DECLARATION AMERICAINE DES DROITS
ET DEVOIRS DE L'HOMME

(Adopté à la Neuvième Conférence Internationale Américaine,
Bogota, Colombia 1948)

       La IXème Conférence Internationale Américaine,

CONSIDERANT:

       Que les peuples américains ont élevé à l'état de dignité la personne humaine et qu'il est reconnu dans leurs constitutions nationales que les institutions juridiques et politiques qui régissent la vie en société, ont comme but principal la protection des droits essentiels de l'homme et la création de conditions permettant son progrès spirituel et matériel et la réalisation de son bonheur;

       Qu'à plusieurs reprises, les Etats américains ont reconnu que les droits essentiels de l'homme n'ont pas leur origine dans le fait que celui-ci est ressortissant d'un Etat déterminé, mais reposent avant tout sur les attributs de la personne humaine;

       Que la protection internationale des droits de l'homme doit servir de guide principal au droit américain en évolution;

       Que la consécration américaine des droits essentiels de l'homme, alliés aux garanties offertes par le régime intérieur des Etats, constitue le système initial de protection considéré par les Etats américains comme approprié aux conditions juridiques et sociales actuelles, compte tenu de la nécessité de la renforcer toujours davantage dans le domaine internatio­nal, à mesure que les circonstances seront plus propices,

DECIDE:

       D'adopter la suivante

DECLARATION AMERICAINE DES DROITS ET DEVOIRS DE L'HOMME

Préambule

       Tous les hommes naissent libres et égaux du point de vue de leur dignité et de leurs droits, et comme ils sont dotés par la nature de raison et de conscience, ils doivent se conduire fraternellement, les uns envers les autres.

       L' accomplissement du devoir de chacun est une condition préalable au droit de tous.  Droits et devoirs se complètent corrélativement, dans toutes les activités sociales et politiques de l'homme.  Si les droits exaltent la liberté individuelle, les devoirs expriment la dignité de cette liberté.

       Les devoirs d'ordre juridique en présupposent d'autres, d'ordre moral, dont la conception et les fondements sont identiques.

       Comme la vie spirituelle est la fin suprême de l'humanité et sa plus haute catégorie, l'homme a pour devoir de servir l'esprit, de toutes ses forces et de toutes ses ressources.

       Comme la culture, du point de vue social et historique, est la plus haute manifestation de l'esprit, l'homme a pour devoir de se cultiver, d'entretenir et d'encourager la culture, par tous les moyens dont il dispose.

       Enfin, puisque la morale et les bonnes moeurs constituent les fruits les plus nobles de la culture, l'homme a pour devoir de toujours les vénérer.

CHAPITRE PREMIER

Droits

       Article I.  Tout être humain a droit à la vie, à la liberté, à la sécurité et à l'intégrité de sa personne.

 

 

Droit à la vie, à la liber­té, à la        sécurité et à la integrité de la        personne..

       Article II. Toutes les personnes, sans distinction de race, de sexe, de langue, de religion ou autre, sont éga­les devant la loi et ont les droits et les devoirs consacrés dans cette décla­ration.

 

 

Droit d'égalité devant la loi.

       Article III. Toute personne a le droit de professer librement une croyan­ce religieuse, de la manifester et de la pratiquer en public ou en privé.

 

 

Droit à la liberté de reli­gion et de        culte.

       Article IV. Toute personne a droit à la liberté d'investigation, d'opinion, d'expression et de diffusion de la pen­sée par n'importe quel moyen.

 

 

Droit à la liberté d'inves­tigation,        d'opinion, d'ex­pression et de        diffusion.

       Article V. Toute personne a droit à la protection de la loi contre les atta­ques abusives contre son honneur, sa réputation et sa vie privée et familia­le.

 

 

Droit à la protection de l'honneur,        de la réputation personnelle et de la vie privée et familiale.

       Article VI. Toute personne a le droit de fonder une famille, élément fondamental de la société, et de rece­voir protection en sa faveur.

 

 

Droit de fonder une famille et droit à la protection de la famille.

       Article VII. Toute femme enceinte ou nourrissant un enfant et tout enfant ont droit à la protection, à des soins et à une aide spéciale.

 

 

Droit à la protection de lamaternité et de l'enfance.

       Article VIII. Toute personne a le droit de fixer sa résidence sur le ter­ritoire de l'Etat don’t elle est ressor­tissante, d'y circuler librement et de ne le quitter que de sa propre volonté.

 

 

Droits de résidence et de        déplacement.

       Article IX. Toute personne a droit à l'inviolabilité de son domicile.

 

 

Droit à l'inviolabilité du domicile.

       Article X.  Toute personne a droit à l'inviolabilité et à la libre circula­tion de sa correspondance.

 

 

Droit à l'inviolabilité et à la libre        circulation de la correspondance.

       Article XI.  Toute personne a droit à ce que sa santé soit préservée par des mesures sanitaires et sociales, en ce qui concerne l'alimentation, l'habilble­ment, le logement et les soins médicaux, qui seront établies proportionnellement aux ressources publiques et à celles de la communauté.

 

 

Droit à la préservation de la santé        et au bien être.

       Article XII.  Toute personne a droit à l'éducation, laquelle doit être basée sur les principes de liberté, de mora­lité et de solidarité humaine.

       De même, elle a droit à ce qu'on la prépare, au moyen de cette éducation, à une existence digne et à ce qu'on lui permette d'améliorer son niveau de vie et son utilité vis-à-vis de la société.

       Le droit à l'éducation comprend celui de l'égalité d'opportunités dans tous les cas, conformément aux dons na­turels, aux mérites et au désir de l'in­dividu de profiter des avantages qui lui sont offerts par la communauté et l'E­tat.

       Toute personne a le droit de rece­voir gratuitement, et pour le moins, l'instruction primaire.

 

 

Droit à l'éducation.

       Article XIII.  Toute personne a le droit de prendre part à la vie cultu­relle de la communauté, de jouir des arts et de bénéficier des résultats du progrès intellectuel et notamment des découvertes scientifiques.

       De même elle a droit à la protection des intérêts moraux et matériels qui découlent des inventions ou des oeuvres littéraires, scientifiques ou artisti­ques, dont elle est l'auteur.

 

 

Droit aux bienfaits de la culture.

       Article XIV. Toute personne a droit au travail dans des conditions dignes et celui de suivre librement sa vocation, lorsque les conditions d'emploi le per­mettent.

       Toute personne qui travaille a le droit de recevoir une rémunération en rapport avec sa capacité ou son habilité et lui assurant un niveau de vie conve­nable, à elle et à sa famille.

 

 

Droit au travail et à une juste        rémunération.

       Article XV. Toute personne a droit au repos, à des loisirs honnêtes et doit avoir la possibilité d'employer utile­ment son temps, libre au profit de son perfectionnement spirituel, culturel et physique.

 

 

Droit au repos et à l'utili­sation        des heures de loisir.

       Article XVI.  Toute personne a droit à l'assurance sociale qui la protège contre les conséquences du chômage, de la vieillesse et de l'incapacité resul­tant d'une cause quelconque indépendante de sa volonté, la rendant physiquement ou mentalement incapable de subvenir à ses moyens d'existence.

 

 

Droit à l'assurance sociale.

       Article XVII.  Toute personne a droit à être reconnue partout comme su­jette à des droits et obligations et à jouir des droits civils fondamentaux.

 

 

Droit à la reconnaissance de la        personnalité juridique et des        droits civils.

       Article XVIII.  Toute personne peut recourir aux tribunaux pour faire valoir ses droits. De même, il doit exister une procédure simple et rapide qui permette à la justice de la protéger contre les actes de l'autorité violant, à son pré­judice, certains droits fondamentaux reconnus par la constitution.

 

 

Droit à la justice.

       Article XIX.  Toute personne a droit à la nationalité qui lui revient légale­ment et de la changer si elle le désire contre celle de n'importe quel autre pays disposé à la lui accorder.

 

 

Droit à la nationalité.

       Article XX.  Toute personne capable du point de vue civil, a le droit de participer au gouvernement de son pays, directement ou par  l'intermédiaire de ses représentants, et de prendre part aux élections populaires honnêtes, pé­riodiques et libres faites au scrutin secret.

 

 

Droit de suffrage et de participation au gouvernement.

       Article XXI.  Toute personne a le droit de se joindre paisiblement, en réunion publique ou en assemblée tempo­raire, à d'autres personnes ayant les mêmes intérêts, quelle qu'en soit la nature.

 

 

Droit de réunion.

       Article XXII. Toute personne a le droit de s'associer avec d'autres afin de favoriser et protéger ses intérêts légitimes, d'ordre politique, économi­que, religieux, social, culturel, pro­fessionnel, syndical ou autre.

 

 

Droit d'association.

       Article XXIII.  Toute personne a droit à la propriété privée pour satis­faire aux nécessités essentielles d'une vie décente, qui contribue à maintenir sa dignité et celle de son foyer.

 

 

Droit de propriété.

       Article XXIV.  Toute personne a le droit de présenter des pétitions respec­tueuses à n'importe quelle autorité com­pétente, pour des raisons d'intérêt gé­néral ou d'intérêt particulier et d'ob­tenir une décision rapide.

 

 

Droit de pétition.

       Article XXV.  Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas et selon les formes établies par les lois existantes.

       Nul ne peut être emprisonné pour n'avoir pas accompli des obligations do caractère exclusivement civil.

       Tout individu qui a été privé de sa liberté a droit à ce que le juge vérifie immédiatement la légalité de cette me­sure et à être jugé sans retard ou, dans le cas contraire, à être mis en liberté.  Il a également droit à un traitement humain au cours de sa détention.

 

 

Droit de protection contre la        détention arbitraire.

       Article XXVI.  Tout accusé est cons­ideré innocent jusqu'au moment où sa culpabilité est prouvée.

       Toute personne accusée de délit, a le droit de se faire entendre en au­dience impartiale et publique, d'être jugée par des tribunaux antérieurement établis en vertu des lois déjà existan­tes, et à ne pas se voir condamner à des peines cruelles, dégradantes ou inusi­tées.

 

 

Droit au procès régulier.

       Article XXVII.  Toute personne a droit de chercher et de recevoir asile en territoire étranger, en  cas de per­sécution non motivée par des délits de droit commun, et conformément à la lé­gislation de chaque pays et aux accords internationaux.

 

 

Droit d'asile.

       Article XXVIII.  Les droits de cha­que homme sont limités par les droits des autres, par la sécurité de tous et par les justes exigences du bien-être général et du développement de la démo­cratie.

 

Portée des droits de l'homme.


CHAPITRE DEUX

Devoirs

       Article XXIX.  Toute personne a le devoir d'entretenir avec ses semblables des relations permettant à chacun, comme à tous, de former et développer intégra­lement sa personnalité.

 

 

Devoirs envers la société.

       Article XXX.  Toute personne a le devoir d'aider, de nourrir, d'éduquer et de protéger ses enfants mineurs, et les enfants ont le devoir de respecter à tout moment leurs parents et de les ai­der, de les nourrir et de les protéger en cas de nécessité.

 

 

Devoirs des enfants et des parents.

       Article XXXI.  Toute personne a le devoir d'acquérir, pour le moins, l'ins­truction primaire.

 

 

Devoir de s'instruire.

       Article XXXII.  Toute personne a le devoir de voter dans les élections popu­laires du pays dont elle est ressortis­sante, lorsque'elle est capable du point de vue civil à ce sujet.

 

 

Devoir de suffrage.

       Article XXXIII.  Toute personne a le devoir de se soumettre à la loi et aux autres dispositions légitimes des auto­rités du pays où elle se trouve.

 

 

Devoir d'obéissance à la loi.

       Article XXXIV.  Toute personne bonne pour le service a le devoir de rendre les services civils et militaires dont la Patrie aurait besoin pour sa défense et sa préservation et, dans le cas de calamité publique, de rendre les servi­ces dont elle est capable.

       Elle a de même le devoir de remplir les obligations d'élection populaire qui lui reviennent dans l'Etat dont elle est ressortissante.

 

 

Devoir de servir la commu­nauté et la nation.

       Article XXXV.  Toute personne est obligée de collaborer avec l'Etat et la communauté pour l'entraide et la sécu­rité sociales, selon ses possibilités et les circonstances.

 

 

Devoirs d'entraide et de sécurité        sociales.

       Article XXXVI.  Toute personne a le devoir de payer les impôts fixés par la loi pour le soutien des services publics de son pays.

 

 

Devoir de payer les impôts.

       Article XXXVII.  Toute personne a le devoir de travailler, dans la mesure de ses capacités et de ses possibilités, afin de se procurer les ressources né­cessaires à sa subsistance ou pour le bénéfice de la communauté.

 

 

Devoir de travailler.

       Article XXXVIII.  Toute personne a le devoir de s'abstenir de prendre part aux activités politiques qui, selon la loi, sont réservées aux citoyens de l'E­tat dans lequel elle réside comme étran­ger.

 

Devoir de s'abstenir d'activités        politiques en pays étranger.

 

DOCUMENTS DE BASE CONCERNANT LES DROITS
DE L'HOMME DANS LE SYSTÈME INTERAMÉRICAIN
[TABLE DES MATIÈRES]