RAPPORT Nº 26/10

PÉTITION 12.100

DÉCISION DE MISE AUX ARCHIVES

HAITI

16 mars 2010

 

PRÉSUMÉES VICTIMES:           Frantz Henri Jean-Louis et Thomas Asabath

 

REQUÉRANTS:                      Jean-Claude Nord y Gérard Georges

 

DÉBUT DU TRAITEMENT DE LA PLAINTE:    22 décembre 1998

 

VIOLATIONS ALLÉGUÉES:   Les faits allégués se réfèrent à des violations présumées des articles 1(1), 7, 8 et 25 de la Convention Américaine relative aux Droits de l’Homme (la “Convention Américaine”)

 

I.                    POSITION DES REQUÉRANTS

 

1.                  Le 22 décembre 1998, la Commission interaméricaine des Droits de l’Homme (la « Commission interaméricaine » ou la « CIDH ») a reçu une pétition de monsieur Gérard Georges, avocat et président de la Ligue Haïtienne-Américaine des Droits de l’Homme et de monsieur Jean-Claude Nord, avocat et Secrétaire du Centre Haïtien des Droits de l‘Homme (les « requérants »), contre la République d’Haïti (« l’État » ou « Haïti »), alléguant des violations de la Convention Américaine consistant en l’arrêt illégal de Frantz Henri Jean-Louis et Thomas Asabath (les « présumées victimes ») le 23 juillet 1998, sans mandat d’arrêt et sans avoir été surpris en train de commettre une infraction pénale (« flagrante delicto ») ainsi qu’en leur détention illégale, d’abord dans la station de police de Pétion-Ville, puis au pénitencier civil de Pétion-Ville.

 

2.                  De plus, les requérants allèguent que malgré le fait qu’une ordonnance déclarant que « leur arrestation était illégale et leur détention abusive et arbitraire » ait été émise le 5 août 1998, le Commissaire du Gouvernement a refusé de libérer Messieurs Jean-Louis et Asabath, ce jusqu’au 9 octobre 1998. Toutefois, les requérants soumettent qu’au moment même où les présumées victimes furent remises en liberté, elles furent brutalement arrêtées de nouveau, cette fois sous la charge de « trafic de drogues dans le territoire haïtien » et en vertu d’un mandat d’arrêt duquel elles ne furent pas préalablement informées.

 

3.                  Les requérants indiquent que le 30 novembre 1998, le juge d’instruction en charge de leur dossier émit une ordonnance de remise en liberté. Cependant, ils allèguent que le même jour, le Secrétaire d’État pour la Sécurité Publique a convoqué le juge d’instruction ainsi que le Commissaire du Gouvernement à son bureau et leur a ordonné de ne pas exécuter l’ordonnance de remise en liberté. En agissant de la sorte, les requérants allèguent que le Secrétaire d’État a agi délibérément contre les prescriptions constitutionnelles et légales ainsi que contre les normes et principes fondamentaux contenus dans les instruments internationaux de protection des droits humains ratifiés par l’État haïtien, dont la Convention Américaine.

 

II.         POSITION DE L’ÉTAT

 

4.                  L’État n’a présenté aucune réponse concernant les faits allégués par les requérants, ni contesté la recevabilité de la pétition sous étude.
 

III.        TRAITEMENT DE LA PLAINTE DEVANT LA COMMISSION INTERAMÉRICAINE

 

5.                  Après avoir reçu la pétition, la Commission interaméricaine en a transmis les parties pertinentes à l’État le 28 janvier 1999, sollicitant que l’État présente ses observations à l’intérieur d’une période de quatre-vingt-dix jours, et en a notifié les requérants.

 

6.                  Le 5 mars 1999, la CIDH a reçu de l’information des requérants, datée du 24 février, et a accusé réception de celle-ci le 30 mars 1999. Le 14 décembre 2001, la Commission interaméricaine a réitéré sa demande d’observations à l’État afin qu’il les présente dans un délai d’un mois. Le 17 décembre 2001, la CIDH a transmis la même requête aux requérants.

 

7.                  La CIDH a réitéré ses demandes, tant à l’État qu’aux requérants, le 22 mars 2002. Le 17 juin 2009, la CIDH a demandé aux requérants qu’ils confirment leur intérêt à continuer le traitement de la pétition, considérant la série d’évènements qui ont eu lieu en Haiti depuis leur dernière communication.[1] Également, la CIDH a informé les requérants que dans l’éventualité où elle ne recevrait pas d’information, elle pourrait décider de classer la pétition aux archives en conformité avec l’article 48(1)(b) de la Convention Américaine. En date d’adoption du présent rapport, le CIDH n’a pas reçu d’information additionnelle et/ou mise à jour, ni de l’État ni des requérants.

 

IV.        FONDEMENTS POUR LA DÉCISION DE MISE AUX ARCHIVES

 

8.                  L’article 48(1)(b) de la Convention Américaine, tout comme l’article 42 du Règlement de la CIDH, établissent qu’avant de déterminer la recevabilité d’une pétition, la Commission interaméricaine devra vérifier si les motifs lui ayant donné lieu existent ou subsistent toujours et si elle considère que non, elle ordonnera la mise aux archives de l’affaire. De plus, l’article 42(1)(a) du Règlement prévoit que la CIDH pourra décider de classer une affaire aux archives lorsqu’elle considère que l’information nécessaire afin de rendre une décision n’est pas disponible.

 

9.                  Dans la présente affaire, la pétition fût présentée le 22 décembre 1998 et bien qu’à trois occasions, en 2001, 2002 et 2009, la CIDH a demandé aux requérants qu’ils fournissent de l’information additionnelle, cela fait maintenant plus de dix ans depuis leur dernière communication.

 

10.              La CIDH note qu’elle a exprimé à plusieurs reprises ses préoccupations quant à l’exercice des droits à la liberté et à la sécurité; aux garanties judiciaires et à la protection judiciaire en Haïti, particulièrement dans des circonstances similaires à celles décrites dans la présente pétition. Cependant, considérant les circonstances particulières ci-haut mentionnées, la Commission interaméricaine considère qu’elle ne possède pas les éléments nécessaires pour rendre une décision sur la recevabilité de la pétition ou pour déterminer si les motifs y ayant donné lieu subsistent toujours, et considère que l’information nécessaire n’est pas disponible. Par conséquent, en conformité avec l’article 48(1)(b) de la Convention Américaine et l’article 42 de son Règlement, la CIDH décide de classer cette pétition aux archives, sans pré-jugement du fond de l’affaire.

 

Fait et signé à Washington, DC., ce 16ème jour du mois de mars 2010.  (Signé): Felipe González, Président; Paulo Sérgio Pinheiro, Premier Vice-président; Dinah Shelton Deuxième Vice-présidente; et María Silvia Guillén, José de Jesús Orozco Henríquez, Rodrigo Escobar Gil, en qualité de membres de la Commission.


 


[1] Par exemple, voir le Rapport Annuel de la CIDH de 2004, Chapitre IV, para. 103. La CIDH note aussi que depuis mars 2004, la Prison de Pétion-Ville est un centre de détention uniquement pour femmes.