavres en réserve, on nous accuse de conserver des cadavres". "Avec ce qu'ils ont fait à propos de l'incident du remorqueur 13 de Marzo, c'est de donner la consigne de voler ici autant de navires qu'ils pouvaient voler.  Effectivement, je crois que ce remorqueur a été volé le 13 juillet.  Mais déjà, le 26 juillet, on a volé une chaloupe, une de celles qui transportaient les passagers de Casablanca à Regla, à raison de 10.000 à 12.000 personnes par jour".

          B.       les requérants

          37.     Dans leur réponse du 4 mai 1995, les requérants ont déclaré, en particulier, que "les personnes qui essayaient de sortir de Cuba se sont rendues directement dans le remorqueur "13 de Marzo", sans rien faire d'autre.  L'allégation selon laquelle ils auraient endommagé les systèmes de communication de la Empresa Mambisa de Navigacion est fausse.  Tous les systèmes de communication de la Empresse sont intacts.  Qui plus est, les autres remorqueurs avaient des systèmes des communication par radio intacts et ils étaient sous le contrôle d'éléments gouvernementaux qui en assuraient le fonctionnement.  Cela veut dire qu'ils ont pu effectivement informer les autorités et recevoir des instructions de leur centre de commandement, ou des services de surveillance côtière et navale de Cuba.

          38.   "Juste au moment de sortir, ceux qui voyageaient sur le 13 de Marzo ont observé deux des remorqueurs, dans l'obscurité, des deux côtés de la sortie de la Baie de La Havane.  Les survivants déclarent qu'aussitôt ils les ont dépassés, ils les ont poursuivi en les arrosant avec leurs lances à eau pour les inonder et les faire sombrer.  Il faut noter la rapidité de la réaction des autres remorqueurs.  Cela veut dire que leur équipage de base se trouvait déjà à bord et se préparait à lever l'ancre.  Observez que Castro lui-même reconnait et admet que, à l'entrée de la baie, il y avait un remorqueur qui essayait d'empêcher la sortie et que les autres ont continué à essayer de nous arrêter.  Castro lui-même dit que tout l'incident, depuis la sortie jusqu'au sauvetage des victimes à 7 milles des cotes cubaines, a pris une (1 ) heure vingt (20) minutes.  Ceci appuie la théorie de la préparation préalable des autres navires, c'est-à-dire qu'il y avait un guet et que l'Etat cubain connaissait à l'avance le projet de fuite et voulait donner une leçon pour éviter que la population continue de se saisir d'embarcations pour s'enfuir du pays à la recherche de la liberté.  Le massacre a été prémédité".

          39.   "L'un des actes dénoncés par tous les survivants est le fait que, presque immédiatement après que le remorqueur soit sorti de l'entrée de la Baie de La Havane, les deux remorqueurs de fabrication polonaise, de plus grand tirant d'eau et construits en fer, ont commencé à inonder le vieux remorqueur "13 de Marzo" pour essayer de le couler.  Castro affirme que ce dernier faisait eau.  C'est vrai, les équipages des autres remorqueurs le savaient; alors, pourquoi ont-ils ont déversé de l'eau si ce n'est pour le faire couler plus rapidement?  Ce n'est pas la façon d'arrêter un navire en fuite, comme l'affirme Castro, mais le faire couler."

    40.  "Les remorqueurs poursuivants étaient neufs, plus grands, en fer et plus rapides.  Le remorqueur en fuite, le "13 de Marzo",  était vieux, construit durant les années 40, plus lent, plus petit et en bois.  Il était logique qu'il avait tout à perdre dans une collision provoquée et intentionnelle avec les remorqueurs qui le poursuivaient". "Castro parle d'un 'choc' à  la sortie de la baie et d'un autre en haute mer.  Or, les survivants déclarent que le "13 de Marzo" est entré plusieurs fois en collision avec divers remorqueurs qui le poursuivaient.  Janet Hernández, une survivante, nous dit dans son témoignage que les remorqueurs du MININT ont commencé à les attaquer latéralement.  C'est à sept milles des cotes cubaines que, après avoir perdu le capitaine qui était tombé à la mer sous l'effet des jets d'eau, l'un des fugitifs a arrêté les moteurs du navire.  C'est alors que le plus gros des remorqueurs qui les poursuivaient a attaqué le "13 de Marzo" à la poupe, qui s'est fendue; et, après, il est revenu à la charge et l'a heurté à la proue, ce qui a causé le naufrage. Si ça avait été un accident fortuit, il n'y aurait eu qu'un seul choc, et non pas deux heurts violents, séparés par un intervalle de temps.  En outre, quiconque a les moindres notions de navigation et de logique peut se rendre compte que les objets qui se trouvent dans l'eau ne s'arrêtent pas subitement, mais peu à peu.  Ce fut donc un 'collision' à laquelle on n'a pu échapper.  Cette multiplicité de coups et de navires attaqueurs montre bien que le naufrage a été intentionnel"

          41.     "On sait très bien que les zones côtières en face de la Baie de La Havane sont constamment patrouillées par des torpilleurs rapides de fabrication soviétique, type p-4, p-6 ou par des canonnières de type "TURYA" (communément appelées Griffing).  Ces navires sont capables d'atteindre jusqu'à 40 à 50 noeuds. Si, comme le dit Castro, ils sont apparus sur la scène et sont restés à distance, pourquoi ne sont-ils pas intervenus rapidement pour arrêter l'agression des remorqueurs.  C'est ce qui ressort du récit des survivants et montre la complicité des autorités militaires dans ce spectacle macabre."

          42.     "Le récit des survivants montre que, malgré les prières des victimes, qui demandaient qu'ils cessent de s'acharner pour les faire couler, en leur montrant les enfants qui se trouvaient à bord, ils ont continué leur macabre persécution en inondant le pont, au point d'obliger les femmes et les enfants à se réfugier dans les cabines, sous peine d'être jetés à la mer sous la pression des jets d'eau.  C'est ainsi qu'ils ont attrapé 40 personnes, dont 23 enfants.  S'ils avaient pu rester sur le pont, beaucoup d'entre eux auraient pu être sauvés".

          43.     "Les survivants déclarent aussi que ceux qui ont pu se jeter à l'eau n'ont pas reçu d'aide de la part des remorqueurs.  Au contraire, ceux-ci ont commencé à tourner rapidement autour des naufragés pour créer des remous et les noyer.  Les survivants déclarent qu'il leur fallut attendre l'arrivée du patrouilleur "Griffing" et d'une autre vedette pour être retirés de la mer.  Les remorqueurs sont restés impassibles à regarder ceux qui se noyaient et à s'amuser du spectacle dantesque, oeuvre de leur vilenie".

          44.     " Il faut indiquer que les rescapés et/ou les survivants furent amenés aux bureaux de la police de Castro, au Département de la sécurité de l'Etat, dans le sombre centre de tortures qui s'appelle 'Villa Marista'. Néanmoins aucun agresseur ne fut puni ou traduit en justice malgré le crime qu'il avait commis.  Le lendemain, les femmes ont été mises en liberté, mais pas les hommes. Comme nous l'avons dit dans le rapport que nous vous avons fait parvenir, ces femmes ont dénoncé ce qui s'était passé à la presse internationale".

          45.     "Quelques jours plus tard, le gouvernement cubain a affirmé qu'il ne pouvait effectuer des plongées pour enquêter à propos de l'attaque du navire naufragé, ni rechercher les cadavres, car il n'avait ni le matériel ni le personnel nécessaires.  Nous réfutons cette allégation car les services armés de Cuba comportent des unités d'hommes grenouilles très bien entraînés par l'ex-Union soviétique. Il a également refusé l'offre d'exilés cubains qualifiés et a même empêché le groupe d'auxiliaires appelé Hermanos al Rescate de s'approcher du lieu de l'incident pour aider à retrouver les victimes et les cadavres."

          46.     " Dans sa déclaration publique, Castro lui-même protège les assassins en déclarant qu'ils ont agi dans un grand esprit patriotique et affirme qu'aucun membre des équipages n'avait l'intention de faire couler le navire.  Il faut dire ici que, s'il n'y a pas eu assassinat, il y a eu alors négligence; or, aucun agresseur n'a été poursuivi en justice; qui plus est, ils ont été justifiés et applaudis par le chef de l'Etat cubain.  Le Code pénal de Cuba reconnait que l'imprudence ne peut excuser la commission d'un délit (article 48), qui doit faire l'objet de sentences allant de 5 jours à 8 ans".

          47.     "Si on évalue les faits à la lumière du Code pénal de Cuba en vigueur, il ressort que les auteurs de ces actes ont commis les délits de dégâts (article 195), de non observation des règles de navigation ou de transport moderne (article 209), d'assassinat (article 316), de délit contre le droit international (article 123) et surtout de génocide (article 124, alinéa 2)".

          48.     "Dans sa déclaration, Castro affirme que c'est une perfidie que de dire que les embarcations appartenaient à l'Etat;  ce qu'on veut dire par là, dit-il, c'est que le naufrage est la responsabilité du gouvernement ; or, l'équipage se composait de civils.  Avec cet argument, le chef de l'Etat cubain prétend expulser son gouvernement. Or, il convient de voir la façon dont sont organisées les structures de l'Etat pour se rendre compte que toute activité relève du contrôle centralisé de l'Etat".

          49.     "Selon la Constitution politique socialiste de 1976, les moyens de production appartiennent à l'Etat (articles 15, 16 et 17) et l'économie est centralisée. Toute personne qui travaille pour les entreprises d'Etat est un employé du gouvernement.  Dans chaque entreprise d'Etat, on trouve deux sortes de contrôles: a) le contrôle administratif, assuré par l'administrateur, et b) le contrôle politique, qui est la responsabilité du secrétaire du parti communiste de chaque entreprise.  Le parti communiste est le seul parti légal du pays (article 5 de la Constitution).  Un troisième élément important dans les entreprises est la présence d'éléments de la police de sécurité relevant du parti. Il s'agit d'agents ou d'informateurs du Département de la sécurité de l'Etat".

          50.     " D'autres choses dont Castro ne parle pas, c'est que certaines entreprises sont rangées dans la catégorie des entreprises stratégiques et sont donc des réserves militaires des Forces armées révolutionnaires, par exemple l'Aviation civile et les Transports maritimes.  Les entreprises maritimes de navigation sont des réserves des forces armées, et ont de puissants liens de coordination et de dépendance avec les organismes de sécurité et les forces armées de l'Etat cubain".

          51.     "Il est intéressant de noter que les survivants identifient les remorqueurs agresseurs comme appartenant au MININT (Ministère de l'intérieur).  Ce ministère s'occupe des questions de police, de sécurité de l'Etat et des organismes de répression de l'Etat cubain.  Cela prouve que le crime a été commis par les forces de répression de la dictature.  Qui plus est, le centralisme est une des caractéristiques du système.  Aucune décision importante ne peut être prise sans l'approbation de Castro ou d'un organisme d'Etat de rang élevé.  La présente affaire ne fait pas exception, vu la présence d'un guet et le genre d'organisme participant.  L'incident a dû être organisé et dirigé par des organismes supérieurs de l'Etat".

          52.     "Certains éléments de comportement fournissent la preuve de cet argument.  L'Etat cubain a pour habitude, quand il s'agit de répudier ou d'agresser des opposants (Voir l'affaire de la poétesse Elena Cruz Varela) d'employer des agents du Département de sécurité de l'Etat en vêtements civils, conjointement avec des cadres du parti communiste et de l'Union des jeunes communistes.  Cette attaque contre des civils sans défense fut organisée, orchestrée et dirigée par le parti communiste et la Sécurité de l'Etat, avec la participation directe des deux éléments."

          53.     "Durant l'audience du 7 septembre 1995 devant la Commission interaméricaine des droits de l'homme, les requérants ont indiqué en particulier que "Nous n'avons aucun doute que, au petit matin du 13 juillet 1994, les 72 personnes qui étaient sorties de la baie de La Havane après s'être emparées du vieux remorqueur de bois pour fuir Cuba à la recherche de la liberté qui leur était refusée ont été poursuivies et que leur embarcation a été heurtée par trois autres remorqueurs plus modernes du gouvernement cubain; cet incident a eu lieu après qu'ils soient sortis de la baie.  Alors qu'ils effectuaient leurs manoeuvres, ils arrosaient de puissants jets d'eau les personnes qui se trouvaient sur le pont du remorqueur "13 de Marzo", qui les suppliaient, leur disaient qu'il y avait des enfants à bord, leur demandaient de ne pas continuer à les arroser ou à heurter l'embarcation, qu'ils se rendaient et retournaient à Cuba.  En fin de compte, à 7 milles de la cote cubaine, une charge contre la poupe a fait couler le remorqueur "13 de Marzo".

          54.     "Pour compléter le spectacle, les remorqueurs du gouvernement cubain ont tourné autour des personnes qui restaient à flot en causant des remous pour les faire couler et en continuant à les arroser sous pression.  Cet abominable crime est un génocide: 41 morts, dont plusieurs enfants.  Trois heures après l'incident, quelques-uns des 31 survivants ont été recueillis par d'autres embarcations du gouvernement cubain, et non par les remorqueurs.  La première chose qu'a faite le gouvernement cubain, fut de faire prisonniers ces survivants et de relâcher deux jours plus tard les femmes et les enfants.  Il convient de noter le témoignage donné à La Havane après sa mise en liberté par une survivante, M. María Victoria García Suárez.  La station WSCV Canal 51 a pu faire sortir cet interview de Cuba.  Les images télévisées de cette femme qui pleurait et accusait le gouvernement cubain ont ému l'opinion publique.  María Victoria García Suárez, qui se trouve encore à Cuba, a raconté comment elle a perdu son mari, son fils de 10 ans, son frère, trois oncles et deux cousins"

          55.     "Plus tard, d'autres témoins oculaires, par exemple Janet Hernández, qui résidait à Cuba, ont perdu leur peur de la répression gouvernementale et ont dit au monde la vérité sur l'incident.  Il est important d'indiquer à cette Illustre Commission que les témoignages des survivants, donnés à des dates et en des lieux différents, confirment la véracité absolue du crime commis par le gouvernement cubain".

          56.     "La première réaction du gouvernement cubain, par la bouche de son représentant à la Section des intérêts de Washington, D.C., M. Rafael Dausá, a été de qualifier de 'fiction scientifique' les témoignages des survivants.  Le 15 juillet 1994, le gouvernement de Cuba a déclaré, par la voix de M. Dausá, que le remorqueur "13 de Marzo" ne voyageait plus depuis 9 ans en raison de son état extrêmement délabré'. 'Un miracle était impossible' a déclaré M. Dausá. 'Il a coulé à cause de mauvaises conditions techniques.  L'attitude irresponsable de ces pirates a causé l'incident'" (Voir article du Nuevo Herald de Florida, du samedi 16 juillet 1994).

          57. "Le même jour, le 16 juillet 1994, le gouvernement cubain a modifié sa version de la veille en publiant une note du Ministère de l'intérieur faisant savoir qu'une enquête avait révélé que le naufrage du remorqueur "13 de Marzo" était dû à une collision avec un autre remorqueur qui essayait de le rattraper.  Le communiqué déclare aussi que les dirigeants du groupe qui essayait de fuir illégalement de Cuba avaient détruit dans le port les communications de la Empresa de Servicios Marítimos, relevant du Ministère des transports, à laquelle appartenait le remorqueur "13 de Marzo".  Le remorqueur faisait eau et les auteurs de l'incident le savaient; c'est pourquoi ils avaient été irresponsables de ne pas combler la fuite avant de poursuivre leur voyage.  Ils déclarent en outre que, afin d'éviter le vol, trois remorqueurs ont essayé d'intercepter le "13 de Marzo", ce qui a causé le regrettable accident qui s'est soldé par le naufrage".

          58.     "Selon le communiqué du Ministère de l'intérieur, deux embarcations gardes côte en patrouille dans les environs se sont jointes aux trois remorqueurs pour une opération de sauvetage des victimes du naufrage.  Le communiqué se termine en affirmant que de ceux qui fuyaient de Cuba sur le remorqueur "13 de Marzo" étaient coupables de cet 'accident'".

          59.     "Après ce communiqué rendant compte de l'enquête effectuée à propos des faits par le Ministère de l'intérieur, le gouvernement cubain a maintenu un silence officiel sur l'affaire, à l'exception de quelques déclarations du Chef de l'Armée, Raúl Castro, le 26 juillet 1994, qui répétaient la version  officielle afin de prouver que le naufrage avait été un accident.  Le 5 août 1995, le chef du gouvernement cubain, Fidel Castro Ruiz, a tenu une conférence de presse à la suite des manifestations contre son gouvernement qui avaient rassemblé ce jour là à La Havane plus de 30.000 cubains.  Durant cette conférence, il a repris le récit du naufrage du remorqueur et a confirmé la version  du gouvernement.  La transcription de cette conférence a été remise par le gouvernement cubain à cette illustre Commission, avec la brève note relatant l'enquête sur les faits effectuée par le Ministère de l'intérieur cubain".

          60.     "Dans cette conférence, Fidel Castro présente avec plus de détails la version donnée par le gouvernement cubain au sujet de ce qui est arrivé au remorqueur "13 de Marzo". Il déforme certains faits, en omet d'autres et, généralement parlant, dit des mensonges à propos de ce qui s'est véritablement passé.  La première chose qui ressort avec évidence est son affirmation, proprement incroyable, que le gouvernement a effectué une enquête approfondie et exhaustive.  Comment est-il possible de croire que deux jours après les événements, c'est-à-dire en un laps de temps aussi court, le gouvernement ait pu procéder à une enquête approfondie et exhaustive?  Peut-on dire que la note succincte publiée par le Ministère de l'intérieur au sujet de l'enquête est le résultat d'une enquête approfondie et exhaustive?"

          61.     "Qui plus est, le 5 août 1994, quand Fidel Castro a de nouveau parlé du remorqueur "13 de Marzo", 23 jours s'étaient écoulés depuis le naufrage.  Est-il possible que, en 23 jours, on puisse procéder à une enquête approfondie et exhaustive sur un fait aussi considérable que le naufrage de ce remorqueur à 7 milles des cotes cubaines?  Où est le sérieux, la responsabilité et la sensibilité d'un gouvernement et d'un gouvernant qui osent publiquement mentir de cette façon, à propos d'une affaire qui laisse 41 innocents morts au fond de la mer?". "A ce jour, nous n'avons pas vu cette enquête approfondie et exhaustive du gouvernement cubain.  Nous savons qu'il ne s'agit de rien d'autre que d'une question de publicité".

          62.     " Une enquête approfondie et exhaustive aurait conduit à mettre à flot le remorqueur "13 de Marzo" et à remettre les cadavres à leurs familles. Si le gouvernement cubain n'avait pu remettre le remorqueur à flot par ses propres moyens, il aurait pu demander l'aide d'autres gouvernements et d'organisations internationales.  Le gouvernement cubain peut faire encore la preuve de sa bonne volonté et de son 'soi-disant' attachement à la vérité en permettant à des organismes internationaux, comme par exemple cette illustre Commission, de procéder à une enquête indépendante sur le territoire cubain et à l'étranger et en annonçant son intention de remettre le remorqueur "13 de Marzo" à flot.  Cette illustre Commission  doit noter que le gouvernement de Cuba, par la voix du Ministère de l'intérieur et de son gouvernant, dans leur version des faits, garde le silence sur les jets d'eau sous pression que les équipages des trois remorqueurs de poursuite lançaient contre ceux qui fuyaient sur le remorqueur "13 de Marzo".  Il faut demander au gouvernement de Cuba pourquoi il a gardé le silence alors que tous les survivants en parlent.  Est-ce peut-être parce que les gouvernants cubains se sont rendus compte que dire la vérité mettrait en doute leur version selon laquelle le naufrage du "13 de Marzo" fut un accident?".

          63.     "Il faut demander au dirigeant cubain ce qu'il a voulu dire quand il a déclaré que les remorqueurs 'ont continué d'essayer d'arrêter, d'une façon  ou d'une autre, le remorqueur, pour empêcher qu'on le vole...'.  N'est-ce pas là une façon voilée de masquer les faits, pour dire que le remorqueur '13 de Marzo' a été attaqué et qu'on a lancé des jets d'eau contre ses occupants?"

          64.     "Comment est-il possible de croire le gouvernement cubain et son gouvernant quand ils disent que les fugitifs ont détruit les communications de l'entreprise dans le port et que, par conséquent, les gardes frontière sont intervenus après?  Cela donne à entendre que les personnes qui se trouvaient sur les trois remorqueurs de poursuite n'ont pas pu communiquer de la terre avec les gardes frontière parce que sont eux qui ont arrêté le remorqueur en fuite.  Le fait que les gardes frontière soient venus par la suite contredit les déclarations des survivants, puisque les navires gardes frontière ont suivi le '13 de Marzo" dès qu'il est sorti de la baie".

          65.     "Il faudrait demander au gouvernant cubain ce qu'il a voulu dire quand il a déclaré que 'les gardes frontière se sont renseignés après'.  Par quels moyens et par quelles personnes les gardes frontière ont-ils été informés? Evidemment, une enquête approfondie et exhaustive ne peut laisser sans réponse ces questions, ni beaucoup d'autres encore.  Mais, en outre, le gouvernement cubain a oublié que les unités navales des gardes frontière ont leurs propres moyens de communication par radio dans leurs embarcations, et que les remorqueurs ont eux aussi des radios pour communiquer avec d'autres embarcations ou avec leurs bases à terre.  C'est donc là un autre mensonge du gouvernement cubain".

          66.     "Bien que Fidel Castro ait voulu faire croire que les équipages des trois remorqueurs de poursuite étaient des ouvriers civils des Empresas Mambisas de Navegacion et qu'ils ont agi de leur propre chef, nous avons clairement expliqué dans l'écrit que nous avons remis à cette Illustre Commission le 4 mai 1995 que les équipages de ces remorqueurs étaient membres de la Sécurité de l'Etat.  Nous sommes arrivés à cette conclusion non seulement en raison de la nature du régime cubain mais aussi en fonction du témoignage des survivants. Ces membres de la Sécurité de l'Etat, vêtus de vêtements civils, forment les 'Brigades de réponse rapide' que le gouvernement civil lance dans les rues avec des armes et des bâtons pour frapper les opposants".

VI.      LES QUESTIONS QUE POSE LA PRESENTE AFFAIRE

          67.     La question à élucider dans la presente affaire consiste à déterminer si le naufrage du remorqueur "13 de Marzo" a eu lieu avec l'appui ou la tolérance du pouvoir public ou si celui-ci a agi de telle sorte que la transgression se soit produite à défaut de toute prévention ou avec impunité. En d'autres termes, la Commission interaméricaine des droits de l'homme doit déterminer si l'Etat cubain est responsable sur le plan international, de la mort des 41 personnes qui essayaient de fuir ce pays dans les premières heures de la matinée du 13 juillet 1994.

VII.     LES QUESTIONS POSEES DANS LA PRESENTE ESPECE

          A.      Considérations concernant les conditions formelles de recevabilité

          68.     La Commission interaméricaine des droits de l'homme a transmis la présente affaire conformément aux dispositions du Chapitre III de son Règlement.  L'article 51 de ce chapitre stipule que "La Commission recevra et examinera la pétition qui contient une plainte faisant état de violations présumées des droits de l'homme consacrés dans la Déclaration américaine des droits et devoirs de l'homme en relation avec les Etats membres de l'Organisation qui ne sont pas parties à la Convention américaine relative aux droits de l'homme".

          69.     L'exposé effectué permet de considérer que la Commission interaméricaine des droits de l'homme est compétente pour connaître de la présente affaire car il s'agit de violations des droits consacrés dans la Déclaration américaine des droits et devoirs de l'homme: article 1, concernant le droit à la vie et à l'intégrité de la personne; article VIII, droit de résidence et de déplacement, et article XVII, droit à la justice.

          70.     La procédure utilisée en l'instance a été celle prévue par l'article 52 du Règlement de la Commission interaméricaine des droits de l'homme: "La procédure applicable aux requêtes concernant des Etats membres de l'Organisation qui ne sont pas parties à la Convention américaine relative aux droits de l'homme est tracée dans les Dispositions générales contenues dans le Chapitre I, Titre II, par les articles 32-43 du présent Règlement et par les articles ci-après".

          71.     Le présentation de la pétition remplit les conditions formelles de recevabilité prévues par l'article 32 du Règlement de la Commission  interaméricaine des droits de l'homme, après épuisement des recours prévus par l'article 34 dudit Règlement.  De même, la requête n'est pas en instance devant un autre organisme international, et n'est pas non plus la reproduction d'une pétition précédente déjà examinée par la Commission.

          72.     Quant aux recours de la juridiction interne, la Commission interaméricaine des droits de l'homme estime que, dans la présente affaire, on a rempli les dispositions de l'article 37(1) de son Règlement: on a interjeté et épuisé ces recours conformément aux principes du droit international généralement reconnus.  C'est ce qui découle des informations fournies par le gouvernement de Cuba le 23 mars 1995.  D'après le Communiqué officiel du Ministère de l'intérieur, "Les enquêtes effectuées par les autorités compétentes à propos des faits qui se sont produits au petit matin du 13 juillet [1994] (....) ont révélé que le naufrage s'était produit à la suite d'une collision entre ledit remorqueur et un autre de la même entreprise qui essayait de l'arrêter"  (...) "C'est ainsi que s'est passé le regrettable accident qui a causé le naufrage du remorqueur [13 de Marzo]".  "Vu les conditions de navigation et la force de la mer (Force 3) durant les petites heures de la matinée, 31 personnes seulement ont été sauvées".

          B.       Considérations concernant les auteurs matériels des faits et l'analyse des preuves

          73.     Dans la présente affaire, on a présenté des documents qui fournissent des éléments de jugement à propos des faits dénoncés, qui étaient pas ailleurs de connaissance publique, de par leur publication dans la presse internationale.  Parmi les documents présentés à la Commission interaméricaine des droits de l'homme figurent les témoignages suivants de personnes qui se trouvaient sur les lieux au moment où ces faits se sont produits, le 13 juillet 1994: Arquímedes Lebrigio et José Alberto Hernández (témoins survivants qui ont comparu devant la Commission interaméricaine des droits de l'homme durant sa 90e session ordinaire le 7 septembre 1995)[1], Maria Victoria García Suarez et Jeanette Hernández Gútierrez (survivantes)[2].

          74.     Il ressort des déclarations des témoins oculaires que le 13 juillet 1994, entre 3 et 4 heures du matin, un remorqueur appelé "13 de Marzo" est parti du port de La Havane, à Cuba, en direction des Etats-Unis avec à bord 72 personnes, dont plusieurs mineurs.

          75.     Les témoins survivants s'accordent à dire qu'ils ont été attaqués et entourés par quatre navires alors qu'ils se trouvaient à sept milles de distance des côtes cubaines; ces navires ont dirigés des jets sous pression — contre tous ceux qui se trouvaient sur le pont — en utilisant à cet effet les réservoirs dont ils étaient dotés.  Que les femmes qui se trouvaient sur le pont leur ont montré les enfants pour éviter qu'ils ne poursuivent l'attaque à la manche à eau.  De même, que deux embarcations ont abordé le remorqueur à bâbord et à tribord, ce qui l'a fait couler.  Les survivants s'accordent à dire que, au moment du naufrage, les membres de l'équipage des quatre embarcations ne leur ont pas porté aide.  Ensuite, les gardes côtes cubains sont venus recueillir les survivants du naufrage.

          C.      Considérations à propos du respect de sa responsabilité internationale par l'Etat cubain

          76.     Une fois établis les faits qui se sont produits aux petites heures du 13 juillet 1994, la Commission interaméricaine des droits de l'homme estime nécessaire de déterminer si l'Etat cubain est responsable, sur le plan international, de la mort des 41 victimes qui ont péri dans le naufrage sus-mentionné.  Les éléments essentiels pour établir la responsabilité internationale peuvent se résumer comme suit:[3]

          I.        Existence d'un acte ou omission qui viole une obligation définie par une règle du droit international en vigueur.

          II.       L'acte illicite doit être imputable à l'Etat en tant que personne morale.

          III.      Il faut qu'il y ait eu préjudice ou dommage à la suite de l'acte illicite.

          I.        EXISTENCE D'UN ACTE OU OMISSION QUI VIOLE UNE OBLIGATION DÉFINIE PAR UNE RÈGLE DU DROIT INTERNATIONAL EN VIGUEUR

          77.     La Commission interaméricaine des droits de l'homme doit indiquer, en premier lieu, que l'obligation de respecter et de protéger le droit à la vie est une obligation erga omnes, c'est-à-dire qui doit être assumée par l'Etat cubain — à l'instar des Etats membres de l'OEA, qu'ils soient ou non parties à la Convention américaine relative aux droits de l'homme — vis à vis de la communauté interaméricaine dans son ensemble, et vis à vis de tous les individus relevant de sa juridiction, à titre de destinataires directs des droits de l'homme reconnus par la Déclaration américaine des droits et devoirs de l'homme.  Bien qu'il ne soit pas inaliénable, cet instrument international consacre les principes et règles généraux du droit international coutumier.

          78.     Le Dr Asdrubal Aguiar, juriste, ancien juge de la Cour interaméricaine des droits de l'homme, confirme ce qui précède en déclarant que: "Dans le système interaméricain, à l'instar de ce qui concerne son homologue européen et le système universel des Nations Unies, existe l'obligation générale du respect des droits essentiels de l'homme par les Etats.  Cette obligation découle du préambule et, en particulier, des articles 3.k, 16, 17, 32, 44, 45, 46 et 136 de la Charte de l'Organisation des Etats américains, qui concordent avec les préceptes de la Déclaration américaine des droits et devoirs de l'homme".[4]  Les "obligations assumées par chaque Etat membre à l'égard de la communauté interaméricaine, représentée par ses organes et vis à vis de chacun des Etats membres de l'Union (....) sont des obligations erga omnes; c'est ce qu'on peut déduire du Préambule de la Charte de l'OEA, où les Etats se déclarent certains que le véritable sentiment de solidarité américaine et de bon voisinage ne peut être autre que celui de consolider sur le Continent, dans le cadre des institutions démocratiques, un régime de liberté individuelle et de justice sociale, fondé sur le respect des droits essentiels de l'homme"( Nous soulignons).[5]

          79.     Une autre question que doit mettre en relief la Commission interaméricaine des droits de l'homme est que le droit à la vie, entendu comme droit fondamental de la personne humaine consacré dans la Déclaration américaine et dans divers instruments internationaux à l'échelle régionale et universelle, a rang de jus cogens.  En d'autres termes, c'est une norme péremptoire du droit international et, partant, on ne peut y déroger.  La notion de jus cogens découle d'un ordre supérieur de normes établies dans l'antiquité et auxquelles ne peuvent contrevenir les lois de l'homme ou des nations.  Les normes du jus cogens ont été décrites par les publicistes comme étant celles qui englobent l'ordre public international.  Ce sont les règles qui ont été acceptées, soit explicitement dans un traité soit tacitement par la coutume, comme étant nécessaires pour protéger l'intérêt public de la société des nations ou pour maintenir les niveaux de moralité publique qu'elles reconnaissent.[6]

          80.     Une fois établie la valeur et l'importance des droits fondamentaux consacrés dans la Déclaration américaine des droits et devoirs de l'homme, la Commission interaméricaine estime essentiel de voir si, dans l'affaire actuelle, l'Etat cubain a commis des actes ou omissions qui ont violé le premier droit que consacre cet instrument international, à savoir le droit à la vie.

          81.     Dans l'affaire sub-lite, tous les témoins s'accordent à dire que, à sa sortie du port de La Havane, au petit matin du 13 juillet 1994, le remorqueur "13 de Marzo" fut poursuivi et attaqué par quatre navires battant pavillon cubain.  Selon les survivants, ces navires, équipés de citernes, ont arrosé sous pression les personnes qui se trouvaient sur le pont et ont abordé le bateau à bâbord et à tribord.  Ces abordages ont fait couler le remorqueur "13 d Marzo", causant la mort de 41 personnes.

          82.     Les preuves montrent clairement que le sabordage du remorqueur "13 de Marzo" ne fut pas un accident, mais un acte prémédité et intentionnel.  En effet, Jorge Hernandez, survivant des incidents du 13 juillet 1994, déclare que "à la sortie du goulet, le navire No. 2 nous a attaqué" et "plus loin, nous avons commencé à être attaqués par les navires No. 2, 3 et 5". "Le remorqueur où ils se trouvaient nous a abordés à bâbord et à tribord", et "on nous attaquait à la lance à eau". Après la dernière embardée, le navire a coulé, car sa poupe avait été détruite".  Enfin," les remorqueurs ne nous ont pas aidés", mais "ils ont dit de nager en direction des gardes cotes".  Pour sa part, Arquímedes Lebriogio déclare que "quand on a levé l'ancre, il se trouvait dans la cale et a pu constater que le bateau ne faisait eau nulle part" et "quand il est monté sur le pont, il a vu qu'ils étaient attaqués à la p_oue et à la poupe".  María Victoria García Suarez déclare que " nous avons vu que venaient à l'arrière deux remorqueurs des services de pompiers" "qui se sont amarrés à nos côtés et ont commencé à nous arroser".  "Après, nous leur avons dit de ne pas nous faire de mal, qu'il y avait des enfants, que nous leur avons montrés, et ils ont continué à nous arroser".  "Après, nous avons vu deux autre [navires] à environ sept milles, puis ils se sont rangés à nos côtés; un devant, l'autre derrière et un de chaque coté" et "alors, les quatre ont commencé à nous arroser et l'un des bateaux nous a fait faire des embardées...:". Enfin, le témoin déclare "qu'il y avait quatre remorqueurs — ceux qui nous arrosaient — et nous leur demandions de nous sauver, de nous faire monter, qu'il y avait des enfants, et il ne faisaient que rire...".

          83.     Enfin, Jeanette Hernández Gutierrez déclare que "quand nous sortions de la baie, nous avons vu deux remorqueurs tous feux éteints, à l'entrée de la baie.  Ils nous ont laissé sortir, mais ensuite ils ont commencé à se servir de leurs lances, sans aucun répit, les lances ne nous lachaient pas, alors qu'ils savaient qu'il y avait des enfants". "Quand nous étions à six milles, nous avons vu qu'ils accéléraient pour venir se ranger à nos côtés" et "commencer à nous faire des embardées", " nous avons montré les enfants, ils les ont vus et nous avons commencé à pleurer et à les prier.... de ne pas faire ça et ils n'en ont pas tenu compte..."."A aucun moment, ils ont dit par haut-parleur que nous devions nous arrêter, ni rien".  Jeanette poursuit en déclarant que" un remorqueur se range à l'arrière, le plus grand (....), il nous soulève la poupe et le bateau se coupe en deux...". "Quand ça arrive... le bateau était à la dérive parce que le patron, qui s'appelait Fidencio Ramel, avait été renversé par les jets sous pression, il était tombé à la mer". "Ils nous ont fait couler de la manière suivante: le remorqueur qui avait brisé la poupe est venu à l'avant et à soulevé la proue, et le bateau s'est coupé en deux".  Et, enfin, elle a déclaré que "ces remorqueurs sont allées à l'arrière, ont disparu à quelques mètres, mais ils ne nous ont pas jeté de ceintures de sauvetage — rien — ils ne nous ont apporté acune aide".

          84.     La Commission interaméricaine des droits de l'homme doit déclarer que, s'il est vrai que l'intentionnalité et la préméditation des auteurs matériels du naufrage du remorqueur "13 de Marzo" ont été pleinement établis, cette intentionnalité n'intervient pas quand il s'agit d'établir la responsabilité internationale de l'Etat cubain.  Ce qui est fondamental, dans la présente affaire, c'est de savoir si la violation du droit à la vie a eu lieu avec l'appui ou la tolérance de l'Etat ou si celui-ci a agi de telle façon que la transgression a eu lieu en l'absence de toute prévention ou impunément.

          85.     La Cour interaméricaine des droits de l'homme — qui consacre, dans sa jurisprudence, les principes généraux du droit international coutumier — indique que "le devoir de prévention englobe toutes les mesures de caractère juridique, politique, administratif et culturel qui encouragent la sauvegarde des droits de l'homme et assurent que les violations éventuelles de ces droits soient effectivement considérées et traitées comme un fait illicite qui, en tant que tel, est susceptible d'entraîner des sanctions pour ceux qui les commettent, ainsi que l'obligation d'indemniser les victimes pour leurs conséquences préjudiciables.[7]

          86.     La Commission interaméricaine des droits de l'homme estime que l'Etat cubain n'a pris aucune mesure pour empêcher de manière raisonnable les faits qui se sont produits au petit matin du 13 juillet 1994.  Qui plus est, l'Etat cubain non seulement a permis que des faits aussi graves restent impunis, mais encourage en outre leur répétition du fait que les actions des membres de l'équipage des embarcations qui ont fait couler le remorqueur "13 de Marzo" sont des "efforts véritablement patriotiques".  En effet, le Chef de l'Etat cubain a déclaré dans sa réponse du 23 mars 1995 que "le Ministère de l'intérieur a procédé à une enquête, qui a révélé qu'on n'avait pas eu la moindre intention de faire couler le bâtiment.  Qu'allons-nous faire avec ces travailleurs qui ne voulaient pas qu'on vole leur navire, qui ont fait un effort patriotique, pourrait-on dire, pour qu'on ne vole pas leur navire?  Qu'allons-nous leur dire?  Ecoutez, laissez-les voler le navire, ne vous préoccupez pas du navire....".

          87.     Il est évident, en outre, que, dans la présente affaire, il n'y a eu aucune enquête judiciaire et que les organes politiques dirigés par le Chef de l'Etat cubain se sont empressés d'absoudre de toute responsabilité les fonctionnaires qui ont tenté de recouvrer le remorqueur "13 de Marzo".

          88.     La Commission interaméricaine estime que l'Etat cubain aurait pu empêcher la mort des 41 victimes et le traumatisme psychologique causé aux 31 personnes qui ont survécu au naufrage du remorqueur "13 de Marzo", étant donné que la façon dont les victimes ont essayé de sortir du pays; ceci ne représente pas un fait isolé mais, au contraire, un fait qui se reproduit et se multiplie chaque année.  En effet, la Commission interaméricaine des droits de l'homme a déclaré, dans son rapport annuel de 1994, que:

          Les sources d'information montrent que, en 1993, et dans l'hypothèse où seulement une personne sur trois réussissait, 3.656 personnes ont atteint sur des radeaux les côtes des Etats-Unis d'Amérique.  Ce chiffre a considérablement augmenté en 1994, notamment après que, au début du mois d'août, les gardes cote et les services de police cubains ont permis la sortie en masse de l'île à toute personne qui prenait la mer dans des embarcations précaires.  En fait, la Commission interaméricaine des droits de l'homme chiffre ces réfugiés à 30.000 personnes en 1994.[8]

          89.     Il est donc clair que la tentative de sortir du pays au moyen du remorqueur "13 de Marzo" n'a pas été un fait isolé; par conséquent, il est inacceptable que le Chef de l'Etat cubain déclare que "les gardes frontière n'ont rien à voir avec cette affaire, ils sont arrivés quelques minutes après l'accident".  La Commission interaméricaine des droits de l'homme estime donc que, dans l'affaire sub-lite,  on trouve le premier élément de responsabilité internationale, du fait que les actes perpétrés par les quatre embarcations qui ont coulé le remorqueur "13 de Marzo" ont violé deux droits que consacre la Déclaration américaine relative aux droits de l'homme, le droit à la vie (article I) et le droit de circulation (article VIII).

          90.     En ce qui concerne la violation du droit de circulation, la Déclaration américaine stipule, dans son article VIII, que: "Toute personne a le droit de fixer sa résidence sur le territoire de l'Etat dont elle est ressortissante, d'y circuler librement et de ne le quitter que de sa propre volonté". La doctrine de la Commission interaméricaine des droits de l'homme concernant le droit de circulation est très claire: elle déclare que "le droit de toute personne de vivre dans sa propre patrie, de la quitter et d'y revenir quand elle le souhaite est un droit élémentaire qui est reconnu par tous les instruments internationaux de protection des droits de l'homme".[9]  Ce qui précède est confirmé par une citation de l'article 13(2) de la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui déclare que "Toute personne a le droit de sortir d'un pays quelconque, y compris le sien, et de rentrer dans sa patrie".

          91.     Les actes qui ont provoqué le naufrage du remorqueur "13 de Marzo" ont empêché les 72 personnes qui se trouvaient à bord de sortir librement de Cuba.  La Commission interaméricaine des droits de l'homme estime sans effet, dans la présente instance, le mode de transport employé par lesdites personnes, puisque les normes en vigueur, le système politique et la grave situation des droits de l'homme de ce pays les obligent à recourir de façon désespérée à diverses méthodes pour atteindre leur objectif principal: fuir de Cuba.  En effet, la Commission interaméricaine a déclaré, dans l'analyse de la législation cubaine concernant le droit de circulation que contient son rapport annuel de 1994, que:

          Le législation cubaine ne reconnait pas le droit d'une personne de sortir de son propre pays et d'y revenir, puisque les citoyens cubains doivent obtenir un permis que les autorités administratives accordent sur une base discrétionnelle.  Bien que les autorités cubaines aient simplifié les démarches, il reste encore des problèmes à propos de l'octroi ou du refus de permis à critère politique.  Ce qui est grave, c'est que, quand les autorités cubaines refusent un visa, cette mesure est sans appel.[10]

          92.     La dernière norme de droit international en vigueur que viole l'Etat cubain est le droit à la justice que consacre l'article XVIII de la Déclaration américaine des droits et devoirs de l'homme.  Cette norme stipule que: "Toute personne peut recourir aux tribunaux pour faire valoir ses droits.  De même, il doit exister une procédure simple et rapide qui permette à la justice de la protéger contre les actes de l'autorité violant, à son préjudice, certains droits fondamentaux reconnus par la constitution".

          93.     La Commission interaméricaine des droits de l'homme n'a aucun précédent qui lui permette de penser que les survivants du naufrage se sont adressés aux tribunaux pour dénoncer les faits qui se sont produits le 13 juillet 1994; néanmoins, comme il s'agit de délits qui portent atteinte à de biens essentiels de la personne, ils doivent faire l'objet d'une enquête d'office, vu le devoir qu'a l'Etat de veiller à l'ordre public.  Selon la Cour interaméricaine des droits de l'homme, l'obligation d'enquêter "doit être prise au sérieux et non pas comme une simple formalité condamnée à l'avance à ne porter aucun fruit. Elle doit avoir un sens et être assumée par l'Etat comme devoir juridique propre et non pas comme une simple démarche d'intérêts particuliers, qui dépend de l'initiative judiciaire de la victime ou de sa famille, ou de la présentation privée d'éléments de preuve, sans que l'autorité publique recherche effectivement la vérité".[11]

          94.     Dans l'affaire sub-lite, les enquêtes effectuées d'office par l'Etat cubain l'ont conduit à affirmer que les faits qui s'étaient produits au petit matin du 13 juillet 1994, coûtant la vie à 41 personnes, étaient le résultat d'un accident dont nul n'est responsable.  Le Chef de l'Etat cubain, Fidel Castro, a présenté ainsi, dans sa conférence de presse du 5 août 1994, la façon dont ont été effectuées les enquêtes sur la mort des 41 personnes: "Dès qu'on a eu vent de l'accident du remorqueur, on a immédiatement effectué une enquête approfondie et exhaustive, sur la base des informations que donnaient les survivants, les rescapés, ce que disait chacun d'eaux; des informations que donnaient certains auteurs de l'enlèvement du navire; des informations minutieuses et détaillées fournies par chacun de ceux qui se trouvaient sur les remorqueurs à propos de chaque fait qui s'était produit".

          95.     La Commission interaméricaine des droits de l'homme estime que l'enquête effectuée par l'Etat cubain n'a pas été suffisamment exhaustive puisqu'il n'a repêché ni le navire naufragé — qui renfermait dans sa chambre des machines un grand nombre de cadavres — ni les cadavres qui se trouvaient au fond de la mer.

          96.     Il est évident — selon la Commission interaméricaine des droits de l'homme — que l'Etat cubain n'a pas entrepris sérieusement, et en tant que devoir juridique propre, les enquêtes portant sur la présente affaire.  Il en profite pour continuer à jouir de l'impunité.  C'est pourquoi, la Commission estime que l'Etat cubain a violé par omission le droit à la justice que consacre l'article XVIII de la Déclaration américaine relative aux droits et devoirs de l'homme.

          II.       L'ACTE ILLICITE DOIT ÊTRE IMPUTABLE À L'ETAT EN TANT QUE PERSONNE MORALE

          97.     Afin d'établir si les faits graves qui se sont produits aux petites heures du 13 juillet 1994 sont imputables à l'Etat cubain en tant que personne morale, la Commission interaméricaine des droits de l'homme estime nécessaire d'analyser et d'établir l'identité des auteurs matériels de ces faits.  Dans ce contexte, il est fondamental de tenir compte des informations fournies par le gouvernement cubain.

          98.     En premier lieu, nous avons le communiqué officiel du Ministère de l'intérieur qui déclare: "Les enquêtes effectuées par les autorités compétentes à propos des faits qui se sont produits aux petites heures du 13 juillet 1994, durant lesquels un navire-remorqueur de la Empresa de Servicios Marítimos du Ministère des transports a coulé à six milles au nord du port de La Havane, ont révélé que le naufrage a eu lieu à la suite d'une collision entre ledit remorqueur et un autre de la même entreprise qui essayait de le capturer".

          99.  Pour sa part, le Chef de l'Etat cubain a indiqué, dans ses déclarations à la presse, que "...sans vérifier ce qui s'est passé, on accuse les autorités cubaines du naufrage de l'embarcation.  Avec une perfidie incroyable, ils disent: embarcations gouvernementales. Dans l'Etat socialiste, tout appartient à l'Etat: autobus, trains, navires, navires marchands, remorqueurs, mais ce sont des civils qui les font marcher, et les autorités y sont représentées, essentiellement, par les patrouilles gardes frontière".  Plus loin, Fidel Castro redit:  "Mais j'estime très perfide le fait de qualifier les embarcations de gouvernementales, mais ce qu'ils veulent dire par là, c'est que le naufrage était la responsabilité du gouvernement".

          100. En réponse aux déclarations du gouvernement, les requérants déclarent que "avec cet argument, le Chef de l'Etat cubain veut expulser son gouvernement. Or, il convient de tenir compte de ce que sont les structures internes de l'Etat pour s'apercevoir que toute activité est sous le contrôle centralisé de l'Etat".  Ils déclarent aussi que "à la lumière de la Constitution politique socialiste de 1976, les moyens de production appartiennent à l'Etat (articles 15, 16 et 17) et l'économie est centralisée.  Toute personne qui travaille dans les entreprises d'Etat est un employé du gouvernement.  Dans chaque entreprise d'Etat, il y a deux sortes de contrôles: a) le contrôle administratif, qui relève de l'administrateur, et b) le contrôle politique, qui est la responsabilité du Secrétaire du parti communiste de cette entreprise.  Le parti communiste est le seul parti légal du pays (article 5 de la constitution).  Un troisième élément important dans les entreprises est la présence d'éléments de la police de sécurité qui relèvent du parti".

          101.   Après avoir évalué la position des deux parties, la Commission interaméricaine des droits de l'homme se doit de déclarer démontré que les équipages des quatre navires qui ont fait couler le remorqueur "13 de Marzo" étaient composés de fonctionnaires de la Empresa Estatal de Servicios Marítimos du Ministère des transports.  Par ailleurs, les requérants affirment que le parti du gouvernement centralise toutes les questions de main d'oeuvre, ce qui a été confirmé par la Commission interaméricaine des droits de l'homme.  Dans son rapport annuel de 1994, la Commission a déclaré que:

          ... la Commission interaméricaine des droits de l'homme a continué de recevoir des informations concernant le contrôle excessif qu'exerce l'Etat sur ses citoyens.  Contrôle qui, pour des raisons idéologiques, s'exerce sur la vie quotidienne de chaque personne et se manifeste en particulier sur les lieux de travail.  En effet, la "confiance" est, à l'heure actuelle, sur le plan du travail, un facteur déterminant pour définir l'aptitude d'un employé, confiance qui englobe les aspects politiques et l'attitude à l'égard de la défense ou des conditions de tout ordre qu'exige la direction du lieu de travail, ou le gouvernement ou le parti.  La Commission interaméricaine a également été informée que les travailleurs, avant ou après d'être engagés, font normalement l'objet d'enquêtes par les Comités de défense de la Révolution ou par le Département technique des enquêtes, voire par le Parti lui-même, afin de définir ou d'établir si le travailleur est digne de confiance . Si on constate que le travailleur n'est pas digne de confiance, on le licencie sans tenir compte des années d'expérience, de service ou d'autres qualités.  Ce qui est grave, c'est que les décisions de "non confiance" sont sans appel devant les organes de la justice du travail.

          102.   Il est donc clair qu'on a amplement prouvé que ceux qui ont provoqué le naufrage et la mort de 41 personnes étaient des fonctionnaires d'une entreprise de l'Etat cubain subordonnée de fait et de droit aux exigences du parti gouvernant.  Les faits qui se sont produits au petit matin du 13 juillet 1994 sont donc imputables à cet Etat en tant que personne morale.  La Commission interaméricaine souligne aussi qu'il est extrêmement grave que l'Etat cubain n'ait pas identifié et puni les responsables, afin que des incidents aussi graves ne se reproduisent pas à l'avenir.

          III.      DOIT AVOIR CAUSE UN PRÉJUDICE OU UN DOMMAGE À LA SUITE DE L'ACTE ILLICITE

          103.   De l'avis de la Commission interaméricaine des droits de l'homme, les dommages causés à la suite des actes illicites commis par l'Etat cubain sont les suivants: a) le dommage physique irréparable, soit la mort des 41 personnes qui ont fait naufrage avec le remorqueur "13 de Marzo"; b) le dommage moral et psychologique causé aux familles et aux survivants des victimes, qui s'exprime par les souffrances émotives provoquées par la perte d'êtres chers, le traumatisme qui en résulte, et l'impossibilité de recevoir les cadavres pour leur donner une sépulture appropriée, tout cela ajouté à la connaissance qu'on ne leur a pas rendu justice, c'est-à-dire que la mort occasionnée par des fonctionnaires d'Etat reste impunie; et c) le dommage matériel, représenté par le manque à gagner et les conséquences qu'il entraîne.

          104.   La Commission interaméricaine des droits de l'homme estime donc que l'Etat cubain a l'obligation de réparer les dommages et d'indemniser les familles des victimes et les survivants du remorqueur "13 de Marzo".

VIII.    CONCLUSIONS

          105.   L'Etat de Cuba est responsable de la violation du droit à la vie — article 1 de la Déclaration américaine des droits et devoirs de l'homme — des 41 personnes qui ont fait naufrage et ont péri quand le remorqueur "13 de Marzo" a coulé le 13 juillet 1994.  Les personnes qui ont péri ce jour là au petit matin sont les suivantes: Leonardo Notario Góngora, Marta Tacoronte Vega, Caridad Levya Tacoronte, Yausel Eugenio Pérez Tacoronte, Mayulis Méndez Tacoronte, Odalys Muñoz García, Pilar Almanza Rómero, Yaser Perodín Almanza, Manuel Sánchez Callol, Juliana Enríquez Carrasana, Helen Martínez Enríquez, Reynaldo Marrero, Joel García Raíces, Juan Mario Gutiérrez García, Ernesto Alfonso Joureiro, Amado Gonzáles Raices, Lazaro Borges Priel, Liset Alvarez Guerra, Yisel Borges Alvarez, Guillerno Cruz Martínez, Fidelio Ramel Prieto-Hernandez, Rosa María Alcalde Preig, Yaltamira Cruz Martínez, José Carlos Nicole Anaya, María Carrasco Anaya, Julia Caridad Ruiz Blanco, Angel René Abreu Ruiz, Omar Rodríguez Suárez, Miralis Fernandez Rodríguez, Cindy Rodríguez Fernández, José Gregorio Balmacedo Castillo, Rigoberto Feut Gonza_es, Midalis Sanabria Cabrera et quatre autres victimes qui n'ont pas pu être identifiées.

          106.   L'Etat de Cuba est responsable de la violation de l'intégrité de la personne — article 1 de la Déclaration américaine — des 31 personnes qui ont survécu au naufrage du remorqueur "13 de Marzo", en raison du traumatisme émotif qui en est résulté.  Les victimes survivantes sont les suivantes: Mayda Tacoronte Verga, Milena Labrada Tacoronte, Roman Lugo Martínez, Desy Martínez Findore, Tacney Estévez Martínez, Susana Rojas Martínez, Raúl Muñoz García, Janette Hernández Gutiérrez, Modesto Almanza Romero, Fran Gonzáles Va_quez, Daniel Gonzáles Hernández, Sergio Perodín Pérez, Sergio Perodín Almanza, Gustavo Guillermo Martínez Gutierrez, Yandi Gustavo Martínez Hidalgo, José Fabian Valdés, Eugenio Fuentes Díaz, Juan Gustavo Bargaza del Pino, Juan Fidel Gonzales Salínas, Reynaldo Marrero Canarana, Daniel Prieto Suárez, Iva_ Prieto Suárez, Jorge Luis Cuba Suárez, María Victoria García Suarez, Arquímedes Venancio Labrigio Gamboa, Yaussany Tuero Sierra, Pedrio Francisco Garijo Galego, Julio César Dominguez Alcalde, Armando Morales Pileto, Juan Bernardo Varela Amaro, et Jorge Alberto Hernández Avila. 

    107.         L'Etat de Cuba est responsable de la violation  du droit de circulation et du droit à la justice — des 72 personnes qui ont essayé de sortir de Cuba — consacrés dans les articles VIII et XVIII de la Déclaration américaine des droits et devoirs de l'homme.

IX.      RECOMMANDATIONS

          108.   Il est recommandé à l'Etat cubain d'effectuer une enquête exhaustive afin d'identifier, de soumettre à la justice et de punir les responsables du naufrage du remorqueur "13 de Marzo",  qui a causé la mort de 41 personnes.

          109.   Il est recommandé à l'Etat cubain de relever l'embarcation coulée, de retrouver les restes des victimes et de les remettre à leurs familles.

          110.   Il est recommandé à l'Etat cubain de verser une juste indemnité de compensation aux survivants et aux familles des disparus pour dommages patrimoniaux et extra-patrimoniaux, y compris le dommage moral.

          C'est pourquoi,

          LA COMMISSION INTERAMERICAINE DES DROITS DE L'HOMME

DECIDE:

          111.   De transmettre le présent rapport à l'Etat de Cuba et aux requérants.

          112.   De publier le présent rapport dans le rapport annuel à l'Assemblée générale de l'OEA, conformément aux articles 53 (3) et (4) de son Règlement, puisque l'Etat cubain n'a pas donné suite aux recommandations ni répondu au rapport confidentiel No. 16/96 en date du 3 mai 1996.



     [1].    Il faut signaler que le gouvernement cubain a été invité à participer à cette audience mais que la Section des intérêt n'y a envoyé aucun représentant.

     [2].    Jorge Alberto Hernández:  A 4 heures du matin, le 13 juillet 1994, un groupe d'hommes, de femmes et d'enfants ont pris la mer pour émigrer aux Etats-Unis.  A la sortie du goulet, le remorqueur No. 2 nous a attaqués sans causer de dégâts. On a donc continué jusqu`à la haute mer, où on a commencé à être attaqué sans qu'on nous cause des dégâts.  Les choses se sont poursuivies ainsi jusqu'à ce qu'on se trouve plus loin; à ce moment, on a commencé à être attaqués par les remorqueurs No. 2, 3 et 5.  Le remorqueur où nous nous trouvions a reçu des coups à bâbord et à tribord.  On nous attaquaient avec des lances à eau et des extincteurs.  Comme ils ne parvenaient pas à nous arrêter, ils ont décidé de nous couler.  Ensuite, un des remorqueurs nous a attaqué de front, bien qu'on leur fasse voir - quand ils nous éclairaient avec des réflecteurs — qu'il y avait des enfants.  Après cette dernière attaque, l'embarcation a coulé, car elle avait été frappée à la poupe.  Après le naufrage, les remorqueurs sont restés, en arrosant au jet les personnes qui nageaient pour essayer de se sauver.  Plus tard, le sauvetage a commencé, Il y avait toujours un garde-côte [cubain] qui observait la situation, sans rien faire.  Les remorqueurs ne les aidaient pas, ils disaient qu'ils nageaient vers les gardes-côte.  Quelques-uns sont montés [sur l'embarcation des gardes côte], mais quelques enfants qui étaient dans une caisse sont morts quand on les a renversés.

            Arquímedes Lebriogio:  Il déclare que le gouvernement de Cuba a exercé sur lui des pressions pour qu'il dise que le remorqueur faisait eau avant de s'éloigner de la côte.  Quand le bateau a levé l'ancre, le [témoin] se trouvait dans la caille et il a pu constater que le bateau ne faisait eau nulle part.  Quand il est monté sur le pont,i a observé qu'il était attaqué par la proue et par la poupe.  Les assaillants leur ont dit que le remorqueur coulait, à quoi ils ont répondu que ce n'était pas vrai et qu'ils voulaient aller en Chine.  Avant le départ, le gouvernail du remorqueur a été réparé, mais non pas sa structure.  Le remorqueur qu'ils ont utilisé était bon par rapport aux autres.  Et il a perdu un fils, mais on ne lui a jamais remis le cadavre.

            María Victoria García Suarez:  Nous avons quitté le pays sur un remorqueur à trois heures du matin.  Tout marchait bien, mais après on nous a dit de faire sortir les femmes et les enfants.  Quelques-unes d'entre nous sont sorties, les enfants plus grands, et nous avons vu que venaient deux remorqueurs de pompiers.  Ils se sont amarrés de coté et ont commencé à nous arroser au jet — à l'eau sous pression. Nous leur avons demandé de ne pas nous faire du mal, nous leur avons montré les enfants mais ils ont continué à nous arroser.  Après, nous avons vu deux autres [remorqueurs], à environ sept milles, qui sont venus de chaque côté: un à l'avant, l'autre à l'arrière et un de chaque côté.  Les quatre ont commencé à nous arroser et un des bateaux nous a accroché pour nous assaillir et ils nous arrosaient aussi du bord de leur bateau; ils faisaient marcher leurs jets et après il a fallu fermer la cabine pour ne pas noyer le moteur (suite) Alors, les bateaux qui se trouvaient de côté ont commencé à donner des coups et à donner des coups jusqu'à ce qu'ils démolissent le moteur et ils ont viré de bord et c'est alors que le bateau a coulé.  Qui se trouvaient sur les bateaux de poursuite? eh bien, le patron, le machiniste, des amis et des membres de leur famille. Qui se trouvait sur le bateau qui vous poursuivait? Qui s'y trouvait? Ils étaient vêtus en civil, beaucoup d'entre eux sans chemise.  Il y en avait quatre, quatre bateaux.  Ils vous ont appelés? Que disaient-ils quand ils vous arrosaient? Non, à aucun moment ils nous ont demandé de nous arrêter.  Ce qu'ils ont fait, c'est de nous arroser.  Puis un moment est venu où nous avons vu que nous ne pouvions pas continuer parce que ça allait être fatal et nous nous sommes arrêtés parce que l'eau entrait.  Nous nous sommes donc arrêtés et leur avons dit: — écoutez, nous allons virer de bord, nous étions déjà arrêtés et ils nous ont vu changer de cap, ce que nous avons fait. Quand vous avez viré de bord, qu'est-ce qui s'est passé?  Ceux qui étaient dehors, nous avons tous coulé et le bateau a coulé immédiatement, mais ceux qui étaient dehors ont essayé de remonter.  L'eau était très profonde. Je portais mon enfant, je l'ai levé, je ne l'ai pas lâché et je l'ai remonté, mais je ne sais pas nager, je suis donc remontée mais j'ai coulé ensuite de nouveau. Alors, quand je suis remontée, une femme qui était noyée était en train de flotter à mes côtés, je m'y suis accrochée, j'ai mis mon enfant sur elle — il y avait une grande houle — alors il ne pouvait pas....  ne pouvait pas, il était déjà noyé.... Quel âge avait l'enfant? Il avait dix ans, il devait avoir onze ans le deux août. Il était déjà noyé, je l'ai suivi, quand je l'a vu noyé, je l'ai suivi, parce que j'ai vu qu'il n'avait pas la force de résister, il fallait donc l'abandonner pour sauver le meilleur.  Comment êtes-vous sortie de l'eau? Mon enfant est donc parti, je n'ai pu rester avec lui, il faisait très noir. Après nous nous sommes accrochés à du bois rouge, et j'ai vu alors que venait la GRIFI.... Qu'est-ce que la GRIFI?  La GRIFI, c'est le garde côte, le garde frontière, et alors, avant que vienne la GRIFI, il y avait quatre remorqueurs — ceux qui nous arrosaient — et nous leur avons demandé de nous sauver, de nous faire monter, et ce qu'ils faisaient, c'est rire et nous dire que, si nous voulions nous sauver, il fallait demander l'aide de la GRIFI, qu'ils allaient nous sauver.  C'est alors qu'est venue la GRIFI et la GRIFI nous a lancé des cordes avec des ceintures de sauvetage, et alors nous sommes montés.

            Jeanette Hernández Gutierrez:  Quand nous nous sommes embarqués, tout allait bien; il n'y avait personne, rien pour nous faire peur, aucun obstacle.  Quand nous sommes sortis de la baie, nous avons vu deux remorqueurs tous feux éteints, dans le goulet de la baie. Ils nous ont laissé partir, mais ensuite ils ont commencé leurs jets de leurs manches à eau, ils étaient constants, les jets ne s'arrêtaient pas, alors qu'ils savaient qu'il y avait des enfants.  Quand nous sommes partis, nous nous sommes rendu compte que ... il y avait des gens sur la jetée; il semble qu'il y avait des activités - vous comprenez -sur le mur de la jetée, il semble qu'il y avait des activités.  Je m'imagine qu'ils ont tout vu, au moins le commencement de ce qui s'est passé.  Quand nous sommes arrivés à six milles, ils restaient loin de nous, mais avec les manches à eau, sous pression, qui est une force terrible, les enfants résistaient par peur de tomber, les hommes devant nous avaient peur que nous tombions, mais pour qu'ils voient qu'il y avait des enfants et des femmes, nous devions venir à l'avant, pour qu'ils se rapprochent et ne commettent pas d'assassinat ou autre chose.  Quand nous étions à six milles, nous avons vu qu'ils accéléraient pour se mettre à nos côtés et comme on ne voyait plus les côtes cubaines — parce qu'on ne voyait rien, ni les feux de la jetée, ni le phare, on ne voyait rien — on suppose qu'il s'agissait de sept ou dix milles, plus ou moins, comme ils dirent.  Ils ont commencé à nous faire des embardées.  Nous avions peur pour les enfants, non pas pour nous, peu nous importait, mais il y avait des enfants, et des enfants de cinq mois à l'avant.  Nous avons soulevé les enfants et ils les ont vus et nous avons commencé à pleurer pour demander.... qu'ils ne leur fassent rien et ils n'en ont pas ...  (suite) ... fait cas.  Un jeune qui venait avec nous, Román — qui est actuellement en prison — a supplié l'un de ceux qui étaient sur les remorqueurs et maniait la manche: Ami, calmes-toi, ne fais pas ces choses.  Vois qu'il y a ici des enfants... et il lui montre sa belle-fille de trois ans et il lui dit que s'il n¡enlève pas cette petite fille — s'il ne la met pas par terre — il va la tuer sous la pression de l'eau.  A aucun moment, ils n'ont tiré des coups de feu, mais à aucun moment ils ne nous ont dit avec le haut-parleur que nous devions nous arrêter, rien. Ils nous ont simplement laissés sortir de la baie pour nous attaquer à sept milles, où il n'y a pas de témoins — comme vous le savez, en haute mer, il n'y a pas de témoins. Quand ils ont vu ça, qu'ils nous faisaient faire des embardées et tout, un remorqueur s'est mis en travers, le plus grand... le plus grand des remorqueurs, le vert avec une bande rouge — une bande rouge — il nous attaque à la poupe et coupe l'embarcation en deux. Alors, à ce moment là, il s'en est fallu de peu que deux hommes tombent à l'eau, dont mon mari et Román, ce jeune qui suppliait qu'ils ne tirent pas sur les enfants.  Quand cela arrive... la bateau était à la dérive parce que le patron, qui s'appelait Fidenco Ramel, ils l'avait renversé avec les jets d'eau sous pression , ils l'ont fait tomber à la mer.... Il a disparu, de façon inattendue et quand Ramón, qui assumait toute la responsabilité, a vu que nous étions à la dérive, il est monté et a couru à l'avant.  Il savait comment naviguer.  Donc, avec ses connaissances, il essaie de nous aider — non — de nous sauver, parce que   le bateau avait pris tant d'eau, les jets sous pression ils les dirigeaient directement sur la cale — directement dessus — sur la tête des enfants.  Les enfants devaient baisser la tête, parce que ce n'est pas facile de respirer ou d'avaler, pour le moins dans le cas des enfants.  Et nous étions... nous savions que nous allions couler parce que c'était une chose dont on avait le préssentiment, qu'on allait nous tuer, parce que on ne nous avait pas arrêtés. Raúl arrête la machine, la notre, et quand ils voient qu'on s'arrête, ils ne nous pardonnent pas, et ne respectent pas Raúl pour l'avoir fait.  Ils nous ont fait couler, de la manière suivante: Le remorqueur qui a coupé la poupe se met à l'avant, brise la proue et la fait éclater.  En d'autres termes, le remorqueur ne pouvait plus flotter, il a coulé parce que tout le poids se trouvait au milieu.  Tous ceux qui étaient dans la cale, nous étions environ soixante-deux personnes.  La majorité étaient des femmes et des enfants.  Ceux qui sont morts le moins, sont les hommes; mais pourquoi ces hommes n'ont rien fait pas la suite pour sauver les autres.  Beaucoup de ceux qui étaient à l'avant, quand ce désastre est arrivé, quand nous avons coulé, on a flotté, mais ces remorqueurs étaient à l'arrière, ils se sont déplacés de quelques mètres, mais sans nous jeter des ceintures de sauvetage — rien; ils ne nous apporté aucune sorte d'aide.  Un seul remorqueur nous a lancé des ceintures de sauvetage, loin de nous pour que nous ne les atteignons pas.  Quand  le bateau a coupé la poupe du notre, il a fait tomber une caisse de bois à quelques mètres, mais quelques mètres....eh... à ce moment j'étais dehors — vous comprenez — parce que , quand nous étions dans l'eau, vous avons vu la caisse très loin, et beaucoup de gens n'ont pu l'atteindre; et le remous du bateau n'ont éloignait. Il y avait là ma belle-soeur, Pilar Amanza Romero, son fils Yasel Perudin Amanza — l'enfant — et son oncle Cayol se trouvaient dans la cale, Manuel Cayol.  Se sont ces trois membres de ma famille que j'ai perdus.  Mon mari, en voyant ça — imaginez-vous — était bouleversé, comme mon beau-frère.  Nous sommes alors allés chercher l'autre enfant, mais quand nous sommes sortis, j'ai senti que, quand j'allais sortir du bateau, l'enfant, l'autre enfant, celui qui est mort, m'aggripait le pied --- eh!... m'avait saisi le pied, et quand ils m'ont tirée et que j'ai voulu le prendre, ma chaussure de tennis est partie, et tout est parti, et je n'ai pu l'attraper; ce fut terrible.  Donc quand j'ai vu mon beau-frère sortir avec Sergito, le plus petit, je me suis sentie rassurée, parce qu'au moins il m'en restait un.  Je l'ai cherché et nous sommes restés avec lui.  La GRIFI est venue, ce fut la seule à nous aider, ils ont lancé des ceintures de sauvetage; mais les remorqueurs restaient immobiles, sans rien faire.  Plus tard est arrivée une vedette rapide qui a recueilli six ou sept personnes, dont une petite fille qui ressemblait à une baudruche gonflée mais sa mère l'a sauvée et la petite est vivante, elle a trois ans.  Nous, en voyant cela, nous sommes restés là jusqu'à l'aube, sur la GRIFI et quand je suis montée sur la GRIFI, j'ai lâché des insultes, leur ai dit qu'ils sont des assassins, qu'ils n'avaient ...  (suite) ... aucune pitié pour les enfants, qu'on dit dans ce pays qu'il y a beaucoup de privilèges pour les enfants et pour les vieux, mais qu'on les laisse mourir, il y avait des vieux là dedans, et beaucoup d'enfants — vingt neuf enfants morts là dedans.  C'est une chose, les gens sont révoltés, ils veulent désespérément avoir des informations. — quelque chose — qu'on retrouve ces cadavres qui sont prisonniers dans la cale.  Roberto Robaina dit que savions que le bateau avait une avarie quand nous sommes sortis du port.  Croyez-vous que vous allions risquer la vie  d'enfants et de femmes avec une avarie, en sachant qu'on avait un long chemin à parcourir?  Ils disent alors que c'était une relique du port; qu'elle remontait à la Deuxième guerre mondiale.  C'est vrai, il était très vieux, il était en bois, mais on venait de le réparer; et même, quand je suis allée à la Villa Marista, pour apporter des objets de toilette à mon mari et à mon beau-frère, j'ai demandé: Pourquoi le journal déclare que le bateau a levé l'ancre, a coulé, que ce fut une négligence de notre part?.  Je dis qu'il en était pas ainsi, que pourquoi on nous dit des mensonges?  On change alors de ton, on dit que nous sommes tous des contre-révolutionnaires et je l'accepte ... Mais je demande à eux, à la Villa Parista:  Que ce passe-t-il avec ceux qui nous ont fait couler, avec nos assassins, les assassins de nos enfants, de nos parents?  Parce qu'il y a des enfants qui ont perdu leur mère, par exemple ma belle-fille ...

     [3].    Manuel de Derecho Internacional, Max Sorensen, Fondo de Cultura Económica, México, 1985, page 508.  Ces éléments de la responsabilité internationale sont également formulés par Eduardo Jiménez de Aréchaga, dans son ouvrage Derecho Internacional Público, Tome IV, page 34, Fundación de Cultura Universitaria, 1991.

     [4].    Asdrubal Aguiar, La Responsabilidad Internacional del Estado por Violación de Derechos Humanos, dans Estudios Básicos de Derechos Humanos, IIDH, Tome 1, page 127, paragraphe 25, San José, Costa Rica, 1994.

     [5].    Ibid., page 127, paragraphe 27.

     [6].    Voir Sir Ian Sinclair, The Vienna Convention on the Law of the Treaties, Manchester University Press, 1973, page 208.  La notion de jus cogens est consacrée dans l'article 53 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, qui stipule que "un traité sera nul si, au moment d'y souscrire, il est en conflit avec une norme péremptoire du droit international général.  Aux effets de la présente Convention, une norme péremptoire du droit international est une norme acceptée et reconnue par toute la Communauté des nations en tant que normes qui ne peut être dérogée et qui ne peut être modifiée que par une autre norme de droit international général postérieure à la première, mais de caractère général".

     [7].    Cour interaméricaine des droits de l'homme, Sentence de l'affaire Velásquez Rodriguez du 29 juillet 1988, page 71-72, paragraphe 175.

     [8].    CIDH, Rapport annuel 1994, OEA/Ser.L/V/II.88, 17 février 1995, page 163.

     [9].    CIDH, Dix ans d'activités, 1971-1981, Secrétariat général de l'Organisation des Etats américains, Washington, D.C., 1982, page 327.

     [10].  CIDH, Rapport annuel 1994, page 162.

     [11].  Cour interaméricaine des droits de l'homme, Sentence de l'affaire Velásquez Rodríguez, 29 juillet 1988, page 72-73, paragraphe 177.