RAPPORT No 18/04

PÉTITION10/03

RECEVABILITÉ

MARIE CARMEL MOISE BLEY

HAÏTI

26 février 2004

 

 

I.    RÉSUMÉ

 

1.   Le 30 décembre 2002, la Commission interaméricaine des Droits de l'Homme (ci-après «la Commission» ou «la CIDH») a reçu une pétition déposée par le cabinet d’avocats Greenberg Traurig, P. A. (ci-après «les requérants») au nom de Mme Marie Carmel Moise Bley (ci-après «la présumée victime») contre la République d’Haïti (ci-après «l’État» ou «Haïti») dont les faits décrivent des violations présumées à son droit à l’intégrité de la personne (article 5), à sa liberté (article 7), aux garanties judiciaires (article 8), au dédommagement (article 10), à la vie privée (article 11), à la propriété privée (article 21), au déplacement et à la résidence (article 22), à l’égalité devant la loi (article 24) et à la protection judiciaire (article 25), droits établis par la Convention américaine relative aux Droits de l’Homme (ci-après dénommée «la Convention» ou «la Convention américaine»).     

 

2.   Les requérants déclarent que, le 6 juillet 2000, des officiers de la police locale de Pétion-Ville sont entrés dans la maison de la présumée victime par la force.  Un policier lui a demandé de lui donner des drogues qu’elle aurait volées du chef de la police locale.  Il lui a également ordonné de payer une forte somme d’argent et de lui donner des bijoux et d’autres objets de valeur.  Les requérants déclarent également que les officiers de police ont pillé et vandalisé la maison et ont battu la victime présumée avec brutalité pendant deux heures, en liant ses mains et ses jambes et en la frappant avec leurs pistolets. Il est également allégué que les policiers ont chauffé un fer électrique au maximum et l’ont appliqué plusieurs fois sur le bras droit et le dos de la victime alléguée. 

 

3.   L’État n’a pas produit de réponse aux allégations des requérants et n’a pas contesté la recevabilité de la pétition.

 

4.   En application des dispositions des articles 46 et 47 de la Convention américaine, la CIDH décide qu’elle instruira la pétition reçue au regard des éventuelles violations des articles 5, 7, 8, 11, 21, 25 et 1.1 de la Convention américaine et qu’elle procédera à l’examen du fond de l’affaire. Elle décide également de notifier les parties de cette décision, de publier celle-ci et de l’inclure dans son Rapport annuel à l'Assemblée générale de l’OEA.

 

II.       DÉMARCHES AUPRÈS DE LA COMMISSION

 

5.  Le 30 décembre 2002, le cabinet d’avocats Greenberg Traurig, P. A. a déposé une pétition devant la CIDH au nom de la présumée victime. Le 29 mai 2003, la Commission a transmis les extraits pertinents de la pétition à l’État, lui demandant de fournir dans un délai de deux mois certaines informations et ce, en vertu de l’article 30(3) du Règlement en vigueur à l’époque.  Au moment de la considération du présent rapport, l’État n’avait pas encore fourni d’information concernant cette pétition.

 

III.      POSITION DES PARTIES

 

A.         Les requérants

 

6.   Les requérants expliquent que la présumée victime est citoyenne américaine, journaliste de profession et réside à Miami en Floride.  Dans le passé, elle voyageait en Haïti régulièrement, environ cinq fois par an, pour entretenir et superviser les biens de sa famille et pour des raisons professionnelles.  La présumée victime n’a entrepris aucune activité politique, ni en tant que journaliste, ni en tant que citoyenne des États-Unis d’Amérique.

 

7.   Le 1er juillet 2000, la présumée victime s’est rendue en Haïti.  Au cours de cette visite, elle a séjourné dans la résidence familiale située à Pétion-Ville.

 

8.   Les requérants déclarent que, le jeudi 6 juillet 2000, à 6 h 30 environ, la présumée victime fut avertie que sept ou huit policiers étaient arrivés dans trois voitures de police, ont grimpé la barrière entourant la résidence familiale et sont entrés par la force dans la maison.  Les policiers portaient des uniformes officiels.  Ils ont demandé à voir le propriétaire de la maison et ont procédé au séquestre de la cousine de la présumée victime, Marie Rose Jarbath, dans le but de connaître l’emplacement de la chambre de la présumée victime.

 

9.    Quand les policiers sont entrés dans la chambre de la présumée victime, elle a reconnu certains d’entre eux comme faisant partie de la police locale de Pétion-Ville.  Ils ont ouvert le feu sur le lit de la présumée victime, ont arraché du mur les lignes téléphoniques et brisé les fenêtres de la maison.

 

10.   Les requérants expliquent par ailleurs qu’un policier a ordonné à la présumée victime de lui donner des drogues qu’elle aurait volées au chef de la police locale.  Il a demandé ensuite à la présumée victime de lui payer deux cent mille dollars (EU$200 000).  Les policiers ont demandé des bijoux et d’autres objets de valeur.  La présumée victime a répondu qu’elle ignorait de quoi ils parlaient et suggéré que les policiers étaient probablement dans la mauvaise maison.  Pendant ces événements, la présumée victime a remarqué que trois policiers dans sa chambre et deux autres officiers surveillaient apparemment la voie publique située aux abords immédiats de la résidence familiale.

 

11.   Les requérants précisent que, avec une perceuse sans fil, les policiers ont menacé de percer la tête de Melissa Lalanne, la fille de sept ans de la domestique, Mme Saint-Anne Lalanne, pensant qu’elle était la fille de la présumée victime. En outre, plusieurs policiers ont placé un oreiller sur la tête de Claudy Jeanty, un autre cousin de la présumée victime, et lui ont dit de ne pas bouger  sinon, il serait tué.  Certains policiers ont ordonné à Mme Lalanne de leur donner un fer électrique.  Les policiers l’ont battue quand elle a refusé de le leur apporter.

 

12.   Il est allégué que le pillage de la maison par les policiers a continué. Il est allégué qu’ils cherchaient les « drogues » qu’ils pensaient être en possession de la présumée victime.  Ils n’ont trouvé que des bijoux de valeur modeste et environ EU$2 500. Parce qu’ils n’ont rien trouvé d’autre de valeur, les policiers ont commencé à battre la présumée victime, en la frappant au visage et au ventre, puis au genou droit, aux côtes et à l’abdomen, quelquefois en utilisant leurs pistolets comme instrument contendant.  Les policiers ont également lié les bras de la présumée victime dans son dos, ce qui a causé un fléchissement et un étirement excessifs de ses membres.  Ils ont lié ses jambes également.

 

13.   Les requérants expliquent que les policiers ont chauffé un fer électrique au maximum et l’ont appliqué plusieurs fois sur le bras droit et le dos de la présumée victime.  Selon la présumée victime, les policiers semblaient tirer plaisir de ces actes et elle a presque perdu connaissance à plusieurs occasions. Les requérants déclarent que la douleur physique et psychologique a été exacerbée par le fait que la présumée victime sentait l’odeur de sa propre chair qui brûlait.

 

14.   La pétition allègue aussi que, quand les policiers ont trouvé le passeport américain de la présumée victime, ils ont discuté entre eux des conséquences du meurtre d’une citoyenne américaine.  Après discussion, ils ont contacté leur supérieur par téléphone cellulaire et ont demandé des instructions spécifiques sur la manière de procéder vu cette découverte.  Le téléphone cellulaire a ensuite été placé près de la présumée victime pour lui permettre de communiquer avec le supérieur des policiers.  Les requérants précisent que la présumée victime a reconnu la voix du chef de la police de Pétion-Ville qu’elle avait rencontré quelques jours plus tôt.  Le chef de la police l’a menacée de mort et les policiers ont demandé à la présumée victime de choisir sa tenue de cercueil car ils avaient reçu l’ordre de la tuer immédiatement. Il est allégué que la durée totale du traitement infligé à la présumée victime a été d’environ deux heures.

 

15.   Il est allégué que, avant de quitter la résidence de la présumée victime, les policiers lui ont bandé les yeux. Ensuite, ils sont partis, emportant avec eux des photographies de la présumée victime ainsi que certains objets comme la perceuse sans fil et ses bijoux. Les officiers de police l’ont menacée de mort si elle rapportait quoi que ce soit aux autorités et lui ont ordonnée de quitter le pays immédiatement. 

 

16.   Les requérants précisent que, après le départ de la police, la présumée victime a été libérée par un ouvrier de la maison.  Il a fallu plusieurs heures pour que la présumée victime, en état de choc, ait pu se tenir debout seule. Craignant pour sa sécurité, la présumée victime a contacté un médecin mais ne s’est pas inscrite formellment dans un hôpital.  Elle a rencontré le médecin et, sur l’avis et l’ordre de celui-ci, s’est rendue à l’Hôpital de communautaire haïtien pour un traitement d’urgence.

 

17.  Il est allégué que, le jour même des coups et blessures, la présumée victime a déposé une plainte à la police nationale d’Haïti.  Deux officiers de police, Eugène Lazare et Bertony Telusma, ont transcrit une déposition de quatre heures et rédigé une plainte de trois pages sur la base de leur entretien avec la présumée victime.  Malgré plusieurs requêtes formelles visant l’obtention d’une seule copie de la plainte, le Commissaire de police Mignard a insisté qu’il était impossible de lui donner ce document, de n’importe quelle forme que ce soit.  La police n’a jamais fourni à la présumée victime une copie de la plainte. La présumée victime a également présenté une plainte détaillée au consulat américain en Haïti.

 

18.   Les requérants expliquent que, à l’issue de l’agression décrite précédemment, la présumée victime a souffert de blessures corporelles graves, de traumatisme mental et de choc.  Il est rapporté qu’elle souffre d’insomnie, de cauchemars fréquents et de fatigue chronique aiguë.  Des soins psychiatriques ont été obtenus aux États-Unis.  Son corps est à jamais marqué par les blessures.

 

19.   La pétition stipule que la présumée victime a été empêchée d’exercer des recours en Haïti parce que la législation interne ne prévoit pas de protection judiciaire pour la préservation et le respect des droits qui ont été violés dans son cas.  Les requérants déclarent aussi qu’elle s’est vu refuser les voies de recours prescrites par la loi haïtienne, qu’elle a été intentionnellement et systématiquement empêchée de les épuiser et qu’il s’est produit un retard irraisonnable et inadmissible dans l’administration de la justice et l’obtention d’une décision.

 

B.       L’État

 

20.  L’État n’a pas produit de réponse aux allégations des requérants et n’a pas contesté la recevabilité de la pétition.

 

IV.      ANALYSE DE LA RECEVABILITÉ

 

A.      Considérations préalables

 

21.  La CIDH note que l’État n’a jamais répondu aux allégations des requérants et n’a pas contesté la recevabilité de la pétition. Comme elle l’a fait à plusieurs occasions dans des affaires concernant Haïti[1], la CIDH désire souligner qu’Haïti a contracté diverses obligations internationales aux termes de la Convention américaine relative aux droits de l’homme.  Au nombre de ces obligations, se trouve celle visée à l’article 48 (1) (a) de la Convention qui établit ceci: "Saisie d’une pétition ou communication, la Commission (...) demandera des informations au gouvernement de l’État dont relève l’autorité à laquelle la violation alléguée est imputée (...) Ces informations devront être présentées dans un délai raisonnable (...). b) elle pourra demander aux États concernés toutes informations pertinentes."  Par conséquent, la Convention oblige les États à fournir à la Commission les informations qu’elle leur demande dans le cadre de l’analyse d’une affaire individuelle.

 

22.     La CIDH estime qu’il est également nécessaire d’indiquer que les renseignements demandés par la Commission sont ceux qui lui permettront de prendre des décisions à propos des affaires dont elle est saisie.  La Cour interaméricaine des Droits de l’Homme a affirmé dans les termes suivants que la coopération des États est une obligation fondamentale dans le cadre de la procédure internationale du Système interaméricain:

 

Contrairement à ce qui se passe en droit interne, dans les procédures concernant des violations des droits de l’homme, la défense de l’État ne peut reposer sur l’impossibilité du demandeur d’invoquer des preuves qui, dans bon nombre de cas, ne peuvent être obtenues sans la coopération de l’État.

 

C’est l’État qui contrôle les moyens permettant d’éclaircir des faits qui se sont passés sur son territoire.  La Commission, bien qu’elle ait compétence pour mener des enquêtes, dépend, dans la pratique, pour pouvoir mener ces enquêtes dans la juridiction de l’État, de la coopération et des moyens que lui fournit le gouvernement.[2][

 

          23.     La Commission et la Cour interaméricaines des Droits de l’Homme ont signalé également que "le silence du défendeur ou sa réponse évasive ou ambiguë peuvent être interprétées comme une acceptation des faits énoncés dans la requête, du moins tant que le contraire ne sera pas démontré par le dossier judiciaire ou ne sera pas le fruit de la conviction des juges"[3].  En conséquence de quoi, la Commission rappelle à l’État haïtien qu’il est tenu de collaborer avec les organes du Système interaméricain des droits de l’homme afin de permettre à ces derniers de mieux s’acquitter de leurs fonctions de protection des droits de la personne.

 

 

B.       Compétence ratione personae, ratione loci, ratione temporis et ratione materiae de la Commission

 

24.  En vertu de l’article 44 de la Convention, les requérants sont habilités à soumettre des pétitions à la Commission.  La pétition désigne comme présumée victime un individu dont Haïti s’est engagée à respecter et protéger les droits en vertu de la Convention américaine[4]. En ce qui concerne l’État, la Commission note qu’Haïti est partie à la Convention depuis le 27 septembre 1977, date à laquelle ce pays a déposé l’instrument d’adhésion y relatif. Par conséquent, la Commission est compétente ratione personae pour examiner la plainte.

 

25.  La Commission est compétente ratione loci  pour entendre la plainte car celle-ci allègue la violation de droits protégés par la Convention américaine à l’intérieur du territoire d’un État partie à la Convention. La CIDH est compétente ratione temporis parce que l’obligation de respecter et de préserver les droits protégés par la Convention était déjà en vigueur dans l’État le jour des événements allégués dans la pétition. Enfin, la Commission est compétente ratione materiae parce que la plainte dénonce des événements liés aux droits de la personne protégés par la Convention américaine, comme le droit à l’integrité de la personne (article 5), le droit à la liberté de la personne (article 7), aux garanties judiciaires la loi (article 8), le droit au dédommagement (article 10), le droit à la vie privée (article 11), à la propriété privée (article 21), au déplacement et à la résidence (article 22), à l’égalité devant la loi (article 24) et à la protection judiciaire (article 25).

 

C.      Autres conditions de recevabilité de la pétition

 

a.   Épuisement des voies de recours internes

 

26.  L’article 46(1)(a) de la Convention établit que la recevabilité d’une pétition portée devant la Commission est sujette à la condition  «[q]ue toutes les voies de recours internes aient été dûment utilisées et épuisées conformément aux principes du Droit international généralement reconnus». Le préambule de la Convention stipule que la CIDH confère «une protection internationale, d'ordre conventionnel, secondant ou complétant celle que procure le droit interne des États Américains».[5] La règle d’épuisement des voies de recours internes permet à l’État de régler le différend dans le cadre de son système de droit interne avant d’avoir à confronter une instruction internationale, ce qui est légalement suffisant dans la juridiction internationale en matière de Droits de l’Homme.    

 

27. Dans la présente pétition, les requérants allèguent que, le 6 juillet 2000, la présumée victime a déposé une plainte à la Police Nationale d’Haïti. Deux officiers de police, Eugène Lazare et Bertony Telusma, ont transcrit une déposition de quatre heures et rédigé une plainte de trois pages sur la base de leur entretien avec la présumée victime.  Malgré plusieurs requêtes formelles visant l’obtention d’une seule copie de la plainte, le commissaire de police Mignard a insisté qu’il était impossible de lui donner ce document, sous quelque forme que ce soit.  La police n’a jamais fourni à la présumée victime une copie de la plainte. La pétition stipule que la présumée victime a été interdite et empêchée d’exercer des recours en Haïti parce que la législation interne ne prévoit pas de protection judiciaire pour la préservation et le respect des droits qui ont été violés dans son cas.  Les requérants déclarent aussi qu’elle s’est vu refuser les voies de recours prescrites par la loi haïtienne, qu’elle a été intentionnellement et systématiquement empêchée de les épuiser et qu’il s’est produit un retard irraisonnable et inadmissible dans l’administration de la justice et l’obtention d’une décision.

 

28.  Dans cette affaire, l’État n’a pas invoqué le non-épuisement des voies de recours internes et, de ce fait, une renonciation tacite à l’exception de non épuisement des voies de recours internes peut être présumée[6]. À cet égard, la Cour interaméricaine a déclaré que «pour être recevable, toute exception pour non épuisement des voies de recours internes doit être invoquée, au début de l’instruction, par l’État qui est en droit de l’invoquer. Au cas contraire, une renonciation à l’exception peut être présumée.»[7] La CIDH conclut que cette condition a été satisfaite.  En conclusion, la CIDH décide que la condition d’épuisement des voies de recours internes a été satisfaite.

 

b.      Délai d’instruction

 

29.  L’article 46(1)(b) de la Convention établit qu’une plainte doit être déposée dans un délai de six mois à compter de la date à laquelle la partie alléguant la violation de droits a reçu notification de la décision finale épuisant les voies de recours internes. Dans la pétition sous examen, la CIDH a établit que l’État a renoncé tacitement à son droit d’invoquer le non-épuisement des voies de recours internes.  Par conséquent, la condition établie à l’article 46(1)(b) de la Convention a été satisfaite. Cependant, la condition établie dans la Convention concernant l’épuisement des voies de recours internes est distincte de celle relative à la présentation de la plainte dans les six mois suivant la décision épuisant ces voies de recours. De ce fait, la CIDH doit déterminer si la plainte a été déposée dans un délai raisonnable. À cet égard, la CIDH observe que les requérants ont indiqué que les faits allégués se sont produits le 6 juillet 2000. La CIDH note que la plainte originale a été déposée le 30 décembre 2002. Vu les circonstances particulières de cette plainte, la CIDH considère que celle-ci a été présentée dans un délai raisonnable.

 

c.     Double emploi des procédures et chose jugée

 

30.  Aucune partie n’a indiqué que la matière de la présente pétition est en attente de règlement dans une instruction internationale ou qu’elle fait double emploi avec une plainte précédemment examinée par la Commission ou par une autre organisation internationale. Par conséquent, la Commission juge que les conditions établies à l’article 46(1)(c) et à l’article 47(d) de la Convention ont été satisfaites.

 

d.     Caractérisation des faits

 

          31.  L’article 47(b) et (c) de la Convention et l’article 34(a) et (b) du Règlement de la Commission exigent que la Commission juge une pétition irrecevable si elle n’établit pas des faits tendant à établir une violation de droits garantis par la Convention ou d’autres instruments pertinents, ou si les déclarations des requérants ou de l’État indiquent qu’une pétition est ostensiblement dénuée de fondement ou manifestement tout-à-fait non conforme aux normes.

 

          32. Les requérants allèguent que l’État est responsable des violations des droits de Mme Marie Carmel Moise Bley aux termes des articles 5, 7, 8, 10, 11, 21, 22, 24 et 25 de la Convention, comme résumé au Chapitre III A précédent. L’État n’a pas formulé d’observation et n’a soumis aucune information sur les violations alléguées par les requérants.

 

          33. Sur la base des informations présentées par les requérants, et sans porter préjudice au fond de l’affaire, la Commission décide que la pétition des requérants contient des allégations de faits, lesquelles, si elles sont prouvées, tendent à établir des violations de droits garantis par les articles 5, 7, 8, 11, 21 et 25 de la Convention ainsi que par l’article 1.1. de la Convention, et que les déclarations des requérants ne sont pas, sur la base de l’information soumise, ostensiblement dénuées de fondement ou manifestement tout-à-fait non conformes aux normes. Par conséquent, les allégations de la pétition au regard des articles 5, 7, 8, 11, 21 et 25 de la Convention ne sont pas frappées d’irrecevabilité aux termes de l’article 47(b) et 47(c) de la Convention et de l’article 34(a) et (b) du Règlement de la Commission.  Cependant, la plainte originale soumise contient également des allégations de violations des articles 10, 22 et 24 de la Convention.  Les requérants n’ont pas fourni d’arguments de faits ou de droit pouvant établir que ces violations ont eu lieu. Par conséquent, après avoir examiné les faits décrits dans la pétition, la Commission conclut que celle-ci n’établit pas des faits tendant à établir une violation des droits garantis par les articles 10, 22 et 24 de la Convention.

 

V.      CONCLUSIONS

 

34.  Ayant examiné la présente pétition, la Commission conclut que l’affaire est recevable sur la base des allégations des requérants concernant les violations des articles 5, 7, 8, 11, 21 et 25 de la Convention et de l’article 1.1 de la Convention et que la plainte est irrecevable sur la base des allégations des requérants concernant les violations des articles 10, 22 et 24 de la Convention, conformément aux dispositions des articles 46 et 47 de la Convention américaine. Elle décide également de notifier les parties de cette décision, de publier celle-ci et de l’inclure dans son Rapport annuel à l'Assemblée générale de l’OEA.

 

35.  Sur la base des arguments de faits et de droit établis précédemment, et sans préjuger du fond de l’affaire,

 

LA COMMISSION INTERAMÉRICAINE DES DROITS DE L’HOMME,

 

DÉCIDE DE:

 

1.       Déclarer la présente affaire recevable au regard des articles 5, 7, 8, 11, 21, 25 et 1.1 de la Convention américaine, conformément aux dispositions des articles 46 et 47 de la Convention.

 

2.       Déclarer la présente affaire irrecevable au regard des articles 10, 22 et 24 de la Convention américaine, conformément aux dispositions des articles 46 et 47 de la Convention.

 

3.       Notifier les parties de cette décision.

 

4.       Continuer d’examiner le fond de l’affaire.

 

5.       Publier cette décision et de l’inclure dans son Rapport annuel à l'Assemblée générale de l’OEA.

  

 

Approuvé par la Commission interaméricaine des droits de l’homme, dans la ville de Washington, D.C. le 26 février 2004, par Jose Zalaquett, Président; Clare K. Roberts, première vice-présidente; Susana Villarán, deuxième vice-présidente; les Membres de la Commission; Evelio Fernández Arevalos, Paulo Sergio Pinheiro, Freddy Gutiérrez, et Florentín Mendez.


 

[1] Commission interaméricaine des Droits de l’Homme, Rapport annuel 2001, Rapport No.129/01, Affaire No. 12.389, Jean Michel Richardson (Haïti), paragraphe 11 et suiv. CIDH, Rapport No. 79/03, Affaire P139/02, Guy A. François (Haïti), par. 10 et suiv.   

 

2Cour interaméricaine des droits de l'homme, Affaire Velásquez Rodríguez, Décision du 29 juillet 1988, Série C, No. 4, paragraphes 135 et 136. Commission interaméricaine des droits de l'homme, Rapport No. 28/96, Affaire N. 11.297, Juan Hernández (Guatemala), 16 octobre 1996, paragraphe 43.

3 Cour interaméricaine des droits de l'homme, Affaire Velásquez Rodríguez, Décision du 29 juillet 1988, Série C, No. 4, paragraphe 138. Commission interaméricaine des droits de l'homme, Rapport No. 28/96, Affaire N. 11.297, Juan Hernández (Guatemala), 16 octobre 1996, paragraphe 45.

[4] Dans le passé, la CIDH a désigné comme «victime présumée» toute personne protégée par la Convention, comme stipulé de manière générale à l’article 1.1 conformément aux règles établissant les droits et les libertés qui y sont reconnus spécifiquement. Voir : Rapport annuel 1998. Rapport No. 39/99, Affaire Mevopal, Argentine, par. 16.

[5] Voir : clause du deuxième paragraphe du préambule de la Convention américaine.

[6] Cour interaméricaine des Droits de l’Homme, Affaire Velásquez Rodríguez, Exceptions préliminaires, Décision du 26 juin 1987, par. 88. Voir également: CIDH, Rapport No. 30/96, Affaire 10.897, Guatemala, 16 octobre 1996, par. 35 et Rapport No. 53/96, Affaire 8074, Guatemala, 6 décembre 1996. Rapport annuel 1996 de la CIDH. Rapport No. 25/94, Affaire 10.508, Guatemala, 22 septembre 1994, p. 52. Rapport annuel 1994 de la Commission interaméricaine des Droits de l’Homme.

[7] Cour interaméricaine des Droits de l’Homme, Affaire Velásquez Rodríguez, Exceptions préliminaires, Décision du 26 juin 1987, Série C, No. 1, par. 88; Affaire Fairén Garbi et Solis Corrales, Exceptions préliminaires, Décision du 26 juin 1987, Série C, No. 2, par. 87; Affaire Gangaram Panday, Exceptions préliminaires, Décision du 4 décembre 1991, Série C, No. 12, par. 38; et Affaire Loayza Tamayo, Exceptions préliminaires, Décision du 31 janvier 1996, Série C, No. 25, par. 40.