RAPPORT Nº 65/06
RECEVABILITÉ
REQUÊTE
P81-06
JIMMY
CHARLES
HAÏTI
Le 20
juillet 2006
I. RÉSUMÉ
1. Le
24 janvier 2006, la Commission interaméricaine des droits de l’homme
(dénommée ci-après «la CIDH» ou «la Commission») a été saisie d’une
plainte présentée par Brian Concannon, de l’Institut pour la justice et
la démocratie en Haïti, et par Mario Joseph, du Bureau des avocats
internationaux, (ci-après dénommés «les requérants»), au nom de Jimmy
Charles, contre la République d’Haïti (ci-après dénommée «l’État» ou
«Haïti»).
2.
Dans leur requête, les requérants allèguent la violation du droit à la
vie (article 4), du droit à un traitement humain (article 5), du droit à
la liberté de la personne (article 7), du droit à un procès équitable
(article 8) et du droit à la protection judiciaire (article 25.1),
consacrés dans la Convention américaine relative aux droits de l’homme
(dénommée ci-après «la Convention» et «la Convention américaine»).
3. Les
requérants affirment que M. Charles, un employé de la compagnie
haïtienne des téléphones, la TELECO, a été arrêté le 5 janvier 2005,
sans qu’un mandat d’arrêt ait été émis à son égard, et sans qu’il soit
pris en train de commettre un délit pénal. Ils affirment qu’il a été
détenu sans avoir été jugé et que son cadavre a été découvert à la
morgue de l’Hôpital de l’Université de l’Etat à Port-au-Prince le 13
janvier, 2005 peu après avoir été remis en liberté le même jour.
4.
L’État n’a pas soumis de réponse aux faits allégués par les requérants
et n’a pas non plus contesté la recevabilité de la requête faisant
l’objet du présent examen.
5. Dans ce rapport, la CIDH, après avoir analysé les informations
disponibles sous l’angle de la Convention américaine, conclut qu’elle
est compétente pour connaître des allégations présentées par les
requérants, selon lesquelles la mort et la détention de la victime
constituent des violations des droits visés aux articles 4, 5, 7, 8 et
25.1 de la Convention américaine et que, vu que la requête satisfait les
conditions énoncées aux articles 46 et 47 de la Convention américaine,
elle décide de déclarer recevable cette requête. La Commission décide
également de notifier sa décision aux parties, de la publier et de
l’inclure dans le Rapport annuel qu’elle soumettra à l’Assemblée
générale de l’OEA.
II. PROCÉDURES INTRODUITES DEVANT LA
COMMISSION
6. Le 24 janvier 2006, la Commission a été saisie
de la plainte présentée par les requérants.
7. Le 18 avril 2006, la Commission a transmis cette requête à
l’État haïtien et a demandé à celui-ci d’y répondre dans un délai de
deux mois à compter de la date de réception de la communication,
conformément à l’article 30.3 du Règlement de la Commission.
8. Au moment où ce rapport a été examiné, l’État n’avait fourni
aucune information à propos de la requête.
III. POSITIONS DES PARTIES
A. Les requérants
9. Les
requérants expliquent que le 13 janvier 2005, la famille de la victime
présumée, Jimmy Charles, 27 ans, père de deux jeunes enfants et employé
de la compagnie haïtienne des téléphones, la TELECO, a découvert le
corps de celui-ci, qui présentait 11 blessures par balles, à la morgue
de l’hôpital de l’Université d’État, à Port-au-Prince.
10. Les requérants affirment que le 5 janvier 2005, M. Charles a été
arrêté par les soldats brésiliens de la Mission des Nations Unies pour
la stabilisation en Haïti (MINUSTAH) devant la maison de son père alors
qu’il se préparait à décharger du sable d’un camion destiné à
l’entreprise de maçonnerie de son père. Ils affirment que son
arrestation était illégale parce qu’elle ne reposait pas sur un mandat
d’arrêt et que M. Charles n’avait pas, non plus, été arrêté en train de
commettre un délit pénal.
11. Les requérants déclarent que la MINUSTAH a remis M. Charles à la
Police nationale d’Haïti le jour même de son arrestation et qu’il a été
détenu dans une cellule du poste de police du Service anti-gang. Cette
cellule en ciment de neuf pieds sur douze était dépourvue d’eau
courante, d’installation sanitaire et de tout meuble, et les détenus ne
recevaient des aliments et de l’eau potable que des membres de leur
famille qui étaient autorisés à leur déposer de la nourriture dans la
cellule tous les matins. Il est dit que la cellule de ce poste de
police est surpeuplée, manque d’air frais en quantité suffisante et que
la température peut y atteindre 105 degrés Fahrenheit (40º C).
12. Les requérants allèguent également que les jours suivants, la
femme et le père de M. Charles sont allés le voir à sa cellule, tous les
jours, pour lui apporter de la nourriture et que la détention de M.
Charles s’est poursuivie sans qu’il ait été informé d’une accusation
formelle portée contre lui et sans qu’une décision judiciaire n’ait
entériné son arrestation.
13.
Le 10
janvier, selon les requérants, M. Charles a été envoyé devant le juge de
Paix du Tribunal Section Sud de Port-au-Prince, où le Juge Marc Pascal
déclara que le dossier de M. Charles était incomplet, et qu’il ne
relevait pas de sa juridiction. Ainsi, M. Charles a été renvoyé dans la
cellule de détention de l’Anti-Gang sans qu’une décision de justice
approuve son arrestation, et sans avoir été informé par le juge des
charges retenues contre lui.
14.
, Les
requérants indiquent que le 11 janvier, l’avocat de M. Charles d’alors,
Roosevelt St. Jean, alla au service Anti-Gang pour s’informer auprès
d’un policier dénommé M.Nazaire lui dit qu’un rapport de police avait
été écrit, mais devait encore être signé par le chef du Service
Anti-Gang, lequel était absent. De plus, il expliqua que M.Charles
allait comparaître devant le Juge de paix de la Section Est et suggéra
que son avocat aille l’attendre au Tribunal de la section Est le
lendemain.
15.
Selon les requérants, la femme de M. Charles l’a vu vivant, pour la
dernière fois, le 12 janvier au matin, lorsqu’elle lui a apporté à
manger. Ce même jour, son père s’est rendu à la cellule du Service
anti-gang vers 14 heures, mais son fils n’y était plus. On lui a dit
que M. Charles avait été remis en liberté un peu plus tôt ce jour-là,
aux environs de midi. Il s’est alors rendu immédiatement chez son fils
pour voir s’il était rentré chez lui. Ne le trouvant pas là-bas, il est
allé au Tribunal de paix de la Section Est où son fils aurait dû se
présenter ce jour-là et là, on lui a dit qu’il n’avait pas comparu
devant le tribunal. Finalement le lendemain, 13 janvier, il a découvert
le corps de son fils, criblé de balles, à la morgue de l’hôpital de
l’Université d’État. Le personnel de la morgue lui a dit que le cadavre
de M. Charles était arrivé en ambulance vers 14 heures, le 12 janvier,
jour de sa remise en liberté.
16. Les requérants affirment également que, dans un communiqué de
presse, le porte-parole de la police a allégué ultérieurement que M.
Charles avait été tué pendant un affrontement entre la police et des
«bandits» dans le quartier de La Saline, après sa libération. Ils font
valoir que cette affirmation n’est pas crédible. Ils font valoir qu’un
individu raisonnable qui vient juste d’être remis en liberté après avoir
été détenu pendant une semaine dans une cellule surpeuplée et dépourvue
de toute hygiène dans un poste de police, rentrerait chez lui pour voir
sa famille ou qu’il se cacherait, mais qu’il ne participerait pas à un
affrontement armé dans une partie éloignée de la ville.
17. Par contre, les requérants affirment que la séquence des
événements et les preuves indirectes disponibles suggèrent que M.
Charles a été tué alors qu’il était encore sous la garde de la police,
ou immédiatement après sa ‘libération’ de la cellule du Service
anti-gang mais qu’il avait été repris aussitôt après et exécuté soit par
des membres réguliers de la PNH, ou par des attachés de la police
affectés au commissariat du Service anti-gang. Les requérants allèguent
également que le cadavre est arrivé dans une ambulance et que la PNH
dispose d’ambulances policières qui ont été utilisées maintes fois pour
transporter les victimes d’exécutions extrajudiciaires à la morgue de
l’hôpital de [l’Université] d’État.
18. Les requérants font également observer que lorsqu’une personne,
qui a été vue vivante pour la dernière fois alors qu’elle était détenue
par des autorités de l’État, est retrouvée morte aussitôt après, de
telles preuves indirectes constituent une forte présomption que des
agents de l’État sont responsables de son meurtre. Dans bien des cas de
ce genre, affirment les requérants, il n’incombe pas exclusivement aux
proches de la victime de prouver la responsabilité de l’État dans la
mort violente de la victime. C’est plutôt à l’État que revient la
charge d’exonérer ses agents de la responsabilité du décès d’un détenu
dont ils avaient la garde.
19. Pour ce qui est de l’épuisement des voies de recours internes,
les requérants déclarent que le 25 janvier 2005, le père et la femme de
M. Charles ont porté plainte au pénal devant le Commissaire du
gouvernement du Tribunal de première instance de Port-au-Prince et se
sont constitués parties civiles dans le cadre de la procédure pénale. À
ce jour, la procédure n’a fait aucun progrès.
20. Les requérants déclarent également que les proches de M. Charles
ont demandé le 25 janvier 2005, et réitéré cette demande le 14 mars
2005, à ce que le corps de M. Charles soit soumis à une autopsie et à
un examen médico-légal afin de déterminer, entre autres, la distance, la
direction et l’angle sous lesquels ont été tirées les 11 balles qui ont
tué M. Charles. Selon les requérants, en dépit de ces efforts, aucune
autopsie n’a été pratiquée sur le corps de M. Charles. Ils affirment
également qu’aucune enquête impartiale n’a été entreprise et qu’aucun
fonctionnaire gouvernemental ou judiciaire n’a pris de mesures afin de
faire la lumière sur les circonstances de la mort de M. Charles.
21. Enfin, le requérant allègue que sa requête doit être considérée
comme recevable pour les raisons suivantes: (1) le retard injustifié de
l’enquête et des poursuites pénales vu que, à la date où la Commission a
été saisie de la requête, l’État n’avait pris aucune disposition pour
enquêter sur cette affaire ni pour donner suite au recours juridique
formé par la famille; (2) le fait qu’une action au civil séparée ne
constitue pas un recours adéquat pour la violation en question lorsque
le principal recours consiste à traduire en justice les auteurs de la
violation, car ce but ne peut pas être atteint devant les tribunaux
civils; et (3) le fait que le système judiciaire haïtien n’est pas
efficace et ne permet pas de garantir une procédure régulière pour la
protection des droits qui ont été violés.
B. L’État
22. L’État n’a pas présenté de réponse aux faits
allégués par les requérants dans leur pétition et n’a pas non plus
contesté la recevabilité de la requête faisant l’objet de cet examen.
IV. ANALYSE DE LA RECEVABILITÉ
A.
Considérations préliminaires
23. La CIDH constate que l’État n’a répondu à aucun
moment aux allégations des requérants et qu’il n’a pas non plus contesté
la recevabilité de la requête comme il l’a fait pour plusieurs affaires
concernant Haïti par le passé.
La Commission rappelle qu’Haïti est responsable des obligations
internationales qu’elle a assumées aux termes de la Convention
américaine relative aux droits de l’homme. L’article 48 (1) (a) de la
Convention présente un intérêt particulier car il établit les procédures
à suivre lorsque la Commission reçoit une requête ou une communication.
La CIDH doit demander «des
informations au gouvernement de l'Etat dont relève l'autorité à qui la
violation est imputée» et «[c]es informations devront être présentées
dans un délai raisonnable». Les dispositions de l’article 48(1) (e)
stipulent que la Commission «pourra demander aux Etats intéressés toutes
informations pertinentes». Cette disposition oblige les États parties
à la Convention à fournir à la CIDH toutes les informations dont elle
peut avoir besoin pour procéder à l’examen des pétitions individuelles.
24. La CIDH souligne l’importance qu’elle
accorde aux informations qu’elle demande car ce sont elles qui servent
de fondement à ses décisions à propos des requêtes dont elle est
saisie. De fait, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a
affirmé que la coopération des États constitue une obligation
fondamentale dans le cadre de la procédure internationale établie par le
système interaméricain:
A la différence du droit pénal interne, en
ce qui concerne les procédures relatives aux violations des droits de
l'homme, la défense de l'Etat ne peut reposer sur l'impossibilité du
demandeur d'alléguer des preuves qu'en de nombreux cas, il ne peut
obtenir sans la coopération de l'Etat.
L'Etat contrôle les moyens d'éclaircir les
faits survenus dans son territoire. Bien que la Commission ait la
possibilité d'effectuer des enquêtes, dans la pratique, pour pouvoir
effectuer ses enquêtes dans la juridiction de l'Etat, elle dépend de la
coopération de cet Etat.
25. La
Commission et la Cour interaméricaines des droits de l’homme ont
également déclaré que «le
silence du défendeur ou ses réponses évasives ou ambiguës peuvent être
interprétés comme une acceptation des faits allégués, du moins tant que
le contraire n'apparaît pas dans la procédure ou ne résulte pas de la
conviction du juge» et la présomption a été reconnue explicitement dans
l’article 39 du Règlement de la Commission et dans l’article 38 (2) du
Règlement de la Cour.
Ayant cela présent à l’esprit, la Commission rappelle à l’État haïtien
qu’il est dans l’obligation de coopérer avec les différents organismes
du Système interaméricain des droits de la personne afin de faciliter
leurs efforts visant à protéger les droits individuels.
B.
Compétence ratione personae, ratione loci, ratione temporis et
ratione materiae de la Commission
26. Les
requérants, aux termes de l’article 44 de la Convention américaine, sont
autorisés à déposer des plaintes auprès de la CIDH. La pétition désigne
comme victime présumée une personne à l’égard de laquelle Haïti s’est
engagée à respecter et à garantir les droits, compte tenu de
l’obligation générale de ce pays de respecter les droits de la personne
en vertu de l’article 1 de la Convention américaine. La République
d’Haïti est partie à la Convention américaine, depuis le 27 septembre
1977, date à laquelle elle a déposé l’instrument d’adhésion
correspondant. De ce fait, la Commission a la compétence ratione
personae nécessaire pour examiner la pétition dont elle est saisie.
27. La
Commission estime qu’elle a compétence ratione loci pour
connaître de la pétition, car les violations présumées ont été commises
sur le territoire d’un État partie à ce traité.
28. La
CIDH estime également qu’elle a compétence ratione temporis, vu
que la requête concerne des actes qui auraient été commis en 2005 alors
que les obligations ont été contractées par Haïti en vertu de son
adhésion à la Convention américaine le 27 septembre 1977.
29. Enfin,
la Commission considère qu’elle a compétence ratione materiae
parce que la pétition dénonce des violations de droits protégés par la
Convention américaine, et notamment le droit à la vie (article 4), le
droit à un traitement humain (article 5), le droit à la liberté de la
personne (article 7), le droit à un procès équitable (article 8) et le
droit à la protection judiciaire (article 25).
C.
Autres conditions de recevabilité
1.
Épuisement des voies de recours internes
30.
L’article 46 (1) (a) de la Convention américaine prévoit que la
recevabilité d’une pétition introduite devant la Commission aux termes
de l’article 44 est soumise à la condition que
les voies de recours internes aient été dûment utilisées et épuisées
conformément aux principes du droit international généralement
reconnus. Le but de cette exigence est de donner aux instances
nationales la possibilité d’examiner la violation présumée d’un droit
protégé par la Convention et, le cas échéant, de régler le problème,
avant que celle-ci ne soit soumise à la considération d’une instance
internationale.
31. L’obligation d’épuiser au préalable les voies de
recours internes s’applique lorsque, dans la pratique, celles-ci sont
disponibles dans le système national et constitueraient un recours
adéquat et efficace pour la violation présumée. À cet égard, l’article
46 (2) précise que cette obligation ne s’applique pas lorsque la
législation interne n’offre pas les garanties d’une procédure régulière
pour la protection du droit en question, ou si la victime présumée n’a
pas eu accès aux voies de recours internes ou s’il s’est produit un
retard injustifié pour obtenir un jugement définitif quand elle a
invoqué ces recours. Comme l’indique l’article 31 du règlement de la
Commission, lorsqu’un requérant allègue l’une ou l’autre de ces
exceptions, c’est à l’État qu’il incombe alors de démontrer que les
voies de recours internes n’ont pas été épuisées, à moins que cette
conclusion ne ressorte clairement du dossier.
32. Conformément aux principes du droit
international, lesquels se retrouvent dans les précédents établis par la
Commission et par la Cour interaméricaines, il convient de remarquer en
premier lieu que l’État concerné peut renoncer expressément ou
tacitement à invoquer cette règle.
En deuxième lieu, pour que la contestation selon laquelle les voies de
recours internes n’ont pas été épuisées soit considérée comme ayant été
faite en temps opportun, elle doit avoir été faite aux premiers stades
de la procédure; dans le cas contraire, la Commission présumera que
l’État concerné a renoncé tacitement à l’invoquer.
Enfin, l’État qui allègue le non épuisement des voies de recours
internes doit préciser quelles sont les voies de recours qui auraient dû
être épuisées et donner des preuves de leur efficacité.
En conséquence, si l’État concerné ne présente pas en temps opportun
des arguments concernant cette exigence, la Commission interprètera que
l’État a renoncé à son droit de faire valoir le non épuisement des voies
de recours internes, et de ce fait est exonéré de la charge de la preuve
correspondante.
33. En l’espèce, les requérants ont allégué que
l’exception visée à l’article 46 (2), à savoir le fait que l’accès aux
voies de recours internes prévues par la législation nationale ait été
refusé à la victime, que celle-ci ait été empêchée de les épuiser et le
retard injustifié pour obtenir un jugement définitif, s’applique à cette
affaire et que l’État n’a pas contesté cet argument. C’est pourquoi,
s’appuyant sur: les termes de l’article 46 de la Convention et de
l’article 31 du Règlement de la Commission, son examen du dossier, et
prenant notamment en considération l’absence d’une enquête sur la mort
de M. Charles, le fait que, en l’espèce, l’État n’ait pas donné suite
aux poursuites pénales, et le délai d’un an pendant lequel les instances
concernées n’ont rendu aucune décision, et faute d’informations
spécifiques et concrètes indiquant que des voies de recours internes
disponibles et efficaces n’ont pas été épuisées, la Commission conclut
que l’exception visée à l’article 46 (2) s’applique à cette affaire et
qu’il y a eu un renoncement tacite de l’État.
D. Délai pour la présentation de la requête
34. Aux termes de l’article 46 (1) (b) de la
Convention, la requête doit être introduite en temps opportun pour être
recevable, à savoir, dans un délai de six mois à compter du jour où la
décision définitive, au niveau national, a été notifiée à la partie
plaignante. La norme établissant ce délai de six mois garantit la
sécurité et la stabilité juridiques une fois que la décision a été
prise.
35. Dans
les affaires où une exception à l’obligation d’épuiser au préalable les
voies de recours internes est applicable, l’article 32 du Règlement de
la Commission prévoit que les requêtes doivent être présentées dans une
période de temps raisonnable, laissée à l’appréciation de la
Commission. Conformément à cet article, la Commission, dans son
analyse, «tient compte de la date à laquelle a eu lieu la violation
présumée des droits ainsi que des circonstances de chaque cas.»
36. En
ce qui concerne la pétition examinée ici, la Commission a établi que
l’exception visée à l’article 46 (2),
à savoir le fait que l’accès aux voies de recours internes prévues par
la législation nationale ait été refusé à la victime, est
applicable et que, de ce fait, elle doit évaluer si la pétition a été
présentée dans une période de temps raisonnable compte tenu des
circonstances de la situation soumise à sa considération. À cet égard,
au vu des circonstances indiquées dans la pétition, la Commission
constate que les requérants déclarent que la victime a été retrouvée
morte le 13 janvier 2005 et que la requête a été déposée le 24 janvier
2005. Au regard des circonstances particulières de cette requête, la
CIDH estime qu’elle a été introduite dans un délai raisonnable.
E.
Double emploi des procédures et de la chose jugée
37. La Commission croit comprendre que l’objet
principal de cette pétition n’est pas en instance de règlement devant
une autre instance internationale et qu’elle ne fait pas non plus double
emploi avec une pétition déjà examinée par cette autre instance
internationale. En conséquence de quoi, les conditions visées à
l’article 46 (1) (c) et 47 (d) sont remplies.
F. Caractérisation des faits
38. L’article 47 (b) et (c) de la Convention, ainsi
que l’article 34 (a) et (b) du Règlement de la Commission considèrent
qu’une pétition n’est pas recevable lorsqu’elle n’expose pas des faits
qui semblent constituer des violations de droits consacrés par la
Convention ou par tout autre instrument applicable ou si les arguments
des requérants ou de l’État indiquent que la requête est manifestement
dénuée de fondement ou non conforme aux normes.
39. Les requérants allèguent que l’État est
responsable des violations des droits de M. Charles visés aux articles
4, 5, 7, 8 et 25 de la Convention américaine, ainsi que le résume la
section III ci-dessus. L’État n’a pas présenté d’observations ou
d’informations sur les violations alléguées par les requérants.
40. La Commission en conclut que la requête contient
des allégations factuelles qui, si leur véracité est prouvée, tendent à
caractériser des violations des droits protégés par les articles 4, 5,
7, 8 et 25 de la Convention et de l’article 1.1., qui traduit
l’obligation générale de respecter les droits protégés par la
Convention. La CIDH estime également que, sur la base des informations
qui lui ont été soumises, les allégations des requérants ne sont pas
ostensiblement dénuées de fondement et qu’elles ne sont pas non plus non
conformes aux normes. En conséquence de quoi, la CIDH conclut que la
requête ne doit pas être considérée comme irrecevable en vertu des
articles 47 (b) et (c) de la Convention ou de l’article 34 (a) et (b) du
Règlement de la Commission.
V. CONCLUSIONS
41.
Après avoir
examiné la présente requête, la Commission conclut qu’elle a compétence
pour connaître de ladite affaire. Elle juge que la requête est
recevable compte tenu des allégations des requérants faisant état de
violations des articles 4, 5, 7, 8 et 25.1 de la Convention en connexion
avec l’article 1.1. La Commission décide également de notifier cette
décision aux parties, de la publier et de l’inclure dans son Rapport
annuel à l’Assemblée générale de l’OEA.
42.
Faisant fond sur les arguments de droit et de fait mentionnés ci-dessus,
et sans préjuger du fond de l’affaire,
LA
COMMISSION INTERAMÉRICAINE DES DROITS DE L’HOMME,
DÉCIDE:
1. De déclarer la présente affaire recevable par rapport aux
articles 4, 5, 7, 8 et 25.1 de la Convention américaine en connexion
avec l’article 1.1.
2. De notifier la présente décision aux requérants et à l’État.
3. De poursuivre l’examen portant sur le fond de l’affaire.
4. De publier cette décision et de l’inclure dans le Rapport
annuel qu’elle soumettra à l’Assemblée générale de l’OEA.
Fait et
approuvé au de la Commission interaméricaine des droits de l’homme, dans
la ville de Guatemala, Guatemala, le 20 juillet 2006.
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