CHAPITRE IV: HAÏTI

 

RAPPORT ANNUEL POUR L’ANNEE 2006

DE LA COMMISSION INTERAMERICAINE DES DROITS DE L’HOMME

 

 

            Introduction

 

            1.         La Commission interaméricaine des droits de l’homme (ci-après la CIDH ou « la Commission ») a décidé d’inclure dans le présent chapitre des observations concernant la République d’Haïti, État membre de l’OEA dont les pratiques en matière de droits de la personne méritent une attention particulière, parce qu’on peut dire que ce pays se trouve dans la situation correspondant au cinquième critère énoncé dans le Rapport annuel de la CIDH pour 1997,  susmentionné, c’est-à-dire une

 

« situation temporaire ou structurelle qui peut se produire dans des États membres confrontés, pour diverses raisons, à des situations qui affectent gravement la jouissance des droits fondamentaux consacrés dans la Convention américaine ou dans la Déclaration américaine.  Ce critère comprend, par exemple, des situations graves de violations des droits de l’homme qui empêchent le fonctionnement adéquat de l’État de droit, de graves crises institutionnelles, des processus de changements institutionnels ayant des conséquences négatives pour les droits de la personne ou de graves omissions dans l’adoption des dispositions nécessaires à l’exercice effectif des droits fondamentaux ».

 

            2.         La Commission a élaboré la présente section du Chapitre IV de son Rapport annuel conformément aux dispositions de l’article 57(1) (h) de son Règlement et a fondé son analyse sur des informations qu’elle a obtenues pendant la visite décrite plus loin ainsi que sur des renseignements provenant d’autres sources fiables, disponibles au grand public. Le 26 janvier 2007, la CIDH a transmis à l’État une copie de la version préliminaire de la présente section du Chapitre IV de son Rapport annuel pour 2006, en application de  l’article susmentionné, et a demandé au Gouvernement de la République d’Haïti de lui soumettre ses observations dans un délai de [vingt jours].  L’État n’a pas soumis d’observations dans le délai prescrit.

 

            3.         L’année 2006 a été marquée par le fait qu’Haïti est passée formellement d’un gouvernement de transition de deux ans, sous la direction de M. Boniface Alexandre, le président sortant, à un gouvernement démocratiquement élu, dirigé désormais par l’actuel Président, M. René Préval, entré en fonction en mars 2006, après des élections présidentielles et législatives qui se sont déroulées presque totalement dans le calme le 7 février 2006. Cette période a été précédée des manifestations turbulentes de la fin février 2004 qui ont abouti au départ de l’ancien Président, Jean-Bertrand Aristide, à l’installation d’un gouvernement de transition en mars 2004 et à l’arrivée de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation d’Haïti (MINUSTAH), en juin 2004. En outre, la période de transition s’est également caractérisée par une insécurité croissante et les actes de violence des bandes armées, le manque de contrôle effectif de la Police nationale et des forces internationales dans certains quartiers, le manque de moyens adéquats des institutions et leur incapacité à fonctionner comme il se doit, et, en particulier, les faiblesses endémiques en matière d’administration de la justice. Comme on a accordé une large place à la réussite de l’organisation des élections présidentielles, qui se sont tenues effectivement le 7 février 2006 et qui ont été crédibles selon les rapports, l’insécurité et de nombreuses autres faiblesses institutionnelles n’ont pas reçu l’attention nécessaire. En conséquence, la protection des droits fondamentaux de la personne, le renforcement de l’État de droit et l’indispensable développement économique et social, questions qui avaient été mentionnées dans les rapports annuels précédents de la Commission interaméricaine continuent à être des défis fondamentaux que l’État doit encore affronter avec sérieux.[1] Les activités de la Commission en Haïti, en 2006, ont été nécessairement influencées par ces développements et ont consisté en particulier à suivre de près la situation des droits de la personne pendant qu’Haïti sortait de sa période de transition. Elle a accordé une grande attention à la capacité de l’État à garantir la vie de ses citoyens, au processus de désarmement et aux initiatives visant à concevoir et à mettre en œuvre les réformes institutionnelles tellement nécessaires dans tous les secteurs, et en particulier dans celui de l’administration de la justice. Ceci a inclus la publication d’un rapport thématique sur l’administration de la justice, intitulé: « Haïti : Justice en déroute ou l’État de droit ? », qu’elle a mis en circulation en mars 2006, ainsi que les visites effectuées en Haïti en mai et décembre 2006 pour continuer son évaluation de la situation en matière de droits de la personne et assurer le suivi de l’administration de la justice. Par ailleurs, elle a tenu plusieurs audiences sur Haïti pendant ses 124ème et 126ème Sessions ordinaires au cours desquelles des défenseurs et des représentants de l’État lui ont communiqué des informations sur les conditions du moment et les développements en cours dans le pays.

 

            4.         Compte tenu de ses activités ayant trait à Haïti pendant l’année écoulée, la Commission continue à être vivement préoccupée par un certain nombre de domaines dans lesquels les droits fondamentaux du peuple haïtien manquent de protection et de garanties.  Pendant ses visites sur place en septembre 2004, la Commission avait exprimé l’espoir que Haïti et son peuple pourraient surmonter leurs difficultés du passé et s’engager vers un avenir où l’État de droit, la démocratie et le respect des droits de la personne seraient pleinement réalisés.  La Commission maintient toujours cet objectif, mais elle continue de s’alarmer du degré persistant de violence à Port-au-Prince, qui a déjà fait des centaines de morts et de victimes d’enlèvements à cause de la forte détérioration de la situation sécuritaire en Haïti. La Commission observe avec inquiétude que si de telles conditions persistent faute de mesures adéquates et effectives pour contrôler et prévenir ces actes de violence et la situation explosive que créent les affrontements entre bandes armées et les actes d’intimidation contre la  population civile et faute d’une réponse immédiate et efficace de l’État, elles risquent de s’installer durablement en Haïti et empêcher la nation de connaître un développement économique et social crucial. La Commission constate avec préoccupation que, alors que le degré de violence avait diminué pendant la campagne électorale et qu’une nouvelle Commission de désarmement avait été créée, au deuxième semestre 2006, Haïti a vécu une nouvelle escalade de la violence, fruit de conflits entre groupes armés rivaux ou avec les forces de l’ordre et a vu les délits augmenter, notamment les meurtres et les enlèvements, en particulier dans la capitale, Port-au-Prince.[2] Au vu de ces circonstances, la Commission exhorte le Gouvernement à prendre les mesures d’urgence nécessaires, conformes aux principes et aux normes internationaux en matière de droits de la personne, d’exercer un contrôle sur la sécurité dans le pays et lance un appel à la communauté internationale afin qu’elle intensifie son aide au Gouvernement dans ces domaines. Si de telles mesures sont mises en application, Haïti pourra commencer à mettre en œuvre les réformes institutionnelles qui sont tellement nécessaires et ses plans de développement économique et social à long terme. 

 

            Résumé des principaux événements survenus en Haïti en 2006.

 

            5.         Comme cadre de son examen de la situation des droits de la personne en Haïti en 2006, la Commission présente un bref aperçu des principaux événements au cours de l’année en question.

 

            6.         L’année 2006 s’est distinguée par le fait que le 7 février 2006 Haïti a organisé avec succès des élections présidentielles et législatives. En dépit de nombreux retards et des difficultés techniques rencontrées pendant la période électorale, les élections du 7 février ont été considérées comme crédibles, honnêtes et pacifiques par les observateurs haïtiens et internationaux. Le gouvernement du Président René Préval succède au gouvernement de transition conduit par l’ancien Président, Boniface Alexandre, et constitue un nouveau démarrage pour le pays après le violent soulèvement de février 2004[3] et l’installation d’un gouvernement de transition, qui a duré deux ans, et qui, à la fin, continuait d’affronter des difficultés considérables pour assurer la sécurité et protéger les droits fondamentaux des Haïtiens.  S’il est vrai que les élections présidentielles ont été organisées avec succès au début de l’année, la plupart des conditions observées en Haïti et mentionnées dans les rapports annuels des années précédentes par la CIDH[4] n’ont pas encore été abordées, ce qui se traduit par  des conditions de vie de plus en plus précaires pour les Haïtiens qui ne peuvent obtenir une protection efficace de l’État en raison des déficiences graves des services publics dans presque tous les secteurs. C’est pourquoi, bien que le Gouvernement ait très vite déclaré publiquement qu’il s’engageait à s’attaquer aux conditions économiques et sociales du peuple haïtien par des programmes de développement, la lutte contre l’insécurité et la mise en route d’un certain nombre de réformes institutionnelles, le plein effet de ces plans n’est pas encore visible, en grande partie parce que le changement d’administration est récent – il s’est produit en mars 2006 -  et que de tels plans sont, par nature, à longue échéance. 

 

            7.         D’une manière générale, en 2006, la sécurité et la situation en matière de  droits de la personne est restée aussi inquiétante que les années précédentes, en raison principalement de la prolifération et de la consolidation des bandes armées qui ont continué d’exercer un contrôle exclusif sur des quartiers de la ville et de l’incapacité de la police à affronter avec efficacité et de manière satisfaisante ce phénomène en pleine expansion. En outre, la Police nationale reste faible, sous-équipée, elle  manque de personnel et un pourcentage non négligeable de ses membres sont soupçonnés de corruption.[5] Cette année, on a assisté à des enlèvements plus systématiques, à des tactiques de plus en plus cruelles employées par leurs auteurs, à l’utilisation d’enfants par les bandes armées, à l’exploitation physique et sexuelle des femmes dans des activités criminelles et à l’absence d’une réponse adéquate de la police et du secteur judiciaire, permettant de traduire en justice les auteurs de ces délits. Parallèlement,  l’accès aux services médicaux des personnes blessées dans ces actes de violence reste extrêmement inadéquat, ce qui augmente les risques de mortalité.  Comme le font observer certains analystes, si l’on ne s’aborde pas rapidement et exhaustivement à la situation, moyennant le renforcement des institutions de l’État et la mise au point de programmes spéciaux de désarmement, de réinsertion et de rééducation, et notamment en comprenant la cause profonde de la violence et en s’y attaquant, les conditions qui règnent actuellement dans le pays risquent de s’enraciner solidement et seront plus difficiles à éliminer.

 

            8.         Les efforts ayant pour objet d’organiser les élections présidentielles se sont avérés difficiles mais ont été couronnés de succès le 7 février 2006. Les plans ont été entravés par de nombreux retards et des difficultés logistiques qui ont entraîné le report de la date originale du 9 octobre 2005 à novembre 2005 et finalement à février 2006. Malgré les difficultés techniques rencontrées pour l’installation des centres d’inscription, l’inscription correcte des électeurs sur les listes électorales, la distribution rapide des cartes d’électeurs, la gestion de la situation sécuritaire précaire à Cité Soleil et les nombreuses menaces et actes d’intimidation à l’encontre du CEP, près de 3 millions d’électeurs sur un total estimé à 4 millions se sont inscrits et 800 centres de vote avec 9.000 bureaux de vote ont été installés.[6]  Selon les observateurs haïtiens et internationaux, le processus s’est déroulé, pour l’essentiel, sans irrégularités graves. Il a été déclaré crédible et a été accepté, d’une manière générale, par les partis politiques.

 

            9.         Depuis l’entrée en fonction du Président Préval, les événements politiques, au niveau national, se caractérisent essentiellement par l’engagement public du Président d’affronter les principaux problèmes du pays, à savoir, la sécurité, la situation économique et sociale et le secteur judiciaire et par le soutien apporté à ces plans par la communauté internationale qui a fait des annonces de contribution en faveur de différents programmes qui vont de la reconstruction de l’infrastructure physique à un appui dans les domaines de l’éducation, de la santé, des projets de développement, de la protection de l’environnement, de la productivité agricole et de la réforme des institutions.  Parallèlement, le Président, après avoir reconnu que les Haïtiens vivent dans des conditions d’extrême pauvreté et exprimé sa préoccupation à ce sujet, a souligné l’importance d’une aide à longue échéance de la communauté internationale et lancé un appel aux investissements dans l’économie nationale et dans les projets de développement du pays. Concrètement, le Président a désigné Jacques Edouard Alexis comme Premier ministre, nommé son Conseil des ministres et les personnes occupant d’autres postes clés, comme le nouveau Secrétaire d’État à la sécurité publique, le Directeur général de la Police nationale d’Haïti et créé le poste de Secrétaire d’État à la réforme judiciaire. Ultérieurement, le Gouvernement a créé la Commission nationale de désarmement, chargée de mettre en œuvre un plan national de désarmement qui ciblera les acteurs non étatiques afin qu’ils remettent volontairement leurs armes en échange d’argent et de formation professionnelle. Le Gouvernement a pratiquement achevé l’élaboration de son plan d’action quinquennal dans les différents secteurs, notamment en matière d’administration de la justice, de sécurité et de développement économique et social et les Ministères de la justice et de la condition féminine ont tous deux présentés des projets de loi à l’Assemblée nationale et sont en train de mettre en route des programmes de réforme dans leurs domaines respectifs. De même, le Ministère des affaires sociales a présenté le plan d’action en faveur des enfants et élaboré le code national de l’enfant qu’il va soumettre à l’Assemblée nationale. 

 

            10.       L’année dernière, les développements au niveau national ont été accompagnés par la Mission des Nations Unies pour la stabilisation d’Haïti (MINUSTAH), dont la présence avait d’abord été autorisée pour six mois à compter du 1er juin 2004 et qui, depuis, a fait l’objet à plusieurs reprises de prorogations, dont la plus récente, le 15 août 2006, pour une nouvelle durée de six mois jusqu’au 15 février 2007.[7]  Bien que le mandat original, tel qu’il avait été défini par le Conseil de sécurité, ait été, entre autres, d’assurer un environnement sûr et stable au processus constitutionnel et politique en Haïti, d’aider le gouvernement de transition à réformer la Police nationale d’Haïti et à mettre en œuvre des programmes de désarmement, de démobilisation et de réinsertion complets et durables, les dernières résolutions, adoptées après les élections de février, ont souligné l’importance de la sécurité, de l’État de droit, de la réconciliation nationale, du développement économique et social et modifié considérablement son  mandat en exhortant les autorités à prendre de toute urgence les mesures nécessaires pour mettre en place des réformes dans le domaine de l’État de droit et de la protection des droits de la personne, y compris le renforcement des capacités de la Police nationale d’Haïti et à exécuter rapidement un programme national de désarmement qui adopte une approche intégrale de réduction de la violence à l’encontre de la communauté.[8] Au 30 septembre 2006, les effectifs de la MINUSTAH comprenaient 8.342 personnels en uniforme, dont 6.642 militaires et 1.700 policiers.[9] Depuis le début de la Mission jusqu’en septembre 2006, il y a eu 18 tués parmi le personnel de l’ONU, auxquels s’ajoutent deux casques bleus jordaniens tués dans une attaque d’hommes armés en novembre 2006.[10] Selon les rapports d’activité accessibles au public, la MINUSTAH a mis en route une série d’initiatives dans le but de s’acquitter de son mandat, y compris la réalisation de cours de formation en droits de l’homme à l’intention des membres de la police, de groupes de la société civile et des journalistes et la prestation d’une assistance technique dans les domaines de l’amélioration de la sécurité, du désarmement et de la réforme judiciaire, pour n’en citer que quelques-unes. En outre, M. Kofi Annan, Secrétaire général des Nations Unies, et Mme Louise Arbour, Haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, ont effectué des visites en Haïti, au mois d’octobre, pour évaluer la situation en matière de paix et de sécurité,[11] et M. Louis Joinet, expert indépendant pour Haïti, a présenté son rapport sur la situation en Haïti au Secrétaire général des Nations Unies,[12] dans lequel il formulait ses conclusions et ses recommandations pour améliorer la protection de la population civile  et le respect des droits de la personne.

 

            11.       En juillet, la Communauté des Caraïbes (CARICOM), dont Haïti était membre auparavant, l’a réadmis en son sein en qualité de membre actif. En effet, la CARICOM avait condamné les circonstances ayant abouti au départ de l’ancien Président Aristide en février 2004 et décidé ultérieurement de ne pas autoriser le Gouvernement de transition à participer à ses conseils. C’est ainsi que, le 18 octobre 2006, les membres de la CARICOM ont tenu leur première réunion après le retour d’Haïti au sein de l’organisation à Port-au-Prince pour examiner différentes manières d’apporter leur soutien au Gouvernement du Président Préval.

 

            12.       Pour sa part, l’Assemblée générale de l’Organisation des États Américains (OEA), à sa 36ème Session ordinaire, tenue à Santo Domingo (République dominicaine) du 4 au 6 juin 2006, a adopté la résolution AG/RES.2215 (XXXVI)-O-06.[13] Dans cette résolution, elle prend note avec préoccupation de l’état où se trouvent les régimes judiciaire et pénitentiaire haïtiens, notamment les détentions préventives prolongées, la nécessité de renforcer le droit à une procédure équitable et les défis qu’affronte la Police nationale d’Haïti. Elle exhorte également la communauté internationale à collaborer et à apporter un soutien financier et, en particulier, à coordonner un appui technique et financier pour le Gouvernement haïtien en vue du développement durable et, spécifiquement, de la professionnalisation de la Police nationale d’Haïti. L’Assemblée générale a exhorté également la CIDH à continuer de suivre la situation des droits de la personne en Haïti, de soumettre des rapports à ce sujet et de travailler avec la Mission spéciale de l’OEA pour la promotion et le respect de ces droits. 
 

            13.       Tout au long de l’année, les différents organismes et institutions de l’OEA ont mis en œuvre de nombreuses initiatives en exécution des dispositions de cette résolution de l’Assemblée générale. Pour ce qui est des élections, le Conseil permanent de l’OEA a tenu une réunion, en janvier, pour examiner la situation et émis une déclaration où il faisait part de sa profonde préoccupation devant le report des élections, demandait instamment que les élections soient organisées rapidement le 7 février 2006 et condamnait les actes de violence et les enlèvements perpétrés dans le pays.[14] Par la suite, ce même mois, une délégation de haut niveau, sous la direction du Secrétaire général adjoint, M. Albert Ramdin, s’est rendue en Haïti pour assurer les autorités haïtienne du soutien permanent de la communauté internationale au processus démocratique et à la stabilité du pays.[15] Après  que l’organisation des élections ait été couronnée de succès, le Secrétaire général de l’OEA, M. José Miguel Insulza, a salué le déroulement pacifique des élections, s’est réjoui de cet important pas en avant dans la voie du  renforcement de la démocratie en Haïti et a félicité tous ceux qui avaient  joué un rôle dans l’organisation du scrutin. Après les élections de février, M. Ramdin a effectué un certain nombre de visites en Haïti et émis des déclarations qui réitéraient l’appui de l’OEA au renforcement des institutions démocratiques, au maintien de la paix, de la sécurité et de la stabilité dans le pays et à la coordination des initiatives internationales destinées à faciliter le développement économique, social et politique. Il a souligné en particulier la nécessité impérieuse de renforcer durablement les institutions, d’investir dans les infrastructures du pays et dans l’activité économique, et a annoncé que l’OEA prévoyait de coordonner les initiatives et de mobiliser les ressources d’autres organismes interaméricains afin de réaliser ces objectifs.[16] Au mois de mai, le Secrétaire général de l’OEA, M. José Miguel Insulza, a tenu une réunion avec le Secrétaire général des Nations Unies, M. Kofi Annan, à Washington, D.C.  Ayant conclu que leur collaboration avait obtenu d’excellents résultats dans le domaine électoral, ils ont décidé de continuer à travailler ensemble en Haïti.[17] Enfin, M. Ramdin, alors qu’il participait à la Conférence internationale pour le développement économique et social qui s’est tenue en Haïti, au mois de juillet, a réaffirmé le soutien de l’OEA à Haïti et à la tâche qui l’attend pour surmonter les défis.[18]
 

            14.       Après une première conférence internationale de donateurs, tenue à Washington D.C., en juillet 2004, où une contribution en faveur d’Haïti de plus d’un million de dollars avait été annoncée, plusieurs autres réunions de bailleurs de fonds ont eu lieu : la Réunion ministérielle sur l’aide à la reconstruction en Haïti, à Cayenne (Guyane française) en mars 2005 et la Conférence internationale de Montréal sur Haïti, qui s’est tenue à Montréal (Canada) les 16 et 17 juin 2005, puis en Haïti, le 25 juillet 2006 et enfin à Madrid (Espagne) les 29 et 30 novembre 2006. Cette dernière conférence a examiné les problèmes techniques et de coordination liés à l’aide octroyée par les pays donateurs et les progrès réalisés dans la voie du rétablissement de la sécurité et de la stabilité en Haïti. Selon la Banque mondiale, Haïti a été admis dans le programme en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) en novembre et US$140,3 millions de sa dette nationale ont été annulés.  Conformément à cet accord, Haïti recevra un allègement temporaire de sa dette de la part de certains créanciers mais pour remplir les conditions nécessaires pour que l’allègement de sa dette devienne irrévocable au point d’achèvement, elle est censée mettre en œuvre une vaste série de réformes, y compris des stratégies de réduction de la pauvreté et des réformes d’ajustement structurel.[19]

 

            15.       Par ailleurs, en 2006, plusieurs organisations non gouvernementales haïtiennes et internationales ont publié des rapports sur la situation en Haïti, notamment l’International Crisis Group[20], ActionAid[21], Small Arms Survey (Enquête sur les armes légères)[22], Oxfam[23], le RNDDH[24] alors que les événements dans le pays, en particulier la violence armée incontrôlée, la nécessité de garantir la sécurité à la population haïtienne, la réforme de la justice et la nécessité d’un processus de désarmement, continuaient à faire l’objet d’une large couverture de la part des médias nationaux et internationaux. 

 

            16.       En conclusion, en 2006, Haïti est sorti lentement des deux années de la période de transition.  L’année a été marquée pour le Gouvernement par le défi considérable de rétablir véritablement l’ordre et la stabilité dans le pays, alors qu’il manque de ressources suffisantes pour s’acquitter correctement de son obligation d’assurer la sécurité, ce qui a des répercussions négatives sur les progrès dans les autres domaines, notamment le développement économique et la reconstruction de l’infrastructure du pays. La situation sécuritaire reste inquiétante et bien que des mesures visant à éliminer la violence et à désarmer les groupes armés et les gangs illégaux aient commencé à être appliquées, elles doivent continuer et être renforcées si l’on veut assurer une sécurité réelle dans tout le pays. En outre, le Gouvernement haïtien doit étudier sérieusement les mesures à prendre pour rassembler tous les secteurs de la société haïtienne en vue de favoriser le dialogue et le consensus et avoir plus de chances d’instaurer une paix durable pour le futur. L’installation du nouveau gouvernement élu et le soutien que la communauté internationale a offert à Haïti afin de l’aider dans cette transition difficile vers la stabilité, constituent une opportunité singulière de changement et de progrès pour le pays. Compte tenu de ce contexte, la Commission fera maintenant le point sur la situation générale des droits de la personne en Haïti, qu’elle avait décrite pour la première fois dans le rapport annuel de l’année dernière.[25]

 

            Activités de la Commission concernant Haïti en 2006

 

            17.       Pendant la première année de l’administration Préval, la Commission a continué d’exprimer sa grave préoccupation à propos de  certains aspects de la situation en matière de droits de la personne. Elle concerne la tendance récente, mais de plus en plus fréquente, des enlèvements perpétrés par des groupes armés, auxquels participent quelques fois des membres de la Police nationale d’Haïti, le degré persistant de la violence armée entre les gangs et la PNH, l’absence d’enquêtes, de poursuites et de sanctions véritables contre les auteurs de crimes avec violence ou de violations des droits de la personne, conformément aux normes relatives aux garanties d’une procédure équitable, les menaces et les actes d’intimidation à l’encontre des défenseurs des droits de la personne et les détentions préventives arbitraires et prolongées d’individus étroitement liés à l’ancien régime lavalas.

 

            18.       La Commission a émis le communiqué de presse 06/06 le 16 mars 2006 pour annoncer publiquement la publication de l’étude qu’elle avait réalisée sur l’administration de la justice en Haïti et présenter ses principaux résultats. Ce rapport concluait que le système judiciaire haïtien souffre de graves faiblesses à presque tous les égards et a manqué systématiquement à son obligation de protéger les droits fondamentaux de la personne du peuple haïtien. Il soulignait également que les initiatives destinées à remédier aux problèmes graves que rencontre actuellement le pays dans les domaines politique, économique et social ne seront pas couronnées de succès sans des réformes urgentes, capables de renforcer l’administration de la justice et l’État de droit et qu’elles vont exiger un appui permanent, coordonné et durable des États membres de l’OEA et des autres membres de la communauté internationale.

 

            19.       En mai 2006, la Commission a été invitée, pendant deux jours,  à présenter le système de la CIDH à un groupe composé par quelque 40 ONG, des journalistes et des membres de la Police nationale d’Haïti afin d’améliorer leur connaissance des mécanismes de protection des droits de la personne au niveau régional et mondial. Cette formation a porté aussi bien sur le système des Nations Unies que sur le système interaméricain des droits de la personne et a fait participer les assistants à des exercices pratiques pour améliorer leur compréhension des aspects pratiques de la procédure de pétition devant la Commission. La formation était organisée par le Réseau national de défense des droits humains, avec l’appui financier de Foundation for Human Rights, une ONG suédoise.

 

            20.       Compte tenu des faits et des chiffres concernant les victimes de violences, des actes d’intimidation à l’encontre des défenseurs des droits de la personne et de l’incapacité de l’État à relever ces défis et ceux afférents aux institutions du pays, la Commission a continué d’assurer le suivi des événements en Haïti. Elle a examiné la situation à sa 124ème et 126ème Sessions ordinaires en février et octobre 2006, respectivement.  À la fin de ces deux sessions, elle a émis un communiqué de presse dans lesquels elle prenait acte des élections présidentielles de février et saluait la passation pacifique des pouvoirs au gouvernement élu dirigé par M. Préval. Elle y  exprimait également sa profonde inquiétude devant la situation des droits de la personne des Haïtiens qui continuait d’être préoccupante.[26]

 

            21.       La Commission a mené une mission d’information du 11 au 15 décembre 2006, à l’invitation du gouvernement Préval, avec l’appui financier du Gouvernement français. La délégation de la CIDH était composée de fonctionnaires de son Secrétariat exécutif. La visite s’est déroulée conformément au mandat et aux attributions de la Commission aux termes de la Charte de l’OEA et de la Convention américaine relative aux droits de l’homme, et en application des dispositions de la résolution AG/RES. 2058 (XXXIV-O/04), adoptée par l’Assemblée générale de l’OEA le 8 juin 2004.

 

            22.       Au cours de sa visite, la Commission s’est efforcée d’obtenir des informations sur l’état de la protection des droits de la personne en Haïti et sur la situation des femmes haïtiennes. À cette fin, elle a eu des entretiens avec des représentants du Ministère de la justice et du Ministère à la condition féminine ainsi qu’avec des membres de la société civile et d’organisations internationales. Elle a également dirigé une session de vulgarisation sur le Système interaméricain des droits de la personne à l’intention de fonctionnaires du Ministère à la condition féminine et de groupes de défense des droits de la femme.

 

            23.       Sur la base des informations recueillies pendant ses visites et dans le cadre d’autres activités concernant Haïti aussi bien en 2005 qu’en 2006, la Commission a identifié des domaines clés très préoccupants qui ont une incidence négative directe sur le degré de protection des droits fondamentaux des Haïtiens. Elle les examine plus bas. Il est important de noter qu’un grand nombre de ces problèmes sont déjà anciens et profondément enracinés, car ils sont le résultat des faiblesses institutionnelles qui doivent faire l’objet d’une révision et d’une réforme immédiates et sérieuses si l’on veut réduire le nombre et la nature des violations graves des droits de la personne perpétrées chaque jour dans le pays. En outre, ces dernières années, la Commission a soumis ces domaines à un examen et à un suivi permanent. Elle les a également analysés dans ses rapports annuels précédents et dans ses communiqués de presse.[27]

 

Observations de la Commission sur la situation des droits de la personne en Haïti en 2006

 

            24.       Au cours de l’année précédente, la Commission avait émis un certain nombre de déclarations où elle exprimait sa préoccupation devant les graves problèmes en matière de droits de la personne et soulignait l’importance et la nécessité que le Gouvernement, le peuple haïtien et la communauté internationale renforcent leur coopération et coordonnent leurs efforts afin de garantir pleinement la sécurité de la population civile.[28] Depuis lors, même si la Commission salue les développements positifs intervenus dans le pays, notamment la réussite des élections présidentielles en février 2006, l’installation d’un gouvernement démocratique, l’élaboration de programmes de réforme et la création de la Commission nationale de désarmement, elle continue à être extrêmement inquiète du manque de contrôle réel sur la sécurité à travers le pays et de l’impact direct de cette situation sur la protection du droit à la vie et à l’intégrité physique de tous les Haïtiens, en particulier des femmes et des enfants qui représentent un pourcentage considérable des victimes de la violence. Les actes de violence perpétrés par des gangs armés, les affrontements entre les bandes armées et les forces de sécurité sont pratiquement devenus une réalité quotidienne en 2006, année qui s’est caractérisée par un nombre élevé de morts et de blessés, de victimes d’enlèvements, d’assassinats, d’actes de torture, de châtiments cruels et inhabituels et de viols. Il en a résulté une augmentation notable du nombre de personnes qui ont fui les quartiers sensibles de la ville où des bandes armées exercent une influence et un pouvoir considérables et où la sécurité des habitants est constamment menacée, le report de la rentrée scolaire dans de nombreuses écoles et des répercussions négatives sur les commerces locaux qui se sont vus forcés de déménager ou de cesser leurs activités.

 

            25.       Compte tenu de la situation qui règne dans le pays, le Président Préval s’est engagé publiquement à donner la priorité au développement économique et social - et plus particulièrement aux secteurs de l’éducation, de la santé et de l’agriculture - et à mettre au point des programmes visant à éliminer la pauvreté et à développer les infrastructures.  La réponse de la communauté internationale à ces initiatives et à la demande d’une assistance technique à long terme formulée par le Président, a été favorable, et plusieurs pays ont émis des déclarations publiques de soutien, en particulier la République dominicaine, le Brésil, le Chili, l’Argentine, Cuba, le Venezuela, le Canada et les États-Unis.[29] L’exécution de quelques-uns de ces objectifs a inclus le lancement d’un programme de reconstruction urbaine, en septembre, qui aurait créé quelque cinq mille emplois. En outre, le Premier ministre, Jacques Edouard Alexis, a encouragé le secteur privé à conclure des accords de coopération avec le Gouvernement pour l’exécution de projets de développement social dans le pays. 

 

            26.       Assurer la sécurité de la population haïtienne semble être l’une des questions les plus urgentes qui ait retenu l’attention du Gouvernement Préval, d’où la création de la Commission nationale de désarmement et les tentatives de la PNH d’employer des tactiques plus agressives pour appréhender les délinquants présumés. Parallèlement, il continue à y avoir des déficiences en ce qui concerne les enquêtes efficaces et en bonne et due forme à propos de ces délits, le respect d’une procédure équitable pour les auteurs de ces délits détenus sous la garde de l’État, les actions pénales et les sanctions effectives et appropriées à l’encontre de ces suspects.  

 

            27.       La Commission rappelle l’importance de s’attaquer immédiatement aux différents domaines clés qu’elle a identifiés pendant ses visites en Haïti en 2005 et dans son rapport sur l’administration de la justice, publié en mars 2006.[30] En particulier, pour assurer une paix durable en Haïti, il faut que l’État, en coopération avec la population haïtienne et avec l’appui de la communauté internationale, prenne des mesures décisives pour désarmer réellement toutes les personnes qui ont en leur possession des armes illégales, entame un dialogue constructif et conciliateur avec tous les secteurs de la société afin de promouvoir un consensus social et politique, prenne des mesures fermes pour en finir avec l’impunité en cas de violation des droits de la personne et de crimes et épaule l’économie nationale afin de créer plus de possibilités de travail pour les Haïtiens et assurer leur autonomie. Pendant toutes les années où la Commission a assuré le suivi des événements en Haïti, elle a constaté la nature exceptionnellement complexe et difficile de la situation des droits de la personne dans ce pays, caractérisé par des périodes de crises politiques réitératives et quelques-unes des conditions sociales et économiques les plus inquiétantes du Continent américain. Ce sont ces crises et ces conditions qui sont à l’origine des déficiences gravissimes de ses institutions étatiques et, donc, de leur incapacité à aborder efficacement les problèmes de longue date dans le domaine des droits sociaux, économiques, civils et politiques. C’est pourquoi, ces questions, qui continuent à empêcher le pays d’accomplir des progrès importants dans la voie de son développement, ne peuvent être résolues complètement avec des solutions à court terme. Elles vont exiger des réformes institutionnelles sur le long terme et une assistance technique durable de la communauté internationale si l’on veut s’attaquer à un certain nombre de problèmes cruciaux, identifiés dans ce chapitre et mentionnés par la Commission dans ses déclarations et ses rapports précédents sur la situation en Haïti.

 

            Sécurité et désarmement

 

            28.       La situation sécuritaire en Haïti fait partie des questions qui retiennent particulièrement l’attention de la Commission depuis 2004. Selon l’information dont a disposé la Commission, en 2006, le manque de sécurité réelle de la population dans la plus grande partie du pays demeure un problème urgent.  Depuis le soulèvement de février 2004, la plupart des agents de police ont abandonné leur poste, ce qui a obligé le Gouvernement à recruter, former et déployer de nouveaux policiers. Étant donné que la police n’est pas très présente à travers le pays et qu’elle est extrêmement sous-équipée, des groupes armés illégaux continuent d’exercer le contrôle de la sécurité dans de nombreuses régions, et, selon des informations, opèreraient quelques fois en coopération avec la Police nationale ou à sa place. Le phénomène de la zone de non-droit[31] (quartiers de la capitale, Port-au-Prince, dominés par des gangs armés et d’où l’État est totalement absent) qui a fait son apparition en 2005 s’est étendu, avec l’accroissement, en 2006,  du nombre de quartiers explosifs et du nombre de victimes d’actes de violence. Les habitants de Port-au-Prince indiquent qu’ils continuent à éviter de se rendre dans une grande partie du centre ville, aux alentours du port et dans les quartiers de Belair, Cité Soleil, Martissant, Carrefour et sur la route de l’aéroport à cause des risques très élevés qu’y court leur sécurité. En outre, étant donné les faiblesses considérables du réseau de distribution d’électricité dans la capitale, la plupart des civils évitent de circuler dans les rues après le coucher du soleil. De ce fait, la sécurité de la population, dans un grand nombre de ces quartiers, n’est pas garantie réellement par l’État, ce qui a forcé leurs habitants à déménager, s’ils le pouvaient, pour assurer leur sécurité.

 

            29.       La situation de violence a nettement empiré depuis le début du mois de juin et malgré de courtes périodes d’amélioration, les statistiques montrent que le problème est alarmant et manifestement le plus inquiétant de toute la région. Bien que les chiffres sur le nombre de victimes de la violence varient, des rapports de la MINUSTAH font état de 50 affaires d’enlèvements et de plus de 90 morts en juillet 2006, à Port-au-Prince, et de 80 enlèvements recensés et 70 morts au mois d’août.[32]  Par ailleurs, la Commission épiscopale Justice et paix, groupe haïtien de défense des droits de la personne, a enregistré le décès de 228 personnes de juin à septembre 2006, y compris 11 agents de police de la PNH, 2 gardiens privés, 19 femmes et 6 enfants.[33] L’un des quartiers de la capitale les plus gravement touchés a été Martissant, où, de juillet à septembre, 72 personnes auraient été tuées dans des affrontements violents.[34]  Le 7 juillet 2006, la population haïtienne, les groupes de défense des droits de la personne nationaux et internationaux ont exprimé leur indignation et leur alarme lorsque plus de vingt personnes ont été tuées à Grand Ravine et de nombreuses maisons ont été incendiées et ravagées par des bandes armées rivales, ce qui a obligé un grand nombre d’habitants de ce quartier à chercher refuge dans une église voisine.[35] Vu les multiples enlèvements et attaques à main armée qui se produisent tous les jours contre des Haïtiens de toutes classes sociales et de tous âges, le nombre d’enlèvements commis à Port-au-Prince est supérieur à celui d’autres pays du Continent américain, en l’occurrence la Colombie.[36] Les demandes de rançon oscillent entre quelques centaines et plusieurs milliers de dollars des États-Unis, même si dans de nombreux cas les ravisseurs ont accepté une somme inférieure à la demande originelle. En attendant, les étrangers ne sont pas à épargnés par les actes de violence, et l’année dernière, 43 enlèvements de citoyens américains ont été dénoncés, y compris 3 personnes tuées dans des tentatives d’enlèvement.[37]  En outre, les actes de violence ont provoqué la mort de plusieurs enfants, ce qui a conduit M. Edmond Mulet, Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies en Haïti, à exprimer son indignation devant les actes de violence perpétrés contre des enfants et leur famille, en particulier dans le quartier de Grand Ravine où, au mois de juillet, plusieurs femmes et enfants ont été les victimes d’une fusillade meurtrière entre gangs rivaux. M. Mulet a demandé que cesse la violence à l’encontre des enfants et que l’intégrité physique des femmes et des enfants soit respectée.[38]

 

            30.       Les zones les plus touchées par la violence sont, en règle générale, celle où la présence de la police est limitée ou absente et qui, de ce fait, sont devenues les fiefs de bandes armées qui règnent en maître sur les rues et les activités des résidents. C’est là que vivent généralement les personnes dont le niveau de vie est le plus bas et qui n’ont pas la possibilité d’obtenir un meilleur abri que les maisons construites avec les moyens du bord dans lesquelles elles habitent, comme dans le bidonville en pleine expansion de Cité Soleil. Ces personnes constituent déjà une catégorie de la population extrêmement vulnérable, qui n’a pas accès à la sécurité ni, pratiquement, à aucun des services publics élémentaires, et qui est exposée aux actions imprévisibles du gang prédominant. Ainsi, les fusillades entre groupes armés et les agents de la force publique, les règlements de compte entre groupes rivaux, les incendies criminels, la destruction de biens publics et privés, les enlèvements et les viols sont devenus tellement courants que des habitants de ces quartiers ont comparé leur situation à celle des otages qui vivent dans la peur des représailles des gangs, s’ils essaient de dénoncer les violences.[39] En fait, plusieurs défenseurs des droits de la personne ont été les cibles d’actes d’intimidation meurtriers pour avoir critiqué sans détour la situation.[40] Le nombre de morts violentes est le résultat, pour une bonne part, des affrontements entre les groupes armés et la police, ce qui rend difficile d’établir clairement quel est le groupe responsable des morts et des blessés. C’est pourquoi la Commission rappelle avec insistance que, dans le processus de rétablissement de l’ordre et de la sécurité dans le pays, les droits humains de toutes les personnes doivent être respectés et que toute violation de ces droits doit fait l’objet d’une enquête, de poursuites et de sanctions effectives, quel qu’en soit le responsable.

 

            31.       Comme la Commission l’a fait remarquer dans ses rapports précédents et dans ses déclarations sur Haïti,[41] il est fondamental pour la stabilité future du pays que le Gouvernement haïtien, avec la collaboration de la communauté internationale, prenne les mesures d’urgence nécessaires pour rétablir son contrôle sur la sécurité dans toutes les régions du pays, favorise le dialogue entre les différents secteurs politiques, désarme les groupes qui opèrent à travers le pays et garantisse les droits fondamentaux de la personne sur tout son territoire. La PNH et la MINUSTAH ont continué de mener des opérations ponctuelles dans les quartiers dangereux de la capitale, connus comme étant le fief de groupes armés et bien que ces opérations armées aient pour but d’arrêter les éléments criminels de la capitale, un grand nombre d’entre elles se soldent par des échanges de coups de feu nourris qui coûtent la vie à des membres de la police et de la MINUSTAH et à des civils innocents. C’est pourquoi il n’est pas évident que de telles opérations contre des adversaires lourdement armés et qui résistent à leur arrestation vont déboucher sur un climat de paix et de stabilité durables, si on ne les complète pas par la recherche de solutions pratiques et immédiates, de nature à attaquer la cause profonde du problème.
 

            32.       On ne peut sous-estimer la nécessité du désarmement en Haïti après avoir constaté la forte progression du nombre de victimes de la violence armée entre 2004 et aujourd’hui.  Pour mieux illustrer la situation, une enquête menée en 2005 sur les armes légères et le désarmement en Haïti a montré que le nombre d’armes légères en circulation dans le pays était estimé à 170.000 (principalement des pistolets et des révolvers), auquel il fallait ajouter une quantité inconnue de fusils d’assaut.[42]  L’enquête a également exprimé sa préoccupation devant l’absence de cadre de réglementation ou de registre national des armes en possession des  particuliers et soulignait la nécessité de mettre en place un vaste programme qui engloberait toutes les personnes possédant illégalement une arme. C’est pourquoi, la Commission salue la création de la Commission nationale de désarmement, de démobilisation et de réinsertion dont la mission est d’encourager les individus armés à remettre leurs armes en échange d’argent, de nourriture et de formation professionnelle. Selon des rapports, le programme accordera une attention particulière aux enfants qui sont souvent les principales victimes des bandes armées. En même temps, les personnes soupçonnées d’implication dans des assassinats, des violations des droits de la personne ou d’autres délits graves ne seront pas admis à bénéficier du programme DDR et doivent s’attendre à être traduits en justice pour y répondre de leurs actes.[43] Selon l’ONU, depuis le lancement officiel du programme, 109 Haïtiens environ se seraient inscrits pour bénéficier du programme et des dizaines d’armes auraient été récupérées.[44] En dépit de la lenteur du démarrage de ce processus, la CIDH considère encourageant la création de la CNDDD et espère qu’une stratégie exhaustive et systématique, concernant tous les groupes armés, y compris les anciens militaires et les gangs, sera mise en œuvre rapidement. En attendant, la désignation de Jean-Baptiste Jean Philippe, alias Samba Boukman, à la présidence de la CNDDD a suscité une controverse publique, en particulier parmi les organisations de défense des droits de la personne. On a dit que M. Jean Philippe était l’ancien porte-parole de l’Opération Bagdad, lancée après le départ du Président Aristide, qui aurait causé la mort de centaines de civils.[45] Après ces accusations publiques et les dures critiques des groupes de défense des droits de l’homme concernant sa participation présumée à de graves violations des droits de la personne en 2004, la crédibilité de la CNDDD s’est trouvée remise en question. À cet égard, la CIDH souligne l’importance de renforcer l’État de droit dans le pays et continue d’insister sur la responsabilité qui incombe à l’État de prendre des mesures sérieuses et efficaces pour en finir avec l’impunité, telles que l’ouverture rapide d’enquêtes et d’actions au pénal et l’application de sanctions contre les auteurs de violations des droits de la personne.

 

            33.       Le renforcement de la Police nationale d’Haïti, qui reste faible, avec des effectifs et des moyens insuffisants et une formation minimale, comme l’a fait remarquer le rapport de la Commission sur l’administration de la justice publié en mars 2006,[46] est un autre facteur essentiel pour garantir la sécurité.  Des statistiques récentes indiquent que la police compte entre 5.000 et 6.000 agents pour une population nationale qui est estimée à 8 millions d’habitants.[47] C’est pour cette raison que la présence de la police dans le pays est extrêmement limitée et que la sécurité est laissée entre les mains des habitants ou, dans certains cas, dans celles des gangs armés qui détiennent le pouvoir dans certains quartiers de la capitale et du pays. Parallèlement, la police a accompli des efforts et fait preuve d’initiative pour lutter contre la criminalité, menant un plus grand nombre d’opérations dans la capitale et à plusieurs reprises, ils ont réussi à libérer des victimes d’enlèvements et à arrêter les criminels présumés. La PNH a également créé une nouvelle unité de lutte contre les enlèvements, formée de policiers de la PNH et des Nations Unies, qui est parvenue à arrêter 30 kidnappeurs présumés en septembre et 40 en octobre. En attendant, la PNH doit relever un nouveau défi : sa réputation a été ternie par des informations faisant état d’actes de corruption et de la participation présumée de membres de la police à des activités criminelles. En particulier, le Directeur général de la PNH, Mario Andrésol, a déclaré que 25% environ des agents de police sont soupçonnés de corruption.[48] Le fait que des agents de police soient ainsi mêlés à des activités criminelles porte gravement atteinte à l’intégrité et à la crédibilité de la police en tant qu’institution et l’empêche de s’acquitter pleinement du rôle qui est le sien, le maintien de l’ordre. En réponse à ces problèmes perçus, le Gouvernement a pris des mesures pour mettre au point un programme de réforme de la police, qui inclut l’application d’une procédure de vérification interne, qui permettra de s’assurer que la police conserve sa crédibilité et son professionnalisme en la débarrassant des agents impliqués dans des actes criminels ou de corruption.

 

            34.       Enfin, la Commission reconnaît que la Mission des Nations Unies pour la stabilisation d’Haïti a déployé des efforts en vue d’améliorer la sécurité dans le pays et que, dans le contexte post-électoral actuel, elle a abordé le processus de désarmement avec une approche fondée sur la communauté et accordé une plus grande attention, dans le cadre de la révision de son mandat, au renforcement et à la réforme des institutions, spécialement dans le domaine de l’administration de la justice. En effet, les casques bleus de la MINUSTAH ont une présence solide dans le pays et une partie des ressources sont affectées au désarmement et au renforcement de la police, par le biais de l’assistance technique et de la conception et de la mise en œuvre de programmes appropriés en matière de sécurité et de réforme. En même temps, les informations faisant état continuellement de dommages collatéraux, de civils qui ont été blessés, de recours excessifs à la force et de dommages matériels suite à des opérations de sécurité de la MINUSTAH dans des quartiers de la capitale ont provoqué une hostilité croissante de la population à l’égard de la Mission et de plusieurs membres du parlement à sa présence dans le pays. En réponse aux allégations faisant état d’un recours excessif des militaires à la force, la Commission recommande de garder présent à l’esprit que le devoir d’assurer la sécurité publique doit aller de pair avec le devoir de protéger à tous moments la vie et l’intégrité des personnes. Ces derniers mois, de nombreuses manifestations ont eu lieu ; l’une des plus grandes protestations contre la présence de l’ONU a été une manifestation massive des étudiants qui s’est déroulée fin octobre, à l’occasion du 61ème anniversaire des Nations Unies.[49]  Une bonne partie des critiques ont leur origine dans l’opinion populaire que, malgré la présence de l’ONU, la sécurité de la population haïtienne en général n’est pas vraiment garantie, ce qui provoque une frustration grandissante devant la nature imprévisible des gangs et l’impunité qui permet à ces criminels de continuer à circuler librement sans avoir à répondre de leurs actes. La Commission espère que, grâce aux efforts soutenus des casques bleus et de la police et à la mise en œuvre de nouvelles stratégies proactives, la situation sécuritaire va être réellement maîtrisée.

 

            Administration de la justice

 

            35.       D’après les informations disponibles, il est évident que le manque de progrès dans le domaine de la sécurité peut être attribué dans une large mesure aux faiblesses dont souffre l’administration de la justice en Haïti.  D’après les sources d’information dont dispose la Commission, le système judiciaire reste très faible, lent et laisse à désirer sur des points fondamentaux, comme la grave pénurie de ressources qui affecte les juges, les magistrats, les tribunaux et la police, ou les violations du droit à une procédure équitable que constituent les détentions  prolongées de personnes qui n’ont pas été traduites devant un juge. En outre, des informations faisant état d’une corruption généralisée de la fonction publique, y compris le secteur judiciaire, ont eu des répercussions considérables sur l’obligation d’assurer à tous la protection judiciaire et les garanties judiciaires, conformément aux articles 8 et 25 de la Convention américaine. Comme la Commission l’a indiqué plus haut, la police et les juges ont, eux aussi, été victimes de la violence. Ils ont quelques fois été la cible d’attaques perpétrées par des groupes armés, ce qui les a empêché d’exercer librement leurs attributions officielles.

 

            36.       La Commission a pris note également d’informations indiquant que certains cas d’exécutions illégales et de recours excessif à la force pourraient être attribués à la police. Ainsi, à Gonaïves, un jeune homme aurait été exécuté de façon expéditive par un policier affecté au commissariat de police de cette ville pendant qu’il était escorté hors de chez lui par des membres de sa famille, après une discussion entre des membres de sa famille et ce policier. Après cela, le policier a été placé en isolement et une enquête judiciaire a été ouverte.[50] Toutefois, un nombre bien plus considérable de cas de mauvais traitements et de voies de fait ont été signalés au cours de l’année, aussi bien au moment de l’arrestation que  pendant que la détention. Des rapports de groupes de défense des droits de la personne ont établi, documents à l’appui, que certains agents de police exerçaient régulièrement des sévices, notamment sur les criminels présumés dont ils avaient la garde.[51] Plusieurs détenus ont déclaré qu’ils avaient été soumis à des coups ou à des actes de torture pendant leur interrogatoire par la police, en particulier à la cellule de détention provisoire de la Direction centrale de la police judiciaire. Les observateurs des droits de l’homme se sont entretenus régulièrement avec des détenus et ont vu des preuves matérielles des sévices et des mauvais traitements, qui, selon eux, sont devenus systématiques dans les cellules de détention provisoire des commissariats de police du pays.[52] On a signalé des cas de mauvais traitement infligés par des agents de police dans le Nord, le Plateau Central, le Sud, le Sud-Est et l’Artibonite.[53] Plusieurs agents de police responsables de ces actes ont été arrêtés et poursuivis en justice, comme l’ancien agent de police James Montas, condamné à six ans de prison pour le viol d’une jeune fille ou Jules Pierre, un commissaire de police, renvoyé de la police, puis arrêté pour avoir participé à l’évasion de deux individus accusés de trafic de drogue ; mais d’autres qui étaient détenus pour des délits présumés auraient été remis en liberté par des juges, alors même que des preuves à conviction avaient été présentées contre eux. Cela a été le cas également de deux gradés arrêtés pour leur rôle présumé dans les meurtres de Martissant (en août 2005) et de Grand Ravine (en juillet 2006) mais qui ont été remis en liberté par un juge en mars 2006 [sic].[54]  Par ailleurs, en octobre, des membres de la PNH auraient brutalisé neuf personnes à Miragoâne, sous prétexte qu’ils recherchaient des bandits. Les incidents de cette nature, ainsi que les exécutions extrajudiciaires et les châtiments cruels et inhabituels et/ou les actes de torture sont interdits aux termes de la législation nationale et de la Convention américaine relative aux droits de l’homme. Par conséquent, de tels actes doivent continuer à faire l’objet d’enquêtes rapides, indépendantes et impartiales et leurs auteurs doivent être poursuivis en justice et punis. En outre, en raison des dénonciations de corruption et des mauvais traitements corporels de la part de PNH, la population est de plus en plus méfiante à l’égard de celle-ci, ce qui fait que la population civile évite d’avoir recours à la police pour sa sécurité et en vient à se faire justice elle-même, en lynchant publiquement, par exemple, des voleurs présumés, spécialement dans les provinces où il n’y a pas de surveillance de la police. C’est pourquoi, il est essentiel que la police concentre ses efforts sur le renforcement de sa présence dans le pays et reçoive le soutien international dont elle a besoin pour améliorer sa capacité à assurer la sécurité effective de la population, mettre en place une procédure rigoureuse de vérification interne afin d’éliminer de l’institution les éléments criminels et appliquer un code de comportement éthique rigoureux qui lui rendra sa crédibilité et lui permettra de s’acquitter de la mission qui lui a été confiée, à savoir l’application effective et responsable de la loi et la sécurité. Enfin, la Commission insiste sur la nécessité de dispenser aux recrues de la police une solide formation en droits de la personne, y compris les règles et principes internationaux régissant le recours à la force, d’enquêter rapidement et effectivement sur toute allégation d’une participation de la police à des assassinats ou à toute autre violation des droits de la personne et de juger et punir leurs auteurs.

 

            37.       La Commission s’inquiète également des arrestations et détentions apparemment arbitraires qui semblent avoir augmenté en 2006, à cause, pour une grande part, des efforts agressifs déployés par la police pour appréhender les délinquants présumés et, dans plusieurs cas, de l’arrestation massive d’une vingtaine ou d’une trentaine de personnes dans le cadre d’une seule opération. Les rapports indiquent que, en octobre, il y avait 4.599 détenus dans les centres pénitentiaires du pays, alors que 749 d’entre eux seulement étaient des condamnés.[55] Par ailleurs, dans la mesure où la police intensifie ses opérations pour arrêter les délinquants, les observateurs des droits de la personne ont signalé qu’à un certain moment, en juillet, 24 des 29 personnes qui se trouvaient en détention dans la cellule de la DCPJ l’étaient illégalement[56], et qu’une autre fois, 25 des 28 détenus n’avaient pas comparu devant un juge. La Commission fait observer que les arrestations et les détentions arbitraires ne constituent pas un problème nouveau en Haïti et qu’elles ont fait l’objet de critiques de sa part par le passé.[57] C’est pourquoi, tout en soulignant qu’il est important de prévenir la criminalité et d’appréhender les criminels dangereux afin d’assurer une plus grande sécurité à la population, elle met de nouveau l’accent sur l’interdiction, visée à l’article 7 de la Convention américaine, de procéder à des arrestations et à des détentions arbitraires, et réitère l’obligation de l’État de s’assurer que les actions qu’il mène pour enquêter sur les délits et les poursuivre en justice font appel à des méthodes manifestement équitables et effectives, conformes aux normes internationales de procédure équitable, y compris le droit d’un détenu à être rapidement notifié du ou des chefs d’accusation retenus contre lui et de comparaître devant un juge dans les plus brefs délais.

 

            38.       Comme les années précédentes, la Commission continue à recevoir des rapports faisant état d’actes de violence commis contre et entre les détenus dans les prisons et les autres centres de détention, ainsi que des conditions de surpeuplement et de non-conformité aux normes internationales de ces établissements et que, dans bien des cas, ces conditions constituent un risque grave pour la santé des détenus. Selon un directeur de l’administration pénitentiaire avec lequel la Commission s’était entretenu en 2005, 17 prisons seulement sur 22 étaient réellement opérationnelles,[58] et à ce jour, elle n’a reçu aucune information indiquant que des réparations aient été effectuées. En particulier, pendant la 126ème Session ordinaire de la Commission, des requérants ont décrit les conditions absolument effrayantes des détenus des Gonaïves, où la prison a été détruite et n’a jamais été reconstruite. Les mauvaises conditions de détention ont provoqué plusieurs évasions à travers le pays. Le 14 mai 2006, des détenus du Pénitencier national (à Port-au-Prince) ont brisé les serrures de leurs cellules le jour où René Préval a prêté serment comme Président d’Haïti. Les détenus étaient armés de tessons de bouteilles et d’objets coupants. La mutinerie s’est soldée par plusieurs blessés.[59] Un incident similaire s’est produit au pénitencier de l’Arcahaie, le 27 août 2006, au cours duquel six condamnés se sont évadés. On dit que ces événements sont le résultat de la négligence des autorités car les prisons ne sont pas bien administrées et manque de financement.[60]

 

            39.       En outre, les observateurs des droits de la personne signalent que les prisonniers et les détenus continuent à manquer d’eau potable, d’installations sanitaires décentes, d’une alimentation nutritive et en quantité suffisante et que leurs cellules sont dépourvue de tout mobilier, petites, sans ventilation ni éclairage convenables et que la plupart des détenus restent confinés 24 heures sur 24. Dans un grand nombre de cas, compte tenu du surpeuplement, des mauvaises installations et des nombreux antécédents d’évasions dans tout le pays, les autorités disent que le manque de sécurité des établissements les empêchent d’autoriser les détenus à jouir de moments de loisir en dehors de leurs cellules.[61] De même, les centres de détention manquent généralement de services de santé, ce qui entraîne l’augmentation et la propagation de maladies évitables, comme le béribéri, la dysenterie et la tuberculose. Dans certains cas, des détenus sont morts de ces maladies, simplement faute d’accès à des soins médicaux adéquats en temps opportun. À l’instar des arrestations et des détentions arbitraires, la violence et les mauvaises conditions de détention ne sont pas un problème nouveau en Haïti et la Commission lance à nouveau un appel à l’État haïtien pour qu’il veille à ce que les personnes en détention ou emprisonnées ne soient pas victimes de violences ou d’autres mauvais traitements de la part des agents de l’État ou d’autres détenus et qu’elles ne soient pas soumises à des conditions qui ne sont pas conformes aux normes internationales minima relatives au traitement des détenus, notamment celles énoncées dans les Règles minima pour le traitement des détenus de l’ONU.

 

            40.       La Commission a reçu des informations indiquant que l’État s’est engagé publiquement à introduire une série de réformes dans l’administration de la justice, en particulier en mettant au point des réformes stratégiques et des initiatives dans ce domaine. Elle a été informée que le Ministère de la justice a élaboré un plan de réforme et a présenté trois projets de loi au parlement, pour examen. Les réformes porteraient sur l’indépendance du secteur judiciaire, le statut des juges et les procédures constitutionnelles pour la désignation, la durée du mandat et la destitution des juges. En outre, le projet de loi relatif à la création d’un Conseil supérieur du pouvoir judiciaire aurait été voté récemment. Il existe également un plan de construction de 123 tribunaux de paix, sept tribunaux de première instance et sept cours d’appel.[62] La Commission considère encourageant ces initiatives du Ministère de la justice et espère que les efforts visant à résoudre le problème des détentions préventives prolongées et autres problèmes de longue date du système judiciaire, qui ont démarré en 2005 avec le Ministre de la justice précédent, vont continuer et seront renforcés sous l’actuelle administration Préval. La Commission salue également l’annonce faite par la PNH, réitérant son engagement public de conserver la procédure de vérification interne afin de nettoyer la police des délinquants qui s’y trouvent et/ou des agents ayant perpétré des violations des droits de la personne. Elle estime crucial que la formation en droits de la personne ne soit pas limitée aux membres de la police mais s’adresse également à d’autres fonctionnaires impliqués dans l’administration de la justice, notamment les gardiens de prison, les juges, les auxiliaires de justice et autres autorités pertinentes. Enfin, elle a insisté sur la nécessité, pour l’État, avec l’appui durable de la communauté internationale, de continuer de prendre les mesures nécessaires pour résoudre ces problèmes et tous ceux qui affectent le système judiciaire.

 

            Impunité

 

            41.       Le problème que continue de représenter l’impunité des violations passées des droits de la personne est lié à l’état précaire de l’administration de la justice en Haïti.  Conscient du problème, le Gouvernement a déployé des efforts pour aborder la question, avec l’ouverture d’assises criminelles, au deuxième semestre 2005. La Commission prend note avec satisfaction de la tenue de ces procès, de juillet à septembre, dans les tribunaux de première instance de plusieurs régions du pays. Deux cent trente-deux affaires ont ainsi été entendues et 181 condamnations ont été prononcées.  En ce qui concerne les affaires entendues à Port-au-Prince, 31 portaient sur des enlèvements et des kidnappings et 18 inculpés ont été déclarés coupables (dont quelques agents de police) et 11 condamnations ont été prononcées pour des viols de mineurs.[63] En même temps, un certain nombre d’irrégularités ont été constatées par les observateurs des droits de la personne, comme les nombreuses affaires où les clients indigents n’avaient pas d’avocats pour les représenter devant les tribunaux et, s’ils en avaient, ceux-ci le plus souvent n’étaient pas préparés à les défendre correctement, car ils n’avaient pas pris  connaissance de l’affaire suffisamment à l’avance. Le problème de la représentation légale adéquate des accusés dans une affaire pénale a déjà été constaté par le passé et la Commission espère que le Ministère de la justice va chercher les solutions appropriées, propres à satisfaire cette nécessité et s’assurer que les accusés exercent leurs droits aux garanties judiciaires et à une procédure équitable, droits qui sont protégés par la constitution haïtienne et par la Convention américaine relative aux droits de l’homme.

 

            42.       Par ailleurs,  en 2006, la Commission a également continué de recevoir des informations sur des violations graves des droits de la personne qui n’ont pas fait l’objet d’une attention ou d’un suivi approprié de la part des autorités judiciaires. En particulier, en juillet 2006, l’incident de Grand Ravine a coûté la vie à 22 personnes de cette communauté, dont presque la moitié étaient des femmes (5) et des enfants (4).[64] Malgré l’horreur que cela a suscité chez les défenseurs des droits de la personne au niveau national et international, aucun rapport n’a été élaboré sur l’enquête de la police ou les poursuites judiciaires contre les responsables. En outre, le pouvoir judiciaire haïtien n’a pas encore rendu la justice dans des affaires du passé, comme le meurtre des journalistes Jean Dominique, Jacques Roches et Brignol Lindor, et il n’est pas parvenu non plus à enquêter et à engager des poursuites à propos d’atrocités incroyables, comme l’exécution de 13 personnes à Fort national en 2004, ou les centaines d’enlèvements et de viols qui sont devenus une réalité presque quotidienne et auxquels sont soupçonnés d’avoir participé des membres de la PNH, ni à en punir les auteurs. La Commission exprime sa préoccupation face à la persistante impunité dans ces affaires.

 

            43.       Enfin, la Commission salue les efforts réalisés récemment par le pouvoir judiciaire pour instruire des affaires pénales en cours et espère que cette initiative se poursuivra et sera intensifiée afin de s’attaquer aux nombreux cas d’impunité. Cela continue en effet à être un défi que doivent relever les autorités judiciaires et qui peut exiger des approches innovatrices pour juger des affaires de violations des droits de la personne qui datent des années passées. À ce sujet, la Commission réitère que l’État a l’obligation de mettre fin à l’impunité pour toutes les violations des droits de la personne en instaurant des procédures effectives et manifestement équitables, conformes aux normes internationales, et de respecter le droit de toute personne à une procédure régulière et à être entendue par un tribunal compétent, indépendant et impartial, sans discrimination d’aucune sorte.  La Commission a également observé que, même si certaines procédures juridiques sont conformes à la législation nationale, l’État est tenu de s’assurer que l’enquête, l’action en justice et les sanctions en cas de violations des droits de la personne respectent les normes internationales. Elle considère qu’il est important d’insister sur la responsabilité, pour l’État, d’enquêter et de poursuivre en justice les violations des droits de la personne conformément aux normes déjà citées, quel qu’en soit le responsable et quelle que soit la date à laquelle ces violations aient été commises. Au vu de la tâche à accomplir, la Commission met l’accent sur le rôle important que peut jouer la communauté internationale. Elle espère que celle-ci apportera une aide cruciale au renforcement du système judiciaire haïtien, notamment, par la donation de ressources financières et de biens d’équipement, la reconstruction des tribunaux, la formation des juges, l’assistance technique et la mise en œuvre de réformes de nature à transformer un système judiciaire archaïque en un système qui soit conforme aux normes modernes en matière de justice.

 

            Situation de personnes et de groupes particuliers

 

            44.       Les préoccupations de la Commission en 2006 se sont également portées vers la situation de groupes qui retiennent particulièrement l’attention de la CIDH, à savoir les femmes, les enfants, les défenseurs des droits de la personne et les journalistes. En Haïti, les femmes sont victimes de la discrimination sexuelle, ce qui a une incidence négative sur leur participation au gouvernement et à l’économie nationale et fait d’elles les cibles d’une série d’abus, qui vont de la violence sexuelle à la traite des personnes et à la violence au sein de la famille. Elles sont particulièrement touchées par les graves déficiences des systèmes de santé et d’éducation. Concrètement, les informations reçues par la Commission de 2005 à ce jour indiquent qu’avec l’augmentation de la violence criminelle dans la capitale, le nombre des violences sexuelles perpétrées contre des femmes ou des fillettes pendant les attaques et les enlèvements pratiqués par des groupes armés ou quand elles sont obligées par la force à devenir complices de leurs activités criminelles, a fait un bond considérable.[65] Plus alarmant encore, des informations reçues par la Commission indiquent que des jeunes femmes sont forcées de fournir des services sexuels aux membres des gangs, ce qui a également contribué à l’augmentation du nombre de cas d’infection par le VIH/sida. Dans une étude menée par Action Aid, près de la moitié des 23 victimes d’enlèvement interviewées avaient été violées.[66] L’incidence du viol des femmes et des enfants restera élevée aussi longtemps que leurs auteurs ne seront pas traduits en justice pour leurs crimes. Bien que la loi interdise le viol et qu’elle ait été amendée en 2005 afin de renforcer les peines en cas de viol, la Commission a connaissance de quelques affaires qui sont arrivées jusqu’au stade du procès et des sanctions et elle peut en citer au moins une, emblématique, où les agresseurs ont dû rendre des comptes pour leurs actes. Il s’agit d’une affaire de viol collectif sur les personnes d’une mère de famille, Mme Jules, et de sa fille, Yveline Adrass, qui a été tuée après avoir dénoncé ses violeurs.[67] En outre, la violence perpétrée contre les femmes a entraîné un accroissement du taux de suicides parmi les victimes, qui sont souvent mises au ban de la société à cause de cette modalité de crime, et qui, de ce fait, souffrent souvent de traumatismes émotionnels graves sans pouvoir recourir à des services de counseling psychosocial pour y être soignées.[68] Face à cette escalade de la violence, les journalistes et les défenseurs des droits de la personne qui s’élèvent contre les activités des gangs, les violations des droits de la personne ou la corruption au sein du secteur judiciaire ont fait l’objet d’attaques de représailles et de menaces de la part des groupes armés, ce qui crée une atmosphère de crainte et d’intimidation au sein de la société et renforce l’impunité pour les délits et les violations des droits de la personne. La Commission condamne les incidents de cette nature et continue à rappeler que l’État a l’obligation d’enquêter sur les allégations de telles violences et, s’il y a des preuves, d’en traduire les auteurs en justice et de les sanctionner.

 

            45.       Face à ces problèmes, la Commission a réaffirmé la nécessité, pour l’État, de prendre des mesures concrètes afin de promouvoir et protéger les droits des femmes, ce qui inclut, entre autres, de mener des enquêtes et des poursuites judiciaires effectives sur les plaintes relatives aux violences sexuelles commises sur des femmes et des jeunes filles, comme l’ordonne la Convention interaméricaine pour la prévention, la sanction et l’élimination de la violence contre la femme, adoptée par Haïti le 2 juin 1997. À cet égard, la Commission considère encourageantes les initiatives mises en œuvre par le Gouvernement pour améliorer les droits des femmes en Haïti, notamment   les trois projets de lois qu’il a soumis au parlement, pour examen, dont un sur les enfants employés de maison (restavek)[69], un autre sur l’union libre (pour assurer à ces personnes des droits juridiques équivalents à ceux du mariage légal) et un troisième sur la paternité (pour veiller à ce que les pères assument leurs responsabilités envers leurs enfants). D’autres projets de lois sont prévus, notamment celui sur la violence à l’égard de la femme qui s’attaquera à la violence fondée sur le sexe dans ses différentes modalités (y compris la violence au sein de la famille, sexuelle et criminelle), celui sur l’avortement (actuellement illégal) et celui sur l’égalité de l’homme et de la femme.[70] Ces projets de loi font partie d’un plan d’action plus vaste pour les années 2006-2011 du Ministère à la condition féminine, ciblé notamment sur la promotion des droits de la femme, une plus grande sensibilisation du public au problème de la violence à l’égard des femmes, l’analyse des disparités entre les hommes et les femmes dans différents secteurs et la réduction de la pauvreté.[71]  Avec l’appui de la MINUSTAH et de l’USAID, le Ministère a inscrit la violence contre les femmes parmi ses priorités, comme une question à laquelle il faut s’attaquer systématiquement. C’est pourquoi, il a annoncé tout récemment la création d’une unité qui aura pour mission d’aider les victimes de viol et d’organiser un forum pour l’adoption de mesures favorisant la parité hommes-femmes.[72]

 

            46.       Les enfants semblent, eux aussi, avoir été victimes de violations particulièrement flagrantes des droits de la personne en Haïti en 2006.  En 2005, la Commission avait reçu des témoignages indiquant que des enfants avaient été soumis au travail infantile ou avaient été victimes de la traite, d’enlèvements, de mauvais traitements, d’arrestations et de détentions arbitraires de la police ainsi que le nombre croissant de cas où ils avaient été victimes de violence criminelle de la part de groupes armés. Or les informations qu’elle a reçues en 2006 indiquent que ces problèmes continuent pour la plupart et que, dans certains cas, ils se sont même aggravés, compte tenu de la faiblesse des réponses institutionnelles de l’État et de l’impunité. Dans ses déclarations, l’UNICEF a dit que les enfants sont affectés émotionnellement et psychologiquement par les actes de violence commis contre leur famille et leur parenté. Cette organisation a également fait remarquer que les enfants qui abandonnent leur foyer pour des raisons économiques et sociales et sont livrés à eux-mêmes dans les rues, sans protection, constituent un problème grave.[73]  Étant donné que ces enfants, qui seraient 2.500 selon le Ministère des affaires sociales, n’ont pas accès à un abri, à l’éducation, à un emploi ou à des services de santé de qualité, ils sont fortement prédisposés à être impliqués dans des activités criminelles et auraient fait l’objet de recrutements de la part des bandes armées en vue de faciliter l’exécution d’enlèvements et d’autres activités illégales. En réponse à ce phénomène, l’UNICEF a dénoncé les pratiques des membres des gangs qui procurent de la drogue aux enfants et les utilisent comme boucliers humains contre les attaques de la police ou comme complices d’enlèvements et de  vols.[74]

 

            47.       La Commission est également très préoccupée par d’autres types de violations qui ont été documentés. Il s’agit de l’augmentation des cas de violence sexuelle contre des enfants et de la traite des mineurs. Le rapport du Secrétaire général des Nations Unies sur les enfants et le conflit armé met l’accent sur la situation des fillettes qui sont soumises à des viols systématiques et à des violences sexuelles, situation qui exige une attention urgente. Le rapport a constaté que jusqu’à 50% des fillettes qui habitent dans les zones de conflit, comme Cité Soleil, sont victimes de viols ou de violences sexuelles alors que dans des zones comme Martissant et Carrefour, des actes de viol collectif par des membres des gangs ont été signalés.[75] Le rapport indique également des cas documentés d’abus commis par la police haïtienne contre des enfants, à savoir des détentions illégales et des violences sexuelles pendant qu’ils sont en détention. Bien qu’Haïti ne vive pas un conflit armé interne, comme c’est le cas d’autres États, la nature, les caractéristiques et les répercussions de la violence urbaine entre les gangs armés et les autorités sont comparables à la situation dans d’autres États et constituent un motif grave de préoccupation pour le Gouvernement qui exige des mesures.

 

            48.       Par ailleurs, comme l’a déjà dit la Commission, et elle souhaite exprimer à nouveau sa préoccupation à ce sujet, des enfants sont maintenus en détention, ce qui est contraire à la loi haïtienne sur l’enfance délinquante de 1961,[76] et ils sont souvent incarcérés avec des adultes dans les centres de détention où il n’y a pas suffisamment de place pour séparer les enfants des adultes. Ces pratiques sont contraires aux dispositions de la loi haïtienne et aux normes internationales en matière de détention.[77] Selon la loi haïtienne, les enfants ayant entre 13 et 16 ans qui ont été déclarés coupables d’un délit pénal doivent être placés pendant un certain temps dans un centre de rééducation, géré par l’État, et non pas purger leur condamnation pénale dans une prison.[78] Dans un communiqué de presse émis à la fin de sa visite, à la fin de l’année 2005[79], la délégation a déclaré que l’attention que doivent recevoir les droits des enfants et des adolescents haïtiens ne peut attendre que les problèmes économiques et sociaux complexes du pays soient réglés. À cet égard, il est important que les autorités pertinentes du Gouvernement prennent immédiatement des mesures pour aborder le problème de la détention des mineurs, en particulier parce qu’ils constituent une catégorie vulnérable, protégée spécialement aux termes de la législation haïtienne. Au vu de tout ce qui précède, la Commission réitère qu’il est nécessaire d’affecter des ressources à la rénovation et à la réforme du Centre d’accueil, centre administré par l’État pour abriter et rééduquer les délinquants juvéniles, ou de prendre d’autres mesures nécessaires pour aborder le problème de la délinquance des enfants et préparer leur réinsertion dans la société qui est la leur.

 

            49.       La Commission et l’UNICEF ont constaté que la violence en Haïti a eu des conséquences particulièrement graves sur les enfants des rues de Port-au-Prince et sur les fillettes qui travaillent comme domestiques à travers le pays. Ainsi, les enfants des rues ont été les principales cibles du recrutement des gangs armés et ils ont été de plus en plus souvent victimes de viols et d’enlèvements. Le Gouvernement, par l’intermédiaire du Ministre des affaires sociales, a publié des statistiques montrant qu’une population nombreuse d’enfants a besoin d’une prise en charge immédiate. Ces chiffres indiquent que 2.500 enfants environ vivent dans la rue (80% d’entre eux à Port-au-Prince), 173.000 travaillent comme employés de maison, 2.000 font l’objet de traite chaque année vers la République dominicaine et 122 sont en détention, dont 23 filles à la prison de Delmas/Pétionville. Il y a également 300.000 orphelins du sida et 9.000 enfants infectés par le VIH.[80] En dépit de ces statistiques, les institutions de l’État ont montré peu de dynamisme à affronter immédiatement et d’une manière satisfaisante ces problèmes. Mais la Commission estime encourageant le nombre d’initiatives récentes visant à sensibiliser les gens à ces problèmes et elle a même reçu des informations sur le récent projet de Code de l’enfant qui sera étudié par le parlement. Comme la Commission l’a fait remarquer auparavant, les enfants figurent parmi les membres les plus vulnérables de nos sociétés et ont le droit à une protection spéciale de la part de l’État pour que leurs droits soient réellement sauvegardés. Elle fait part à nouveau de sa préoccupation devant la situation extrêmement précaire des enfants en Haïti, prend note du manque presque total de protection offerte aux enfants et demande instamment à l’État de prendre les mesures nécessaires pour que les enfants puissent exercer pleinement leurs droits, conformément aux dispositions de l’article 19 de la Convention américaine concernant les mesures de protection requises par leur situation de mineurs de la part de leurs familles, de la société et de l’État, ainsi que les droits et les libertés prévus dans la Convention relative aux droits de l’enfant, ratifiée par Haïti le 8 juillet 1995.

 

            50.       La Commission a reçu de très nombreuses plaintes concernant les actes de violence et les menaces dont ont été l’objet des défenseurs des droits de la personne à titre de représailles pour le travail qu’ils accomplissent, spécialement dans les régions du pays dont l’État est absent. Dans ces régions, les défenseurs constituent une des rares sources d’information sur les violations des droits de la personne perpétrées contre les habitants. La Commission attache beaucoup de valeur à l’important travail que réalisent les défenseurs qui, dans des circonstances difficiles, continuent à promouvoir et à protéger les droits des Haïtiens. Dans ce sens, la Commission rappelle à l’État qu’il est de son devoir de leur assurer les conditions nécessaires à la réalisation de leur travail.  En particulier, elle se dit préoccupée par l’incapacité de l’État, depuis 2005, à donner application aux demandes de mesures conservatoires en faveur de défenseurs des droits de la personne qui travaillent en Haïti. En 2005 et 2006, la Commission a fait droit aux demandes de mesures conservatoires en faveur des membres du CONOCS, ONG oeuvrant à Cité Soleil, elle a accordé une nouvelle fois des mesures conservatoires en faveur d’un juge d’instruction de Jérémie qui a fait l’objet d’une tentative d’assassinat en 2005, puis en 2006 elle a demandé au Gouvernement de prendre des mesures visant à garantir la vie et l’intégrité physique de M. Evel Fanfan et des membres de son groupe, AUMOHD. À ce jour, elle n’a reçu aucune communication de l’État lui indiquant les mesures qu’il avait prises pour protéger la vie et l’intégrité de la personne des requérants de ces trois affaires et elle fait remarquer en particulier que les informations concernant l’enquête menée à propos de ces trois affaires ne lui ont toujours pas été communiquées. À cet égard, la Commission fait observer qu’en 2005 des représentants du Gouvernement de transition s’étaient montrés favorables à l’idée de créer un groupe de travail interministériel et que des discussions dans ce sens avaient été engagées. Ce groupe serait chargé de répondre aux notes de la Commission, afin d’établir une communication rapide et efficace entre l’État et la Commission au sujet des pétitions, des demandes de mesures conservatoires et des questions connexes et ferait office d’intermédiaire des requérants qui souhaitent prendre contact avec l’État à propos de leur affaire. Cependant, la Commission remarque que ce groupe n’a pas encore été créé ou bien qu’il n’est pas encore opérationnel. C’est pourquoi, elle saisit l’occasion pour exprimer sa préoccupation devant le risque permanent que continuent de courir ces personnes dans l’exercice de leurs activités et exhorte l’État à prendre des mesures immédiates pour garantir la vie et l’intégrité physique de ces défenseurs et assurer une plus grande sécurité dans tout le pays, ce qui permettrait à tous les défenseurs des droits de la personne de réaliser leur travail, sans crainte et sans être menacés.

 

            51.       La Commission réitère que les défenseurs des droits de la personne jouent un rôle fondamental dans le processus visant à établir l’État de droit et à renforcer la démocratie, notamment en Haïti. Le travail accompli par les défenseurs, qui protègent les particuliers et les groupes victimes de violations des droits de la personne, en dénonçant publiquement les injustices qui frappent la population, et le rôle de supervision qu’ils exercent sur les fonctionnaires, entre autres activités, en font des personnes indispensables à la construction d’une démocratie sociale durable.[81] 

 

            Situation des droits sociaux, économiques et culturels

 

   52.       Les inquiétudes susmentionnées de la Commission doivent aussi être examinés à la lumière des problèmes de base avec lesquels la société est aux prises, tels que la pauvreté extrême, le taux élevé d’analphabétisme et la malnutrition, qui privent depuis des années les Haïtiens de leurs droits économiques, sociaux et culturels fondamentaux et en même temps aggravent les conséquences du non-respect des droits civils et politiques de base.  À maintes occasions, par le  passé, la Commission a reconnu qu’il s’agit là d’un énorme défi pour l’État haïtien et elle a instamment demandé au Gouvernement, en collaboration avec tous les secteurs de la société et avec l’appui de la communauté internationale, d’élaborer et de mettre en oeuvre un plan de développement à long terme qui réponde aux besoins économiques et sociaux fondamentaux de chaque citoyen haïtien.

 

   53.       En 2006, la situation ne semble pas s’être améliorée par rapport à l’année précédente, où la Commission avait constaté que le peuple haïtien souffrait de graves problèmes économiques et sociaux, notamment la pauvreté, le manque d’accès à des soins de santé adéquats, le chômage et l’analphabétisme.  Comme elle l’a fait observer dans le chapitre consacré à Haïti dans son rapport précédent, plus de 80% de la population haïtienne vit en dessous du seuil de pauvreté et plus des deux tiers de la population active n’a pas un emploi formel. En outre, 53% seulement de la population peut être considérée alphabétisée, 21% des enfants de la tranche d’âge des 6 à 9 ans ne sont pas scolarisés et 15 pour cent seulement des enseignants ont les compétences nécessaires pour enseigner. Les taux de mortalité infantile, de malnutrition et d’infection par le VIH/sida y sont réellement inquiétants. Des militantes féminines ont fait part de leur préoccupation pour la santé des femmes, qui sont de plus en plus souvent victimes de violences sexuelles pendant les attaques à main armée et les enlèvements perpétrés par les gangs, ce qui les expose aux MST et à l’infection par VIH/sida ainsi qu’à des grossesses non désirées. Pendant ce temps, le système de santé haïtien est dans un état désespéré, avec des hôpitaux qui manquent de personnel et de matériel, la majorité de la population n’a pas accès aux services de santé parce qu’elle est indigente ou habite dans des régions reculées du pays. Compte tenu du manque extrême de ressources, de nombreux patients sont censés verser un paiement en espèces pour la location du matériel ou des instruments médicaux nécessaires à un acte médical spécifique. Étant donné les mauvaises conditions des établissements de santé, des patients sont morts de maladies évitables, de blessures guérissables ou d’interventions médicales banales, ce qui a encore contribué à l’augmentation du nombre de morts et de blessés dus à la violence armée dans la capitale.

 

  54.       Toutes ces déficiences, à leur tour, ont aggravé les problèmes liés à la sécurité, à l’administration de la justice et à la non garantie des autres droits politiques et civils fondamentaux. Même si la situation d’insécurité en Haïti est le résultat d’une série de facteurs, il est également vrai, comme l’a fait remarquer le Premier ministre, qu’on ne peut mettre en place une sécurité durable sans s’attaquer aux problèmes économiques et sociaux de fond, comme la pauvreté et le chômage. C’est pourquoi ces graves difficultés exigent une attention urgente afin de faire face aux  menaces immédiates contre la vie et l’intégrité des Haïtiens que représentent la propagation des maladies, le manque de médicaments adéquats et de soins de santé de qualité et de mettre au point des stratégies de développement à long terme des systèmes de santé et d’éducation et tout autre mécanisme de nature à garantir les droits sociaux, économiques et culturels fondamentaux des Haïtiens. Dans ce domaine, la communauté internationale doit réaliser des efforts et continuer à faire des annonces de contribution cruciales qui aideront à l’amélioration de la terrible situation du pays par le biais de projets de relance économique et de développement. Cela, à son tour, va exiger que le Gouvernement prenne des mesures destinées à éliminer tous les obstacles qui s’opposeraient à la mise en œuvre de cette assistance, y compris les interférences des groupes armés illégaux, et à s’assurer que les projets sont exécutés effectivement, avec efficacité et transparence.

 

 Remarques finales

 

 55.       En 2006, la Commission a vu Haïti sortir d’un gouvernement de transition qui a duré deux ans. Cette année a été marquée par les élections présidentielles et parlementaires, tenues le 7 février 2006 et la prestation de serment du Président élu, M. René Préval, en mai. En conséquence, elle s’est caractérisée par de grands pas en avant vers la restauration de la démocratie dans le pays, alors que la situation critique en matière de droits de la personne et de sécurité, déjà décrite dans les rapports annuels de 2004 et de 2005, est demeurée, dans une grande mesure, inchangée et a peut-être même empiré par rapport aux années précédentes, compte tenu des très nombreux assassinats et enlèvements, des viols et des incendies criminels perpétrés tous les jours, du fait que la plupart des détenus sont en détention préventive prolongée, que les mauvais traitements administrés aux détenus par la police sont devenus monnaie courante, que les conditions carcérales continuent à être tout à fait inadéquates et constituent un réel danger pour la santé des détenus. En réponse aux problèmes perçus, la Commission a été témoin des mesures proactives qu’a prises le Gouvernement pour lutter contre l’insécurité, mettre en place la réforme du secteur judiciaire et inciter la communauté internationale à apporter l’aide tellement nécessaire dans les domaines du développement économique et social et de la reconstruction des infrastructures. Bien qu’il affronte des défis considérables pour mettre en place une paix et un développement durables, le Gouvernement a démontré une volonté politique de s’attaquer aux problèmes les plus cruciaux et de mettre au point des politiques, des programmes de réforme et des plans d’action pour y faire face. Avec l’appui de la communauté internationale et l’assistance technique dispensée par la MINUSTAH et par d’autres instances, les problèmes de longue date qui ont retardé ces dernières années les progrès d’Haïti commenceront peut-être à être abordés sérieusement grâce à la mise en œuvre effective de ces plans et avec l’appui de la population. Toutefois, la Commission voudrait mettre l’accent sur son extrême préoccupation en ce qui concerne la sécurité du peuple haïtien. Elle observe avec beaucoup d’inquiétude la menace immédiate que la violence persistante représente pour la vie et l’intégrité physique des Haïtiens. Si l’État n’exerce pas un contrôle effectif sur la sécurité, les défenseurs des droits de la personne, les journalistes et les autres acteurs qui jouent un rôle crucial dans l’exercice de la démocratie continueront à être en danger, et les possibilités de coopération internationale et le développement à long terme du pays seront compromis. Au vu de ces remarques, la Commission exhorte une fois de plus le Gouvernement à prendre les mesures d’urgence nécessaires, conformes aux principes et aux normes internationaux en matière de droits de la personne, à exercer un contrôle sur la sécurité dans le pays et appelle la communauté internationale à renforcer ses actions afin d’aider le Gouvernement dans ses efforts.

 

  56.       Par ailleurs, la Commission se félicite de l’engagement pris par les membres de la communauté internationale qui ont accepté de participer à de nombreux projets de développement économique et social.  Ils devraient également apporter un soutien financier ou autre aux initiatives de l’OEA, de l’ONU et d’autres organisations afin que celles-ci puissent s’acquitter pleinement de leur mandat qui consiste à appuyer le Gouvernement haïtien dans des domaines tels que la gouvernance démocratique, la protection des droits de la personne, l’administration de la justice et la sécurité.

 

  57.       La Commission continuera de suivre la situation en Haïti et d’offrir son assistance au Gouvernement et au peuple haïtiens dans leurs efforts pour renforcer les institutions démocratiques et l’État de droit au cours de l’année prochaine.


 

[1] Voir, par exemple, Rapport annuel de la CIDH pour 2005, Chapitre IV, disponible sur le site: http://www.cidh.org/annualrep/2005eng/chap.4.htm; Rapport annuel de la CIDH pour 2004, Chapitre IV, disponible sur le site: http://www.cidh.org/annualrep/2004eng/chap.4.htm.

[2] Voir, par exemple, MINUSTAH, Section des droits de l’homme, Rapports mensuels pour 2006, disponible également sur le site: http://www.minustah.org/droits_mens.html.

[3] Voir, Rapport annuel de la CIDH pour  2004, Chapitre IV, disponible sur le site: http://www.cidh.org/annualrep/2004eng/chap.4.htm.

[4] Voir, par exemple, Rapport annuel de la CIDH pour  2005, Chapitre IV, disponible sur le site: http://www.cidh.org/annualrep/2005eng/chap.4.htm; Rapport annuel de la CIDH pour  2004, Chapitre IV, disponible sur le site: http://www.cidh.org/annualrep/2004eng/chap.4.htm.

[5] 126ème Session ordinaire, Audience thématique sur Haïti.

[6] Haiti KONPAY, “Ten Things the Media Hasn’t Reported About the Elections”, Rapport sur Haïti en date du 11 février 2006, disponible sur le site: http://www.konpay.org/wordpress/category/news/haitireports/page/5/.

[7] Voir  Résolution du Conseil de sécurité de l’ONU 1576 (2004), UN Doc. S/RES/1576 (2004) (29 novembre 2004); Résolution du Conseil de sécurité de l’ONU 1601 (2005), UN Doc. S/RES/1601 (2005) (31 mai 2005); Résolution du Conseil de sécurité de l’ONU 1608 (2005), UN Doc. S/RES/1608 (2005); Résolution du Conseil de sécurité de l’ONU 1658 (2006), UN Doc. S/RES/1658 (2006); Résolution du Conseil de sécurité de l’ONU 1702 (2006), UN Doc. S/RES/1702 (2006); (disponible sur le site: http://www.un.org/Depts/dpko/missions/minustah/res.html).

[8] Voir  Résolution du Conseil de sécurité de l’ONU 1658 (2006), UN Doc. S/Res/1658 (2006); Voir  aussi Résolution du Conseil de sécurité de l’ONU 1702 (2006), UN Doc. S/Res/1702 (2006).

[9] Voir  MINUSTAH, Faits et chiffres (au 30 septembre 2006), disponible sur le site: http://www.un.org/Depts/dpko/missions/minustah/facts.html.

[10] Voir  MINUSTAH, Faits et chiffres (au 30 septembre 2006), disponible sur le site: http://www.un.org/Depts/dpko/missions/minustah/facts.html.

[11] Voir  MINUSTAH, Communiqué de presse sur la Haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Mme Louise Arbour (17 octobre 2006).

[12] Voir  le Rapport de l’expert indépendant sur Haïti au Secrétaire général des Nations Unies : « Services consultatifs et coopération technique dans le domaine des droits de l’homme: La situation des droits de l’homme en Haïti », E/CN.4/2006/115, 62ème Session du HCDH (26 janvier 2006), disponible également sur le site: http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/GEN/G06/104/54/PDF/G0610454.pdf?OpenElement

[13] OEA,  Assemblée générale, Résolution AG/RES.2147 (XXXV)-O-05, « Renforcement de la démocratie et du développement économique et social en Haïti » (6 juin 2006), disponible sur le site: http://www.OEA.org/main/main.asp?sLang=E&sLink=http://www.OEA.org/consejo/GENERAL%20ASSEMBLY/default.asp.

[14] Voir  OEA communiqué de presse CP/DEC. 29 (1525/06) corr.1, Déclaration du Conseil permanent de l’OEA sur les récents développements en Haïti, disponible sur le site: http://www.OEA.org/main/main.asp?sLang=E&sLink=http://www.OEA.org/OEApage/press_releases/home_eng/press.asp

[15] Voir  OEA, communiqué de presse E-009/06, « OEA Reiterates Support for Democracy and Stability in Haiti », disponible sur le site: http://www.OEA.org/main/main.asp?sLang=E&sLink=http://www.OEA.org/OEApage/press_releases/home_eng/press.asp.

[16] Voir  OEA, communiqué de presse E-071/06, “Institution-Building and Infrastructure Crucial to Haiti’s Progress, Says OEA” disponible sur le site: http://www.OEA.org/main/main.asp?sLang=E&sLink=http://www.OEA.org/OEApage/press_releases/home_eng/press.asp

[17] Voir  OEA News, disponible sur le site: http://OEAhaiti.org/msoea4Mai2006.htm

[18] Voir  OEA, communiqué de presse E-158/06, “Assistant Secretary General Reaffirms OEA Support to Haiti,” disponible sur le site: http://www.OEA.org/main/main.asp?sLang=E&sLink=http://www.OEA.org/OEApage/press_releases/home_eng/press.asp.

[19] Fond monétaire international, “Haiti Reaches Decision Point Under the Enhanced HIPC Debt Relief”, Communiqué de presse Nº 06/261 (22 novembre 2006).

[20] Voir  Haiti: Security and the Reintegration of the State, Policy Briefing, Latin America/Caribbean Briefing No 12; International Crisis Group; Haiti’s Transition: Hanging in the Balance, Update Briefing Latin America/Caribbean Briefing No.7, (8 février 2005); voir  également, Spoiling Security in Haiti, International Crisis Group, Latin America/Caribbean Report No.13, 31 mai 2005; Can Haiti Hold Elections in 2005?, Update Briefing Latin America/Caribbean Briefing No.8 (5 août 2005)

[21] Voir  MINUSTAH: DDR and Police, Judicial and Correctional Reform in Haiti, Recommendations for Change (juillet 2006).

[22] Voir  Securing Haiti’s Transition: Reviewing Human Insecurity and the Prospects for Disarmament, Demobilization, and Reintegration, Small Arms Survey, Institut universitaire de hautes études internationales, Genève (Suisse), 2005.

[23] Voir  The Call for Tough Arms Controls: Voices from Haiti, OXFAM, Amnesty International, IANSA, janvier 2006.

[24] Voir Journée internationale des prisonniers: Le RNDDH fait le point autour de la détention préventive prolongée et des conditions de détention des détenus, octobre 2006.

[25] Voir, par exemple, Rapport annuel de la CIDH 2005, Chapitre IV, disponible sur le site: http://www.cidh.org/annualrep/2005eng/chap.4.htm

[26] Voir CIDH, communiqué de presse No.07/06 (17 mars 2006), disponible sur le site : http://www.cidh.oas.org/Comunicados/English/2006/7.06eng.htm; Voir également CIDH, communiqué de presse No.37/06 (27 octobre 2006).

[27] Voir, par exemple, Rapport annuel de la CIDH 2005, Chapitre IV, disponible sur le site: http://www.cidh.org/annualrep/2005eng/chap.4.htm;  Rapport annuel de la CIDH 2004, Chapitre IV, disponible sur le site: http://www.cidh.org/annualrep/2004eng/chap.4.htm; Rapport annuel de la CIDH 2003, Chapitre IV, disponible sur le site: http://www.cidh.org/annualrep/2003eng/chap.4.htm; Rapport annuel de la CIDH 2002, Chapitre IV, disponible sur le site: http://www.cidh.org/annualrep/2002eng/chap.4d.htm; CIDH, communiqué de presse Nº 24/03 (22 août 2003); CIDH, communiqué de presse Nº 11/00 (25 août 2000) ; voir également CIDH, communiqué de presse Nº 20 (6 juin 2005).

[28] Voir, par exemple, Rapport annuel de la CIDH 2005, Chapitre IV, disponible sur le site: http://www.cidh.org/annualrep/2005eng/chap.4.htm; CIDH, communiqué de presse Nº 20/05 (6 juin 2005), disponible sur le site: http://www.cidh.oas.org/Comunicados/English/2005/20.05.htm

[29] Interview de Radio Solidarité, le 3 février 2006; “Le Président élu d’Haïti rencontre Rice et Mbeki”, Agence France-Presse, 13 mars 2006.

[30] Voir CIDH, communiqué de presse Nº 16/05 (22 avril 2005), disponible sur le site: http://www.cidh.oas.org/Comunicados/English/2005/16.05eng.htm; Voir Rapport de la CIDH : Justice en déroute ou l’État de droit ? Défis pour Haïti et la communauté internationale, OEA/Ser/L/V/II.123 doc.6 rev 1 (26 octobre 2005), disponible également sur le site: http://www.cidh.oas.org/countryrep/HAITI%20ENGLISH7X10%20FINAL.pdf.

[31] Les zones de non-droit sont situées un peu partout dans la capitale et sont extrêmement dangereuses ; elles se caractérisent en effet par des actes de violence indiscriminés et par des affrontements entre les groupes armés et la police qui s’efforce de procéder à des opérations de sécurité.

[32] MINUSTAH, Section des droits de l’homme, Rapports mensuels: juillet et août 2006. 

[33] MINUSTAH, Écoute des radios locales, 13 novembre 2006 (Radio Vision 2000).

[34] MINUSTAH, Section des droits de l’homme, Rapports mensuels: septembre 2006.

[35] MINUSTAH, rapports; et entretien avec des observateurs des droits de la personne.

[36] Haiti KONPAY, “New wave of Kidnappings in Port-au-Prince (22 July 2006)” Rapport sur Haïti au 25 juillet 2006, disponible sur le site:  http://www.konpay.org/wordpress/category/news/haitireports/page/2/ .

[37] Washington Post, “Two kidnapped missionaries freed in Haiti”, 20 juillet 2006.

[38] « Le représentant spécial du Secrétaire Général des Nations Unies et le représentant de l’UNICEF en Haïti expriment leur inquiétude face à l’augmentation de la violence et ses conséquences sur les enfants et leurs familles », Communiqué de presse MINUSTAH/UNICEF, 8 juillet 2006.

[39] Rapport de Radio Métropole, 3 octobre 2006.

[40] Amnesty International Canada, “Haiti: Evel Fanfan subjected to death threats” (Haïti, menaces de mort contre Evel Fanfan),  (27 octobre 2006).

[41] Voir, par exemple, Rapport annuel de la CIDH 2005, Chapitre IV, disponible sur le site: http://www.cidh.org/annualrep/2005eng/chap.4.htm;  Rapport annuel de la CIDH 2004, Chapitre IV, disponible sur le site: http://www.cidh.org/annualrep/2004eng/chap.4.htm;  Communiqué de presse de la CIDH Nº20/05 (6 juin 2005) disponible sur le site: http://www.cidh.oas.org/Comunicados/English/2005/20.05.htm,    Voir également,  Communiqué de presse de la CIDH Nº 22/05 (23 juin 2005) disponible sur le site: http://www.cidh.oas.org/Comunicados/English/2005/22.05eng.htm  ;   Voir également, Communiqué de presse de la CIDH Nº 29/05 (22 juillet 2005) disponible sur le site: http://www.cidh.oas.org/Comunicados/English/2005/29.05eng.htm.

[42] “Securing Haiti’s Transition: Reviewing Human Security and the Prospects for Disarmament, Demobilization and Reintegration,” par Robert Muggah, Small Arms Survey, Institut universitaire de hautes études internationales, Genève, 2005.

[43] Radio Métropole, « La Commission Nationale de Désarmement entend privilégier le dialogue dans son action », 22 septembre 2006.

[44] Radio Métropole, « La MINUSTAH déterminée à rétablir un climat sécuritaire à Cité Soleil », 25 octobre 2006.

[45] Réseau National de Défense des Droits Humains, “Désignation de Samba Boukman au sein du CNDDR”, L’Indicateur des Droits Humains Nº 4, p 4 (Octobre 2006). Le RNDDH signale dans son bulletin que le nombre de morts s’élevait au moins à 1.939 dont 108 membres de la police, 10 casques bleus et 4 journalistes; 287 femmes ont été violées; 500 personnes enlevées et 1241 véhicules ont été volés.

[46] Voir Rapport de la CIDH, Justice en déroute ou l’État de droit? Défis pour Haïti et la communautés internationale, OEA/Ser/L/V/II.123 doc.6 rev 1 (26 octobre 2005) disponible sur le site:  http://www.cidh.oas.org/countryrep/HAITI%20ENGLISH7X10%20FINAL.pdf.

[47] Rapport du Secrétaire général sur la Mission des Nations Unies pour la stabilisation d’Haïti”. Conseil de sécurité, 28 juillet 2006, S/2006/592. 1.623 armes supplémentaires données par les États-Unis pour la formation des agents de la PNH font l’objet d’un suivi à travers une base de données.  

[48] Agence Haïtienne de Presse, “Police Director General Andresol Denounces Corruption in Judicial System”, 21 mars 2006.

[49] Radio Kiskeya, Radio Caraïbes, “Anti-ONU march in Cité Soleil”, 29 octobre 2006.

[50] MINUSTAH, Section des droits de l’homme, Rapport mensuel, août 2006.

[51] MINUSTAH, Section des droits de l’homme, Rapport mensuel, juillet, août et septembre 2006.

[52] MINUSTAH, Section des droits de l’homme, Rapport mensuel, juillet 2006.

[53] MINUSTAH, Section des droits de l’homme, Rapport mensuel, août 2006.

[54] Le massacre de Martissant a eu lieu en août 2005. Plusieurs personnes ont été tuées pendant une descente de police pendant un match de football; et celui de Grand Ravine a eu lieu en juillet 2005. Quelque vingt et une personnes ont été tuées et des centaines de maisons brûlées ou détruites.

[55] Voir Journée Internationale des Prisonniers: Le RNDDH fait le point autour de la détention préventive prolongée et des conditions de détention des détenus, RNDDH, octobre 2006.

[56] En Haïti, les personnes qui ont été appréhendées peuvent être gardées en détention pendant 48 heures dans une cellule de garde à vue avant de comparaître devant un juge qui déterminera la légalité de son arrestation et délivrera un mandat autorisant sa détention, voir article 26, constitution d’Haïti de 1987.

[57] Voir, par exemple, Rapport annuel de la CIDH 2004, Chapitre IV, disponible sur le site: http://www.cidh.org/annualrep/2004eng/chap.4.htm; Rapport annuel de la CIDH 2003, Chapitre IV, disponible sur le site: http://www.cidh.org/annualrep/2003eng/chap.4.htm; Rapport annuel de la CIDH 2002, Chapitre IV, disponible sur le site: http://www.cidh.org/annualrep/2002eng/chap.4d.htm; Communiqué de presse de la CIDH nº 24/03 (22 août 2003); Communiqué de presse de la CIDH nº 11/00 (25 août 2000).

[58] Voir Communiqué de presse de la CIDH nº 13/05 « IACHR To Conduct On-site Visit to Haiti » (15 avril 2005).

[59] RNDDH, « Les événements survenus au Pénitencier National le 14 Mai 2006 », Rapport sur le 14 mai 2006 (18 juillet 2006). RNDDH indique que 48 détenus ont été blessés avec des armes contondantes par les gardiens et que 6 de ceux-ci ont également été blessés.

[60] RNDDH, « Prison civile de l’Arcahaie: une autre évasion enregistrée », L’Indicateur des Droits Humains nº 4, p. 4 (octobre 2006).  RNDDH indique que, depuis avril 2004, 16 évasions de prison au moins ont été signalées, et 590 prisonniers se sont échappés. À ce jour, quelque 50 évadés seulement ont été écroués à nouveau.

[61] MINUSTAH, Coupures de presse, « L’actualité dans les Régions: Radio Massacre 102.5 FM (Fort Liberté) », 26 septembre 2006. L’inspecteur en charge des prisons de Hinche dénonce les mauvaises conditions dans lesquelles vivent les prisonniers. 127 individus sont regroupés dans une seule cellule.

[62] Agence Haïtienne de Presse, interview à Georges Moïse, 2 octobre 2006.

[63] RNDDH, « Assises criminelles de l’Eté 2006 : L’appareil judiciaire marque un point important dans la lutte contre la détention préventive prolongée », Rap/No4A06, septembre 2006.

[64] MINUSTAH, Section des droits de l’homme, Rapports mensuels, juillet 2006.

[65] Interview, Myriam Merlet, Chef de cabinet, Ministère à la condition féminine, octobre 2006.

[66] “Disarmament, demobilization, and reintegration: What Role should the EU play in Haiti? Recommendations for change”, Action Aid International (octobre 2006).

[67] Eliphète Beljean et Mackenson Joseph ont été condamnés par le tribunal criminel siégeant sans assistance du jury, aux travaux forcés à perpétuité, le 22 mars 2006, conformément à l’article 281 du Code pénal.)

[68] Interview, Myriam Merlet, Chef de cabinet, Ministère à la condition féminine, octobre 2006.

[69] Voir Haiti’s Dirty Little Secret: the Problem of Child Slavery, Conseil des affaires hémisphériques, (14 septembre 2006). Plus de 70% des « restaveks » (employés de maison) sont des fillettes, qui ont de 3 à 15 ans.  Il est fréquent que les jeunes filles restaveks soient soumises à des viols répétés par les membres masculins de leur « famille d’accueil ». 

[70] Interview, Myriam Merlet, Chef de cabinet, Ministère à la condition féminine, octobre 2006.

[71] MCFDF/Priorités 2006-2011, Proposition/Document de travail, septembre 2006.

[72] Conférence de presse avec Marie Laurence Jocelyn Lassègue, Radio Métropole, 6 septembre 2006.

[73] MINUSTAH, Communiqué de presse avec Njanja Fassu de l’UNICEF, 7 septembre 2006.

[74]  Id.

[75] Voir ONU, Rapport du Secrétaire général sur les enfants et le conflit armé. (A/61/529- S/2006/826) 26 octobre 2006.

[76] Voir articles 50, 51,  « Loi du 11 septembre 1961 sur l’enfance délinquante en danger physique ou moral »

[77] Voir Règles minima pour le traitement des détenus, adoptées le 30 août 1955 par le Premier congrès des Nations Unies sur la prévention du crime et le traitement des délinquants, U.N. Doc. A/CONF/611, annexe I, Cons. écon. et soc., rés. 663C, 24 U.N. ESCOR Supp. (No.1) at 11, U.N. Doc E/3048 (1957), modifiées, Cons. écon. et soc. rés. 2076, 62 U.N. ESCOR Supp. (No.1) at 35, U.N. Doc. E/5988 (1977).

[78] Voir article 51, « Loi du 11 septembre 1961 sur l’enfance délinquante en danger physique ou moral ».

[79] Voir CIDH, Communiqué de presse Nº 37, disponible sur le site:  http://www.cidh.oas.org/Comunicados/French/37.05fr.htm

[80] Agence Haïtienne de Presse, « Lancement à Port-au-Prince d’un symposium de 2 jours autour de la validation d’un plan national de la protection de l’enfant en Haïti », 26 octobre 2006.

[81] CIDH, Rapport sur la situation des droits de la personne au Venezuela, OEA/Ser.L/V/11.118, Doc. 4 rev. 1, 24 octobre 2003, Original: espagnol, par. 230.