COMMUNIQUÉ DE PRESSE

 

Nº 19/04

 

lA COMMISSION INTERAMÉRICAINE DES DROITS DE L’HOMME COMPLÈTE
SA VISITE EN HAÏTI

 

            La Commission interaméricaine des Droits de l’Homme (CIDH) vient de compléter une visite en Haïti à l’invitation du Gouvernement de ce pays. Cette visite eut lieu du 1er au 3 septembre 2004. La délégation de la CIDH était composée de Clare K. Roberts, premier vice-président et rapporteur pour Haïti ; Brian Tittemore, Spécialiste principal en Droits de l’Homme ; Bernard Duhaime, membre associé du personnel de l’OEA et professeur de droit à l’Université du Québec à Montréal ; Candis Hamilton, avocate consultante de la CIDH et Julie Santelices, assistante administrative.

           

            Il s’agissait de la première visite de la CIDH en Haïti depuis la violence qui eut lieu en Haïti au début de 2004 et qui mena au départ de l’ancien Président Aristide et à la mise sur pied du présent gouvernement de transition. Par conséquent, la Commission, dans le cadre de sa visite,  a tenté d’obtenir des informations concernant l’état de protection des Droits de l’Homme en Haïti depuis ces événements.

 

            Prenant en considération l’information obtenue, la Commission demeure préoccupée par le fait que plusieurs secteurs des Droits de l’Homme des Haïtiens sont affaiblis et menacés. La CIDH espère cependant que le gouvernement, en collaboration avec la communauté internationale, saura exploiter les circonstances présentes  pour outre passer les difficultés du passé et de cheminer vers un futur qui assurera pleinement la démocratie, l’État de Droit et le respect des Droits de l’Homme.

 

            Pendant son séjour en Haïti, la Commission a rencontré des représentants du Gouvernement haïtien de transition, des membres de la société civile, de même que des organisations internationales. La Commission s’est réunie avec le Président de la République, M. Boniface Alexandre, le Premier Ministre, M. Gérard Latortue, le Ministre des Affaires Étrangères et des Cultes, M. Yvon Siméon, le Ministre de la Justice et de la Sécurité publique, M. Bernard Gousse, le Ministre de l’Intérieur, M. Hérald Abraham, la Ministre de la Condition féminine et des Droits de la Femme, Mme Adeline Magloire Chancy, le Directeur général de la Police Nationale d’Haïti, M. Léon Charles, ainsi que le Protecteur du Citoyen, M. Necker Dessables. La Commission s’est également entretenue avec un grand nombre d’organisations non gouvernementales présentant des points de vue différents, avec des associations d’avocats, et de juges et de magistrats. La Commission s’est aussi réunie avec le Chef de la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation d’Haïti (MINUSTAH), M. l’Ambassadeur Juan Gabriel Valdes, d’autres représentants de la MINUSTAH, de même que des représentants du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Droits de l’Homme. De plus la Commission a présenté un séminaire sur le Système interaméricain  de protection des Droits de l’Homme avec des fonctionnaires de divers ministères et agences gouvernementales.

           

            La Commission est particulièrement préoccupée par l’état de la sécurité en Haïti où des groupes armés semblent se charger de la sécurité dans plusieurs secteurs du pays où l’État n’assure pas la protection effective des habitants de ces régions. La Commission rappelle que l’État a l’obligation de garantir la sécurité de sa population  et doit assurer le droit à la protection judiciaire. La CIDH appelle l’État haïtien à prendre, en collaboration  avec la communauté internationale, les mesures urgentes nécessaires au désarmement de ces groupes et au maintient de la sécurité du peuple haïtien.

 

            La CIDH est également préoccupée par les faiblesse de l’administration de la justice, dont certaines existaient avant la mise sur pied du gouvernement de transition, de même que par le persistant problème de l’impunité. Parmi les lacunes qui continuent d’affliger le système judiciaire il faut noter un manque de ressources pour les juges, les magistrats, les tribunaux et la police, de même que des violations fréquentes du droit aux garanties judiciaires, dont des instances de détention préventive prolongée d’individus sans que ceux-ci soient amenés devant un juge. Par ailleurs, la Commission fut informée pendant sa visite que les forces policières sont constituées d’environ 3000 agents pour une population totalisant plus de 8 millions d’habitants. La CIDH fut également informée  que le gouvernement prévoit, à court et long terme, recruter et former plusieurs policiers supplémentaires. De plus, il fut indiqué à la Commission que les juges et les magistrats avaient obtenus des augmentations de salaire et que, bien que ces augmentations puissent être insuffisantes, ces mesures constituent un premier pas vers l’amélioration de l’administration de la justice dans le pays.

 

            Des allégations ont été présentées devant la Commission concernant le traitement d’individus particuliers par le système judiciaire haïtien, dont le procès d’anciens paramilitaires et policiers pour le meurtre d’Antoine Izméry, et dont l’arrestation et la détention d’anciens ministres du gouvernement antérieur, dont M. Yvon Neptune et M. Jocelerme Privert, que la Commission a rencontrés pendant sa visite. À ce sujet la Commission tient à réitérer ses préoccupations exprimées antérieurement dans le précédant communiqué de presse de la CIDH  No. 17-04 portant sur l’obligation du gouvernement de mettre fin à l’impunité par l’entremise de procédures qui sont conformes aux standards internationaux, de même que par le respect du droit de toute personne aux garanties judiciaires et du droit d’être entendu par un juge ou tribunal compétent, impartial et indépendant, sans discrimination de toute sorte.

 

            En lien avec les faiblesses de l’administration de la justice en Haïti est le persistant problème de l’impunité liée aux violations passées des Droits de l’Homme. La Commission continue de recevoir, dans certains cas, des rapports portant sur le manquement des autorités à leur obligation d’enquêter, d’instruire en justice et de sanctionner les violations des Droits de l’Homme, et, dans d’autres cas, des rapports portant sur l’initiation de poursuites pénales pour des raisons inappropriée ou politiques. En ce qui concerne ces allégations, la Commission  désire réitérer l’importance du droit de toute personne aux garanties judiciaires et du droit d’être entendu par un juge ou tribunal compétent, impartial et indépendant, sans discrimination de toute sorte, dont celle fondée sur les opinions politiques.

 

            De plus, la Commission a reçu des informations et des rapports alléguant la perpétration d’actes de violences contre des individus en raison de leur affiliation ou de la perception de leur affiliation avec l’ancien président et son parti politique, particulièrement pendant la période qui a immédiatement suivi le départ de celui-là. La CIDH a également reçu des informations relativement à des actes de violence qui, selon ces allégations, auraient été commis par des sympathisants du président précédent, dont un récent incident pendant lequel le Secrétaire d’État aux Affaires étrangères de la France fut attaqué lors de la visite d’un hôpital à Cité Soleil. À ce sujet, la Commission  désire souligner l’obligation de l’État d’enquêter les allégations sérieuses de cette nature et, lorsque établies, de  poursuivre et punir les responsables.

 

            La CIDH fait également part de ses sérieuses préoccupation relativement à des allégations de violations des droits humains perpétrées contre des personnes appartenant à des groupes particuliers, dont les femmes, les enfants et les défenseurs des Droits de l’Homme. Selon l’information reçue, le viol de femmes et de jeunes filles commis par des groupes armés et des bandits, parmi tant d’autres, constitue toujours un problème sérieux en Haïti. Il est également allégué que  des enfants ont été victimes de travail forcé, d’enlèvements et de violence perpétrée par des groupes armés. La CIDH réitère la nécessité que l’État prenne des mesures concrètes pour éviter ce type de comportement, dont l’enquête, l’instruction judiciaire effective et la poursuite de plaintes portant sur ce type d’actes. Par ailleurs, le Ministère de la condition féminine a informé la Commission de ses efforts pour encourager des initiatives de réforme judiciaire relativement aux besoins des femmes, dont la proposition de faire du viol un crime en vertu du droit haïtien, de même que des efforts pour encourager le déveoppement des groupes de femmes dans les régions d’Haïti.

 

            Une fois de plus, la Commission a pris note des problème fondamentaux liés à la pauvreté extrême, au haut taux d’analphabétisme et de malnutrition qui continuent de priver les Haïtiens de leurs droits économiques, sociaux et culturels et, en même temps, d’exacerber les conséquences de la négation des droits civils et politiques. La CIDH reconnaît que ceci constitue un défi considérable pour l’État haïtien et appelle l’État, en coopération avec les tous les secteurs de la société et avec l’appui de la communauté internationale, à mettre sur pied et à appliquer un plan de développement qui répondra aux besoins économiques et sociaux fondamentaux de chaque Haïtien.

 

            Finalement, bien qu’elle considère que la République d’Haïti continue de faire face à de sérieux problèmes relatifs à la protection des Droits de l’Homme,  la CIDH met fin à sa visite  avec de grands espoirs pour la population haïtienne. Lors de leurs rencontres avec la Commissions, les représentants du gouvernement de transition ont exprimé leur ferme intention de faire de la protection des droits humains un point central de leur travail. Par exemple, le Premier Ministre a indiqué à la CIDH qu’il voulait mettre fin à la pratique selon laquelle les fonctionnaires gouvernementaux haïtiens peuvent être empêchés de quitter le pays sans autorisation.

 

            La Commission insiste sur l’importance des élections en Haïti prévues pour 2005, qui permettront d’établir une plus grande stabilité pour l’avenir du pays. En ce qui concerne ce défi de même que tous les autres auxquels le peuple haïtien fait face, la Commission appelle la communauté internationale à fournir l’appui et l’assistance nécessaire pour  permettre au Haïtiens d’outre passer les difficultés du passé et de cheminer vers un futur qui assurera pleinement la démocratie, l’État de Droit et le respect des Droits de l’Homme.

 

            La Commission exprime sa gratitude pour l’hospitalité, la participation, la coopération et les installations fournies par le Gouvernement haïtien et les organisations non gouvernementales, les institutions de la société civile et les organisations internationales, notamment la Mission spéciale de l’OEA, dans le cadre de cette visite.

 

Washington, D.C., 7 septembre 2004.

 

 

OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES DE LA CIDH À LA CONCLUSION DE SA VISITE EN hAÏTI

           

            1.         La Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme (CIDH) vient de compléter une visite en Haïti effectuée à l’invitation du Gouvernement de ce pays. Cette visite eut lieu du 1er au 3 septembre, 2004.  La délégation de la CIDH  était composée  de Clare K. Roberts, Premier vice-président et Rapporteur pour Haïti ; Brian Tittemore, Spécialiste principal en Droits de l’Homme ;  Bernard Duhaime, membre associé du personnel  de l’OEA et professeur de droit à l’Université du Québec à Montréal; Candis Hamilton, avocate consultante de la CIDH et Julie Santelices, assistante administrative.

 

            2.         La CIDH est l’organe principal de l’Organisation des États Américains (OEA) ayant pour responsabilité d’assurer le respect et la protection des Droits de l’Homme sur le Continent américain. Les sept membres de la Commission sont élus à titre personnel par l’Assemblée Générale de l’OEA pour quatre ans. Les attributions de la Commission découlent de la Charte de l’OEA et de la Convention Américaine relative aux Droits de l’Homme, lesquelles ont été ratifiées par la République d’Haïti.

3.         La Commission a effectué sa visite en vertu du mandat et des attributions que lui confient la Charte de l’OEA et la Convention Américaine relative aux Droits de l’Homme ainsi que la Résolution AG/RES.2058 (XXXIV-O/04) adoptée par l’Assemblée Générale concernant le renforcement de la démocratie en Haïti. Dans cette résolution, l’Assemblée Générale a exhorté la CIDH à suivre la situation des Droits de l’Homme en Haïti, de fournir un rapport sur ce sujet et de travailler avec la Mission Spéciale de l’OEA pour la promotion et la protection des droits humains. 

 

4.         Il s’agissait de la première visite de la CIDH en Haïti depuis la violence qui eut lieu en Haïti au début de 2004 et qui mena au départ de l’ancien Président Jean Bertrand Aristide en février 2004 et la mise sur pied du présent Gouvernement de transition.  Par conséquent, les objectifs de cette visite incluaient l’établissement de contacts avec des fonctionnaires du nouveau gouvernement transitoire, l’obtention d’informations concernant l’état de protection des Droits de l’Homme en Haïti et la planification de ses activités futures dans le pays. La Commission a présenté un séminaire sur le système Interaméricain des Droits de l’Homme avec des fonctionnaires de divers ministères et agences  gouvernementales.

 

5.         La Commission exprime sa gratitude pour l’hospitalité, la participation, la coopération,  les installations fournies par le Gouvernement haïtien et les organisations non gouvernementales, les institutions de la société civile et les organisations internationales, notamment à la Mission Spéciale de l’OEA dans le cadre de cette visite.

 

6.         Pendant son séjour en Haïti, la Commission a rencontré des représentants du Gouvernement haïtien de transition, des membres de la société civile, et de même que des organisations internationales.  La Commission s’est réunie avec le Président de la République, M. Boniface Alexandre, le Premier Ministre, M. Gérard Latortue, le Ministre des Affaires Étrangères et des Cultes, M. Yvon Siméon, le Ministre de la Justice et de la Sécurité Publique, M. Bernard Gousse, le Ministre de l’Intérieur, M. Hérald Abraham, la Ministre de la Condition Féminine et des Droits de la Femme, Mme Adeline Magloire Chancy, le Directeur Général de la Police Nationale d’Haïti, M. Léon Charles, ainsi que le Protecteur du Citoyen, M. Necker Dessables. La Commission s’est  également entretenue avec des représentants de divers secteurs de la société civile, notamment des organisations non gouvernementales présentant des points de vue différents, avec des associations d’avocats, de juges et de magistrats.  La Commission s’est aussi réunie avec le chef de la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation d’Haïti (MINUSTAH), M. l’Ambassadeur Juan Gabriel Valdes, d’autres représentants de la MINUSTAH, de même que des représentants du Haut Commissariat des Nations pour les Droits de l’Homme.

 

            7.         Pendant sa visite, la Commission a pris note des événements difficiles qui se sont produits en Haïti en février et mars 2004, lorsque des groupes armés se sont engagés dans une rébellion violente contre le Gouvernement de l’ancien Président Aristide. Lors de ces événements, la Commission avait dénoncé la violence en Haïti qui avait provoqué des pertes de vies, la détérioration de la situation humanitaire et les abus des Droits de l’Homme. La Commission  avait lancé un appel urgent à tous les groupes ayant recours à la violence, les enjoignant de régler leurs différends pacifiquement, démocratiquement et constitutionnellement, et ce conformément  à la Charte Démocratique Interaméricaine et la Convention Américaine Relative aux Droits de l’Homme.

 

8.         Dans ce contexte, les objectifs de la Commission durant cette visite ont été de recueillir des renseignements en vue de déterminer si –et, le cas échéant, comment- les droits fondamentaux de la population haïtienne sont actuellement garantis et respectés. Prenant en considération l’information obtenue, la Commission demeure préoccupée par le fait que plusieurs secteurs des Droits de l’Homme des Haïtiens sont affaiblis et menacés.  La Commission espère cependant que le Gouvernement, en collaboration étroite avec la communauté internationale, saura exploiter les circonstances présentes pour outre passer les difficultés du passé et de cheminer vers un futur qui assurera pleinement la démocratie, l’État de Droit et le respect des Droits de l’Homme.

 

La situation de sécurité en Haïti

 

9.         Selon les renseignements disponibles, la Commission est particulièrement préoccupée par l’état de la sécurité en Haïti où des groupes armés semblent contrôler la sécurité dans plusieurs secteurs du pays, particulièrement dans le Nord, où l’État n’assure pas la protection effective des habitants de ces régions.  Dans certains cas, ces groupes armés ont mené leurs activités en coopération avec ou au lieu de la police nationale. 

 

            10.       A cet égard, la Commission rappelle que l’État a l’obligation de garantir la sécurité de sa population et doit assurer le droit à la protection judiciaire, la CIDH estime qu’il est essentiel pour la stabilité future du pays que le Gouvernement haïtien, en collaboration avec la communauté internationale, prenne les mesures urgentes nécessaires au désarmement de ces groupes et au maintient de la sécurité du peuple haïtien, pour rétablir son contrôle dans toutes les régions du pays et garantir les droits fondamentaux des personnes à travers le pays. La Commission réitère sa position que les droits humains des personnes doivent être respectés durant le processus de rétablissement d’ordre et de sécurité dans le pays, et que toute violation des Droits de l’Homme doit faire l’objet d’enquêtes, de poursuites judiciaires et de sanctions, peu importe leur auteur.

 

Administration de la justice et impunité

 

            11.       La Commission est également préoccupée par les faiblesses de l’administration de la justice, dont certaines existaient avant la mise sur pied du Gouvernement de transition, et qui a été un souci de longue date de la Commission. Selon les sources disponibles, le système de justice demeure inadéquat et continu d’accuser des déficiences fondamentales.  Parmi les lacunes qui continuent d’affliger le système judiciaire, il faut noter un manque de ressources pour les juges, les magistrats, les tribunaux et la police, de même que des violations fréquentes du droit aux garanties judiciaires, dont des instances de détention préventive prolongée d’individus sans que ceux-ci soient amenés devant un juge.  Par ailleurs la Commission fut informée, pendant sa visite, que les forces policières sont constituée d’environ 3000 agents pour une population totalisant plus de 8 millions d’habitants. 

 

12.       La Commission fut informée que l’État entreprenait adopter des mesures pour répondre à quelques-unes de ces préoccupations, par exemple, au moyen de l’élaboration d’une législation qui placerait dorénavant l’administration des tribunaux (nomination, promotion, discipline) sous la juridiction d’un organe indépendant et non plus sous la supervision du Ministère de la Justice.   De plus, il fut indiqué à la Commission que les juges et les magistrats avaient obtenus des augmentations de salaire et que,  bien que ces augmentations puissent être insuffisantes, ces mesures constituent un premier pas vers l’amélioration de l’administration de la justice dans le pays.  La Commission fut également informée que le Gouvernement prévoit, à court terme et long terme, recruter et former plusieurs policiers supplémentaires.  L’État espère voir accroître la force policière de 1,500 nouveaux officiers avant les élections prévues pour l’année prochaine, pour atteindre un total de 12,000 membres grâce à l’addition de nouveaux membres formés pendant les prochaines années.  De plus, le processus de sélection des nouveaux recrus ne permet pas l’admission de candidats ayant été associés à des violations des Droits de l’Homme passées. La formation en droits humains est un des éléments essentiels de l’éducation des policiers.  La Commission encourage ces initiatives et souligne le besoin pour l’État, avec l’appui de la communauté internationale, de prendre des mesures pour remédier ces problèmes et d’autres précédemment identifiés et affectant le système judiciaire.

 

13.       En lien avec les faiblesses de l’administration de la justice en Haïti est le persistant problème de l’impunité liée aux violations passées des Droits de l’Homme. La Commission continue de recevoir, dans certains cas, des rapports portant sur le manquement des autorités à leur obligation d’enquêter, d’instruire en justice et de sanctionner les violations des Droits de l’Homme, et, dans d’autres cas, des rapports portant sur l’initiation de poursuites pénales pour des raisons inappropriée ou politiques. En ce qui concerne ces allégations, la Commission désire réitérer l’importance du droit de toute personne aux garanties judiciaires et du droit d’être entendu par un juge ou tribunal compétent, impartial et indépendant, sans discrimination de toute sorte, dont celle fondée sur les opinions politiques.

 

            14.       Des allégations ont été présentées devant la Commission concernant le traitement d’individus particuliers par le système judiciaire haïtien, dont le procès d’anciens paramilitaires et policiers.  Plus précisément dans le cadre du procès de Louis Jodel Chamblain et Jackson Joannis pour le meurtre d’Antoine Izméry, et dont l’arrestation et la détention d’anciens ministres du gouvernement antérieur, dont M. Yvon Neptune et M. Jocelerme Privert,  que la Commission a rencontré au Pénitencier National pendant sa visite au pays.  À ce sujet la Commission tient à réitérer ses préoccupations exprimées antérieurement dans le précédant communiqué de presse de la CIDH  No. 17-04 portant sur l’obligation du gouvernement de mettre fin à l’impunité par l’entremise de procédures qui sont conformes aux standards internationaux, de même que par le respect du droit de toute personne aux garanties judiciaires et du droit d’être entendu par un juge ou tribunal compétent, impartial et indépendant, sans aucune forme de discrimination.  De plus, la Commission souligne que même si les procédures judiciaires se conforment au droit interne, l’État a le devoir d’assurer que l’enquête, la poursuite et la punition des violations des Droits de l’Homme se fassent en accord avec les normes internationales.  De plus, la Commission insiste sur l’obligation de l’État en vertu de l’article 54 des Règles de la Commission, de n’exercer aucune mesure de représailles contre les personnes ou organisations qui fournissent des renseignements ou effectuent une déposition devant la Commission.

 

15.       De plus, la Commission a reçu des informations et des rapports alléguant la perpétration d’actes de violence contre des individus en raison de leur affiliation ou de la perception de leur affiliation avec l’ancien Président Aristide et son parti politique, particulièrement pendant la période qui a immédiatement suivi le départ de celui-la.  La CIDH a également reçu  des informations relativement à des actes de violence qui, selon ces allégations, auraient été commis par des sympathisants de président précédent, dont un récent incident pendant lequel le Secrétaire d’État aux Affaires Étrangères de la France fut attaqué lors de la visite d’un hôpital à Cité du Soleil.  A ce sujet, la Commission dénonce des incidents de cette nature et désire souligner l’obligation de l’État d’enquêter des allégations sérieuses de cette nature et lorsque établies, de poursuivre et de punir les responsables.

 

La situation de groupes vulnérables

 

16.       Pendant sa visite, la Commission a également pris note des conditions de groupes tout particulièrement visés par les travaux de la Commission, notamment les femmes, les enfants et les défenseurs des Droits de l’Homme. Selon l’information reçue, le viol de femmes et de jeunes filles commis par des groupes armés et des bandits, parmi tant d’autres, constitue toujours un problème sérieux en Haïti. Il est également allégué que des enfants ont été victimes de travail forcé, d’enlèvements et de violence perpétrée par des groupes armés et ils sont fréquemment détenus en prison avec des adultes.  La CIDH réitère la nécessité que l’État prenne des mesures concrètes pour éviter ce type de comportement, dont l’enquête, l’instruction judiciaire effective et la poursuite de plaintes portant sur ce type d’actes. Par ailleurs, le Ministère de la Condition Féminine a informé la Commission de ses efforts pour encourager des initiatives de réforme judiciaire relativement aux besoins des femmes, dont la proposition de faire du viol un crime en vertu du droit haïtien, de même que des efforts pour encourager le développement des groupes de femmes dans les régions d’Haïti.

 

17.       De plus des allégations ont été présentées devant la Commission concernant le traitement des défenseurs des Droits de l’Homme qui continuent d’être victimes de harcèlement et de menaces.  A plusieurs occasions, la Commission a mis l’accent sur les actes de coercition de cette nature qui, s’ils demeurent impunis, placent les défenseurs des Droits de l’Homme dans une situation vulnérable, les empêchant effectivement de réaliser leur travail. Par conséquent, la Commission exhorte le gouvernement de mettre en place des moyens effectifs de répondre à ce type de plaintes et de prévenir des incidents de cette nature.

 

18.       Les préoccupations identifiées par la Commission doivent être abordées à la lumière des conditions de vie difficiles en Haïti, où des problèmes fondamentaux comme l’extrême pauvreté, le haut taux d’analphabétisme et de malnutrition qui continuent de priver les Haïtiens de leurs droits économiques, sociaux et culturels et, en même temps, d’exacerber les conséquences de la négation des droits civils et politiques.  La Commission reconnaît que ceci constitue un défi considérable pour l’État haïtien et fait appel l’État, en coopération avec tous les secteurs de la société et avec l’appui de la communauté internationale, à mettre sur pied et à appliquer un plan de développement pour répondre aux besoins économiques et sociaux fondamentaux de chaque Haïtien.

 

Considérations finales

 

19.       Lors de leurs rencontres avec la Commission, les représentants du Gouvernement de  transition ont exprimé leur ferme intention de faire de la protection des Droits de l’Homme le point central de leur travail.  Par exemple, le Premier Ministre a indiqué à la Commission qu’il voulait mettre fin à la pratique selon laquelle les fonctionnaires gouvernementaux haïtiens peuvent être empêchés de quitter le pays sans autorisation.  La Commission espère poursuivre un dialogue futur avec le Gouvernement sur ce sujet et les autres efforts qui seront déployés pour l’avancement des Droits de l’Homme.

 

20.       Sur la base de l’information recueillie pendant sa visite, la Commission demeure préoccupée par la situation politique précaire d’Haïti ainsi que par les problèmes sérieux que l’État continue d’éprouver dans la protection des Droits de l’Homme.   Par contre, la Commission espère que le Gouvernement présent, en coopération étroite avec la communauté internationale, saisira cette opportunité pour passer outre les difficultés du passé et amener Haïti à cheminer pleinement vers un État de Droit, à la démocratie et au respect des Droits de l’Homme.

 

21.       La Commission insiste sur l’importance des élections en Haïti, prévues pour 2005, qui permettront d’établir une plus grande stabilité pour l’avenir du pays.  Tous les efforts devraient entre déployées pour assurer la tenue d’élections libres et justes dans un futur proche, en accord avec les provisions de la Charte Démocratique Interaméricaine et la Convention Américaine des Droits de l’Homme.  En ce qui concerne ce défi, de même que tous les autres que le peuple haïtien devra affronter, la Commission appelle la Communauté internationale à fournir l’appui et l’assistance nécessaires pour permettre aux Haïtiens de cheminer vers un futur plus prospère.

 

22.       La Commission continuera à suivre de près l’évolution de la situation des Droits de l’Homme en Haïti et elle réitère qu’elle est prête à collaborer avec le Gouvernement haïtien et la société haïtienne en général pour renforcer la défense et la protection des Droits de l’Homme.

 

Washington, D.C.  7 septembre 2004